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WSWS : Histoire et culture

La tragédie de la Révolution chinoise de 1925-1927

Troisième partie

Par John Chan
20 avril 2009

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Ci-dessous la troisième partie, finale, de la conférence donnée à l'école d'été du Parti de l'égalité socialiste à Ann Arbor, Michigan, en août 2007. La première partie a été mise en ligne le 16 avril 2009. La deuxième partie le 17 avril 2009.

Le tournant vers le KMT « de gauche »

Malgré les purges brutales de Tchang, le PCC conservait encore d’importantes réserves au Wuhan, un centre industriel majeur, de même qu’au sein du mouvement paysan qui comptait plusieurs millions de membres tout au long du Yangtsé. Une politique correcte aurait pu faire échouer la contre-révolution de Tchang. Pourtant, Staline ne retint rien des sanglantes leçons de Shanghai. Dans sa « Question sur la Révolution chinoise » publié le 21 avril 1927, il proclama que sa politique avait été et demeurait « la seule ligne correcte ». Le massacre orchestré par Tchang, déclarait-il, démontre simplement que la grande bourgeoisie avait déserté la révolution.

Le KMT « de gauche » argumentait Staline, représentait toujours la petite bourgeoisie révolutionnaire, qui conduirait la révolution agraire dans la « deuxième étape » de la révolution. « Cela signifie qu’en menant une lutte déterminée contre le militarisme, le Kuo-Min-Tang au Wuhan deviendra en fait l’organe d’une dictature démocratique révolutionnaire du prolétariat et de la paysannerie… » Voilà pourquoi il insistait sur le fait que le PCC devait maintenir son étroite collaboration avec le KMT « de gauche » et s’opposait aux demandes de Trotsky et de l'Opposition de Gauche en faveur de la création de soviets et de l’indépendance politique du PCC. (On the Opposition, J. V. Stalin, Foreign Language Press, Peking, 1974, pp. 663-664, traduit de l’anglais)

Répondant aux thèses de Staline, Trotsky soumis sa théorie du « bloc des quatre classes » à une critique cinglante. « C’est une grossière erreur de penser que le capitalisme soude mécaniquement ensemble toutes les classes chinoises de l’extérieur. … La lutte révolutionnaire contre l’impérialisme n’affaiblit pas, mais plutôt renforce la différenciation politique des classes », expliquait-il. « Tout ce qui fait se dresser les masses opprimées et exploitées des classes laborieuses pousse inévitablement la bourgeoisie nationale dans un bloc au grand jour avec les impérialistes. La lutte de classe entre la bourgeoisie et les masses ouvrières et paysannes n’est pas affaiblie, mais au contraire, elle est intensifiée par l’oppression impérialiste, jusqu’au point d’une sanglante guerre civile à chaque conflit sérieux » (Problems of the Chinese Revolution, Leon Trotsky, New Park Publications, London, 1969, p. 5, traduction de l’anglais).

Trotsky insistait pour dire que la tâche la plus urgente consistait à établir l’indépendance politique du Parti communiste par rapport au KMT « de gauche ». « C’est précisément ce manque d’indépendance qui est la source de tous les maux et de toutes les erreurs. Sur cette question fondamentale, les thèses [de Staline, ndt], au lieu de mettre un terme définitif à la pratique d'hier, proposent de les conserver « plus que jamais ». Mais cela signifie maintenir la dépendance idéologique, politique et organisationnelle du parti prolétarien à l'égard d'un parti petit-bourgeois, qui est inévitablement converti en un instrument de la grande bourgeoisie » (ibid., p.18, traduit de l'anglais).

Staline défendit son « bloc des quatre classes » devant des étudiants à l'université Sun Yat-sen, située à Moscou, le 13 mai 1927, dans ce qui ne peut qu'être décrit comme une parodie du marxisme. « Le Kuo-Min-Tang n'est pas un parti petit-bourgeois "ordinaire". Il y a différentes sortes de partis petits-bourgeois. Les mencheviks et les socialistes révolutionnaires en Russie étaient également des partis petits-bourgeois, mais en même temps ils étaient des partis impérialistes, parce qu'ils étaient activement engagés en faveur des impérialismes français et anglais... peut-on dire que le Kuo-Min-Tang est un parti impérialiste ? Il est évident que non. Le parti du Kuo-Min-Tang est anti-impérialiste, juste comme la révolution en Chine est anti-impérialiste. La différence est fondamentale. » (On the Opposition, J. V. Stalin, Foreign Language Press, Peking, 1974, p. 671, traduction de l'anglais).

