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WSWS : Nouvelles et analyses : Afrique et Moyen-Orient

Le premier ministre égyptien démissionne la veille d’une manifestation de masse

Par Alex Lantier
7 mars 2011

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Le premier ministre égyptien Ahmed Chafik a démissionné le 3 mars pour essayer d’éviter une « marche » d’un million de personnes, prévue aujourd’hui par les manifestants anti-régime qui exigent un changement et critiquent sa longue histoire passée au service de l’ancien président Hosni Moubarak.

Chafik, un ancien commandant de la force aérienne égyptienne (tout comme Moubarak) et ministre de l’Aviation civile, a été nommé premier ministre par Moubarak lui-même le 29 janvier dans le but de désamorcer le mouvement de masse grandissant contre la dictature. Mais la population a refusé de voir dans cette nomination un changement politique réel et a poursuivi les protestations et une puissante vague de grèves qui ont finalement obligé Moubarak a quitté le pouvoir le 11 février.

Lors de réunions avec les groupes de jeunes et les organisateurs des protestations, Chafik n’a rien fait pour cacher son mépris pour les revendications élémentaires qui motivent les luttes de masse en Egypte : la liberté politique, des salaires et des niveaux de vie plus élevés et la fin de la corruption officielle. Il s’est moqué des manifestants lors des réunions en proposant de leur « donner des bonbons » s’ils quittaient la place Tahrir. Il a aussi défendu les forces de sécurité de l’Etat égyptien contre des accusations quant à leur recours à la torture.

Gaby Osman, un jeune manifestant de la place Tahrir, a dit au New York Times: « Ahmed Chafik et Hosni Moubarak collaborent. Il est devenu premier ministre grâce à Hosni Moubarak, et nous entendons des rumeurs qu’il appelle Moubarak au téléphone pour lui demander ce qu’il doit faire pour faire semblant de faire quelque chose pour les gens. »

Ces derniers jours, les manifestants avaient commencé à revenir sur la place Tahrir – une place centrale que les manifestants avaient tenue contre les nervis de Moubarak afin de l’obliger à quitter le pouvoir – dressant des tentes alors qu’avaient lieu les préparatifs pour la manifestation d’aujourd’hui contre Chafik. Il y eut des appels à continuer les manifestations après aujourd’hui, jusqu’à l’effondrement du gouvernement Chafik.

Hier, le Conseil suprême des Forces armées qui est au pouvoir, la dictature militaire de fait qui a pris le contrôle de l’Etat égyptien après l’éviction de Moubarak, a annoncé sur Facebook qu’il avait accepté la démission de Chafik. Il a dit qu’il avait confié la formation du nouveau gouvernement à l’ancien ministre des Transports, Essam Charaf.

Dans une brève allocution prononcée lors du conseil des ministres, Chafik a alors annoncé sa démission en reconnaissant qu’il ne pouvait pas continuer face à l’opposition de masse. Des responsables de l’Etat ont alors quitté le conseil en silence en refusant de répondre aux questions des journalistes.

Charaf, le nouveau premier ministre, a fait des études d’ingénieur civil à l’université Purdue aux Etats-Unis et il est membre du Parti national démocratique (NDP) de Moubarak. Après avoir démissionné pour protester contre la corruption au sein du ministère des Transports en décembre 2005, il avait pris un poste de professeur à l’université du Caire. Il a aussi été membre du comité politique du NDP.

Charaf avait rejoint les protestations anti-Moubarak le 8 février, peu de temps avant l’éviction de Moubarak. Il est l’un des dirigeants influents du NDP qui sont proches de certains partis d’opposition. Il a acquis une réputation de critique de la politique de Moubarak sur l’infrastructure et sur ses étroits liens avec Israël.

Mais, lorsqu’on lui a demandé de décrire les réformes qu’il mettrait en œuvre en tant que premier ministre, Charaf n’a suggéré qu’un changement de forme restreint du régime existant, un changement du nom des Forces de sécurité de l’Etat en Forces de sûreté de l’Etat. Il a aussi proposé de refaçonner la place Tahrir pour la faire ressembler davantage au Hyde Park de Londres.

Il y a des revendications de la population en général pour la dissolution des forces de sécurité de l’Etat en raison de leurs attaques brutales contre les manifestants durant les protestations anti-Moubarak. C’était le sujet d’un rapport officiel d’une commission gouvernementale d’établissement des faits, publié hier.

