Les
tribunaux français ont rendu le 3 mai leur verdict qui donne aux patrons carte
blanche pour licencier massivement sans motif économique.
La Cour de cassation, a annulé une décision
antérieure qui interdisait l'entreprise de logiciels Viveo de licencier 64 de
ses 180 travailleurs au motif que la compagnie ne fournissait aucune
justification économique pour son projet. Viveo fait partie du groupe suisse Tenemos
qui engrange des profits.
Le journal économique Les Echos a exprimé la
satisfaction des employeurs: « Le
patronat est soulagé, il dénonçait une immixtion de la justice dans la
stratégie des entreprises, le Medef invoquant 'le principe constitutionnel de
la liberté d'entreprendre. »
Cette
décision rendue par la Cour de cassation touche immédiatement d'autres
travailleurs qui ont aussi engagé une procédure judiciaire, cherchant une
protection juridique contre les licenciements. Ainsi 52 travailleurs de chez
Sodimedical à Reims et 350 travailleurs de Ethicon (du groupe Johnson &
Johnson) qui produisent des équipements médicaux à Auneau, sont maintenant
menacés de licenciement.
La
CGT (Confédération générale du travail) conduite par les staliniens, ainsi que
d'autres syndicats, qui prétendaient que les travailleurs pouvaient défendre
les emplois devant les tribunaux ont été entièrement démasqués. Des sources de
la CGT et de la CFDT (Confédération française démocratique du travail) estiment
que quelque 50 000 emplois sont à présent menacés.
Cette
dernière décision de justice met fin à toute ambigüité concernant le pouvoir
juridique des entreprises à traiter les travailleurs comme des kleenex. Voici
le compte-rendu de la cour: « La
procédure de licenciement ne peut être annulée en considération de la cause
économique de licenciement..seule l'absence ou l'insuffisance du plan de
sauvegarde de l'emploi (PSE) entraîne la nullité de la procédure.»
Les
avocats de Viveo ont argué que la référence à des « motifs économiques »
sortait du cadre du Code du travail et que l'on ne pouvait mettre en question
et compenser financièrement les licenciements qu'une fois qu'ils étaient
avérés.
Les
représentants de la CGT et de la CFDT avaient essayé de rassurer le patronat
par rapport à la décision de la Cour d'appel. Ils avaient fait remarquer que
les clauses requérant des entreprises qu'elles présentent « des motifs
économiques » pour pouvoir licencier en masse, n'empêcheraient en fait pas
la plupart des patrons de licencier les travailleurs. Ceci souligne le
caractère cynique et malhonnête de leur tentative de convaincre les
travailleurs qu'ils peuvent compter sur les tribunaux, et non la lutte des
classes, pour défendre les emplois.
Le
dirigeant de la CGT, Bernard Thibault a maintenu que des licenciements sans
« motif économique » étaient « un fait relativement rare. »
Il a ajouté que le jugement de la Cour d'appel, défendu par la CGT, ne frappera
donc « qu'une délinquance sociale
manifeste. » Ce commentaire
cynique et suffisant refuse de reconnaître le fait que les licenciements de
masse, de quelque sorte qu'ils soient, sont en fait de la « délinquance
sociale », notamment dans le contexte d'une crise économique mondiale
profonde et insoluble.
Le
dirigeant de la CFDT, François Chérèque a, pour sa part, souligné que le
jugement rendu par la Cour d'appel n'empêcherait pas les entreprises de
licencier des travailleurs, du fait qu'il existe des lois permettant les
licenciements pour d'autres motifs. Ainsi, a-t-il dit, «La possibilité de licencier en raison de la nécessité de
sauvegarde la compétitivité demeurera.»
Hostiles
à une lutte pour mobiliser les travailleurs internationalement pour la défense
des emplois, les syndicats se fondent sur des décisions juridiques et des
négociations avec les « partenaires sociaux » pour isoler les luttes
et démoraliser les travailleurs afin qu'ils acceptent les suppressions
d'emplois.