Le dirigeant japonais de la période de la guerre Hideki Tojo (à gauche) et Wang Ching-wei en 1942

L'idée absurde que Tchang Kaï-chek ait été « anti-impérialiste » parce que la révolution chinoise était anti-impérialiste fut réfutée non seulement par Trotsky, mais par l'histoire elle-même. L'opposition du KMT à l'une ou l'autre des principales puissances ne constituait pas une opposition de principe à l'impérialisme. Les dirigeants du KMT manœuvraient simplement entre les puissances impérialistes tout en débitant pendant ce temps des slogans « anti-impérialistes » pour désorienter les masses. C'est ainsi que confronté avec l'invasion japonaise dans les années 1930 et 1940, Tchang n'eut aucune hésitation à se tourner vers l'Angleterre et les USA. Quant au dirigeant de la « gauche » du KMT, Wang Ching-wei, il fit un pas de plus et devint la tête du régime fantoche chinois contrôlé par le Japon. Il faudrait que soit écrit en lettres de feu dans la mémoire de tous que Tchang, qui termina ses jours à la tête de la détestable dictature anticommuniste de Taïwan, trinqua autrefois à la Révolution socialiste mondiale à Moscou en compagnie de la direction stalinienne.

La défaite au Wuhan

Pendant que Staline félicitait le « centre révolutionnaire » du Wuhan au huitième Plenum du CEIC [Comité exécutif de l'Internationale communiste, ndt], un certain nombre des commandants du KMT de « gauche », en violation de la politique officielle de leur parti, s'attaquaient déjà aux communistes, aux syndicats et aux associations paysannes de la région. Le 17 mai 1927, juste avant le Plenum, une des actions de répression les plus sanglantes eut lieu à Changsha, mais aucune mention n'en fut faite à la réunion. Au lieu de cela, Staline dénonça les appels de l'Opposition de gauche pour la construction de soviets comme nuisible à une poursuite de l'alliance du PCC avec le KMT de « gauche ». « L'opposition comprend-elle que la création de soviets de députés des ouvriers et paysans en ce moment équivaut à la création d'une dualité de gouvernement, partagé entre les soviets et le gouvernement de Hankow, et que cela conduit nécessairement et inévitablement au slogan appelant au renversement du gouvernement de Hankow ? », tonna-t-il (The Tragedy of the Chinese Revolution, Harold R. Isaacs, Stanford University Press, 1961, p. 241, traduction de l'anglais).

La réponse de Trotsky resta non publiée pendant un an. Dans un vigoureux avertissement de ce qui devait advenir, il condamna la politique stalinienne et appela le Komintern à en faire de même. « Nous nous adressons directement aux paysans chinois : les dirigeants du KMT de gauche du genre Wang Ching-wei et compagnie vous trahiront si vous suivez les chefs du Wuhan au lieu de former vos propres soviets indépendants... Les politiciens du genre Wang Ching-wei lorsque les conditions sont difficiles, s'uniront plutôt dix fois qu'une avec Tchang Kaï-chek contre les ouvriers et les paysans. Dans de telles conditions, deux communistes dans un gouvernement bourgeois deviennent des otages impuissants, quand ce n'est pas carrément un masque pour la préparation d'une nouvelle attaque contre la classe ouvrière... La révolution chinoise démocratique bourgeoise ira de l'avant et sera victorieuse soit sous la forme des soviets soit pas du tout ». (Leon Trotsky on China, Monad Press, New York, 1978, p234-235, souligné dans l'original, traduction de l'anglais)

A nouveau, les avertissements de Trotsky s'avérèrent exacts. Après le bain de sang de Shanghai, les capitalistes et les propriétaires fonciers de la région de Wuhan se tournèrent rapidement vers le régime de Tchang Kaï-chek pour chercher un soutien. Ils résistèrent aux grèves ouvrières en fermant usines et magasins. Ils organisèrent délibérément des paniques bancaires et firent transporter leur argent à Shanghai. Dans les zones rurales, les marchands et les usuriers refusèrent les prêts à la paysannerie, les empêchant d'acheter leurs semences pour les récoltes de printemps. Les puissances impérialistes se joignirent au sabotage en fermant leurs entreprises pendant que les spéculateurs faisaient monter les prix à des niveaux insupportables. L'effondrement économique et la montée des mouvements de masse terrifièrent Wang Ching-wei, qui exigea que les deux ministres communistes de son gouvernement — à l'agriculture et au travail — utilisent leur influence pour freiner les actions « exagérées » des ouvriers et des paysans.

