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Une réplique à des lettres de lecteurs concernant l'article: «Le nouveau McCarthysme: la chasse-aux-sorcières contre Ward Churchill»

Par David Walsh
28 février 2005

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Le World Socialist Web Site a reçu de nombreuses lettres en réponse à notre article, mis en ligne le 11 février, sur la chasse-aux-sorcières lancée contre le militant américain radical et pro-amérindien, Ward Churchill [1]. Le professeur de l'Université du Colorado a été cloué au pilori pour un essai écrit en réaction aux attaques terroristes du 11 septembre 2001 à New-York et Washington, DC [2].

Dans son commentaire, Churchill avance l'argument que le «plus qu'on puisse dire à propos de ceux qui étaient impliqués dans [les attentats suicides du] 11 septembre, c'est qu'ils ont finalement répondu du tac au tac à ce que ce pays inflige régulièrement à leur peuple». Il fait référence à certains de ceux qui ont péri dans le World Trade Center à New-York comme faisant partie d' «un corps de technocrates au coeur même de l'empire financier global de l'Amérique» et formant «de petits Eichmann occupant le sanctuaire stérile des tours jumelles».

Lorsque l'article a vu le jour, la droite au Colorado et à l'échelle nationale (Fox News, Wall Street Journal, etc.) a commencé une campagne contre Churchill, l'accusant de trahison et exigeant des autorités universitaires qu'il soit renvoyé. Les responsables de l'université ont commencé à passer en revue les écrits de Churchill, se donnant une période de 30 jours pour voir s'ils peuvent découvrir des raisons justifiant un congédiement du professeur titulaire. Les résultats seront annoncés début mars.

L'article du WSWS a défendu Churchill contre ce «nouveau McCarthysme», tout en expliquant que son point de vue sur l'attaque du 11 septembre était politiquement faux et réactionnaire. En partie, avons-nous écrit, «de vouloir mettre un signe d'égalité entre le peuple américain, à qui toute véritable information sur les conséquences de la Guerre du golfe persique et des sanctions a été cachée, et la machine de guerre américaine, est une terrible erreur politique qui écarte en partant toute possibilité de profond changement social en Amérique. De plus, la rudesse des propos de Churchill sur les attentats va à l'opposé d'un effort visant à nourrir des sentiments humanitaires et généreux au sein de la population».

En réponse à cet article, un certain nombre de lecteurs nous ont écrit pour se solidariser avec la sombre idée que Churchill se fait de la population américaine. [3]

IL, par exemple, nous fait part de sa «déception de voir que vous n'avez soutenu Ward Churchill qu'à contre-coeur. Votre hypothèse que le peuple américain ne sait pas ce qui se passe est fausse. Ils savent, tout comme ceux qui mangent de la viande savent que des animaux sont torturés et maltraités. Et vous savez, ils s'en foutent, tant qu'ils ont leur part.»

«Voyons donc», écrit PK, «les gens qui votent pour Bush savent ce qu'ils font, et ils savent ce que Bush et cie représentent. Ils ne sont pas des ignorants, ce sont des gens qui veulent le monde que Bush leur donne. Il est sournois d'argumenter que le public américain n'est pas informé. C'est un secret de Polichinelle qu'un fort pourcentage du public américain connait les conséquences de la Guerre du golfe persique et ces conséquences ne les dérangent pas.»

EK affirme, concernant les crimes américains en Irak que «tout le monde sait, tout le monde savait Le génocide en cours en Irak n'était pas quelque chose d'obscur connu seulement de cognoscenti moralisateurs (à part les criminels de guerre qui l'exécutaient). C'était connu de tous - même des lecteurs du New York Post et du Daily News.» Le dernier passage fait apparemment référence à la population travailleuse de New-York.

Les vues exprimées ici et dans d'autres lettres écrites selon les mêmes lignes sont fausses à notre avis, et ce, à plusieurs niveaux.

La situation politique aux États-Unis dans ses divers aspects - le régime criminel de Bush, le contrôle des médias par la grande entreprise, l'influence grandissante de la droite religieuse - est tout à fait révoltante. L'indignation peut être un sentiment sain et progressiste, mais elle doit être tempérée par la connaissance de l'histoire et de la vie sociale. Une plateforme politique bâtie entièrement sur la frustration et l'impatience subjectives ne donnera jamais des résultats positifs. «Le subjectivisme», a noté Trotsky, «est un piètre conseiller, surtout dans les grandes questions».

Selon nos critiques, le peuple américain savait tout et appuya chacun des crimes de l'impérialisme américain: c'est un complice volontaire.

