Le gouvernement français va mobiliser plus de 12.000
policiers, gendarmes et militaires pour protéger les dirigeants des huit pays
industrialisés les plus riches (les Etats-Unis, le Japon, la France, la
Grande-Bretagne, l'Allemagne, l'Italie, le Canada et la Russie) qui vont se
rencontrer jeudi et vendredi à Deauville, station balnéaire chic de Normandie.
La France détient la présidence tournante du Groupe des Huit
et va accueillir les dirigeants du G8, neuf autres chefs d'Etat et leur
délégation, soit au total près de 8.000 participants. De grandes manifestations
contre ce sommet sont attendues.
Les dirigeants des principaux gouvernements capitalistes
craignent et détestent les masses. Ils sont complètement aliénés de la vie et
des besoins de la population. Cette attitude s'exprime dans la mise en place
d'un dispositif de sécurité exceptionnel à Deauville. Une équipe de forces
spéciales d'élite est en alerte. L'armée dispose d'un poste de commandement sur
une colline surplombant la ville et la police va patrouiller à cheval et en VTT
(vélos tout terrain) les collines entourant la ville. L’accès aux
résidents s’effectuera sur présentation d’un badge délivré par le
commissariat de Deauville.
Les passagers voyageant dans des trains au départ de la gare
St Lazare à Paris seront contrôlés. On a recours à tous types de surveillance
et de défense aérienne; Une zone interdite de survol dans la région de
Deauville a été créée à titre temporaire et une zone d'exclusion maritime. Deux
zones de sécurité sont prévues qui couvrent quasiment la ville tout entière. Ne
pourront y pénétrer que les participants au sommet, les journalistes, les
résidents et les travailleurs. L'aéroport de Deauville Saint-Gatien et les
ports de Deauville et Trouville-sur-Mer resteront fermés durant les deux jours
du sommet.
Un reportage de Reuters dit, «Le président français Nicolas
Sarkozy avait promis de faire baisser la facture du dispositif de sécurité pour
ce sommet après que les autorités canadiennes eurent été critiquées pour avoir
dépensé plus d'un milliard de dollars canadiens lors des sommets du G8 et du
G20 de l'année dernière. Mais la combinaison d'une cote de popularité en berne
pour Sarkozy et les craintes d'attaques pour venger la mort d'Oussama Ben Laden
signifient que les services de sécurité ne veulent prendre aucun risque. »
Ce sommet est le premier depuis le début du soulèvement
révolutionnaire des jeunes et des travailleurs contre la pauvreté et
l'oppression, qui a renversé les dictateurs tunisien et égyptien Ben Ali et
Hosni Mubarack et s'est propagé à l'ensemble du monde arabe et a, depuis le 15
mai, traversé la Méditerranée pour atteindre l'Espagne.
La réaction des grandes puissances au soulèvement arabe, la
guerre de l'OTAN en Libye, la guerre en Afghanistan et le remplacement de
Dominique Strauss-Kahn à la tête du FMI devraient être les sujets de
discussions de ces deux journées.
Le 3 mai, le ministre français des Affaires étrangères Alain
Juppé a annoncé à l'Assemblée nationale que le président Nicolas Sarkozy avait
adressé une invitation spéciale à la Tunisie et à l'Egypte afin que le G8
puisse concevoir « des plans d'action » qui les aideraient à «faire
face à leurs difficultés économiques. »
Il a présenté le programme contre-révolutionnaire de
l'impérialisme français et mondial, affirmant que le meilleur moyen de
s'attaquer à « l'extrémisme » était d'aider ceux qui aspirent à la
liberté à faire une transition réussie vers la démocratie. Il a aussi promis
d'aider la bourgeoisie nationale et l'appareil d'Etat de ces pays à maintenir le
statu quo. Il a déclaré, «Si nous laissons ces nations s’enfoncer dans
ces difficultés, la transition politique sera menacée.»
Etant donné le lieu de la rencontre et la participation des
quatre plus grands pays de l'Union européenne, il ne fait pas de doute que les
dirigeants discuteront de la crise grandissante de l'euro, de la menace de
défaut de paiement de la dette souveraine et des mesures d'austérité visant à
faire payer par la classe ouvrière le remboursement aux banques. Ce sont ces
questions qui provoquent la résistance de masse en Grèce, au Portugal et
maintenant en Espagne.
Les pays du G8 sont tous actuellement directement impliqués
ou soutiennent à divers degrés les guerres néo-coloniales et les interventions
armées en Irak, Afghanistan, Côte d'Ivoire et Libye.
Sarkozy utilise la présidence du G8 pour parader en chef
d'Etat mondial et pour faire remonter sa cote de popularité qui est au plus bas
autour de 20 pour cent, niveau historiquement le plus bas pour un président
français moderne. Dans son discours de lundi à la conférence du G20 sur «le
renforcement de la dimension sociale de la mondialisation » il a attaqué le
« fonctionnement anarchique des marchés financiers » et a appelé à
une «réglementation » tout en défendant l'économie libérale et la
compétition, affirmant que cela pouvait conduire au « progrès
social. » Il a aussi parallèlement exprimé son inquiétude quant à la
situation sociale qui «risque de devenir absolument incontrôlable. »
Sarkozy et la bourgeoisie française, tout comme leurs
homologues dans le monde entier, comptent sur les services de la
social-démocratie et des syndicats pour défendre le patronat et l'Etat
bourgeois. C'est ainsi que Sarkozy a fait passer les coupes sociales dans les
retraites l'année dernière.
Cette collaboration est soulignée par le rôle joué par le
Fonds monétaire international dont le président durant ces trois dernières
années (et qui avait été proposé à ce poste par Sarkozy) était le ténor
social-démocrate français Strauss-Kahn.
La secrétaire du Parti socialiste Martine Aubry soutient la
ministre de l'Economie de Sarkozy Christine Lagarde pour remplacer
Strauss-Kahn, contraint de démissionner de son poste de président du FMI.
Lagarde a joué un rôle important dans la mise en place des mesures d'austérité
qui ont provoqué des grèves et manifestations de plus de trois millions de
travailleurs français l'an dernier.
Sarkozy se sert aussi du sommet pour cultiver des relations
avec les larbins de l'impérialisme français en Afrique de l'Ouest. Il a invité
les présidents récemment élus Alassane Ouattara, Alpha Condé et Mahamadou
Issoufou, respectivement de Côte d'Ivoire, de Guinée et du Niger, anciennes
colonies françaises, en qualité d'invités exceptionnels.
L'Elysée a dit que ces invitations étaient une récompense
pour ces trois dirigeants qui sont arrivés au pouvoir par des «parcours
démocratiques exemplaires.»En fait, Ouattara n'a réussi à accéder à la
présidence de la côte d'Ivoire que grâce à l'aide militaire décisive de la
France et des Nations-Unies. Son prédécesseur Laurent Gbagbo avait été arrêté
par l'armée française le 11 avril à Abidjan.
Ces invitations font partie des efforts de l'impérialisme
français pour maintenir son influence dans ses anciennes colonies face à la
rivalité des grandes puissances, et tout spécialement de la Chine, dans cette
ruée actuelle sur l'Afrique et ses ressources.