Plusieurs centaines d'Israéliens,
d'Iraniens et de citoyens allemands ont manifesté samedi à Berlin pour
protester contre les préparatifs de guerre américains et israéliens contre
l'Iran. La manifestation a été appelée à court terme par des organisations
israéliennes et iraniennes de la ville afin de mettre en garde contre le danger
d'une aggravation des tensions susceptible d'entraîner une conflagration au
Moyen-Orient.
La banderole dit: « Contre la guerre, contre les sanctions, contre
l'occupation et la répression d'Etat
Dans le communiqué publié par les
organisateurs on pouvait lire qu'ils étaient opposés à l'armement d'Israël par
le gouvernement allemand et aux sanctions imposées à l'Iran par les pays
occidentaux. Les manifestants ont clairement fait comprendre que tout en ne
soutenant pas la politique du gouvernement iranien, ils reconnaissaient que la
menace d'une action militaire des pays occidentaux contre l'Iran pouvait
précipiter une confrontation militaire qui aurait des répercussions énormes
pour toute la région.
Le communiqué dit encore: « Face
à la menace de guerre grandissante, nous sommes convaincus de la nécessité
d'une puissante opposition contre la politique guerrière et pour une analyse
critique des racines du conflit actuel. Nous cherchons à prendre des mesures
contre la guerre en établissant des liens entre les peuples de la région. et
nous appelons à un débat public critique en Allemagne au sujet de
l'intervention de l'Allemagne au Moyen-Orient. »
Les organisateurs ont aussi
demandé à ceux qui étaient présents de s'abstenir d'apporter des drapeaux
nationaux afin de décourager toute manifestation de nationalisme ou d'antisémitisme.
Un petit groupe de sionistes a tenté de perturber la manifestation en
brandissant des pancartes qui appelaient au renversement du gouvernement
iranien. Ils furent ignorés par les manifestants qui continuèrent à défiler à
travers la ville en scandant des revendications en faveur d'une fin des
exportations d'armes allemandes dans la région.
Les partis politiques
traditionnels allemands ont brillé par leur absence. Pas une seule banderole du
Parti social-démocrate, SPD, des Verts, du parti Die Linke ou des syndicats n'a
été visible lors de la manifestation. Toutes ces organisations avaient signalé ces
dernières semaines qu'elles étaient prêtes à soutenir le gouvernement allemand
et une agression militaire allemande au Moyen-Orient en cas de frappe israélo
américaine contre l'Iran.
La pancarte d'un manifestant disant: « Les Israéliens et les Iraniens refusent d'être des ennemis »
Vu l'organisation rapide de cette
manifestation les organisateurs se sont déclarés satisfaits que tant de
personnes y ont participé. Les partisans du WSWS ont distribué des centaines de
copies du tract « Les attaques contre Günter Grass - un bilan, » qui
furent chaleureusement reçues par les personnes présentes à la manifestation.
Des reporters du WSWS ont parlé à un certain nombre de manifestants.
Sadej S. vit en Allemagne depuis
un certain temps et fait des études pour devenir enseignante. Elle a salué la
manifestation comme l'occasion de prouver que les Israéliens et les Iraniens
avaient des intérêts communs. Le fait qu'Israël dispose de l'arme nucléaire est
connu depuis longtemps mais personne ne l'a condamné de crainte d'être accusé
d'antisémitisme. Dans ce contexte, Sadej s'est réjouie de la publication du récent
poème de Günter Grass, disant, « Il est grand temps que quelqu'un
s'exprime publiquement à ce sujet. Il est particulièrement significatif que le
silence a été rompu par quelqu'un d'aussi éminent, un lauréat du prix
Nobel. »
Sadej s'est montrée très critique
vis-à-vis du SPD. Jusqu'au moment de son départ, au début des années 1990, Grass
avait été un membre de longue date du parti et la plupart des dirigeants du
parti ont critiqué sa position. « Le SPD a évidemment capitulé devant la
pression exercée par Israël, » a dit Sadej. « Je suis déçue par la
dirigeante du SPD, Andrea Nahles, qui s'est prononcée contre Grass. Après tout,
elle est censée représenter la gauche du parti. »
Sadej a aussi vivement critiqué
Die Linke pour son silence au sujet des attaques contre Grass : « La
candidate présidentielle du parti, Beate Klarsfeld, a été l'une des toutes
premières à diffamer Grass. Elle s'était fait un nom comme défenseur des droits
de l'Homme et d'adversaire du fascisme mais ses remarques sur Grass ont été
indéfendables et montrent que Die Linke a aussi capitulé devant la pression
israélienne. Je veux dire clairement que la persécution des Juifs par les nazis
est un crime historique. Mais ce crime ne justifie nullement un deuxième crime,
les préparatifs d'une guerre contre l'Iran. »
Une manifestante venue d'Iran et âgée
de 50 ans, a dit, « Je suis fondamentalement contre la guerre ; c'est
toujours la population qui souffre de ses conséquences. » Il y a quelques
années, elle avait fui l'Iran avec sa famille. Elle a reconnu qu'au début elle
avait fondé des espoirs sur la présidence d'Ahmadinejad mais fut ensuite déçue
par sa politique.
