Dans des conditions où le Parti Québécois (PQ), un parti de la grande
entreprise, et tout le mouvement indépendantiste de la province sont en
profonde crise, Québec solidaire, un parti qui se dit de gauche, a multiplié
ses offres d'appui envers le PQ et se fond encore plus complètement dans le
mouvement dirigé par le PQ qui veut une République capitaliste du Québec.
Dans les derniers mois, Québec solidaire (QS) et son unique membre élu à
l'Assemblée nationale, Amir Khadir, ont courtisé d'anciens députés du PQ qui
avaient récemment quitté le parti, ont développé leurs liens avec divers
groupes dissidents partisans de l'indépendance du Québec et ont offert de
forger une alliance électorale avec le PQ.
À la fin du mois d'octobre, parlant du besoin d'un pacte électoral avec
le PQ pour « défaire la droite », Khadir à dit, « On peut s'entendre. Si le
PQ n'en veut pas, de François Legault et des libéraux, Québec solidaire n'en
veut pas non plus. On dit [dans les comtés électoraux] où il y a des
libéraux actuellement, on essaie de faire quelque chose. »
Françoise David, l'autre « co-chef » de QS, n'a pas été moins directe que
Khadir pour défendre l'idée d'une alliance PQ-QS. À la suite d'une victoire
des libéraux dans une élection partielle plus tôt ce mois-ci, David s'est
dite consternée que « la direction du PQ, du moins pour le moment, soit si
peu encline à un dialogue » avec QS sur la question d'une alliance
électorale.
Comme le montrent les remarques de Khadir, QS fait la distinction entre
le PQ et la « droite » qu'il identifie comme étant constituée des libéraux,
qui forment le gouvernement du Québec depuis 2003, et la Coalition pour
l'avenir du Québec (CAQ), un parti formé le mois dernier par François
Legault, ancien ministre du PQ qui avait déjà tenté d'en prendre la
direction.
Mais le PQ, tout autant que les libéraux, est un parti de la grande
entreprise. Lorsqu'il a été au pouvoir, le PQ est entré en conflit direct
avec la classe ouvrière. En 1982-83, le gouvernement péquiste de René
Lévesque a imposé de vastes coupes dans les contrats de travail des
travailleurs du secteur public et a menacé de congédier en masse les
enseignants qui se rebellaient. Les gouvernements péquistes de Lucien
Bouchard et de Bernard Landry (1995-2003) ont éliminé des dizaines de
milliers d'emplois en santé et en éducation au nom de l'élimination du
déficit budgétaire annuel de la province. Ensuite, quand le déficit zéro à
été atteint, le PQ a mis en oeuvre d'importantes baisses d'impôt pour la
grande entreprise et les sections les plus privilégiées de la société.
Dans les dernières années, voulant satisfaire les demandes de plus en
plus criantes de la bourgeoisie pour l'élimination de ce qui reste de
l'État-providence, le PQ s'est orienté encore plus vers la droite. Sous
Pauline Marois, il a attaqué le gouvernement libéral de Jean Charest pour ne
pas réduire le déficit provincial assez rapidement. Il multiplie aussi de
plus en plus les appels chauvins, ayant réussi à faire pression sur le
gouvernement libéral pour qu'il présente un projet de loi interdisant la
prestation de services publics à des femmes musulmanes qui porteraient le
niqab ou la burqa.
Le rôle dirigeant du PQ dans l'assaut sur la position sociale de la
classe ouvrière lui a valu une baisse radicale de son appui dans la
population. Dans l'élection fédérale du 2 mai, le parti frère du PQ, le Bloc
Québécois, est passé de 47 à 4 sièges au parlement et a vu sa part du vote
chuter à 23 pour cent. De plus, malgré l'impopularité du gouvernement
libéral de Jean Charest, les sondages indiquent depuis des mois que les
libéraux obtiendraient tout de même plus de votes que le PQ et que ces deux
principaux partis subiraient une défaite considérable aux mains de la CAQ de
Legault.