En premier lieu, de larges couches de la population ont difficilement accès à des connaissances historiques et politiques sur le Moyen-Orient et le rôle des États-Unis dans la région. Les principales chaînes médiatiques leur ont continuellement répété que Saddam Hussein était une sorte de Hitler, responsable de massacres contre son propre peuple, et qu'en outre son régime avait des liens avec Al Qaïda. Comment expliquer autrement que près de 70 pourcent de la population croyait - et une majorité semble toujours le croire ­ que le gouvernement Hussein était impliqué dans les attentats du 11 septembre?

Combien de gens aux États-Unis sont au courant des liens tissés entre le régime Hussein et l'administration Reagan dans les années 80? Combien savent que Ben Laden était essentiellement (via les services de renseignement pakistanais) un agent de la CIA en Afghanistan dans le cadre du conflit avec les forces soviétiques dans les années 80, et que les forces fondamentalistes islamiques sont à plus d'un égard un monstre de Frankenstein produit par la politique américaine?

Nos critiques omettent de mentionner que la population américain a exprimé une large opposition à la guerre en Irak. Face à une campagne de mensonges, historiquement sans précédent, lancée par la Maison blanche de Bush et retransmise par les média, associant le régime irakien à des «armes de destruction massive» et aux attaques terroristes de 2001, des centaines de milliers ont participé à des manifestations en février 2003 pour s'opposer à la guerre. Des sondates indiquent maintenant qu'une majorité absolue croit que l'invasion était une erreur, et le taux d'approbation de Bush sur l'Irak est maintenant de 40 pourcent.

Mais quelles voies étaient disponibles pour que la population exprime ses sentiments? Par implication, nos critiques suggèrent qu'un vote pour John Kerry aurait été une expression légitime de l'opposition à la guerre. Si c'est le cas, la clé de l'élection 2004 leur échappe complètement.

Le Parti démocrate a délibérément travaillé à empêcher l'élection de devenir un référendum sur la guerre en sabotant la campagne de Howard Dean, un politicien bourgeois et pro-impérialiste plutôt conventionnel, qui avait néanmoins fait appel au sentiment anti-guerre dans sa campagne pour la nomination démocrate à la présidentielle. Les démocrates ont choisi Kerry, un candidat pro-guerre.

C'est un fait que les deux grands partis et tout l'establishment politique et médiatique se sont ralliés à la guerre de pillage néo-coloniale en Irak.

Ceci aide à expliquer la confusion et la désorientation qui existent effectivement dans la population autour de la question de la guerre. La capacité de l'entourage de Bush à obtenir un soutien, aussi fragile soit-il, autour des «valeurs familiales» et «morales» indique que l'insécurité économique croissante et les dures conditions de vie qui touchent des millions de gens n'ont pas encore trouvé une expression politique progressiste. Suite au vide politique laissé par l'effondrement du libéralisme américain et de son représentant traditionnel qu'est le Parti démocrate, Bush a reçu des voix de certaines couches sociales agitées et furieuses qui ne saisissent pas encore leur propre position sociale. Ceci va changer suite à la lutte consciente menée avant tout par le WSWS et le Parti de l'égalité socialiste pour la conscience socialiste et pour un programme internationaliste révolutionnaire, parallèlement à l'impact de la crise grandissante du capitalisme américain et mondial.

Ceux qui nous ont écrit ne le voient pas ainsi parce qu'ils restent dans le domaine des attitudes subjectives. Apparemment, quiconque travaillait au World Trade Center, quiconque a voté pour Bush, est un élément vital de la machine de guerre impérialiste. Ce genre de moralisme superficiel est un cul-de-sac. La population travailleuse en Amérique est objectivement en opposition à l'administration Bush et à toute l'élite dirigeante. Ceci est déterminé non pas par ce que pense tel industriel ou tel travailleur professionel à un moment donné, mais par la position objective de la classe ouvrière au sein de la société capitaliste.

L'assaut incessant sur les emplois, le niveau de vie et les programmes sociaux, qui va en s'intensifiant alors que des dizaines de milliards de dollares sont drainées par la campagne militaire globale des États-Unis, ainsi qu'une compréhension plus profonde de la réalité de la guerre en Irak, vont tôt ou tard entraîner des masses de gens aux États-Unis en conflit contre tout l'establishment. Ceci est déterminé en fin de compte par des lois historiques, des lois objectives.

La confusion existe. Doit-on alors abandonner, ou mener une lutte pour offrir une alternative? Le développement social emprunte cette voie, de la confusion et de vues erronées vers une compréhension plus cohérente et profonde, et ce développement est régi par des lois objectives: la crise du capitalisme.

En tout cas, si nos critiques avaient raison sur le peuple américain, quelle perspective politique en découlerait? Certainement pas celle que nous, socialistes, pourrions embrasser. Il faudrait soit jeter l'éponge, ou, face au caractère réactionnaire de larges couches de la population, partir à la recherche au sein de l'establishment politique de visages «moins laids», et soutenir par exemple un Dean, un Kennedy, un Boxer, le supposé «moindre mal». En fait, les arguments présentés, malgré leur vernis «radical», ramènent inévitablement leurs adhérents dans l'orbite du Parti démocrate.

