Le 1er
juin, l'Assemblée nationale a autorisé le gouvernement français à
payer sa part d'un montant de 111 milliards d'euros au Fonds
européen de stabilité financière (FESF) de 750 milliards d'euros.
Il s'agit du fonds que les gouvernements de la zone euro se sont
accordés à mettre en place en mai afin de faire cesser la
spéculation contre l'euro et la possibilité de défauts souverains
de la part de la Grèce, du Portugal et de l'Espagne.
Cette
mesure a été votée à une majorité écrasante de 462 voix pour
et 33 contre. Le Parti socialiste(PS) , dans l'opposition, a voté
avec le parti conservateur au pouvoir UMP (Union pour un mouvement
populaire.) Les 25 députés du Parti communiste français (PCF) ont
voté contre, ainsi qu'une poignée de nationalistes de droite de
l'UMP.
Un alignement bipartite
similaire s'était produit le 3 mai lorsque l'Assemblée nationale
avait voté en faveur d'une contribution française de 16,8
milliards d'euros pour le prêt à la Grèce de l'UE-FMI d'un
montant de 110 milliards d'euros. La condition d'attribution de ce
prêt était l'imposition, par le premier ministre socialiste grec
George Papandreou, de baisses des salaires, des retraites et de
suppressions d'emplois draconiennes.
Le vote du FESF a été
confirmé par le Sénat le 3 juin par un vote tout aussi
déséquilibré de 309 voix contre 24. L'annonce de ce vote est
passée largement inaperçue dans les médias. Il est arrivé peu
après le vote du parlement allemand d'une contribution de 148
milliards d'euros pour le FESF le 21 mai.
Le ministre du budget
François Barouin a clairement fait comprendre que le gouvernement
ferait pression pour des coupes conséquentes des dépenses, allant
probablement jusqu'à introduire un amendement de la constitution
qui imposerait l'obligation d'un budget équilibré. Il a promis,
«Nous n'allons pas toucher aux impôts. » Il a ajouté, «Nous
devons maintenir notre AAA [cote de crédit], réduire notre
endettement pour éviter d'être trop dépendant des marchés, et
nous devons le faire dans la durée, d'où l'idée de la révision
constitutionnelle » nécessitant des budgets équilibrés.
Baroin a déclaré que les
plans de renflouement n'auraient aucune incidence sur les prévisions
selon lesquelles le déficit budgétaire de la France pour 2010
s'élèverait à 152 milliards d'euros.
Les plans de renflouement
du FESF sont une mesure réactionnaire de l'aristocratie financière,
proposée par elle et visant à défendre ses intérêts. Le FESF
n'annulera pas les dettes de la Grèce, de l'Espagne ni d'aucun
autre des pays actuellement ciblés par les marchés financiers,
mais va renflouer les principales banques internationales forçant
les pays lourdement endettés à procéder à davantage de coupes
sociales et à des remboursement encore plus importants de la dette
à l'avenir. Dans les pays plus riches, le coût de l'extension des
prêts va aussi aggraver les pressions visant à réduire les
budgets des Etats.
Ces mesures ont pour
dessein de mettre les pays endettés dans les clous des exigences du
Pacte de stabilité européen, connu aussi sous le nom de critères
de Maastricht. Ces exigences stipulent que le déficit budgétaire
d'un pays ne doit pas dépasser 3 pour cent de son produit intérieur
brut et que sa dette publique ne peut dépasser 60 pour cent du PIB.
En France, en admettant que le gouvernement ne devra jamais
emprunter d'argent pour financer le FESF, cela revient quand même à
une réduction budgétaire d'un montant de 100 milliards d'euros.
L'opposition
au FESF au parlement avait un caractère tout aussi nationaliste et
réactionnaire. Le député PCF Jean-Pierre Brard s'est lancé dans
une diatribe chauvine contre l'Allemagne appelant à ce que ce pays
prenne en charge la totalité du renflouement. Brard a comparé
l'Allemagne à « une pie voleuse » ajoutant
« L'Allemagne, du temps de la
tyrannie nazie, a pillé la Grèce. »
Il a conclu, «La France se grandirait
à exiger de l'Allemagne qu'elle paye ses dettes à la Grèce. »
Cela
revient tout simplement à proposer que, au lieu de piller la classe
ouvrière européenne toute entière, on devrait donner aux banques
le droit de ne piller que la classe ouvrière allemande.
Le
31 mai, le Spiegel
a publié un article intitulé « Les banquiers de la Banque
centrale allemande soupçonnent les Français d'intriguer »
détaillant les objections allemandes concernant la politique de la
Banque centrale européenne (BCE) d'acheter la dette du gouvernement
grec. Ceci permet aux créanciers du gouvernement grec, notamment
les principales banques françaises, d'échanger les obligations
grecques à risque qu'ils détiennent contre des billets fraîchement
imprimés par la BCE. Cette politique a aussi été largement
approuvée par les représentants français: le directeur de la BCE
Jean-Claude Trichet et le directeur du Fonds monétaire
international (FMI) Dominique Strauss-Kahn.
Le
Spiegel a
déclaré que la BCE a déjà acheté 26 milliards d'euros en
obligations gouvernementales et était en train d'acheter quelque 2
milliards de plus chaque jour. Néanmoins, les banques allemandes
auraient promis à Berlin de ne pas recourir au programme d'achat de
la BCE.
Disant
que les autorités allemandes « soupçonnent un complot
français » le Spiegel
écrit, « Cette politique fait effectivement de la BCE ce
qu'on appelle 'une mauvaise banque' (une banque qui achète des
avoirs toxiques comme moyen de venir en aide à d'autres
institutions,) malgré les protestations de son président. Le tas
d'obligations à haut risque dans le bilan de la BCE continue
d'augmenter. Le fait que la BCE maintienne artificiellement des prix
élevés encourage absolument les banques à se décharger de leurs
avoirs à risque sur la banque centrale. »
Le même jour, Axel Weber
et Mario Draghi, membres du conseil de la BCE qui dirigent
respectivement les banques centrales allemande et italienne, ont
aussi appelé à ce que cessent rapidement les achats de dette
gouvernementale par la BCE. Faisant allusion au risque d'inflation,
Weber a dit que ce programme comportait « des risques pour la
stabilité » et « doit être précisément ciblé et
limité. »
Draghi a dit que les
achats d'obligations par la BCE « devront cesser aussi
rapidement que possible, dès que les marchés reprendront
spontanément le commerce des obligations des pays impliqués. »
Lors d'une conférence de
presse à la Banque centrale autrichienne, Trichet a répliqué,
«Pour dire les choses clairement: nous n'imprimons pas de
billets. » Il a appelé à des coupes budgétaires
supplémentaires.