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  WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Les Etats-Unis et l’Europe entraînés vers la guerre commerciale

Par Stefan Steinberg
15 mars 2010

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Suite à la crise financière qui a commencé en 2008, les principales nations et blocs de nations capitalistes se servent de formes de plus en plus agressives de protectionnisme pour faire avancer leurs intérêts.

La question du protectionnisme s’est manifestée brusquement cette semaine lorsque la société aéronautique EADS a annoncé qu’elle retirait son offre d’une compétition pour un contrat de 35 milliards de dollars en vue de la construction de 179 avions de ravitaillement de l’armée américaine.

Des hommes politiques en colère à Berlin et Paris ont accusé l’administration américaine de protectionnisme en faveur de Boeing, le plus important fabriquant d’avions militaires des Etats-Unis. Un dirigeant du parti libéral allemand FDP, qui fait partie de la coalition au gouvernement en Allemagne, a appelé son gouvernement à « faire pression sur les Etats-Unis pour qu’ils mettent fin à leurs tendances protectionnistes ».

D’autres ont été plus directs encore. Joachim Pfeiffer de l’Union chrétienne sociale (CDU) un autre parti de la coalition, dit avec colère : « Ceci est un acte scandaleux et inacceptable. Il faut faire de cela un problème politique avec les Etats-Unis. »

Garrelt Duin, du Parti social-démocrate SPD, parti d’opposition, déclara : « C’est là un tour de passe- passe de la part des amerlos… Les américains ne parlent de libre concurrence que quand elle les arrange. On ne peut pas simplement changer les règles du jeu parce qu’on n’aime pas le gagnant. »

Pour sa part, le ministère des Affaires étrangères français a envoyé une lettre menaçante aux Etats-Unis mardi, avertissant de ce que l’Europe allait « considérer les implications » de la prise de décision du Pentagone en faveur de Boeing et au détriment du consortium européen EADS.

Il n’y a pas de doute quant à l’usage de mesures protectionnistes de la part de l’administration américaine. Elles ont été une des caractéristiques de l’administration dirigée par Barak Obama, et il eut en cela le soutien de ses alliés de la bureaucratie syndicale. Mais les plaintes faites par les hommes politiques européens sont tout à fait hypocrites.

Un certain nombre de commentaires des médias ont montré que les Etats Unis, l’Europe et certaines nations individuelles au sein de l’Union européenne ont, pendant de nombreuses années, défendu jalousement les intérêts de leur propre industrie d’armement. Il y a seulement quelques jours, certains pays européens ont approuvé le déblocage de 3,5 milliards d’Euros afin de permettre à EADS d’achever la construction de son avion de transport militaire, l’A400M.

Le quotidien allemand Handelsblatt écrivit : « Le marché commun transatlantique de défense n’est guère qu’une illusion… En fait l’Europe n’a pas réellement un marché de la défense ouvert….les Allemands, les Britanniques et les Français protègent fortement leurs industries domestiques de la défense, empêchant les processus d’appels d’offres publics et les fusions. »

Les divergences entre les partenaires transatlantiques ne se limitent pas aux contrats militaires.

Une autre fracture qui va s’élargissant est apparue cette semaine avec l’annonce par des hommes politiques de premier plan en Allemagne et en France qu’ils étaient en faveur de l’instauration d’un Fonds monétaire européen. Sur fond de crise de l’endettement en Europe, le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, a appelé à la constitution d’un tel Fonds, ajoutant vite que ce ne serait pas un rival du Fonds monétaire international, dominé par les Etats-Unis. Mais tout le monde a bien compris que c’est précisément cela que représentera un Fonds monétaire européen. Un commentaire paru dans le Financial Times résume les sentiments des cercles politiques européens à ce point de vue: « L’idée de Washington renflouant un pays de la zone euro est intolérable »

Le projet d’un tel Fonds européen en est au stade du développement et il y a des hommes politiques et des intérêts influents en Europe qui y sont opposés, mais les conceptions derrière le projet sont claires. Les nations européennes dirigeantes, Allemagne en tête, veulent avoir les mêmes pouvoirs permettant de passer outre à la souveraineté nationale de pays individuels et d’imposer des programmes d’austérité drastiques que ceux dont dispose le FMI – sans ingérence de la part des Etats-Unis.