Ils
ont préféré recourir aux tribunaux de la bourgeoisie ou maintenant au président
nouvellement élu, François Hollande. L'avocat de la CGT, Philippe Brun a ainsi
réagi devant la décision du tribunal: «Le
futur président de la République est invité à clarifier les textes en indiquant
qu'en l'absence de cause économique à la procédure de licenciement, cette
procédure est nulle et de nul effet. »
Hollande
avait déjà fait part de son désaccord en disant: «La législation actuelle sur le motif économique de
licenciement et sur les PSE répondait de façon assez satisfaisante à
l'essentiel des situations en cause.»
Hollande a dit qu'il introduirait peut-être un projet de loi obligeant les
patrons déterminées à fermer leur usine à trouver un acheteur, mais n'a pas
mentionné l'obligation pour les nouveaux acquéreurs de conserver tous les
emplois.
La
décision de la Cour de cassation (qui a débouté les travailleurs de Viveo) a
aussi des implications sur le conflit de longue date à l'usine Goodyear Tire
d'Amiens où 817 travailleurs mènent une bataille juridique depuis quatre ans
pour essayer de stopper la fermeture de l'usine de production de pneus.
L'entreprise
a essayé, par le passé, de vendre au groupe américain Titan l'unité de
production de pneus agricoles qui emploie 537 travailleurs. Mais Titan voulait,
avant de racheter cette unité de production, que les 817 travailleurs du secteur
de pneus de tourisme soient licenciés. A chaque fois, le plan de sauvegarde de
l'emploi (PSE) qui consiste en projets de redéploiement, de formation et de départs
volontaires,a été contesté dans les tribunaux par la CGT et son avocat
Fiodor Rilov.
Le
2 février dernier, Rilov avait dit avec insistance lors d'une assemblée
générale des travailleurs de Goodyear qu'une multinationale faisant d'énormes
profits ne pouvait légalement licencier sa main d'oeuvre française, sans
« motif économique. » Il avait ajouté, «Nous sommes à quelques centimètres d'une victoire, obliger
une multinationale à reculer est possible. »
Le
4 mai dernier, le représentant CGT de l'usine, Mickaël Wamen et Rilov ont
organisé une assemblée générale, qui a réuni 400 travailleurs, pour faire le
bilan des négociations avec le patronat. Ni Wamen ni Rilov n'ont mentionné la
décision de la Cour de cassation, qui avait la veille débouté les travailleurs
de Viveo, donnant ainsi aux patrons carte blanche pour licencier.
La
CGT et Rilov prétendent à présent disposer d'un accord oral qui maintiendrait
la totalité des 817 emplois de la production de pneus de tourisme. En échange,
les syndicats accepteraient que soient accordées des indemnités de départ
volontaire pour les travailleurs qui choisiraient de quitter l'entreprise. Une
fois le dernier travailleur redéployé, l'usine de pneumatique fermerait.
Dans
les faits, l'entreprise parvient à ses fins par l'usure. Mais un tel accord sur
les indemnités de départs volontaires est une défaite pour la population locale
et c'est l'entreprise qui sort victorieuse, et elle jouit maintenant du soutien
des tribunaux.
Rilov
a ensuite fait appel à Hollande pour sauver les emplois. Hollande avait visité
le site en octobre dernier lors de sa campagne de la primaire PS pour la
présidentielle. Il avait promis de promouvoir une loi interdisant les
licenciements dans les entreprises faisant d'énormes profits, comme Goodyear.
Mais
il semble que cette promesse de campagne sera l'une des nombreuses promesses
que Hollande va rapidement abandonner. Dans une lettre datée du 15 avril
adressée à Avosial, syndicat des avocats en droit social, concernant les lois
sur les licenciements, Hollande a dit qu'il n'est «pas utile de modifier ce
cadre juridique qui est aujourd'hui bien bordé en jurisprudence. »