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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

L'Allemagne et la France veulent le retour des contrôles frontaliers

Par Martin Kreickenbaum
30 avril 2012

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Les ministres de l'intérieur de la France et de l'Allemagne, Claude Guéant et Hans-Peter Friedrich tentent en ce moment de réintroduire les contrôles aux frontières au sein de l'Union européenne. Dans une lettre adressée à la Commission européenne de Bruxelles, datée du 17 avril et transmise au quotidien allemand Süddeutsche Zeitung, ils exigent que les gouvernements nationaux obtiennent « le pouvoir de réintroduire temporairement pour une durée de 30 jours des contrôles internes aux frontières ». C'est aux Etats eux-mêmes de prendre cette décision que Guéant et Friedrich qualifient de « dernier ressort ».  

La lettre des deux ministres, parue quelques jours seulement avant le premier tour de l'élection présidentielle française, avait de la part du gouvernement allemand l'intention évidente de donner un coup de pouce à la campagne électorale de Nicolas Sarkozy. Celui-ci subit la pression du parti d'extrême droite Front national et essaye de renforcer sa position en attisant la xénophobie et en mettant en avant des mots d'ordre sécuritaires.

Lors d'un meeting électoral début mars, Sarkozy avait brandi la menace d'une sortie de l'accord de Schengen et de la suppression de la liberté de mouvement des personnes en Europe si l'Union européenne ne prenait pas des mesures pour stopper le flux migratoire par  les frontières extérieures de l'Europe. La lettre adressée à la Commission européenne a valeur de soutien officiel du gouvernement Merkel à cette position.

Mais cette lettre a une importance allant bien au-delà de la simple tactique en période d'élection. C'est un avertissement de plus du retour, dans les conditions ou le niveau de vie est férocement attaqué par les mesures d'austérité, des vieilles divisions nationales au sein de l'Europe, des divisions ayant déjà servi à déclencher deux guerres mondiales au cours du siècle dernier.

L'accord de Schengen est entré en vigueur en 1995 et il a dans une grande mesure aboli les contrôles aux frontières à l'intérieur de l'Europe dans le but de permettre le libre passage du capital, des marchandises et des personnes. Dans le même temps, on a pris des mesures de grande ampleur pour renforcer les frontières extérieures du continent dans le but de restreindre le mouvement migratoire en provenance de l'Est et des pays ne faisant pas partie de l'Union européenne. Selon les estimations d'organisations humanitaires, ce sont 15.000 migrants qui ont péri aux frontières de l'Union européenne depuis l'introduction des accords de Schengen.

Les accords ont aussi renforcé les pouvoirs de contrôle des diverses polices aux frontières dans les gares et sur les principaux axes routiers, leur permettant de faire la chasse aux réfugiés et aux migrants sans papiers.

La France et l'Allemagne veulent à présent restaurer les contrôles à leurs frontières et à l'intérieur de l'UE. Il existe un large consensus au sein de la Commission européenne sur cette question, les divergences ne concernant que la répartition des pouvoirs. La Commission a fait une proposition d'amendement des accords de Schengen qui devait être discuté le 26 avril. Elle veut permettre aux Etats signataires de Schengen de réintroduire les contrôles aux frontières pour une durée de 5 à 30 jours. Contrairement aux souhaits de Friedrich et Guéant toutefois, cette mesure doit être soumise à l'approbation de la Commission. 

Une procédure similaire existe déjà. Selon l'Article 23 de l'accord de Schengen, un pays peut fermer ses frontières pour une période limitée dans le temps « dans l'éventualité d'une menace sérieuse » à l'ordre public et à la sûreté nationale. Mais il eut toute l'année dernière des disputes sur cette clause entre Bruxelles et les gouvernements nationaux.

Le gouvernement français a ainsi, de façon unilatérale et en violation de la Convention de Schengen, introduit des contrôles à sa frontière avec l'Italie, à la suite de la révolution en Tunisie et de la guerre menée par l'OTAN contre la Libye. Ces événements avaient conduit à ce que de nombreux réfugiés avaient franchi la Méditerranée et étaient arrivés sur les côtes italiennes. L'ex gouvernement de centre droit du Danemark avait lui aussi restauré des contrôles sur sa frontière avec l'Allemagne.

Lors de la réunion des ministres de l'Intérieur de l'Union européenne le 8 mars, sept pays de l'UE ont appelé le gouvernement grec à renforcer ses frontières avec la Turquie. Dans un communiqué commun, les ministres de l'Intérieur de la Belgique, de la France, du Royaume Uni, des Pays Bas de l'Autriche et de la Suède avaient accusé le gouvernement grec de faire preuve d'un « manque de volonté politique » et de permettre que ses frontières soient « grandes ouvertes ». Ils ont aussi menacé de réintroduire les contrôles à la frontière grecque si cette dernière s'avérait incapable de « protéger efficacement » ses frontières extérieures.

Guéant et Friedrich ont aussi justifié leurs dernière initiative en faisant allusion au soi-disant spectre de l'« immigration incontrôlée » au sein de l'UE, qui mettrait en danger la « sécurité et l'ordre public ». D'autres pays sous accusation sont l'Italie, l'Espagne et le Portugal.

