A Paris des protestations contre l'entrée en vigueur le 11 avril de la
loi antidémocratique interdisant le port du voile intégral, niqab et burqa,
par les musulmanes a conduit à plusieurs arrestations de femmes voilées.
Le 12 avril, Philippe Richert ministre chargé des collectivités
territoriales a annoncé à l'Assemblée nationale que 4 femmes avaient déjà
été arrêtées pour avoir enfreint la loi interdisant la burqa.
Le Nouvel Observateur écrit, «Selon une source policière, une femme
voilée, contrôlée lundi dans un centre commercial des Mureaux (Yvelines), a
écopé d'une amende de 150 euros, comme le prévoit la loi. » De plus, « Une
autre femme intégralement voilée a été interpellée mardi à Saint-Denis et
amenée au commissariat après avoir refusé de se dévoiler sur la voie
publique. La femme, qui a retiré son niqab au commissariat, n'a pas été
verbalisée, mais un rappel à la loi lui a été notifié. »
L'interdiction de la burqa bannit le voile intégral dans tous les lieux
publics, la rue, les magasins, les parcs, les transports en commun, les
hôpitaux, les bâtiments publics. Les femmes ainsi voilées sont passibles
d'une amende de 150 euros (215$) ou devront assister à des cours spéciaux de
citoyenneté;elles peuvent aussi être placées en garde à vue pendant
jusque quatre heures, le temps de vérifier leur identité si elles refusent
de découvrir leur visage. Les personnes qui forcent les femmes à porter le
voile peuvent se voir infliger jusqu'à un an de prison et une amende de 30
000 euros (43 000$), et le double si la personne voilée est mineure.
Selon des estimations officielles, le nombre de femmes portant le voile
intégral n'excède pas 2 000 sur les cinq à six millions de musulmans que
compte la France.
Lundi 11 avril, jour où la loi est entrée en vigueur, le Guardian
écrivait, « Près d'une dizaine de personnes , dont trois femmes portant la
burqa, ont protesté sur le parvis de la cathédrale Notre-Dame de Paris lundi
et deux femmes ont été embarquées dans un fourgon de la police. »
De même le samedi précédent, soit trois jours avant l'application de la
loi, quelque 60 manifestants dont 20 femmes portant la burqa ont défié le
refus de la police d'autoriser leur manifestation Place de la Nation à
Paris, à l'appel d'un groupe salafiste. Selon l'Express, la police a
arrêté 61 manifestants dont 19 femmes. Deux manifestants, M. Choudry venu de
Grande-Bretagne et M. Belkacem de Belgique ont été arrêtés et frappés d'un
arrêté d'expulsion.
Kenza Drider a été arrêtée lundi. Elle vit à Avignon et a été interviewée
alors qu'elle se rendait en TGV à Paris, vêtue d'un niqab. Elle a dit
qu'elle est attaquée et soumise à des insultes racistes depuis le début,
l'été dernier, du débat interdisant la burqa: « C'est une loi islamophobe et
raciste, » a-t-elle dit. « Ma vie maintenant c'est la haine, les regards et
les insultes. »
Elle a dit qu'elle continuerait à «faire ses courses, à aller à la poste
et à la mairie si nécessaire. Je ne cesserai sous aucun prétexte de porter
mon voile. » Elle a ajouté, « Si je suis verbalisée et dois apparaître
devant le procureur...je ferai appel à la cour européenne des droits de
l'homme. »
Elle a dit avec insistance, «C'est une question de liberté de religion et
de conscience. Ces droits sont protégés par la loi européenne et « Ce n'est
pas un acte de provocation... Je ne fais qu'appliquer mes droits de
citoyenne, je ne commets aucun crime... S 'ils [la police] demandent à voir
mes papiers d'identité, je les leur montrerai, ce n'est pas un problème. »
La police a averti que la loi pourrait provoquer des manifestations
violentes dans les banlieues défavorisées à forte population musulmane.
Thierry Depuyt, secrétaire du syndicat de police Unsa-FO du Nord/Pas de
Calais et Picardie a déclaré, « Si on intervient sans discernement, on
risque un embrasement des cités alors que les femmes qui portent le niqab ou
la burqa ne créent pas un trouble à l'ordre public comparable aux affaires
de police ordinaires comme les violences ou le trafic de drogue. »
Le gouvernement a déclaré de façon provocante son intention d'aller de
l'avant. Le nouveau ministre de l'Intérieur de Sarkozy, Claude Guéant a
averti que la loi serait « respectée » et que «la police et la gendarmerie
sont là pour appliquer la loi et elles appliqueront la loi. »
L'application de la loi anti-burqa est le point culminant d'une campagne
lancée par Sarkozy il y a deux ans après sa déclaration du 22 juin 2009,
lors d'une réunion au parlement, que « la burqa n'est pas la bienvenue en
France. » Ceci fait partie d'un effort plus large de lancer des attaques
racistes contre les musulmans sous couvert de défense des droits de la femme
et de la laïcité. Un exemple en est l'interdiction en 2004 du foulard
islamique dans les établissements scolaires publics de France.