Ce rapport révèle que des tireurs embusqués de la police avaient tiré sur des manifestants depuis les toits des immeubles surplombant la place Tahrir – dont la Mugama [un édifice gouvernemental], l’hôtel Ramses Hilton, l’université américaine du Caire et le ministère de l’Intérieur. Deux anciens policiers de haut rang ont attesté que les policiers ne tireraient pas sur les manifestants sans la permission du gouvernement.

La commission a également recueilli des preuves auprès de 120 témoins oculaires qui ont dit que la police avait tiré à balles réelles sur les manifestants au Caire et à Gizeh. Des témoins oculaires ont aussi rapporté que c’était des nervis pro-Moubarak et pas les manifestants qui avaient mis le feu au quartier général du NDP. La commission a aussi rapporté qu’elle avait vu des preuves sur vidéo de deux véhicules blindés de la police tirer sur les manifestants ou essayer de les écraser.

De nombreux manifestants ont dit à la presse qu’ils continueraient les protestations d’aujourd’hui malgré la révocation de Chafik en signalant que leurs revendications allaient au-delà d’un changement d’identité du premier ministre. Un manifestant à dit au Washington Post, « Ils veulent que les manifestations de demain et celles à venir cessent. Mais nous préparons encore une manifestation demain. La manifestation de demain n’est pas seulement pour Chafik. »

Les partis d’« opposition » officiels ou semi-officiels toutes tendances politiques confondues tentent d’utiliser l’entrée en fonction de Charaf pour mettre fin aux protestations et pour semer l’illusion qu’il appliquera un changement social par le haut. Dans un bref message sur Twitter, l’ancien responsable de l’ONU, Mohammed El Baradei a remercié l’armée d’avoir mis en place Charaf.

Ayman Nour du parti libéral Al-Ghad a salué la nomination de Charaf au gouvernement par l’armée comme un « une bonne mesure» et s’attend à ce qu’il licencie d’autres ministres et qu’il réorganise les forces de sécurité. Le dirigeant du parti nationaliste Al-Karama, Hamdeen Sabbahy, a fait l’éloge de Charaf en disant qu’il « représentait la révolution égyptienne et pas Moubarak. »

Les Frères musulmans ont dit à l’agence de presse allemande DPA qu’ils « allaient attendre afin de voir » avant de le juger.

En fait, en tant que responsable toléré par l’armée, la principale tâche de Charaf sera de défendre les intérêts du corps des officiers – c’est-à-dire une politique pour le rétablissement de l’ordre et les intérêts de l’élite patronale égyptienne dont les gros bonnets de l’armée font partie intégrante.

Une autre question clé à être débattue au gouvernement est la réouverture de la bourse égyptienne. Celle-ci avait une fois de plus été reportée, par rapport à la date prévue du dimanche 6 mars, à une date indéterminée et que Charaf déterminera. La bourse est restée fermée depuis le 27 janvier, par crainte d’un krach suite à l’appréhension des investisseurs de voir leurs marges bénéficiaires touchées alors que les travailleurs organisaient des grèves pour réclamer de meilleurs salaires et conditions de vie.

Toute tentative de créer les meilleures conditions possibles pour la réouverture du marché boursier – à savoir, les meilleures conditions pour l’exploitation des travailleurs – lancera le gouvernement Charaf tête baissée dans un affrontement avec les revendications révolutionnaires des masses égyptiennes.

Un autre signe de la relation étroite existant entre la direction de l’armée et le capitalisme égyptien est l’énorme fortune personnelle amassée par Moubarak. Bien que n’ayant eu formellement que sa solde de moins que 10.000 dollars par an pour vivre, Moubarak a amassé une fortune atteignant des dizaines de milliards de dollars. Il est supposé avoir au moins 7 mille milliards de dollars déposés sur des comptes à Londres, Chypre et Genève.

Un tribunal du Caire va entamer le 5 mars une enquête sur la fortune de Moubarak. Lundi, le procureur général Abdel Meguib Mahmoud a ordonné la saisie des avoirs de Moubarak en lui interdisant ainsi qu’à sa famille de voyager.

Une période de temps considérable est passée depuis que Moubarak a été obligé de quitter ses fonctions et selon certaines informations il aurait déjà fui le pays. Selon certaines autres sources il serait encore dans sa villa de la station balnéaire de Charm-El-Cheik.

Le journal égyptien Al-Akbar a toutefois rapporté que Moubarak serait traité à Tabouk, en Arabie saoudite pour un cancer du pancréas et du colon. D’autres rapports indiquent que la femme de Moubarak, Suzanne Sabet, et ses fils Alaa et Gamal ont tenté dimanche dernier de fuir l’Egypte en passant par l’aéroport de Charm-El-Cheik.

 (Article original paru le 4 mars 2011)

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