La
révulsion ressentie dans le monde entier devant le meurtre, le 31
mai dernier, par les forces armées israéliennes, de neuf militants
d'une flottille humanitaire de bateaux transportant des provisions
aux Palestiniens assiégés de Gaza, a été particulièrement forte
en France. La France compte la plus importante communauté musulmane
d'Europe, soit entre cinq et six millions de personnes,
principalement d'origine arabe.
Dix militants pacifistes
sur les 700 embarqués sur la flottille étaient de nationalité
française.
Quelque 70 000 personnes
ont défilé samedi dernier dans les grandes villes françaises.
D'autres manifestations ont suivi dimanche, pour poursuivre les
manifestations quotidiennes qui se déroulent depuis que la nouvelle
a été connue de l'atrocité perpétrée par Israël.
Les principales puissances
impérialistes sont consternées face à la perturbation potentielle
de l'équilibre géopolitique entre les Etats-Unis et les puissances
de l'Union européenne, du Moyen-Orient et d'Asie centrale. Le
convoi humanitaire était organisé par une ONG et son parrainage
par le gouvernement islamique turc soulève la possibilité d'un
face à face diplomatique, voire même militaire entre ces deux
pays.
De
ce fait, la réaction immédiate du président français, Nicolas
Sarkozy, face à l'assaut israélien contre la flottille
humanitaire, a été de condamner « l'usage
disproportionné de la force »
et d'appeler à reprendre les pourparlers de paix entre Israël et
la Palestine.
Le
commentaire du porte-parole de l'Elysée Frédéric Lefèbvre a été
moins diplomatique, exprimant la haine de l'impérialisme français
envers les luttes des masses arabes, une haine pétrie de souvenirs
de la guerre d'indépendance algérienne du joug de la France et
d'hostilité envers les travailleurs et les jeunes des quartiers
urbains français. Lefèbvre a condamné les « provocations »
de «ceux
qui se disent les amis des Palestiniens. »
Ni l'un ni l'autre n'ont
cependant mentionné les assauts militaires d'Israël, ni son blocus
depuis quatre ans contre le million et demi d'habitants de Gaza, et
qui prive la majorité de la population du nécessaire pour vivre.
Le
porte-parole du Parti socialiste (PS) Benoît Hamon a fait une
déclaration appelant les Etats-Unis à s'associer « à
une condamnation solennelle de l'opération, » déplorant
« l'usage de la force par Israël. »
Il a appelé à la nécessité d'« une
réponse internationale rapide qui (...) associe les Etats-Unis afin
de faire évoluer les positions du gouvernement israélien. »
Le parti au pouvoir, l'UMP (Union pour un mouvement populaire), et
le PS, parti de l'opposition, ont tous deux un long bilan de soutien
à Israël.
Le
ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner,
s'adressant à la presse dimanche après une réunion avec son
homologue britannique William Hague a proposé que «l'Union
européenne...les pays européens, contrôlent ce passage de façon
très stricte. »
Il a pris soin de démontrer qu'il n'a aucune objection quant à la
situation quasiment sans défense des gens de Gaza, soumis à des
bombardements incessants par l'armée israélienne, disant « Je
comprends la nécessité d'un contrôle sur les armes. »
Les deux ministres des
Affaires étrangères ont demandé à Israël d'accepter que soit
faite une enquête internationale sur le raid israélien du convoi
humanitaire.
Malgré la colère et les
sentiments de solidarité authentiques avec le peuple palestinien
exprimés par les manifestants en France, la politique des
organisateurs de la manifestation ne diffère d'aucune façon
significative de celle exprimée ci-dessus par les partis bourgeois
de la France et de la Grande-Bretagne.
La
manifestation parisienne de dimanche dernier était en grande partie
organisée par le parti petit-bourgeois Nouveau parti
anticapitaliste d'Olivier Besancenot. L'appel à soutenir la
manifestation parisienne de dimanche, affiché le 2 juin sur le site
du NPA et intitulé « Communiqué du collectif national pour
une paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens, »
en appelle à l'Union européenne pour qu'elle impose des sanctions
contre Israël.
