Le 13 mars, le Bureau de l'information
chinois du Conseil d'État publiait un rapport intitulé : « Le dossier
des droits de l'homme aux États-Unis en 2009 ».
Ce document était clairement destiné à
réfuter le rapport annuel du département d'État américain sur le respect des
droits de l'homme pour 2009, publié deux jours plus tôt.
Le rapport chinois souligne légitimement
que le gouvernement des Etats-Unis « publie année après année des rapports
sur les droits de l'homme pour accuser d'autres pays, et utilise la question
des droits de l'homme à des fins politiques pour s'ingérer dans les affaires
internes des autres pays, diffamer leur image et avancer ses propres intérêts
stratégiques. Cela expose complètement son double standard en matière de droits
de l'homme... »
Administrer au gouvernement des Etats-Unis
une dose bien méritée de sa propre médecine n'absout pas pour autant le régime
chinois de ses violations flagrantes des droits de l'homme. Il gouverne de
manière autocratique sur une population de 1,3 milliard de personnes, la
plupart étant des paysans désespérément pauvres et des travailleurs très exploités.
Ceci étant dit, le rapport chinois est un document
révélateur –sobre, parfois même subtil, basé sur des faits tirés
entièrement de source gouvernementale et médiatique des Etats-Unis, chaque
élément étant soigneusement documenté. Il donne un portrait des Etats-Unis du
21e siècle conforme à celui vu par la plupart du monde, un portrait contrastant
de façon éclatante avec la mythologie officielle et la propagande médiatique
américaine.
C'est sans surprise que ce rapport est
passé inaperçu dans les médias de masse aux Etats-Unis. Le rapport de 14 pages
est divisé en six sections principales : la vie, la propriété et la
sécurité personnelle ; les droits civiques et politiques ; les droits
économiques, sociaux et culturels ; la discrimination raciale ; les
droits des femmes et des enfants ; la violation des droits de l'homme par
les Etats-Unis contre les autres nations. Le portrait cumulatif en est un
d'une société en profonde crise qui va en s'aggravant.
Quelques statistiques et faits cités sur la
violence et la répression policière aux Etats-Unis :
Chaque année, 30.000 personnes meurent
dans des incidents impliquant une arme à feu.
Il y a eu 14.180 meurtres l'an dernier.
Dans les dix premiers mois de 2009, 45
personnes ont été tuées en raison de l'utilisation du Taser par la police,
le total s'élevant à 389 pour la décennie.
L'an dernier, 315 policiers de la ville
de New York ont été soumis à une supervision interne suite à une
« utilisation incontrôlée de la violence ».
7,3 millions d'Américains sont sous la
juridiction des autorités du système correctionnel, plus que tout autre
pays.
60.000 prisonniers, selon les
estimations, ont été violés en détention l'an dernier.
Sur les droits démocratiques, le rapport
note l'espionnage gouvernemental omniprésent de sa population, autorisé en
vertu du Patriot Act, le vaste réseau de surveillance d'Internet par l'Agence
de sécurité nationale (NSA), et le harcèlement policier contre les manifestants
antimondialisation à Pittsburgh l'an dernier lors du sommet du G-20. Soulignant
l'hypocrisie de la rhétorique du gouvernement des Etats-Unis sur les
« droits de l'homme », les auteurs observent que « la même
conduite dans d'autres pays aurait été dénoncée comme étant une violation des
droits de l'homme, alors qu'aux États-Unis cela est présenté comme un contrôle
nécessaire du crime ».
Le rapport ne fait qu'effleurer le problème
de la crise socioéconomique aux Etats-Unis, notant un niveau record de chômage,
de pauvreté, de famine et de sans-abris, ainsi que 46,3 millions de personnes
sans assurance-maladie. Il offre quelques faits rarement discutés dans les
médias américains : 712 personnes ont été incinérées aux frais du public
dans la ville de Los Angeles parce que les familles étaient trop pauvres pour payer
l'enterrement. Il y a eu 5.657 morts au travail en 2007, la dernière année pour
laquelle des données sont disponibles, soit un taux de 17 décès par jours (pas
un seul employeur n'a été accusé au criminel pour ces ces morts). Quelque 2.266
vétérans sont morts des conséquences d'un manque d'assurance-maladie en 2008, 14
fois le nombre de soldats tués en Afghanistan cette année.
