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WSWS : Nouvelles et analyses : Afrique et Moyen-Orient

La révolution égyptienne et le parti allemand La Gauche

Par Ulrich Rippert
21 février 2011
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La dynamique et la rapidité des événements révolutionnaires, d’abord en Tunisie et à présent en Egypte, ont surpris et troublé tous les partis politiques en Allemagne. Les profondes racines sociales du mouvement et le rôle joué par la classe ouvrière comme sa force motrice les ont choqués tout particulièrement.

Cette évaluation s’applique aussi au parti allemand La Gauche (Die Linke). La tempête révolutionnaire au Moyen Orient a littéralement coupé le souffle aux fonctionnaires de Die Linke, dont le siège se trouve dans la Maison Karl-Liebknecht à Berlin. Il aura fallu toute une semaine, jusqu’à fin janvier, pour que le comité exécutif publie un bref communiqué appelant le gouvernement allemand « à renoncer à son double jeu à l’égard des Etats arabes. » Selon la présidente du parti Gesine Lötzsch, ce qui est nécessaire à présent, c’est que « les Etats européens et leurs alliés portent assistance au changement démocratique. »

Oskar Lafontaine – qui a quitté l’année dernière la présidence du parti pour des raisons de santé, mais qui continue de jouer un rôle important dans le parti – avait également été à court de mots lorsqu’il s’était adressé le 4 février à une conférence regroupant des comités d’entreprise à Stuttgart. Il s’est limité à exhorter le gouvernement à prendre au sérieux les événements en Egypte tout en prenant ses distances par rapport aux intervenants précédents qui avaient critiqué la politique israélienne.

Lafontaine a déclaré que le parti La Gauche soutenait inconditionnellement le droit à l’existence de l’Etat israélien, répétant par là la formule qui se trouve au centre de la politique étrangère officielle allemande. Il y a à peine une semaine, la chancelière Angela Merkel, s’était rendue à Jérusalem précisément pour souligner cette position devant le gouvernement israélien.

De manière générale, Die Linke a réagit au développement révolutionnaire au Moyen Orient en resserrant les rangs avec le gouvernement et en offrant son soutien. Wolfgang Gehrcke, le porte-parole des Affaires étrangères pour le parti a joué un rôle clé dans ce processus. Lundi dernier, Gehrcke avait convoqué une séance extraordinaire de la Commission des Affaires étrangères du Bundestag allemand. Seul sujet à l’ordre du jour : la situation actuelle au Moyen Orient.

Gehrcke a informé les membres des autres partis au sein de la Commission qu’il venait de rentrer d’un voyage de deux semaines dans plusieurs pays du Moyen Orient. « J’étais en Egypte, en Syrie, en Jordanie, en Israël et en Palestine, » a-t-il dit dans une interview accordée immédiatement après au journal Neues Deutschland, et ajouta, « La région ressemble à un volcan sur le point d’entrer en éruption. »

Gehrcke a dit aux membres de la Commission que la politique actuelle du gouvernement sur le Moyen Orient avait échoué et que de nombreux dirigeants politiques en étaient conscients. Mais, il leur était tout à fait difficile de le reconnaître, d’en parler et d’imposer des changements. Selon un communiqué de presse publié par Die Linke : « Ce dilemme est la raison de l’indécision et du désarroi avec lesquels Merkel, Westerwelle & Cie ont réagi aux développements en Egypte. » Tel était « le jugement de Wolfgang Gehrcke après la séance extraordinaire de la Commission des Affaires étrangères tenue aujourd’hui à l’initiative de Die Linke [La Gauche] ».

Gehrcke a offert au gouvernement des conseils concrets. Ce dernier devait enfin « sauter par-dessus son ombre et appeler à la démission immédiate du président égyptien, » a-t-il dit. Ce n’était qu’ainsi qu’une extension des manifestations et des grèves pouvait être évitée et que la situation pouvait être stabilisée. Dans le même temps, les exportations d’armement allemand vers l’Egypte devaient être annulées et pas seulement gelées et la coopération allemande en matière de formation de la police et de l’armée devrait être revue. »

De telles mesures à elles seules, étaient toutefois insuffisantes et ne représentaient que le début d’une nouvelle politique au Moyen Orient basées sur de nouvelles forces politiques, a dit Gehrcke. Il a fait état d’un nombre de « discussions très sérieuses » qu’il avait eues avec des groupes politiques et des personnes individuelles dans la région.

En dépit d’efforts considérables, il n’avait pas été en mesure de rencontrer Mohamed El Baradai au Caire qui avait alors été assigné à résidence à son domicile par les autorités égyptiennes. Mais, il existait des éléments civils qui étaient intéressés par une coopération avec Berlin et Bruxelles, a dit Gehrcke. Cela ne faisait aucun doute selon lui. Les groupes et des partis, communistes et socialistes, s’étaient aussi montrés coopératifs et prêts à entamer des discussions, a-t-il dit.

Afin d’empêcher un vide de pouvoir et de regagner la crédibilité perdue suite à des décennies de coopération avec le régime corrompu de Moubarak, Gehrcke a dit que les gouvernements seraient bien conseillés de s’excuser auprès de la population égyptienne pour leurs erreurs passées.

Gehrcke, qui a près de 70 ans est un vieil apparatchik stalinien rusé et qui a joué un rôle important durant bien des périodes cruciales de la politique ouest-allemande.

