Le
référendum de samedi en Islande sur un accord pour accepter ou non
de rembourser près de 4 milliards d'euros à la Grande-Bretagne et
aux Pays-Bas a abouti à un « non » massif. Plus de 90
pour cent des électeurs ont voté contre la proposition et seulement
15 pour cent pour. Il y avait plus de votes blancs que de vote
exprimés en faveur de la proposition.
Le
référendum avait pour sujet les exigences de la Grande-Bretagne et
des Pays-Bas pour un remboursement intégral, intérêts compris, des
sommes versées par les deux pays aux déposants de la banque en
ligne Icesave qui a fait faillite en 2008.
S'attendant
à une telle défaite, les politiciens avaient déjà minimisé ces
derniers jours la signification du vote en affirmant que l'accord
sur lequel le référendum était fondé était dépassé. La
première ministre Johanna Sigurðardóttir avait qualifié la
proposition de « loi orpheline » et avait
refusé le vote. Elle avait insisté que les négociations avec la
Grande-Bretagne recommenceraient dès que possible pour arriver à un
nouvel accord. Réagissant à des spéculations selon lesquelles la
défaite déstabiliserait la coalition gouvernementale, elle a
déclaré « Ceci n'a pas d'impact sur la vie du
gouvernement. A présent, nous devons poursuivre la tâche qui nous
attend, à savoir la finalisation des négociations avec les
Néerlandais et les Britanniques. »
Steingrimur
Sigfússon, le ministre des Finances, était du même avis et a
déclaré que le résultat du référendum était sans signification
« Il faut remarquer clairement qu'un vote « non »
ne signifie pas que nous refusons de payer. Nous
honorerons nos engagements », a-t-il précisé.
Étant donné
que moins de 2 pour cent ont voté oui, Sigfússon a fait une
déclaration vraiment remarquable en disant, qu'étant donné que
les négociations avec Londres et Amsterdam avaient dépassé l'offre
initiale, « un nombre surprenant de gens avait dit
oui ».
Même
le président Olafur Ragnar Grímsson qui avait refusé de ratifier
la loi en janvier et avait initié le vote de samedi, était désireux
de souligner que l'opposition de masse ne signifiait pas un rejet
de la part des contribuables de rembourser les dettes causées par
les pratiques spéculatives de l'élite financière. Il a dit à la
BBC, « Le référendum n'était pas sur le refus de
rembourser l'argent. Le référendum concernait de fait de le faire
en termes équitables. »
En
réalité, une écrasante majorité de la population islandaise a
clairement montré son hostilité au sauvetage de l'establishment
financier. Une femme s'exprimant à la BBC a dit, « Je pense
que c'est le même genre de message que les gens de par le monde
donneraient à leur gouvernement en ce qui concerne les
renflouements. Nous ne voulons pas payer pour un système qui ne
fonctionne pas. »
Un
autre électeur a ajouté, « Je pense que ce qui se passe c'est
que les gens ne veulent pas accepter d'être mis en situation de
servitude pour dettes. »
Plus
tôt dans la journée, plusieurs centaines de manifestants
s'étaient rassemblés devant le parlement à Reykjavík en
scandant « Icesave, non, non, non ! »
Les
milieux dirigeants internationaux qui avaient accueilli avec colère
le refus de Grímsson en janvier, manifestent une inquiétude
grandissante à l'égard des évolutions en Islande. Leur crainte
est que le rejet de l'accord sur Icesave puisse créer un précédent
en permettant que des mouvements d'opposition se développent à
travers l'Europe. Comme l'écrivait Rowena Mason dans le journal
britannique Daily Telegraph, « Samedi
les Islandais sont devenus les premiers rebelles du monde contre
l'idée de mettre de l'ordre après le désordre créé par une
banque privée irresponsable. Cette insurrection populaire a été
observée anxieusement par les gouvernements de Grèce, d'Irlande,
d'Europe de l'Est, et même de Grande-Bretagne, soucieux que ce
défi ne devienne contagieux. »
Icesave
a concentré la fureur populaire contre un gouvernement qui, comme
ses homologues, n'a de cesse de rejeter le fardeau de la crise
financière sur le dos de la population laborieuse. Arrivé au
pouvoir au printemps dernier sur une vague d'opposition contre le
Parti de l'Indépendance droitier, la coalition entre les
sociaux-démocrates et le Mouvement Gauche-Verts a distribué des
milliards de krónur aux banques défaillantes tout en préparant des
coupes énormes dans les dépenses et les services sociaux. Des
augmentations d'impôts sont également imposées afin de remplir
les caisses de l'Etat.
Les
sociaux-démocrates ont en conséquence été le plus durement
touchés, le dernier score faisant que le parti est tombé à la
troisième place derrière les Gauche-Verts et le Parti de
l'Indépendance. Le refus de Sigurðardóttir de voter lors du
référendum et son affirmation que ce n'était pas important a
provoqué une grande colère.
