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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Les grèves en Europe et les syndicats

Par Ulrich Rippert
8 mars 2010

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La semaine dernière a été marquée par deux phénomènes d'une signification particulière. Une vague de grèves a touché l'Europe. Les travailleurs d'un certain nombre de pays ont commencé à manifester leur opposition aux mesures d'austérité exigées par l'Union européenne et les banques.

Et dans tous les pays, les syndicats ont réagi en isolant et en réprimant les actions des travailleurs et en serrant les rangs avec leurs gouvernements respectifs et l'élite financière européenne. La principale préoccupation des syndicats et d'empêcher la population travailleuse d'Europe de s'unir dans une lutte commune contre l'ennemi commun : la bourgeoisie européenne et ses agents dans les gouvernements nationaux et l'Union européenne.

Il y deux semaines, 4.500 pilotes employés par Lufthansa, la plus importante compagnie aérienne allemande, se sont mis en grève. Le même jour, les aiguilleurs du ciel commençaient une grève en France, tandis que les travailleurs des raffineries Total y poursuivaient une grève au plan national. En Grande-Bretagne, le personnel navigant de la compagnie aérienne British Airways votait à plus de quatre-vingts pour cent en faveur de la grève.

Dans la même semaine, de grandes manifestations eurent lieu à Madrid, Barcelone et Valence pour protester contre les mesures d'austérité introduites par le gouvernement social-démocrate du premier ministre espagnol, Jose Luis Rodriguez Zapatero.

Puis quelque deux millions de travailleurs participèrent à une grève générale en Grèce paralysant le pays pour vingt-quatre heures. Tous les vols vers et en provenance de ce pays furent annulés lorsque les aiguilleurs du ciel grecs se joignirent à la grève.

En République tchèque, les syndicats ont annoncé un arrêt complet des transports publics à partir du premier mars et les syndicats portugais se sont préparés à une grève de 24 heures dans le secteur public le 4 mars afin de protester contre un gel des salaires.

Le quotidien britannique Independent a averti de ce que les grèves et les mouvements de protestation qui se produisaient actuellement annonçaient la plus grande rébellion « dont ont ait fait l'expérience sur le continent depuis les soulèvements révolutionnaires de 1968 ».

Les syndicats ayant appelé à ces actions sous l'immense pression venue d'en bas espéraient s'en servir comme d'une soupape qui leur permettrait de lâcher de la vapeur tandis qu'eux-mêmes s'efforçaient de contenir la résistance de la classe ouvrière et de faire gagner du temps à leurs gouvernements respectifs.

Lorsque Cockpit, le syndicat des pilotes allemands, réalisa qu'il se trouvait à la tête de ce qui pouvait devenir un mouvement massif à l'échelle européenne, il annula, un jour seulement après qu'elle ait commencé, la grève de quatre jours qu'il avait préparée.

En même temps, les deux plus grands syndicats allemands, le syndicat des industries mécaniques et métallurgiques IG Metall et le syndicat de la fonction publique Verdi approuvèrent des contrats qui vont imposer en termes réels des réductions de salaire pour leurs cinq millions d'adhérents.

En France, la CGT (Confédération générale du travail), dominée par les staliniens, annula la grève nationale menée contre Total, capitulant devant la société pétrolifère et ses plans de fermeture d'une raffinerie à Dunkerque.

En Angleterre, le syndicat Unite a assuré British Airways qu'il ne ferait pas grève pendant les fêtes de Pâques et limiterait toute grève à des arrêts de travail isolés.

Les deux principales organisations syndicales en Grèce, GSSE dans le secteur privé et ADEDY dans le secteur public soutiennent le gouvernement PASOK (social-démocrate) du premier ministre George Papandreou et ont fait des déclarations selon lesquelles leurs adhérents étaient prêts à faire des sacrifices afin d'atténuer la crise de l'endettement touchant l'Etat grec.

Trois jours après la grève générale en Grèce, les syndicats tchèques annulèrent la grève prévue des travailleurs des transports publics.

Il faut tirer des conclusions bien précises du rôle perfide joué par les syndicats dès le début de ce nouveau mouvement des luttes ouvrières en Europe et au niveau international.

Dans des conditions de globalisation de la production capitaliste, les syndicats qui n'ont qu'une perspective, celle du nationalisme, sont incapables de défendre ne serait-ce que les intérêts les plus élémentaires de la classe ouvrière. Ils ont été transformés sans retour en agences directes de l'élite économique et financière et de l'Etat.