Cette campagne antidémocratique, qui avait pour objectif de diviser la
classe ouvrière et de miner l'opposition aux guerres impérialistes contre
des pays musulmans, avait recueilli le plein soutien des représentants
officiels des partis de « gauche » ou de « l'extrême-gauche. »
La France a joué un rôle prépondérant dans le développement d'une
politique anti-immigrés et raciste au sein de l'Union européenne. Des lois
anti-burqa ont été votées en Belgique et sont appliquées ou proposées en
Italie, en Suisse et dans d'autres pays.
Une commission parlementaire contre la burqa a été mise en place et s'est
réunie pour la première fois le 8 juillet 2009. Tous les partis
parlementaires y ont participé. Elle était présidée par André Gerin du Parti
communiste (PCF) stalinien, et un des plus virulents opposants de la burqa.
Il y avait aussi des délégués du parti au pouvoir, l'UMP (Union pour un
mouvement populaire), du Parti socialiste (PS) pro-patronal et des Verts.
Elle avait le soutien du parti soi-disant de gauche Lutte ouvrière (LO)
ainsi que, bien qu'il ait essayé initialement de le cacher en présentant une
candidate voilée du nom de Ilham Moussaïd aux élections régionales de mars
2010, celui du Nouveau parti anticapitaliste (NPA). Mais Moussaïd et ses
partisans de la branche locale du NPA ont été par la suite expulsés par la
direction du NPA, tandis que celui-ci s'alignait plus directement sur les
positions de la classe dirigeante.
La loi a été votée à l'Assemblée nationale et au Sénat en 2010 à des
majorités écrasantes et a reçu l'aval du Conseil constitutionnel. Le PS, PCF
et les Verts ont soit voté pour, soit se sont abstenus.
La campagne pour l'interdiction de la burqa s'est poursuivie au mépris
manifeste de la constitutionnalité et de l'Etat de droit. Lors du conseil
des ministres du 2 avril, le premier ministre François Fillon a déclaré que
le gouvernement entamerait une procédure d'urgence pour faire passer cette
législation même si une telle loi pouvait s'avérer inconstitutionnelle et
contrevenir à la Convention européenne des droits de l'Homme.
«On est prêt à prendre des risques juridiques parce que nous pensons que
l'enjeu en vaut la chandelle, »a-t-il dit avant d'ajouter « On ne peut pas
s'embarrasser de prudence par rapport à une législation qui n'est pas
adaptée à la société d'aujourd'hui... S'il faut faire évoluer la
jurisprudence du Conseil constitutionnel, celle de la Cour européenne des
droits de l'homme pour faire face à une nouvelle question qui ne se posait
pas il y a 20 ans, nous, nous pensons que c'est notre responsabilité
politique de le faire. »
Les conséquences politiques de cette campagne droitière deviennent de
plus en plus apparentes. Elle a crée une opportunité pour Marine Le Pen du
Front national néofasciste lui permettant de se présenter en défenseur de la
laïcité, tout en prônant une politique de « préférence nationale » dans
l'accès aux services sociaux.
Avec une cote de popularité à 30 pour cent du fait de sa politique
impopulaire, et des prévisions qui le donnent perdant au premier tour des
élections présidentielles de 2012, devancé par Marine Le Pen du FN, Sarkozy
en appelle aux forces les plus réactionnaires de la société française pour
faire avancer son programme.
Enhardi par le manque d'opposition au sein de l'establishment
politique, le gouvernement Sarkozy va de l'avant. Le 5 avril, l'UMP a
organisé une « convention » pour proposer davantage de mesures visant à
limiter les droits des musulmans. Le Parti socialite (PS) avait qualifié cet
événement de provocation dangereuse pouvant entraîner des troubles civils.
Mais après avoir signé une pétition s'y opposant, la première secrétaire du
PS Martine Aubry et l'ex-premier ministre PS Laurent Fabius ont retiré leur
signature en apprenant que Tariq Ramadan, musulman suisse, professeur
d'université , l'avait aussi signée.
Sarkozy a aussi lancé une guerre d'agression le mois dernier contre la
Libye, tout en accroissant l'intervention néo-coloniale de la France en Côte
d'Ivoire et sa participation dans l'occupation impopulaire de l'Afghanistan
par l'OTAN.