Bien
que le Mouvement Gauche-Verts semble avoir progressé dans les
sondages aux dépens des sociaux-démocrates, le parti est divisé
sur Icesave. Plusieurs membres dirigeants se sont opposés au
parlement au vote qui a ratifié la loi en décembre. Le plus en vue
de ces membres était l'ancien ministre de la Santé Ogmundur
Jónasson qui avait démissionné de son poste en septembre dernier
en raison de son désaccord. Sigfússon parlant dimanche à la radio
nationale islandaise, a fait allusion au fait qu'il avait eu
l'intention d'en faire autant après que le président Grímsson
eut rejeté la loi Icesave en janvier.
Réfléchissant
sur les tensions grandissantes au sein de la coalition, le professeur
en politique et partisan des sociaux-démocrates, Eiríkur Bergmann
Eiríksson, avait décrit le gouvernement comme « ne tenant
qu'à un fil » après le vote.
L'atmosphère
d'opposition grandissante à l'encontre du renflouement de
l'élite financière en Islande est également exprimée dans une
forte progression de l'opposition à l'égard de l'Union
européenne. Alors qu'immédiatement après la crise financière la
population était partagée, 40 pour cent pour et 40 pour cent contre
et le restant demeurant indécis, l'adhésion à l'UE est rejetée
par 56 pour cent de la population comme le montrent les derniers
sondages.
Cette
opposition est motivée par les événements internationaux.
L'affirmation que l'adhésion à l'UE offre un abri sûr à
l'Islande est usée jusqu'à la corde et ce d'autant plus que
Bruxelles impose des mesures d'austérité brutales à la
population de la Grèce et l'Espagne, le Portugal et l'Italie
devant emprunter la même voie.
Le
chancelier britannique, Alistair Darling, avait fait bonne figure
après le vote « non », en déclarant qu'il avait
toujours été d'avis qu'il faudrait peut-être « beaucoup,
beaucoup d'années » avant que les 2,3 milliards de livres
sterling dus à la Grande-Bretagne soient remboursés par « un
petit pays comme l'Islande avec une population de la taille de
Wolverhampton [ville située dans la région des West Midlands] »
et que le gouvernement Brown était disposé à être « flexible »
sur les « termes et les conditions, etc. »
Derrière
un tel langage mielleux se cache la menace
que le vote « non » conduira à un plus grand isolement
de l'Islande. Le Fonds monétaire international a indiqué que les
tranches restantes de son prêt de 2,1 milliards de dollars ne
seront pas débloquées tant qu'Icesave n'aura pas été réglé.
Les pays nordiques qui avaient promis un soutien additionnel de 2,5
milliards de dollars ont fait de même. Le blocage aura des
conséquences considérables, des évaluations font état d'un
probable recul de 5 pour cent du PIB cette année au lieu des 3 pour
cent anticipés plus tôt si des fonds supplémentaires ne sont pas
disponibles.
Alors
que la population laborieuse a entrepris une importante démarche en
s'opposant au remboursement des dettes de l'élite financière,
le vote « non » est insuffisant. Comme l'ont déjà
fait savoir les représentants du gouvernement, ils chercheront à
arriver aussi vite que possible à un nouvel accord avec les
Britanniques et les Néerlandais dans l'espoir de pouvoir le
présenter à l'électorat sous un jour meilleur.
Ce
qui est plus significatif, c'est qu'Icesave n'est qu'une
petite partie de l'ensemble de la dette à laquelle l'Etat est
confronté et qui est estimée à 300 pour cent du PIB. Les partis
qui avaient appelé à voter « non », notamment le Parti
de l'Indépendance et le Parti progressiste, n'avaient pas
soulevé de craintes quant aux considérables sommes qui ont été
octroyées aux banques Kaupthing, Landsbanki et Íslandsbanki pour
leur permettre de reprendre leurs pratiques spéculatives. Au
contraire, le caractère droitier des partis d'opposition est
évident.
C'était
une coalition entre le Parti de l'Indépendance et le Parti
progressiste qui entre 1994 et 2007avait jeté les fondements pour
une vaste expansion du secteur financier en privatisant les banques
au début des années 2000. Son récent appel à rejeter l'accord
Icesave, et dont le mouvement InDefence s'était fait l'avocat,
se fonde sur des appels expressément nationalistes. Certaines
personnalités ont également fait savoir qu'elles voulaient
arriver à un accord avec la Grande-Bretagne et les Pays-Bas, le
dirigeant du Parti progressiste, Sigmundur Davíd Gunnlaugsson,
déclarant que si les deux pays voulaient trouver une solution il y
contribuerait en les aidant pour y arriver.
La
population laborieuse d'Islande doit prendre le rejet de l'accord
d'Icesave comme point de départ d'une lutte politique contre les
partis d'opposition. Elle doit chercher à unir ses luttes à
celles des populations laborieuses de par l'Europe et
internationalement qui toutes sont confrontées aux conséquences des
renflouements massifs des banques et menacées par des coupes sévères
des dépenses publiques imposées par les gouvernements de la
soi-disant « gauche » et droite.