A l’âge de 18 ans, il avait rejoint le Parti communiste d’Allemagne (KPD) alors illégal et était l’un des membres fondateurs du SDAJ (Jeunesse ouvrière socialiste allemande, liée au KPD) dont il fut le secrétaire général pendant de nombreuses années. A l’apogée du mouvement de protestation étudiant en 1968, il fut un membre fondateur du Parti communiste allemand (DKP) qui avait été légalisé après son interdiction en 1956 par la cour constitutionnelle en Allemagne de l’Ouest. Gehrcke a dirigé le DKP à Hambourg pendant de nombreuses années. Immédiatement après la réunification de l’Allemagne en 1990, il rejoignait le Parti du socialisme démocratique (PDS) formé par les restes du parti d’Etat stalinien, le Parti socialiste unifié d’Allemagne (SED). Il grimpa les échelons au sein du PDS pour devenir son secrétaire général et participa activement, il y a quatre ans, à la formation de Die Linke, pour lequel il siège à présent au parlement.

Gehrcke sait que le gouvernement allemand, tout comme les autres gouvernements européens et celui des Etats-Unis, sont fortement isolés en Egypte et au Moyen Orient. Du fait de la répression de toute opposition par le régime de Moubarak, ces gouvernements étrangers ne disposent d’aucun contact avec d’autres mouvements politiques sur lesquels ils peuvent compter. Die Linke propose à présent ses services comme lanceur de pont pour leur politique impérialiste. C’est ce qui a été reconnu et apprécié à Berlin.

On peut dire sans ambages que le soulèvement naissant de la classe ouvrière au Moyen Orient est dirigé contre l’impérialisme. Le président Moubarak est haï parce qu’il est un agent de l’impérialisme américain et aussi parce qu’il jouit du soutien actif de tous les gouvernements européens. Ceci signifie que le soutien de la classe ouvrière au Moyen Orient requiert la mobilisation des travailleurs européens et américains contre leur propre gouvernement sur la base d’un programme socialiste international.

Die Linke fait exactement le contraire. Ce parti propose au gouvernement ses services d’arbitre afin de maintenir et de renforcer l’influence et le contrôle impérialiste sur le Moyen Orient.

L’objectif principal du voyage de Gehrcke au Moyen Orient a été de raviver et de réactiver les vieilles organisations staliniennes – ou ce qu’il en reste. Ceci explique pourquoi lui et les autres responsables du parti La Gauche diffusent un communiqué du « Parti communiste égyptien. » La député de Die Linke, Annette Groth, a lu l’intégralité de ce communiqué lors du rassemblement de Stuttgart mentionné ci-dessus et où Lafontaine avait pris la parole.

Dans ce communiqué, le PC égyptien appelle à un régime intérimaire afin de freiner l’enthousiasme des masses et de maintenir le régime et l’influence de la bourgeoisie égyptienne et des puissances impérialistes. Il réclame un « accord entre les différents partis d’opposition afin d’établir un comité de salut public » sur la base des «  revendications des masses. » Il poursuit en proposant que Moubarak soit remplacé par un « conseil présidentiel durant une période intérimaire », « la formation d’une coalition gouvernementale prenant la direction du pays pendant une période transitionnelle, » et la convocation d’une assemblée constituante.

Le parti La Gauche espère que personne ne connaît le rôle criminel joué par le PC stalinien en Egypte qui prône maintenant cette politique.

Créé au début des années 1920, le Parti communiste égyptien était rapidement passé sous l’influence grandissante de Staline et de son adaptation à la bourgeoisie nationale. Le Parti égyptien a soutenu la « théorie des deux étapes » qui stipule que dans les pays coloniaux et semi coloniaux tel l’Egypte, la lutte pour le socialisme doit d’abord passer par une étape de « capitalisme démocratique. » Sur la base de cette théorie les staliniens ont rigoureusement réprimé les aspirations révolutionnaires des masses en faveur de mesures socialistes.

C’est également sur cette base que le Parti communiste a soutenu le régime de Gamal Abdel Nasser dans les années 1950 et 1960 en décrivant sa politique comme du « socialisme arabe. » Même lorsque la politique de Nasser avait échoué lamentablement et que le pouvoir fut repris par son suppléant, Anwar Sadate, les staliniens influents, tels Fouad Morsi et Ismail Sabri Adb Allah ont participé au gouvernement Sadate. Cette collaboration se poursuivit durant de nombreuses années jusqu’au jour où, en 1975, ils démissionnèrent du gouvernement, au moment où Sadate adoptait ouvertement un programme économique néo libéral.

Les tentatives de Wolfgang Gehrcke et de Die Linke de mobiliser les restes des vieux partis staliniens dans le but de mener le mouvement révolutionnaire dans l’impasse d’un prétendu capitalisme démocratique ne sont pas seulement réactionnaires mais vouées à l’échec. Contrairement aux années 1940 et 1950, de tels partis ne sont plus en mesure de compter sur une puissante bureaucratie stalinienne en Union soviétique.

La révolution en Egypte et l’émergence de la classe ouvrière n’a pas seulement choqué les élites dirigeantes, elles ont aussi révélé au grand jour les véritables couleurs des partis et groupes politiques. Le rôle véritable joué par Die Linke se révèle comme n’étant rien moins que celui de conseiller et de laquais du gouvernement allemand.

(Article original paru le 11 février 2011)

 

 

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