Ce sont de semblables considérations qui sous-tendent la récente annonce par les gouvernements allemands et français qu’ils envisageaient des mesures destinées à empêcher diverses formes de spéculation, tels que les « couvertures de défaillance » et la « vente à découvert » contre les monnaies et les obligations d’Etat. Les objections soulevées par les capitales européennes à de telles formes de spéculation ne sont pas fondées sur une quelconque opposition de principe. Les gouvernements allemands et français sont tout à fait disposés à fournir des centaines de milliards d’euros à leurs banques respectives pour éponger des pertes résultant de telles pratiques. Leur principal souci est ici la prédominance des banques américaines dans ce domaine et la capacité de celles-ci à causer des ravages pour l’euro. Ils ont tiré la conclusion qu’une législation minimale pouvait contribuer à empêcher que les intérêts financiers américains n’interviennent à tort dans les affaires financières de l’Europe.

La guerre des paroles au sujet du contrat manqué d’EADS et les tensions à propos de la manipulation des marchés européens par Wall Street ne sont que les plus récents parmi une suite de conflits politiques et économiques importants entre l’Europe et son plus important partenaire économique, les Etats-Unis.

Au début du mois de février, les cercles politiques européens se sont montrés consternés par l’annonce par le Département d’Etat que le président Obama ne particperait pas à un sommet important de l’Union européenne prévu à Madrid au mois de mai prochain.

Le 11 février, le parlement européen a voté contre un accord de transfert de données bancaires vers les Etats-Unis via le réseau Swift et qui aurait permis aux organismes de sécurité américains d’accéder aux données bancaires européennes. Les responsables américains ont été choqués de cette décision.

On pourrait étendre le contentieux entre les partenaires transatlantiques et y inclure la guerre en Afghanistan, la politique de l’environnement et la réponse des Etats-Unis au tremblement de terre en Haïti.

D’autres conflits s’annoncent dans le domaine de la politique commerciale. L’Europe se prépare actuellement à signer un certain nombre d’accords commerciaux avec les pays asiatiques. Le commissaire européen au commerce résuma récemment la stratégie européenne en déplorant le fait que l’Europe avait été incapable de transformer son pouvoir économique en influence politique. Il énonça ainsi les priorités de l’Europe pour l’avenir proche : « l’Inde, le Canada, l’Ukraine, l’Amérique Latine, la zone méditerranéenne ont de grandes chances de dominer notre calendrier sur les deux prochaines années….avec des discussions avec Singapour et le renouvellement de nos relations commerciales avec la Chine ».

La même course aux marchés et aux matières premières est menée par le grand patronat américain. Une confrontation de grande envergure entre les intérêts européens et américains est inévitable.

Pendant plus de cinq décennies suivant la seconde Guerre mondiale, un partenariat résolu entre les Etats Unis et l’Europe, sur la base d’une Amérique forte et d’une Europe faible a constitué le soubassement d’une relative stabilité de l’occident. Ce partenariat se défait rapidement. La locomotive industrielle américaine de l’après-guerre est depuis longtemps en déclin et l’Europe, sous la direction de l’Allemagne et de la France, fait de plus en plus jouer son muscle politique et militaire.

Le protectionnisme et la guerre commerciale constituent invariablement la réponse des principales puissances capitalistes à l’approfondissement de la crise. Ceux qui mènent la claque pour une telle politique ce sont les syndicats et les bureaucraties sociales-démocrates. Leur promotion du nationalisme économique est inséparable de leur soutien aux mesures d’austérité brutales prises contre la classe ouvrière par leurs gouvernements respectifs.

Les fractures qui ont conduit à deux guerres mondiales au cours du siècle dernier sont toujours là. Le seul moyen d’empêcher la guerre commerciale de se changer une fois de plus en conflit armé entre nations est une mobilisation et une unification indépendantes de la classe ouvrière sur la base d’une perspective internationaliste.

(Article original paru le 12 mars 2010)

 


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