Pendant la période de boom économique du siècle dernier, les syndicats furent en mesure, malgré leur défense du capitalisme et leurs programmes nationaux, d'obtenir des concessions salariales limitées et des réformes sociales, mais ces temps sont depuis longtemps révolus. Les acquis que les travailleurs furent capables d'obtenir à travers les syndicats se sont avérés être passagers. En ces vieilles organisations, les travailleurs ont à présent devant eux un ennemi non moins implacable que le patronat et l'Etat.

Bien avant que ne commence la présente crise économique, les syndicats avaient soutenu l'Union européenne et l'introduction de l'euro. Ils avaient salué la réintroduction du capitalisme en Europe de l'Est il y a 20 ans et y avaient envoyé leurs fonctionnaires afin d'aider à maintenir des salaires bas, assistant de cette manière l'élite européenne dans ses efforts pour faire baisser les salaires à l'Ouest.

Les banques internationales qui ont été à l'origine de la crise sont à présent résolues à faire payer à la population laborieuse la facture de leurs pertes spéculatives. La première préoccupation des syndicats devant l'opposition grandissante de la classe ouvrière, c'est de bloquer une unification internationale des travailleurs et d'empêcher qu'ils n'aillent dans une direction socialiste.

Le rôle joué à présent par les syndicats est le point culminant d'une longue évolution. Ils se situaient il y a un siècle déjà l'aile droite du mouvement ouvrier et se rangèrent ouvertement aux côtés de la réaction pendant les périodes révolutionnaires de la lutte des classes.

On interdit pendant des années à l'éminente dirigeante de l'aile marxiste du SPD (le parti social-démocrate allemand) Rosa Luxembourg, de prendre la parole dans les congrès des syndicats. Durant le débat sur la grève de masse au début du vingtième siècle, la haine de la direction syndicale pour l'aile révolutionnaire du SPD prit des formes hystériques.

On prit un cours qui eut des conséquences désastreuses : approbation des crédits de guerre en 1914, pacte de renoncement à la grève pendant la première Guerre mondiale et finalement, en avril 1933, l'offre de la part de l'ADGB (la Fédération générale des syndicats allemands) de collaborer avec le gouvernement d'Hitler.

L'évolution droitière des syndicats provient de traits fonciers inhérents à cette forme d'organisation. Dans sa conférence « Marxisme et syndicats », le président du Comité de rédaction international du World Socialist Web Site, David North, disait : « Basés sur les rapports de production capitalistes, les syndicats sont, par leur nature propre, forcés d'adopter une attitude essentiellement hostile à la lutte de classe. Déployant toute leur énergie pour en arriver à des ententes avec les employeurs sur le prix de la force de travail et sur les conditions générales dans lesquelles la plus-value sera extraite des travailleurs, les syndicats sont obligés de garantir que leurs membres vont fournir en contrepartie leur force de travail selon les termes du contrat conclu. Comme Gramsci l'a dit, "Les syndicats représentent la légalité, et doivent viser à ce que leurs membres la respectent"

« Défendre la légalité implique qu'il faut supprimer la lutte de classe. Et cela signifie, par le fait même, que les syndicats s'enlèvent en fin de compte la possibilité d'atteindre même les plus modestes objectifs qu'ils se donnent officiellement. C'est là la contradiction dans laquelle le syndicalisme s'empêtre. »

Il faut que les travailleurs rompent avec ces organisations réactionnaires et d'une autre époque et construisent des organisations de lutte nouvelles, véritablement populaires et démocratiques. Il doit en même temps y avoir une rupture d'avec les conceptions nationalistes et fondées sur la collaboration de classe sur la base desquelles fonctionnent des syndicats.

Les mesures draconiennes prises en Grèce sont le prélude d'attaques à caractère historique contre la classe ouvrière dans toute l'Europe, aux Etats-Unis et sur le plan international. Une nouvelle période de lutte révolutionnaire se présente. Elle doit être préparée consciemment par la construction d'un mouvement socialiste international de la classe ouvrière afin de lutter pour le pouvoir ouvrier et pour une réorganisation de la vie économique selon des critères démocratiques et égalitaires.

(Article original publié le 5 mars 2010)

L'auteur recommande aussi l'article suivant :

Le marxisme et les syndicats [10 janvier 1998]


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