Le rapport démontre l'existence d'une
discrimination raciale omniprésente contre les Noirs, les hispanophones et les
Amérindiens, les sections les plus opprimées de la classe ouvrière. Ce phénomène
s'exprime aussi par un nombre record de plaintes de discrimination raciale à
l'embauche, soit plus de 32.000. Le rapport note également le nombre croissant
d'incidents de discrimination ou de violence contre les musulmans, et la
détention de 300.000 immigrants « illégaux » chaque année, 30.000
immigrants se retrouvant dans un centre de détention chaque jour de l'année.
Le rapport note que l'Etat de Californie a
imposé des sentences de prison à vie 18 fois plus souvent à des noirs qu'à des
blancs, et que, en 2008, lorsque la police de New York fait usage d'une arme à
feu, 75 pour cent des cibles sont noires, 22 pour cent hispaniques et seulement
3 pour cent blanches.
Le rapport fait référence à la réalité bien
connue de l'iniquité salariale pour les femmes, avec un salaire médian à
seulement 77 pour cent de celui des hommes, par rapport à 78 pour cent en 2007.
Selon le rapport, 70 pour cent des femmes en âge de travailler n'ont pas
d'assurance-maladie, ou ont une couverture inadéquate, des factures ou des dettes
élevées reliées à des questions de santé.
Les enfants sont de loin les plus durement
touchés par la misère économique, 16,7 millions d'enfants ayant manqué de
nourriture à un certain moment durant l'année 2008, et 3,5 millions d'enfants
de moins de 5 ans souffrant de la faim et de la malnutrition, soit 17 pour cent
au total. La faim chez les enfants est combinée à un autre phénomène malsain,
celui du travail endémique des enfants dans l'agriculture : quelque 400.000
enfants font du travail de cueillette. Les Etats-Unis sont également les
premiers au monde dans l'emprisonnement des enfants et des mineurs, et le seul
pays qui n'offre pas de liberté conditionnelle aux contrevenants juvéniles.
La politique étrangère américaine est
également l'objet de critiques justifiées. Un pays avec autant de pauvres et
d'affamés compte pour près de 42 pour cent du total des dépenses militaires
mondiales, un colossal 607 milliards de dollars, et il est le premier marchand
d'armes mondial, avec des ventes internationales de 37,8 milliards de dollars
en 2008, une augmentation de près de 50 pour cent par rapport à l'année
précédente.
Le rapport chinois mentionne également les
preuves documentées de la torture des prisonniers en Afghanistan, en Irak et a
Guantanamo Bay, le réseau mondial de bases militaires américain, l'embargo
américain de Cuba (opposé par l'Assemblée générale de l'ONU par un vote de 187
contre 3), et l'espionnage systématique du globe par les Etats-Unis avec le
système d'interception NSA « ECHELON », aussi bien que le monopole
américain sur serveurs Internet responsables de la gestion du trafic.
Le rapport souligne aussi les violations
délibérées par les Etats-Unis des conventions internationales sur les droits de
l'homme. Washington a soit signé et non ratifié ou refusé de signer quatre
conventions majeures des Nations unies : sur les droits économiques,
sociaux et culturels ; sur les droits des femmes ; sur les droits des
personnes handicapés ; et sur les droits des peuples autochtones.
Le rapport ne discute pas des causes de la
dégénérescence des conditions sociales aux États-Unis — il ne fallait
d'ailleurs pas s'y attendre, puisque cela nécessiterait une explication du lien
causal entre la pauvreté, la répression et la discrimination et le fonctionnement
du système de profit capitaliste, une explication que Beijing peut
difficilement entreprendre.