Le gouvernement a annoncé sa réforme régressive des retraites mercredi
dernier après des mois de pourparlers avec les syndicats. Le président
Sarkozy a repoussé l'âge minimum légal de départ à la retraite de 60 à 62
ans. Cela se fera en allongeant la durée de la vie active de quatre mois par
an jusqu'en 2018.
L'âge de départ à la retraite sans décote quel que soit le nombre
d'annuités passera de 65 à 67 ans d'ici 2020. La réforme prévoit aussi
l'allongement de la durée de cotisation à 41,5 annuités au lieu des 40
actuelles pour jouir d'une retraite à taux plein. Le montant moyen actuel
des retraites est de 1 150 euros avant déduction des charges sociales. En
2007, l'INSEE estimait que près d'un million de retraités de 65 ans ou plus
(soit 10 pour cent de l'ensemble des retraités) vivent en dessous du seuil
de pauvreté qui se situe à 900 euros par mois.
La réforme attaque aussi les fonctionnaires qui verront à présent leur
contribution retraite augmenter pour atteindre le même taux que celle des
travailleurs du secteur privé, passant ainsi de 7,85 à 10,55 pour cent du
salaire brut. Le gouvernement insiste pour dire que des mesures drastiques
sont nécessaires pour faire face au déficit du système des retraites estimé
à 49 milliards d'euros d'ici 2020. Sarkozy a essayé de masquer ces attaques
contre les travailleurs en imposant des taxes mineures sur les riches et
leurs entreprises. Il propose la création d'un prélèvement d'un pour cent
sur la dernière tranche de l'impôt sur le revenu et l'augmentation d'un
point des prélèvements sur les plus-values de cessions mobilières.
L'impôt sur les stock options va passer de 10 à 14 pour cent pour les
employeurs et de 2,5 à 8 pour cent pour les employés. Feignant l'inquiétude
pour les plus mal lotis, le gouvernement déclare que les travailleurs
souffrant de maladies ou d'accidents liés au travail pourront continuer à
prendre leur retraite à 60 ans. Les femmes verront à présent l'indemnité
journalière perçue pendant le congé maternité intégrée dans le salaire de
référence pour le calcul des droits de retraite. Cela améliorera à peine le
sort des femmes dont la retraite moyenne s'élève à 990 euros.
La gauche bourgeoise et les syndicats sont en train d'adopter une pose
trompeuse et fausse d'opposition aux mesures de Sarkozy qu'ils soutiennent.
Le Parti socialiste (PS) a qualifié la réforme d' « injuste. » François
Hollande, ancien premier secrétaire a dit que ces mesures avaient pour but
d' « envoyer un signal aux marchés et aux partenaires européens. » Néanmoins
le propre document du PS sur les retraites montre qu'ils ont peu de points
de réelle divergence avec les mesures de Sarkozy. Le PS propose aussi uneaugmentation de la durée de cotisation. La première secrétaire du PS
Martine Aubry avait appelé en janvier dernier à l'allongement de l'âge
minimum légal de départ à la retraite à 62 ans.
La réaction des syndicats a été tout aussi peu convaincante. François
Chérèque, secrétaire général de la CFDT (Confédération française
démocratique du travail), proche du PS, a dit, « C’est une réforme injuste à
court terme, quasiment une provocation(…) un mauvais coup pour toutes les
générations et ce sont les jeunes qui vont payer la note (…) Je m’attendais
à un peu plus de sérieux du gouvernement. »
La CGT (Confédération générale du travail), proche du Parti communiste
stalinien, a publié un communiqué de presse qui semblait plus hostile.
« C’est une réforme brutale pour un recul social sans précédent….Pour la
CGT, c’est évident, cette réforme doit être résolument combattue. »
La réalité c'est que ces deux syndicats, tout comme les syndicats plus
petits, ont empêché tout mouvement de masse des travailleurs pour s'opposer
à ces réformes. Ces réformes sont connues depuis longtemps, période durant
laquelle les syndicats ont négocié les détails à huis-clos avec l'Etat et
les patrons. La réponse des syndicats à la réforme de Sarkozy a consisté à
appeler une fois de plus à une protestation d'une journée le 24 juin pour
« une réforme juste et équitable, » puis plus rien jusqu'en septembre date à
laquelle le gouvernement va présenter la loi devant l'Assemblée nationale.
Depuis l'arrivée au pouvoir du président Sarkozy, la position des
syndicats est de travailler avec le gouvernement pour précisément faire
payer les travailleurs pour la crise et rendre le capitalisme français plus
compétitif. La réforme des retraites fait partie de la politique d'austérité
suite au renflouement des banques.
Le premier ministre Fillon a annoncé la semaine dernière qu'il réduira le
déficit public de 100 milliards d'euros d'ici 2013 afin de se conformer à
l'exigence de l'Union européenne d'un déficit n'excédant pas 3 pour cent du
PIB. Des coupes budgétaires de 45 milliards d'euros dans les dépenses sont
prévues pour réduire le déficit, le reste viendra de l'augmentation des
recettes d'impôts « après la crise » venues d'une supposée reprise
économique et appelées «des pertes de recettes conjoncturelles. »
Mais le gouvernement est conscient que cette vision optimiste des
tendances de l'économie est un voeu pieux. Cette vision a été contredite
récemment dans une interview au Spiegel de Jean-Claude Trichet,
directeur de la Banque centrale européenne: «Il n'y a aucun doute que
l’économie se trouve dans la situation la plus difficile depuis la Seconde
guerre mondiale, voire la Première. »
La réalité économique est délibérément ignorée par les syndicats et les
socio-démocrates dont la confiance dans l'avenir du capitalisme est
étroitement liée à leur détermination à faire des travailleurs les victimes
de la crise. En cela le PS n'a récemment eu aucun état d'âme à voter pour le
plan de renflouement de Sarkozy pour la Grèce, plan lié à une politique
d'austérité et d'attaques contre les retraites et les emplois des
travailleurs grecs.
Lors de la conférence syndicale annuelle de la CFDT le 11 juin, Chérèque
a contré avec virulence une motion appelant à s'opposer à tout allongement
de la période de cotisation et a reçu le soutien majoritaire des délégués.
Le dirigeant de la CGT Bernard Thibault était un invité chaleureusement
accueilli. Il n'a exprimé aucune opposition à la position adoptée par la
direction de la CFDT.
Ces deux syndicats sont tous deux responsables d'avoir encouragé Sarkozy
à aller plus loin dans ses attaques contre les retraites du fait de leurs
trahisons des grèves de 2003 et 2007. La CFDT avait accepté l'alignement de
la période de cotisation des travailleurs du secteur public sur celle du
secteur privé en 2003. En 2007, la CGT avait saboté la grève des cheminots
qui défendaient leurs droits de retraite.
La collaboration des syndicats qui acceptent que les travailleurs fassent
des sacrifices pour éviter la faillite de l'Etat est à présent exploitée par
tous les gouvernements européens, à commencer par la Grèce. Cependant, il y
a des signes dans la classe ouvrière que la colère et l'opposition montent.
Un sondage BVA du 10 juin révèle que 53 pour cent des électeurs de gauche
jugent que l'action des syndicats n'a aucun impact sur la réforme des
retraites. A la question de savoir quel type d'action serait nécessaire pour
défendre les retraites, 67 pour cent des sondés ont répondu qu'une grève
générale était nécessaire.