Le blocage de l’escalier
Les nervis n'ont libéré l'escalier qu’après que le
concierge eut appelé la police. Ils se sont alors positionnés de l’autre
côté de la route, ont déployé des drapeaux israéliens et américains et
scandé « Longue vie à Israël. »
La réunion a été un grand succès malgré ces
perturbations. Près de 70 personnes ont refusé de se laisser intimider par
les insultes et les menaces et ont assisté à la réunion. Elles étaient
issues de tous les milieux sociaux, allant du personnel d’un aéroport, à des
maîtres de conférence en passant par des ingénieurs, des enseignants et des
étudiants. Plusieurs d’entre elles étaient originaires de pays du Moyen
Orient, tels la Syrie, la Palestine, Israël et l’Iran.
Dans son intervention, Wolfgang Weber, membre de
la direction du Parti de l’Egalité sociale (PSG, Allemagne) a traité de
l’actuel déploiement militaire des Etats-Unis et d'Israël contre l’Iran et
fait référence au contexte politique et historique de l’actuelle menace de
guerre.
Il a cité une déclaration faite par le secrétaire
américain à la Défense, Leon Panetta, qui avait dit en janvier au
Washington Post qu’il était « fortement probable qu’Israël frappe l'Iran
en avril, mai ou juin. » Bien que des négociations se déroulent actuellement
à Istanbul entre l’Iran et cinq membres permanents du Conseil de Sécurité de
l’ONU, en plus de l’Allemagne, le ministre de la Défense israélien, Ehoud
Barak, a publiquement défendu l’option d’une attaque militaire illégale
contre l’Iran.
« Dans cette situation, » a dit Weber, « Grass a
utilisé un poème pour avertir du danger d’une attaque israélienne contre
l’Iran. Il a déclaré que le Moyen Orient était confronté à une guerre, et
que l’Allemagne fournissait des armements de guerre (tels des sous-marins).
Qu'y a-t-il à reprocher à ces déclarations ? »
Weber a traité du contexte historique entourant
les préparatifs de guerre contre l’Iran en exposant les véritables forces
motrices : d’abord et avant tout, le contrôle des ressources pétrolières. En
1953, les Etats-Unis avaient renversé le régime nationaliste de Mossadegh en
Iran après que ce dernier eut nationalisé l’industrie pétrolière du pays,
puis avaient désigné le Shah Réza Pahlavi comme leur marionnette. La
révolution iranienne de 1978-79 avait finalement mis un terme au contrôle
américain direct sur la région. Depuis lors, l’impérialisme américain n’a
cessé d’essayer d’y regagner de l’influence.
En dernière analyse, la question pour les
Etats-Unis n'était pas uniquement l’exploitation des ressources pétrolières
dans leur propre intérêt, mais il s'agissait aussi d’arracher à leurs
concurrents le contrôle sur l’approvisionnement en énergie. Le principal
importateur de pétrole iranien est la Chine suivi du Japon, de l’Inde, du
Pakistan et d’autres pays.
Weber a aussi rappelé que l’ancien conseiller à la
sécurité nationale, Zbigniew Brzezinski, avait souligné dans son livre Le
Grand Echiquier (1998) l’importance stratégique de la région pour le
maintien de la suprématie des Etats-Unis.
Weber a décrit l’Etat d’Israël « comme un piège
tragique pour tous ceux qui, après l’Holocauste, y ont cherché refuge afin
de se préserver contre le danger de l’antisémitisme et de
l’anéantissement. » Depuis sa création et l’expulsion des Palestiniens, le
gouvernement israélien s’est trouvé dans une logique de guerre. Autrefois,
de nombreux Juifs considéraient le socialisme comme une réponse à la
persécution. Ce ne fut qu’après la défaite infligée par le stalinisme au
mouvement ouvrier allemand, puis ensuite les crimes du régime nazi, que les
Sionistes furent en mesure de prendre le dessus et de propager leur propre
solution nationale.
Weber a signalé qu’Israël était loin d’être une
société homogène. « Le pays est déchiré par de profondes divisions de
classe. L’été dernier, il y a eu en Israël les plus importantes
manifestations sociales de son histoire. Aujourd’hui, des sondages d’opinion
montrent que quatre-vingts pour cent des Israéliens sont opposés à une
première frappe contre l’Iran, » a poursuivi Weber. « Si l’on acceptait la
définition que quiconque critiquant les préparatifs de guerre d’Israël était
obligatoirement un antisémite, alors quatre-vingts pour cent de la
population israélienne doit être antisémite. »
Weber a ensuite traité assez longuement du
militarisme allemand qui, depuis la réunification, est une fois de plus est
en train de devenir de plus en plus actif de par le monde – à commencer par
une participation à la guerre dans les Balkans et en Afghanistan en passant
par un soutien passif à la guerre en Irak et à présent à une participation
active aux préparatifs en vue d’une attaque contre la Syrie et l’Iran.