Ce bavardage concernant le caractère supposément pourri de la population passe à côté de tous les points critiques. Rappelons, tout d'abord, que les attentats terroristes du 11 septembre étaient des atrocités où quelque 3.000 innocents ont été incinérés. Quiconque bute sur le mot «innocent» n'a pas le droit de se considérer comme un être humain ayant des inclinations démocratiques, encore moins un socialiste.

De plus, nos critiques acceptent par implication, comme Ward Churchill, l'argument que les attentats, aussi horribles soient-ils, étaient en quelque sorte une «revanche» légitime par des représentants des peuples du tiers-monde contre l'oppression impérialiste américaine. Ils n'étaient rien de la sorte. Les attaques terroristes ont été menées par des forces très réactionnaires, influencées par le fondamentalisme islamique - et dans le cas de Ben Laden, un élément dissident de la bourgeoisie de l'Arabie saoudite.

Quel cadeau du ciel pour les sections les plus réactionnaires de l'élite dirigeante américaine que les événements du 11 septembre! Nos critiques passent entièrement sous silence les conséquences politiques des attaques: le Patriot Act et un assaut tous azimuts sur les droits démocratiques, les invasions sanglantes de l'Afghanistan et de l'Irak, et une nouvelle vie pour le gourvernement Bush dans toutes ses visées de droite.

La notion que ceux qui travaillaient au World Trade Center étaient plus ou moins des cibles légitimes d'une attaque terroriste est vile et sans valeur. Et nous ne parlons pas seulement ici des travailleurs à bas salaires. La cause socialiste, basée sur la logique de la vie économique et sociale, ne sera pas défendue avec succès comme une vendetta dirigée contre des éléments venus des classes moyennes supérieures ou même contre des capitalistes individuels.

Ceux qui travaillaient dans la finance au World Trade Center n'étaient pas plus responsables des crimes en Irak que ceux qui nous ont écrit, ou Ward Churchill. EK écrit: «Ceux qui se sentaient satisfaits (ou fiers!) de travailler là étaient complices dans tout ce pouvait en émaner. Après tout, nous ne parlons pas d'un Denny's de 120 étages érigé en Idaho. Le World Trade Center représentait quelque chose de bien précis: d'un point de vue moral, architectural et historique. Le fait de rester ignorant quant à ce que ça représentait exactement en 2001 était un choix éthique, ou même un choix de mode de vie.»

En premier lieu, on pourrait penser à entendre ce langage sinistre que les SS de Hitler avaient loué les quelque 220 étages des immeubles qui se sont écroulés. De quoi parle EK? Il s'agissait avant tout de firmes impliquées dans la finance internationale, le commerce, les services bancaires et la gestion de fonds. C'est ce que Churchill appelle le «corps de technocrates au coeur même de l'empire financier global de l'Amérique - 'le puissante moteur du profit'.» En réalité, ces individus et ces firmes vont continuer à fonctionner jusqu'à ce que la vie économique soit transformée par l'activité de la classe ouvrière sur une échelle mondiale.

EK demande rhétoriquement: «Les travailleurs de la construction qui ont bâti les camps et les fours crématoires [nazis] étaient-ils aussi coupables de génocide que ceux qui ont allumé le gaz?», et répond: «Bien sûr que oui».

Non, ils ne l'étaient pas. Leur rôle ne peut être comparé par le moindre standard objectivement significatif à celui des dirigeants du régime fasciste allemand, coupables d'avoir planifié et commis les crimes les plus monstrueux de l'histoire.

Dans son moralisme subjectif, EK a complètement perdu la tête. Paye-t-il l'impôt? Alors, selon sa propre logique, il est complice des crimes du gouvernement américain. Conduit-il une voiture, utilise-t-il un appareil électro-ménager ou prend-il l'avion? Dans ce cas, il contribue sans doute à remplir les coffres d'une firme ou une autre qui profite de la guerre en Irak et de la poussée mondiale du militarisme américain.

Les possibilités sont sans fin, et elles évitent toutes les questions politiques centrales du jour, avant tout, la lutte pour établir l'indépendance politique de la classe ouvrière des partis de la grande entreprise et ranimer les principes de l'internationalisme et du socialisme. Il n'y a pas d'autre voie pour mettre fin aux horreurs de la guerre impérialiste.

 

[1] The new McCarthyism: the witch-hunting of Ward Churchill

[2] Le titre de cet essai est: «Some People Push Back' - On the Justice of Roosting Chickens»

[3] Cliquer ici pour avoir accès aux lettres en question


 

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