Québec solidaire a réagi à la crise du PQ en volant à son secours par la
proposition d'une alliance électorale. Mais, de manière tout aussi
importante, QS aide les politiciens de droite discrédités du PQ et leurs
alliés de la bureaucratie syndicale à entretenir le mensonge que les
travailleurs peuvent défendre leurs intérêts, ou du moins contrer en partie
les assauts de la grande entreprise, à l'aide du PQ.
En réalité, la supposée division « gauche-droite » entre les libéraux et
le PQ a été un instrument clé de la bourgeoisie durant les quatre dernières
décennies, un mécanisme pour gérer les relations de classe afin d'assurer
son maintien au pouvoir. Justement parce que le PQ se présente comme un
parti « social-démocrate » et a profité du soutien indéfectible de la
bureaucratie syndicale, le patronat l'a souvent considéré comme un meilleur
véhicule pour imposer ses vastes attaques aux travailleurs.
Lucien Bouchard, faut-il se le rappeler, avait exhorté les Québécois à
voter pour la souveraineté dans le référendum de 1995 pour créer un rempart
contre la « vague de droite » qui balayait l'Amérique du Nord. Par la suite,
il avait immédiatement mis en oeuvre le même programme de coupes massives
dans les dépenses sociales que celui réalisé par son principal rival
fédéraliste, le premier ministre libéral Jean Chrétien.
Les travailleurs au Québec ne seront en mesure de défendre leurs emplois
et leurs droits qu'en développant une offensive industrielle et politique
contre la totalité de l'establishment patronal, ce qui comprend le PQ, en
s'alliant aux travailleurs du reste du Canada dans une lutte pour un
gouvernement ouvrier.
En tant que parti qui aspire à faire partie de l'establishment, QS est
totalement opposé à cette perspective. Il défend la conception réactionnaire
complètement fausse que la principale division dans la politique du Québec
et du Canada est celle qui existe entre les fédéralistes et les
souverainistes québécois, et non pas le gouffre entre l'élite patronale qui
domine la vie économique et la classe ouvrière qui est exploitée par cette
élite, et il cherche systématiquement à diviser les travailleurs du Québec
de leurs frères et soeurs de classe à travers le Canada et le monde.
La direction du PQ a sèchement rejeté les avances de QS. Marois évalue
qu'un pacte avec un parti apparemment de gauche minerait ses efforts pour
convaincre la grande entreprise que le PQ est le meilleur véhicule pour
intensifier l'offensive contre la classe ouvrière.
Mais l'appel de QS à une alliance a été accueilli par les Syndicalistes
et progressistes pour un Québec libre (SPQ libre), une ancienne faction du
PQ soutenue directement par certaines sections de la bureaucratie syndicale.
De plus, QS a organisé des rencontres et des actions communes avec un groupe
dissident de députés péquistes qui ont quitté le caucus parlementaire du PQ,
mais qui demeurent au sein du parti. Les anciennes ministres Louise Beaudoin
et Lysette Lapointe, la femme de l'ancien premier ministre du Québec Jacques
Parizeau, font partie de ce groupe.
Bien que Khadir et David se présentent comme les défenseurs d'une
nouvelle politique « de la base », ils agissent comme n'importe quel
politicien bourgeois à en devenir, traitant avec mépris les désirs des
membres de leur parti tout en cherchant à convaincre les médias et l'élite
du Québec qu'ils sont modérés et responsables.
Ainsi, ils ont tenté d'établir un pacte électoral entre QS et le PQ en
violation directe d'une résolution qui avait été adoptée au Congrès de QS en
mars dernier et qui stipulait que QS ne devait prendre part à aucune
alliance électorale.
Néanmoins, cette résolution masque une certaine réalité. Les membres de
QS sont à forte majorité petits-bourgeois et comprennent surtout d'anciens
membres du PQ et d'autres qui ont appuyé la campagne péquiste pour la
souveraineté du Québec au début des années 1990.
De plus, QS fait déjà partie du Conseil de la souveraineté du Québec, une
organisation dirigée par le PQ.
Lors d'un congrès de trois jours tenu plus tôt ce mois-ci, des délégués,
dont les pablistes de Gauche socialiste et d'autres pseudo-socialistes, ont
donné un appui implicite aux actes de Khadir et David en évitant tout débat
sur leur violation des politiques du parti.