« La lutte contre la guerre doit se fonder sur la
mobilisation de la classe ouvrière internationale contre les fauteurs de
guerre à Washington, à Berlin et à Tel Aviv, » a conclu Weber. « Notre
slogan est le suivant: Pour les Etats socialistes unis du Moyen-Orient ! Et
pour les Etats socialistes unis d’Europe ! »
Après la conférence il y a eu une discussion
animée. Un certain nombre des personnes présentes ont félicité Weber pour
ses observations. Plusieurs participants ont exprimé leur inquiétude quant à
la menace de guerre et aussi au sujet des attaques publiques odieuses
lancées contre Grass. D’autres voulaient en savoir plus sur le caractère et
la nature de la perspective du PSG et de la Quatrième Internationale.
A la fin de la réunion, plusieurs participants à
la réunion ont personnellement remercié l’orateur en lui serrant la main. Un
participant kurde a loué cette « conférence vraiment profonde. » Un
travailleur plus âgé originaire de Syrie et qui vit et travaille depuis 40
ans en Allemagne a explicitement remercié le PSG pour avoir réfuté la
propagande officielle sur la Syrie en demandant comment il lui serait
possible de voter pour le PSG. Bon nombre de ceux qui ont assisté à la
réunion ont laissé leur adresse dans le but de rester en contact avec le
PSG.
La tentative de vouloir perturber la réunion à
Francfort doit être envisagée dans le contexte des efforts entrepris pour
intimider et réduire au silence toute opposition aux préparatifs de guerre
au Moyen-Orient.
Depuis la publication de son poème « Ce qui doit
être dit, » Günter Grass, prix Nobel de littérature allemand, âgé
aujourd’hui de 84 ans, fait l’objet d’une campagne de diffamation rappelant
les heures les plus sombres de l’histoire allemande. Grass, qui a consacré
son oeuvre littéraire à un travail de mémoire sur le passé nazi du pays, a
été vilipendé par d’importants médias et qualifié d'antisémite et de
partisan de Hitler.
Les élites politiques dirigeantes et les médias
sont évidemment déterminés à veiller à ce qu’il n’y ait pas de débat sur les
préparatifs pour de nouveaux crimes de guerre au Moyen-Orient dans lesquels,
comme le remarque Grass dans son poème, ils sont profondément impliqués.
Les provocateurs qui ont tenté en vain de
perturber la réunion à Francfort ont cherché à dissimuler leur identité. Le
tract qu’ils ont diffusé omettait de mentionner le nom de l’auteur ou celui
du responsable de presse. Un article approuvant la provocation et qui a paru
presque simultanément sur le site Internet Indymedia affirmait que l’auteur
en était les « gens de Francfort. »
La forme et le contenu de la provocation ont
toutefois clairement montré que les provocateurs étaient, sinon du point de
vue organisationnel du moins politiquement, étroitement liés aux
gouvernements israélien, américain et allemand et donnent leur adhésion à
l’extrême droite. Perturber physiquement les réunions publiques des
adversaires à la guerre était la tactique favorite des nazis durant la
République de Weimar.
Un article d'Axel Feuerherdt dans le magazine
Jungle World et qui est reproduit dans leur tract, indique aussi que les
nervis pro-israéliens sont liés au milieu des soi-disant « anti-allemands. »
Ces derniers forment un mouvement politique qui qualifie d'antisémite la
moindre critique de la politique du gouvernement israélien.
La déclaration qui est affichée sur le site
Internet Indymedia appelle à lancer d'autres provocations contre les
réunions du PSG pour la défense de Günter Grass prévues à Berlin et à
Leipzig, les 23 et 24 avril. Le PSG a exigé qu’Indymedia retire
immédiatement de son réseau Internet cette attaque flagrante contre la
liberté d’expression mais n’a jusqu'ici reçu aucune réponse.
Nous lançons un appel à tous les lecteurs du WSWS
pour qu'ils s’opposent à cette attaque en assistant à nos prochaines
réunions à Berlin et à Leipzig.
(Article original paru le 23 avril 2012)