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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

La lutte contre le dictat financier de l’UE est une question de classe

Par Ulrich Rippert
31 mars 2010

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Le conflit entre les gouvernements européens a pris un caractère extrêmement tranchant avant et pendant le récent sommet de l’UE. Au début des délibérations jeudi dernier des dirigeants européens à Bruxelles, Stefan Kornelius écrivait dans le journal Süddeutsche Zeitung : « L’Allemagne traverse une de ses pires crises en politique étrangère depuis des décennies. »

La dispute a éclaté sur la question de savoir si oui ou non l’Union européenne devait envisager une aide financière pour la Grèce. Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso a expressément appelé à un plan d’aide communautaire afin d’éviter, selon lui, un désastre financier aux conséquences imprévisibles. En tant qu’ancien président du Portugal, il a parlé au nom des intérêts des gouvernements des pays d’Europe du Sud qui comme la Grèce sont menacés de faillite nationale.

La chancelière allemande, Angela Merkel (Union chrétienne-démocrate, CDU) s’est vigoureusement prononcée contre cette position en mettant en garde contre une édulcoration des critères de Maastricht stipulant que le déficit budgétaire d’un pays ne devait pas dépasser le seuil de 3 pour cent du produit intérieur brut et que sa dette totale ne devait pas excéder 60 pour cent du PIB. En dépit de la crise économique internationale, tous les gouvernements doivent respecter une discipline financière stricte, a souligné Merkel. Elle a exigé que le gouvernement grec s’en tienne de manière inconditionnelle aux mesures d’austérité qu’il a adoptées.

En adoptant cette attitude dure et inflexible, Merkel et le gouvernement allemand réagissent à un dilemme économique fondamental. Tout plan d’aide de l’UE à la Grèce mettrait en cause le Pacte de stabilité de l’UE en intensifiant la pression sur l’euro. La valeur de l’euro a chuté de près de 20 pour cent de son record de 1,60 par rapport au dollar américain au printemps 2008.

Mais le refus d’accorder une aide européenne à la Grèce n'en est pas moins dangereux. Il pourrait provoquer des défaillances souveraines en Grèce, au Portugal et en Espagne, en accélérant encore davantage l’effondrement de l’euro.

Ce dilemme est directement lié au fait que malgré l’existence de l’Union européenne, du marché unique, de l’abolition des droits de douane et des contrôles frontaliers, et malgré l’introduction de la monnaie commune dans 16 des 27 Etats membres de l’UE, les différents Etats-nations continuent d’exister et toutes les décisions importantes sont prises au niveau national.

Dans des conditions de croissance économique et de prospérité, la majorité des gouvernements européens avaient été en mesure de tirer profit de l’UE, de l’euro et du marché unique. Mais, confronté à la crise économique, les conflits entre les Etats s’intensifient. L’Allemagne, qui a longtemps soutenu l’expansion de l’UE en apportant d’importantes contributions financières parce qu’elle en profitait économiquement, recourt à présent à son pouvoir économique pour dicter des coupes sociales et des mesures d’austérité.

Les décisions prises lors du récent sommet à Bruxelles que l’UE ne fournirait pas d’aide financière directe à la Grèce et ne soutiendrait qu’en cas d’extrême urgence des mesures adoptées par le Fonds monétaire international (FMI) sous forme d’une soi-disant aide bilatérale des pays européens à la Grèce, ont été directement déterminées par les intérêts du capital financier européen et international. Il a été spécifié clairement au gouvernement grec qu’il devait imposer les mesures de rigueur projetées face à l’opposition populaire croissante. On a également clairement fait comprendre à Barroso que ceci s’appliquait aussi au Portugal, à l’Espagne et à l’Italie.

Il a été signalé aux marchés financiers qu’en cas de défaillance d’un Etat – l’aide ultima ratio (en dernier recours), selon l’expression de Merkel – les profits des banques européennes et internationales ne seraient pas mis en danger mais seraient protégés par un plan de secours international. Toutefois, un tel plan de sauvetage nécessiterait lui aussi l’imposition de conditions draconiennes par les gouvernements.

