La persécution du
dénonciateur d’abus Bradley Manning est un très sérieux avertissement à
l’ensemble de la classe ouvrière. Ce jeune soldat de 24 ans fait en ce
moment l’objet d’une audition militaire préliminaire portant sur
des accusations passibles de peines allant jusqu’à la peine de mort. Il est
accusé d’avoir divulgué des centaines de milliers de documents
gouvernementaux et militaires. Le traitement vindicatif que subit ce jeune
homme courageux est destiné à intimider toute opposition à l’égard de
l’impérialisme américain.
En février 2010, le site d’information WikiLeaks avait
commencé à publier le matériel que Manning est accusé d’avoir transmis.
Les documents ont révélé la criminalité du gouvernement américain et de
l’administration Obama ainsi que d’autres gouvernements de par le
monde. Les révélations sur la corruption et la brutalité des régimes au
Moyen-Orient ont contribué à attiser le soulèvement révolutionnaire qui
s’est déclenché à travers toute la région à commencer par le soulèvement
tunisien d’il y a un an.
De nombreux dossiers ont documenté les crimes de guerre américains
en Irak et en Afghanistan. L’une des publications les plus explosives fut
une vidéo, publiée sous le titre « Meurtres collatéraux » et montrant
un hélicoptère de combat fauchant à la mitrailleuse des civils irakiens, dont
des enfants et deux journalistes de l’agence Reuters, dans un quartier de
Bagdad. Dans ce domaine de couverture médiatique hautement censuré des
opérations militaires américaines, l’exposition du public américain à une
telle atrocité a eu un impact significatif et intensifié l’opposition
populaire à l’occupation de l’Irak. (Voir « Leaked video shows US military killing of two Iraqi journalists »)
Si Manning était effectivement responsable de la publication
de ce matériel, il aura rendu un grand service à l’humanité. Le seul
« crime » qu’il a commis est celui d’avoir révélé au
grand jour les véritables crimes de l’impérialisme américain. Alors
qu’il comparaît devant le tribunal militaire, les gouvernements et les chefs
militaires responsables du déclenchement de guerres illégales, de la pratique
de la torture et de la violation des droits démocratiques fondamentaux restent eux,
en liberté.
Détenu pendant plus d’un an et demi par l’armée,
Manning a été soumis à un régime de détention à l’isolement total, a une
nudité forcée, à la privation de sommeil et à d’autres cruautés. On lui a
refusé l’application d’une procédure régulière et des réunions
privées avec ses avocats et avec des enquêteurs des droits de l’homme.
Sa difficile situation a suscité des dénonciations de la part
d’organisations internationales de défense des droits ainsi que de masses
de gens ordinaires partout dans le monde. Le gouvernement Obama – aux
côtés de l’ensemble de l’establishment politique et des
grands groupes de médias – a réagi à ces appels avec indifférence et
mépris.
Le traitement que l’Etat fait subir à Manning vise à
briser sa volonté, tout à l’image des détenus à Guantanamo Bay qui ont
été obligés d’avouer des accusations fabriquées de toutes pièces par le
gouvernement américain.
Le gouvernement Obama entend utiliser Manning pour fermer
WikiLeaks et faire taire son fondateur Julian Assange qui fait présentement
appel de son extradition vers la Suède où il doit être jugé sur la base
d’accusations fictives de délit sexuel. S’il perd son appel,
Assange risque d’être extradé vers les Etats-Unis pour y être soit jugé comme
terroriste par le ministère de la Justice soit interpellé et détenu à vie sans
procès par l’armée américaine.
Alors que l’audition dont il fait l’objet en est à
son quatrième jour, la défense de Manning est obligée de présenter ses
arguments sans le témoignage de 46 des 48 témoins qu’elle avait requis.
Le ministère de la Justice exerce une influence directe sur le processus
judiciaire en ce que le lieutenant-colonel Paul Almanza, officier chargé de
l’enquête et procureur du ministère de la Justice, préside l’affaire
en qualité de juge. Ignorant les protestations de la défense selon quoi ces
fonctions représente un conflit d’intérêts, Almanza et l’armée
rejettent les appels exigeant qu’il se récuse.
Les méthodes du gouvernement Obama – détention
perpétuelle, torture, suppression d’information, cours martiales –
en disent long sur son attitude à l’égard des droits démocratiques.
Propulsé au pouvoir en grande partie en raison du dégoût éprouvé à
l’égard de la politique militariste du gouvernement Bush, Obama a
considérablement élargi les services de renseignement militaire, déclenché de
nouvelles guerres et mis en place une politique d’assassinat d’Etat
extrajudiciaire, dont de citoyens américains.
Il est significatif de noter qu’après avoir promis de
créer « le gouvernement le plus transparent de l’histoire, » le
président a classifié un nombre record de données et poursuivi pour
« espionnage » davantage d’informateurs d’abus gouvernementaux
que ne l’avaient fait tous les gouvernements précédents réunis.
Le président n’attend actuellement que l’occasion
de donner force de loi à un cadre juridique d’Etat policier. La National
Defense Authorization Act [loi de finances relative au financement de la
machine de guerre] contient des dispositions qui permettront de détenir dans
des prisons militaires pour une durée indéfinie, sans inculpation ni jugement,
des citoyens arrêtés sur le sol américain. La loi légalise effectivement la
politique mise en vigueur par le gouvernement Bush et élargi son usage sur le
sol américain, abrogeant la Déclaration des droits des Etats-Unis. (Voir « Obama,
Congress back legalization of a police state »
Les poursuites judiciaires contre Manning sont partie
intégrante de cette attaque contre les droits démocratiques, soutenue par
l’ensemble de l’establishment politique américain.
L’Etat affirme que, non seulement il doit être libre de commettre des
crimes partout dans le monde, mais que quiconque révèle au grand jour ces
crimes subira les punitions les plus sévères.
La décrépitude de la démocratie aux Etats-Unis n’est pas
due au hasard. Elle a sa source dans l’effondrement du capitalisme
américain et mondial. La classe dirigeante a réagi à la crise avec des mesures
de plus en plus brutales, qui ont engendré une catastrophe sociale pour des
millions de personnes. Les soins de santé publics sont réservés à une ploutocratie
financière de plus en plus restreinte et riche. En conséquence, des masses de
gens sont poussés dans la lutte des classes. C’est avant tout pour cette
raison que Washington est en train de jeter les fondements d’un Etat
policier.
Une détention à vie dans une prison militaire plane au-dessus
de la tête de Bradley Manning, voire la peine de mort. Les travailleurs qui
craignent pour sa vie et qui sont opposés à la politique de guerre de
l’impérialisme américain doivent comprendre que la vendetta contre Manning
et d’autres informateurs d’abus est liée de façon inhérente aux
attaques de la classe dirigeante sur les droits et les conditions de vie de la
classe ouvrière en général.
Un mouvement de masse contre la guerre et les assauts sur les
droits démocratiques doit être développé sur la base d’une stratégie
socialiste indépendante et révolutionnaire. On ne peut défendre le soldat
Manning que dans le cadre d’une lutte de la classe ouvrière contre le
gouvernement Obama, contre les deux partis du grand patronat et contre le
système capitaliste qu’ils servent.