En
droite ligne avec Hague et Kouchner, le collectif appelle à
« l'acheminement
de toute la cargaison humanitaire à Gaza sous contrôle
international. »
Leurs
appels à la « communauté internationale », qui n'est
autre principalement que les gouvernements impérialistes amis
d'Israël, ne tiennent pas compte du rôle essentiel de la classe
ouvrière palestinienne, israélienne et internationale, dans
l'opposition à la politique d'Israël et des puissances
impérialistes. Tandis que se poursuit le face à face entre Israël
et la Turquie, avec l'avantage pour Israël de jouir du soutien des
grandes puissances, ces organisations n'ont aucune perspective pour
assurer une fin à ce face à face qui soit favorable aux
Palestiniens. Cet appel a été soutenu par un grand nombre
d'organisations pacifistes petites-bourgeoises islamiques et
nationalistes et par le Parti communiste français (PCF) stalinien
et le Parti de Gauche (PG) de Jean-Luc Mélenchon.
Les efforts de tels partis
pour se présenter comme les défenseurs des droits des musulmans
sont particulièrement hypocrites, étant donné le rôle qu'ils ont
joué à attiser les préjugés anti-musulmans et le tout
sécuritaire par l'interdiction de la burqa en France. Le PCF et le
PG ont tous deux participé pleinement à la commission
parlementaire qui a préparé un projet de loi d'interdiction totale
du port de la burqa en France. Cela fait partie intégrante de la
campagne islamophobe du gouvernement sur l'identité nationale
visant à diviser la classe ouvrière et ainsi faciliter les plans
d'austérité draconiens qu'il impose et son intervention militaire
en Afghanistan au côtés de l'impérialisme américain.
Des reporters du WSWS ont
couvert la manifestation parisienne. Des membres du NPA et de Lutte
ouvrière (LO) y participaient et leurs dirigeants, Olivier
Besancenot et Nathalie Arthaud ont défilé en tête de cortège,
aux côtés de Pierre Laurent du PCF et de Mélenchon.
Paris, Place de la Bastille
Mélenchon
s'est retiré,
se plaignant de ce que des mouvements religieux avaient placé des
contingents dans la section de la manifestation réservée aux
partis politiques français. Des banderoles appelaient au boycott
d'Israël.
Des
jeunes des cités ouvrières et des immigrés des anciennes colonies
françaises portaient des drapeaux nationaux ainsi que les couleurs
et les drapeaux palestiniens. Des pancartes faites à la main
disaient « Libérez Gaza », « Non à la barbarie,
Non à la piraterie », « Sionistes, fascistes, Israël
est terroriste », « Retrait du blocus de Gaza »,
« Palestine vivra et vaincra. »
Des
sympathisants du WSWS ont distribué des tracts de l'article Le
massacre d'Israël en haute mer
(4juin) et se sont entretenus avec des manifestants.
Sylvain a dit, « Ce
n'est pas dans les intérêts du gouvernement de soutenir le peuple
palestinien. Les grandes entreprises ont toutes leurs intérêts du
côtés des Israéliens. C'est une puissance stratégique, c'est un
porte-avions pour les Américains. »
Il a poursuivi, « Ils
nous bassinent avec la burqa et l'identité nationale, comme ça on
ne parle pas de ce qui se passe réellement, les lois antisociales,
les acquis sociaux qu'ils sont en train de démolir. On divise pour
mieux régner. Le PS est incapable de défendre le peuple et les
travailleurs. Soit on défend les travailleurs, soit on défend les
monopoles; on ne peut pas faire les deux à la fois. »
Yassim, étudiant en
mathématiques a dit: « Les impérialismes français et
américain seront toujours d'accord avec les Israéliens. S'ils sont
amis, c'est juste pour le pétrole. Le jour où il n'y aura plus de
pétrole, ils cesseront d'être amis. Ca peut être combattu, mais
il faudra beaucoup de monde, des gens qui expriment leur révolte. »
Guillaume qui fait des
études d'audiovisuel a dit: « Sarkozy est lié au lobby
israélien en France, donc on n'aura pas de réponse du gouvernement
français en tant que telle, mais on espère au moins une réponse
du peuple. Moi personnellement, je n'attends rien de lui ou de DSK
[Dominique Strauss-Kahn, actuel président du Fonds monétaire
international et favori à la candidature PS à l'élection
présidentielle de 2012.] »
Il a ajouté, « Il
ne faut pas stigmatiser les Israéliens et les Juifs de France. Je
suis en totale solidarité avec les Israéliens qui luttent, la
grève de 24 heures des Israéliens arabes qui luttent contre
l'apartheid. »