Elle a souligné que lors de la
dernière élection il n'avait recueilli que 30 pour cent des votes. Elle a
néanmoins maintenu que son manque de popularité n'était pas une justification
pour une propagande de guerre des Etats-Unis et d'Israël contre l'Iran. « Ce
que les politiciens et les médias disent n'est pas la question
principale, » a-t-elle dit. « C'est ce qu'ils font qui est important.
Ils envoient des armes à Israël en provenance d'Europe et des Etats-Unis ».
N'importe quelle guerre finirait par la destruction à la fois d'Israël et de
l'Iran ainsi que de leur population respective. »
Elle a exprimé sa colère contre
la campagne orchestrée contre Günter Grass en Allemagne : « En
Allemagne, vous ne pouvez pas critiquer Israël parce que tout commentaire de ce
genre est considéré comme antisémite. La question qui nous préoccupe est
toutefois, la critique de la politique d'Israël et non pas les Juifs. »
Interrogée sur une solution du conflit au Moyen-Orient, elle a dit qu'Israël,
au même titre que les Palestiniens, doit avoir le droit d'exister. Elle a
poursuivi en disant, « Je ne suis jamais allée en Palestine, mais un ami
m'a dit de quelle manière terrible ils sont traités dans les camps. »
Miriam, de Tel Aviv, a déclaré qu'elle
était opposée à une attaque militaire d'Israël contre l'Iran et qu'elle était
aussi contre le gouvernement de Benjamin Netanyahu. Toutefois, elle a ensuite
affirmé qu'elle était convaincue que l'Iran construisait une bombe nucléaire.
Elle a aussi déclaré que Günter Grass n'était pas la bonne personne pour
formuler des critiques contre Israël. Tout était « très compliqué »
en Israël et très dur à comprendre pour les Européens.
Ses remarques furent contrées par
un jeune homme qui était tout près et qui lui a rappelé qu'Israël était le pays
disposant de l'arme nucléaire et pas l'Iran. En plus, qu'Israël avait déclenché
ces dernières années de nombreuses guerres et des frappes militaires contre les
Palestiniens et le Liban.
Une autre manifestante d'Israël
qui vit depuis un certain temps en Allemagne a dit que la propagande contre
l'Iran se nourrissait de la peur profonde dans la population israélienne
d'attaques de la part d'un autre Etat. Elle s'est aussi prononcée contre la
politique de Netanyahu en disant que les peuples israélien et iranien devraient
lutter ensemble contre le danger de guerre.
Une jeune manifestante, Jana, a déclaré
que la campagne contre Grass montrait que les médias n'étaient que les
instruments des politiciens et de leurs intérêts. Il est clair que l'Iran a été
choisie pour une agression non seulement parce que le pays avait d'importantes
matières premières mais aussi en raison de son emplacement géostratégique très
important.
Des campagnes de haine contre
l'Iran s'étaient déjà déroulées dans le passé, recourant à des méthodes de
propagande identiques. La population ne pouvait pas faire grand-chose contre la
guerre par ce que les politiciens étaient déterminés à poursuivre leurs propres
intérêts, a dit Jana. Mais, il était nécessaire que les gens s'informent sur le
contexte politique et se sensibilisent à ces questions.