L’Union européenne a rarement auparavant révélé de manière aussi crue son véritable caractère d’instrument visant à imposer la dictature des banques européennes, avec l’Allemagne – représentant le plus fort du capitalisme européen – donnant le ton et décrétant les termes.

Dans le passé, l’UE préconisait l’unification pacifique et harmonieuse de l’Europe. Mais la crise économique a coupé l’herbe sous le pied de cette propagande. Comme c’était déjà le cas au siècle dernier, aujourd’hui, l’unification de l’Europe est une utopie réactionnaire sous le capitalisme. Comme en 1914 et en 1939, elle signifie que la puissance européenne la plus forte domine tous les autres Etats sur le continent.

Quelques mois avant la prise de pouvoir des nazis à Berlin, en automne 1932, Léon Trotsky avait résumé en ces termes la crise historique de l’Europe et le rôle particulier joué par le capitalisme en Allemagne: « Si les maux économiques de notre époque résultent, en dernière analyse, du fait que les forces productives de l’humanité sont incompatibles avec la propriété privée des moyens de production ainsi que des frontières nationales, le capitalisme allemand est en proie aux convulsions les plus violentes parce que justement il est le capitalisme le plus moderne, le plus avancé et le plus dynamique sur le continent européen. »

Coincé entre le cadre étroit du système européen des Etats-nations, le patronat allemand tente une fois de plus de dominer l’économie de l’Europe.

Cette offensive rencontre de la résistance. La semaine dernière, l’Allemagne a subi des attaques sévères de la part de politiciens de pays plus petits qui ont accusé Berlin d’exploiter impitoyablement ses avantages économiques et de forcer d’autres pays européens à faire des dettes dont les banques allemandes profiteraient le plus.

Parallèlement, les syndicats et les organisations qui leur sont proches, telles SYRIZA en Grèce, jouent un rôle primordial en répandant la propagande nationaliste. Lors des dernières journées d’action ils ont appelé au boycott des produits allemands. De tels appels servent surtout à se pelotonner contre son propre gouvernement et à supprimer une lutte commune des travailleurs européens.

La classe ouvrière doit rejeter ces initiatives et ses attaques nationalistes. Le nationalisme anti allemand n’est pas mieux que le chauvinisme allemand ; ils sont les deux facettes d’une même médaille. Les conséquences sanglantes et tragiques de cette politique ne sont que trop connues en Europe.

La lutte contre les dictats financiers de l’UE n’est pas une question nationale mais une question de classe.

Pour contrer les mesures d’austérité draconiennes que le gouvernement Papandreou impose pour le compte des banques européennes, les travailleurs grec doivent rejoindre leurs collègues allemands et tous les autres travailleurs européens. Durant la dictature des colonels dans les années 1960 et 1970, de nombreux travailleurs étaient venus d’Athènes, de Thessaloniki et d’autres régions de Grèce pour trouver du travail en Allemagne et dans d’autres pays européens. Nombre d’entre eux disposent encore d’amis et de connaissances de cette époque dans bien des pays.

Ces liens internationaux doivent maintenant être enrichis et développés sur la base d’un programme socialiste international. Un tel programme doit partir du principe que les travailleurs dans chaque pays ne sont pas responsables de la crise économique et de son impact. L’affirmation qu’il n’y a pas d’argent est un mensonge. Des années durant, l’élite dirigeante dans chaque pays a pillé la richesse créée par la classe ouvrière en s’enrichissant toujours plus grâce à la destruction des conditions sociales.

Pour résoudre la crise, il est nécessaire de briser le pouvoir de l’aristocratie financière. Ceci requiert l’expropriation des banques. Pour financer la production et le commerce, la propriété privée de ces vastes ressources financières doit être abolie et placée sous contrôle démocratique de la population laborieuse. Ceci requiert une lutte contre la politique réactionnaire et poltronne des syndicats et de leurs laquais petits bourgeois qui sabordent toute lutte sérieuse contre les banques internationales.

La classe ouvrière ne doit pas permettre la balkanisation de l’Europe. Elle doit mener une lutte internationale pour la mise en place de gouvernements ouvriers et des Etats unis socialistes de l’Europe.

(Article original paru le 29 mars 2010)

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