La propagation à échelle internationale des mobilisations « Occupy Wall
Street » (Occupons Wall Street) a une signification politique indéniable. Le
15 octobre des occupations commenceront dans des villes d'Europe, d'Asie,
d'Australie et de Nouvelle Zélande, du Canada, d'Amérique du sud et
d'Afrique.
Le mouvement qui se développe est par essence anticapitaliste. Les
manifestations sont motivées par l'aspiration à l'égalité sociale. Le mot
d'ordre de leurs banderoles, « Nous sommes les 99 pour cent », est imprégné
de l'hostilité de classe des travailleurs contre la monopolisation des
richesses de la société par une minuscule élite des milieux financiers et de
la grande entreprise – le « un pour cent ».
Aux Etats-Unis, le mythe de la supériorité du « libéralisme économique» a
été discrédité dans l'esprit de dizaines de millions de gens,
particulièrement depuis les trois dernières années qui ont suivi le début de
la crise financière mondiale. Les conditions auxquelles sont confrontés les
travailleurs et les jeunes dans le centre du capitalisme mondial les
obligent à sérieusement envisager un changement social radical et la
perspective du socialisme.
Les occupations ont émergé hors de l'influence des institutions
politiques officielles, des partis, des syndicats et des organisations
contestataires de la pseudo-gauche, et elles sont implicitement dirigées
contre leur soumission aux intérêts de la grande entreprise. Elles expriment
l'opposition au chômage massif, à la baisse brutale des salaires et des
conditions de travail, à la très forte hausse des coûts de l'éducation et de
la santé, à la dégradation de l'environnement et à la guerre.
L'écho de tels sentiments de par le monde montre que les expériences qui
façonnent les attitudes de la classe ouvrière américaine sont universels.
Trois ans après l'effondrement financier, il est clair que les opérations
financières semi-criminelles qui en sont venues à dominer l'accumulation des
richesses du « un pour cent » capitaliste ont mené à la désintégration de
toute la structure du capitalisme mondial et à une descente dans la
dépression économique et les tensions entre Etats.
Dans chaque pays, la rengaine des élites dominantes est la même. Elles
exigent que le fardeau entier de la crise qu'elles ont provoquée elles-mêmes
soit imposé à la classe ouvrière en détruisant l'emploi, en réduisant les
salaires et en éliminant les services sociaux et les droits essentiels. Le
capitalisme a échoué en tant que système mondial. Il ne propose qu'un avenir
de pauvreté, de misère, de catastrophe environnementale et, s'il n'est pas
renversé, la menace de nouvelles guerres dévastatrices entre nations
capitalistes rivales.
Qu'elles soient petites ou massives, ces premières mobilisations
mondiales ce week-end sont le reflet de la conscience élémentaire que la
classe ouvrière partout est confrontée à des problèmes communs et à un
ennemi commun: la finance et la grande entreprise organisées à échelle
mondiale, et les élites auxquelles elles appartiennent. Il n'existe pas de
solution nationale.
La question cruciale désormais est de faire que les motivations
spontanées qui ont fait naître le mouvement « Occupy » deviennent
politiquement conscientes. La lutte à laquelle la classe ouvrière et les
opprimés sont confrontés va nécessiter une perspective de changement social
révolutionnaire à échelle internationale. Une discussion profonde sur les
questions de programmes, stratégies et tactiques politiques est
incontournable.
Tout d'abord, la classe ouvrière doit discuter et procéder à une rupture
politique avec les organisations nationalistes pro-capitalistes qui servent
les classes dirigeantes, c'est-à-dire le Parti démocrate et la confédération
syndicale AFL-CIO aux Etats-Unis, les partis sociaux démocrates et
staliniens et les syndicats à travers l'Europe, le Parti travailliste et les
syndicats en Australie, et leurs homologues dans d'autres pays.
