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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Des questions émergent quant à la gestion des tueries de Toulouse par la police française

Par Alex Lantier
26 mars 2012

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Les informations qui ont émergé sur Mohamed Merah, le tireur présumé d’une série de meurtres commis entre le 11 mars et le 19 mars dans la région de Toulouse, soulèvent de sérieuses questions sur le comportement des agences de renseignement et des services de police français.

Merah aurait tué le 11 mars un parachutiste à Toulouse, deux parachutistes le 15 mars à quelques kilomètres de là, à Montauban et le 19 mars un père de famille et plusieurs enfants dans une école juive à Toulouse. Il a été tué jeudi dans une confrontation armée avec la police dans son appartement de Toulouse, abattu d'une balle dans la tête par un tireur d’élite alors qu’il tombait de son balcon.

Les responsables se démènent pour expliquer comment Merah – bien qu’étant connu à la fois des services de renseignement français (Direction centrale du renseignement intérieur, DCRI) et de la police – a opéré pendant une semaine sans être inquiété et pourquoi il a été tué lors de l’opération.

S’exprimant jeudi au micro d’Europe1, le ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, a admis : « Je comprends qu’on puisse se poser la question de savoir s’il y a eu une faille ou pas. Comme je ne sais pas s’il y a eu une faille, je ne peux pas vous dire quel genre de faille mais il faut faire la clarté là-dessus. »

Christian Prouteau, fondateur du Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), une unité de contre-terrorisme qui rivalise avec l’unité d’élite de la police qui a tué Merah, a critiqué l’assaut d’hier. Il a dit avoir été surpris que la confrontation se soit soldée par la mort de Merah : « Comment se fait-il que la meilleure unité de la police ne réussisse pas à arrêter un homme tout seul ? Il fallait le bourrer de gaz lacrymogène… au lieu de ça, ils ont balancé des grenades à tour de bras. Résultat : ça a mis le forcené dans un état psychologique qui l’a incité à continuer sa ‘guerre’ »

Il a ajouté: « En soixante-quatre opérations menées par le GIGN sous mon commandement, il n’y a pas eu un mort ». En reprenant les commentaires faits par la police locale de Toulouse, Prouteau s’est demandé pourquoi la police n’avait pas simplement attendu pour tendre « une souricière » à Merah devant son appartement et « le coincer » à sa sortie ; cette technique est apparemment souvent utilisée contre les nationalistes basques et les membres de la mafia.

Ces questions ont été soulevées alors que le président sortant, Nicolas Sarkozy, cherchait à exploiter la tragédie en faveur de pouvoirs d’Etat policier très étendus et à redorer sa crédibilité sécuritaire pour les élections présidentielles du mois prochain.

Un récent sondage d’opinion réalisé après les fusillades a montré que Sarkozy progressait dans les intentions de vote, comptabilisant 30 pour cent des voix au premier tour des élections contre 28 pour cent pour le candidat du Parti socialiste (PS), François Hollande. L’on s’attend encore à ce que Hollande remporte le second tour des élections, en raison toutefois de l’impopularité de Sarkozy parmi les électeurs hors UMP.

Dans un discours télévisé prononcé jeudi, Sarkozy a demandé à ce que « toute personne qui consultera des sites internet qui font l’apologie du terrorisme ou qui appellent à la haine et à la violence [soit] punie pénalement. » Il a poursuivi en disant : « Toute personne se rendant à l’étranger pour y suivre des travaux d’endoctrinement à des idéologie conduisant au terrorisme… ou [les propageant dans les prisons] sera punie pénalement. » Des propos formulés dans des termes aussi imprécis permettraient à l’Etat de criminaliser quasiment toute politique d'opposition, de fouler aux pieds les droits constitutionnels fondamentaux de la liberté d’expression et de voyager.

La secrétaire générale du Syndicat de la magistrature, Marie-Blanche Régnier, a dit que l’appel de Sarkozy était une « carte politique ». Pour la forme elle s’est demandée s’il inclurait sur la liste des « extrémistes » Marine Le Pen, candidate néo-fasciste dont Sarkozy courtise agressivement les électeurs par une rhétorique anti-immigration.

Dans une situation où le PS, le Parti communiste (PCF) et le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) ne remettent pas en question les appels de Sarkozy à « l’unité nationale, » la plupart des objections émises contre des enquêtes sont venues de la police et des experts en sécurité. Toutefois, les informations qui ont émergé ont déjà montré clairement que si Merah était bel et bien le tueur, il n'a été en mesure de commettre des meurtres qu’en raison d’une défaillance extraordinaire de la police et des services de renseignement français.

Compte tenu de l’énorme enjeu politique dans l’exploitation des fusillades par Sarkozy, il est logique de s’interroger pour savoir s’il y a un lien entre cette défaillance des services de renseignement et la tentative de Sarkozy de garder ses chances aux prochaines élections.

Peu de temps après les tueries du 15 mars à Montauban, les responsables avaient déjà expliqué qu’ils envisageaient « tous les suspects possibles » des meurtres. Selon le quotidien Libération, lorsque le 19 mars, la police de Toulouse avait fourni une liste des Islamistes « radicaux » de la région de Toulouse, elle ne contenait que six noms et Merah était le premier de la liste. Merah était donc bien connu de la police.

Toutefois, après les tueries de Montauban, Merah n'a apparemment pas été identifié – bien que l’adresse IP de sa mère figurât sur une liste de la police des ordinateurs qui avaient été en contact avec la victime du 11 mars. Cette liste a été soigneusement examinée par les enquêteurs et elle a joué finalement un rôle dans la capture de Merah. Apparemment toutefois, les enquêteurs n'ont recoupé cette liste avec la liste des Islamistes que le lundi 19 après les tueries à l’école Ozar Hatorah.

L’expert des questions de défense, François Heisbourg, a dit à Libération, « Il n’y a que quelques petites dizaines de Français à avoir fait le voyage en Afghanistan, et pas plus de quelques unités en Midi-Pyrénées. On se demande donc pourquoi on ne s’est pas davantage préoccupé de lui ! On peut à la limite le comprendre avant les meurtres de Toulouse et Montauban – ça me surprend mais ne me choque pas. Mais après ? Cela signifie soit que les services concernés sont dans une misère noire, soit qu’ils n’ont pas fait leur boulot ! »

Il a ajouté, « Ensuite, je m’interroge quand j’entends les procureurs de Paris et Toulouse dérouler l’enquête en expliquant qu’ils n’avaient pas l’adresse du suspect. Or il semble que la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) l’a interrogé à l’automne et en a conclu qu’il n’était pas dangereux…Comment a-t-il été contacté si on n’avait pas son adresse? »

Heisbourg a aussi soulevé des questions concernant la formation de tireur de Merah qu’il a apparemment acquise lors de deux voyages en Afghanistan et au Pakistan, bien qu’il ait passé l’essentiel de son temps à travailler comme carrossier : « Là, notre ‘loup solitaire’ fait ce que les pires mafieux n’oseraient pas faire, il garde seul la maîtrise de son engin, et conduit ses expéditions avec un calcul, une absence d’hystérie jamais vue. Même les terroristes du 11 septembre étaient plus énervés ! Il a donc reçu une formation de premier ordre ! Qui l’a formé et dans quelles circonstances ? »

En effet, quelques questions demeurent quant à savoir si Merah était bien le tueur. Il ne ressemblait pas à la description donnée par des témoins de la fusillade de Montauban qui ont parlé d’un homme assez corpulent avec des tatouages et une cicatrice sur la joue gauche. Par contre Merah était svelte et n’avait pas de marques sur le visage.

(Article original paru le 24 mars 2012)

 

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