« Je suis pour la liberté de mouvement et de voyage, mais si des Etats particuliers ne font pas leur travail et les escrocs arrivent, nous devons réintroduire à court terme les contrôles aux frontières » a dit Friedrich à la conférence sur la sécurité de la CSU (Union sociale-chrétienne).

Les médias allemands ont pris les affirmations de Friedrich pour argent comptant. Spiegel online et la Süddeutsche Zeitung ont écrit que plus d'un million d'immigrants rôdaient en Grèce attendant la chance d'entrer en Europe centrale et du nord. 

En fait, le groupe dont il est question comprend environ 800.000 immigrants enregistrés, venant principalement de l'Albanie, de la Macédoine et de la Turquie et qu'on avait accueilli en Grèce comme main-d'ouvre à bon marché jusqu'au moment où les mesures drastiques d'austérité de l'UE les eurent mis au chômage et les eurent privés de revenu. Le réseau de recherche Clandestino estime qu'il y a 200.000 migrants supplémentaires qui n'ont pas le  statut légal d'immigrés dans le pays.

La principale raison pour laquelle bon nombre de ces personnes dans une situation catastrophique sont poussées à émigrer en Europe de l'Ouest et du Nord, est la politique cynique de l'UE elle-même. Les migrants sont touchés de façon particulièrement dure par les mesures brutales d'austérité dictées par l'UE et qui ont conduit à une hausse rapide du chômage et de la pauvreté. 

Afin de désamorcer la rébellion grandissante contre les coupes sociales de la part de la population grecque, le gouvernement d'Athènes essaie lui aussi de faire des immigrés des boucs émissaires et de leur faire porter la responsabilité de la crise économique, du chômage et des coupes sociales. Le gouvernement de Lucas Papademos, soutenu par l'UE, a permis des razzias quotidiennes contre les immigrés au cours desquelles ils furent détenus par centaines ; on a pris leurs empreintes digitales et ils ont reçu leur ordre de déportation. Nombreux sont ceux qui finissent en prison et en camp de détention. L'opération anti immigrés dirigée par le ministre grec de la Protection des Citoyens, Michalis Chrysochoidis (PASOK), a été intitulée « Opération balai ».  

Le ministre de la Santé, Andreas Loverdos (PASOK) a également exigé l'arrestation de toute personne « soupçonnée de transmettre une maladie ». Cette accusation est dirigée contre quiconque a affaire à la prostitution, ce qui est considéré comme suffisant pour qu'on le soupçonne d'être séropositif.

Les organisations de droits de l'homme et le Conseil européen ont attiré l'attention sur les conditions inhumaines des immigrés et des réfugiés  régnant en Grèce. Il n'existe pas de véritable procédure d'asile. Les patrouilles de police se servent de balles réelles dans leur poursuite des réfugiés sur la frontière avec la Turquie. Ceux qui cherchent protection sont soumis à la détention arbitraire dans des camps surpeuplés, aux conditions d'hygiène inacceptables et où manque toute nourriture adéquate. On refuse à ceux qui échappent à la captivité toute aide de la part des agences gouvernementales et ils doivent survivre sans un abri et en mendiant.  

Mais cela ne suffit pas encore aux gouvernements français et allemand. Ils continuent de faire pression sur le gouvernement grec pour qu'il intensifie sa campagne contre les migrants. En plus d'un contrôle renforcé des régions frontalières, le gouvernement Papademos a entrepris de transformer trente casernes abandonnées en camp de détention pour migrants. Jusque-là un millier de réfugiés ont été enfermés dans ces camps. Ce plan a été soutenu par l'UE qui a donné 250 millions d'Euros  pour financer trois niveaux de barrières autour de ces camps, chacun d'entre eux gardé par 150 policiers.

Les propositions de guéant et de Friedrich ne sont pas seulement dirigées contre les travailleurs étrangers. Elles sont directement en rapport avec les pacte fiscal mis en vigueur par les gouvernement français et allemand et forçant les gouvernement européens à réaliser des coupes budgétaires énormes aux dépends de la classe ouvrière. Ce pacte a poussé une bonne partie de la Grèce et du sud de l'Europe dans la misère. On craint de plus en plus que la division sociale de l'Europe puisse déclencher de nouvelles migrations massives. L'Office Fédéral allemand des Migrations et des Réfugiés a déjà relevé une forte hausse de l'immigration en provenance de la Grèce et de l'Espagne en direction de l'Allemagne.

C'est la raison pour laquelle Guéant et Friedrich s'activent à présent pour la réintroduction des contrôles aux frontières. Ils veulent transformer l'Europe en prison dans le but d'empêcher les travailleurs et les jeunes voulant échapper au chômage et à la misère créés dans des pays comme la Grèce, l'Espagne et l'Irlande, de le faire. Ceux-ci doivent être traités de la même façon que ceux venus d'Afrique du Nord et qui ont déjà péri par centaines en essayant d'entrer en Europe.

(Article original paru le 26 avril)

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