Les manifestants du mouvement « Occupy » doivent reconnaître que les
défenseurs de ces organisations réactionnaires se sont précipités pour
essayer de prendre le contrôle du mouvement afin de bloquer cette
discussion. On peut facilement les identifier. Ce sont eux qui insistent
avec le plus d'emphase que la règle du « pas de politique » devrait être
imposée aux manifestations. L'administrateur de la page facebook de « Occupy
Sydney » en Australie en est un exemple. Cette personne a déclaré cette
semaine : « Tout parti ou groupe politique qui voudrait essayer de récupérer
ce mouvement pour lui imposer un programme politique, nous le virerons. »
De telles positions sont profondément anti-démocratiques et hostiles aux
aspirations qui composent le mouvement « Occupy ». Elles ne sont rien
d'autre que la volonté d'interdire toute critique des partis et des
syndicats dont le programme politique pro-capitaliste est responsable des
conditions auxquelles la classe ouvrière est confrontée. C'est une tentative
de censurer la politique socialiste et d'empêcher le développement d'une
véritable alternative politique.
A tout niveau, le « pas de politique » est une absurdité. Il est évident
pour toute personne sérieuse qu'une lutte contre le « un pour cent »
capitaliste pose des questions politiques cruciales. Tout mouvement social
dans l'histoire a dû adopter un point de vue sur la question fondamentale de
politique: quelle classe devrait gouverner.
Un mouvement authentique pour le changement social doit s'orienter vers
la mobilisation révolutionnaire de l'unique force sociale qui a le pouvoir
de renverser le capitalisme: la classe ouvrière internationale. Ce mouvement
doit proposer une solution au problème historique auquel la société entière
est confrontée. Il devra avoir comme but conscient l'abolition de la
propriété privée des moyens de production et l'abolition du système des
Etats-nations, qui sont à la base de la domination de l'oligarchie
capitaliste et produisent les contradictions qui mettent à mal l'économie
mondiale.
Le danger auquel est confronté le mouvement « Occupy » est celui d'être
réduit à devenir un mouvement de contestation de plus, exprimant la colère
et l'opposition populaires, mais qui soit canalisé, pour le rendre
inoffensif, derrière les partis et les institutions de l'élite politique.
Aux Etats-Unis par exemple, les partisans du Parti démocrate au pouvoir
cherchent déjà à rediriger le mouvement Wall Street vers la campagne pour la
ré-élection de Barack Obama en 2012, se servant de l'argument du « moins
pire » qui affirme qu'Obama est un plus grand opposant de Wall Street que ne
le sont les Républicains.
En Australie, des participants aux mobilisations de ce week-end cherchent
à les orienter vers des appels futiles à un changement dans la politique du
Parti travailliste, de ses partenaires du Parti vert et des syndicats,
c'est-à-dire les organisations mêmes qui sont responsables de l'assaut
grandissant contre le niveau de vie de la classe ouvrière, au profit de
l'élite de la grande entreprise australienne.
De par l'Europe, des efforts similaires seront à l'œuvre pour orienter le
mouvement sous l'aile de l'establishment politique officiel. Des
organisations comme le Nouveau Parti anticapitaliste en France, le Parti de
gauche en Allemagne et le Socialist Workers Party en Grande-Bretagne œuvrent
délibérément et consciemment pour empêcher tout mouvement politique
indépendant.
Une rébellion consciente est requise contre les appareils
pro-capitalistes. Il faut forger un parti mondial unifié de la classe
ouvrière, parti qui combattra toute forme de nationalisme et de chauvinisme
et qui mènera la lutte dans chaque pays pour établir d'authentiques
gouvernements ouvriers démocratiques et la réorganisation socialiste de la
société. La réponse progressiste à la domination du « un pour cent » et à
l'échec du capitalisme est la transformation des grandes institutions
financières et des sociétés en institutions publiques contrôlées
démocratiquement, et la planification de l'économie mondiale pour subvenir
aux besoins sociaux et non au profit privé.
Les Partis de l'égalité socialiste et le World Socialist Web Site,
organisations du Comité international de la Quatrième Internationale,
incarnent consciemment cette perspective. Nous encourageons tous les
participants aux mobilisations du mouvement « Occupy » de par le monde à
nous contacter pour discuter le programme, l'histoire et les traditions du
mouvement trotskyste mondial.