La politique officielle du PCC entrait directement en conflit avec le mouvement des masses. Dans de nombreuses zones rurales, les associations paysannes avaient expulsé les propriétaires terriens et assumaient les fonctions de municipalité. Dans deux villes parmi les plus importantes, Wuhan et Changsha, l'inflation et les fermetures d'entreprises avaient frappé durement les ouvriers, les contraignant à lancer des revendications révolutionnaires pour la prise de contrôle des usines et des magasins. La revendication de Trotsky pour la construction de soviets était donc particulièrement opportune. Les soviets n'étaient pas, comme Staline le soutenait, seulement le moyen de diriger une insurrection armée, mais les véhicules démocratiquement élus par l'intermédiaire desquels les travailleurs, au cours d'un soulèvement révolutionnaire, peuvent commencer à réorganiser la vie économique et sociale et à défendre leurs intérêts en opposition à la contre-révolution.

Peng Shuzi expliqua plus tard que les syndicats et les organisations de paysans du Hunan et du Hubei avaient des effectifs se comptant en millions. « C'était une grande force de masse organisée. Si le PCC avait suivi l'avis de Trotsky à ce moment-là et avait fait confiance à cette grande masse de forces organisées, tout en appelant à l'organisation de soviets d'ouvriers de paysans et de soldats appelés à devenir l'organisation révolutionnaire centrale, et, avaient mené la révolution agraire par l'intermédiaire de ces soviets armés, en donnant la terre aux paysans et aux soldats révolutionnaires, ils auraient pu non seulement rassembler toutes les masses pauvres du Hunan et du Hubei au sein des soviets, mais ils auraient pu aussitôt détruire le fondement des officiers réactionnaires et indirectement déstabiliser l'armée de Tchang. De cette façon, la révolution aurait pu se développer en partant de la destruction des racines du pouvoir contre-révolutionnaire et avancer sur la route conduisant à la dictature du prolétariat. »  (Leon Trotsky on China, Monad Press, New York, 1978, p. 66, souligné dans l'original, traduction de l'anglais).

En dépit de sa glorification stupide du KMT de « gauche », Staline se rendait également compte que sa politique était en train de s'effondrer. Le 1er juin 1927, il publia un ordre adressé au PCC pour qu'il crée sa propre armée de 20 000 communistes et 50 000 ouvriers et paysans. Mais les révolutions ne résultent pas de décrets bureaucratiques. Comme Trotsky l'avait souligné, la condition préalable pour construire une armée révolutionnaire était la consolidation de l'autorité du parti sur les masses et la mise en œuvre de méthodes concrètes pour cimenter l'alliance entre la classe ouvrière et la paysannerie. En rejetant la mise sur pied de soviets, Staline empêchait le PCC d'établir la base nécessaire pour créer sa propre armée.

Alors que la trahison imminente de Wang Ching-wei devenait évidente, le dirigeant du PCC, Chen Duxiu demanda une fois de plus que le parti quitte le KMT. Une fois de plus le Komintern rejeta la requête. Au début de juillet, Chen démissionna avec fureur du poste de secrétaire général du parti. Le successeur de Chen, Chu Quibai, démontra aussitôt sa loyauté à Staline en déclarant, alors que l'on se trouvait en cet instant entre la vie et la mort, que le KMT « se trouve de façon naturelle dans la position dirigeante de la révolution nationale ».

Le 15 juillet,  Wang Ching-wei émit officiellement le commandement exigeant que tous les communistes quittent le KMT ou soient sévèrement punis. Comme Tchang, ce fut Wang qui pressa le PCC « comme un citron » avant de le jeter, déchaînant une nouvelle vague de répression, encore plus brutale que la précédente, contre les communistes et les masses insurgées.

Un compte rendu de presse de l'époque expliquait : « Au cours des trois derniers mois, la réaction s'est étendue à partir du cours inférieur du Yangtsé, puis s'est élargie à tout le territoire contrôlé par ceux qu'on appelle les nationalistes. Tang Sheng-chih s'est révélé un encore meilleur commandant de peloton d'exécution que chef d'armée sur le champ de bataille. Au Hunan ses généraux ont accompli un nettoyage des "communistes" que Tchang Kaï-chek ne pourrait guère prétendre égaler. Les méthodes habituelles consistant à fusiller et à décapiter ont été dépassées au profit de techniques de torture et de mutilations qui évoquent par l'horreur l'âge des ténèbres et l'Inquisition. Les résultats ont été impressionnants. Les unions de paysans et de travailleurs du Hunan, probablement les mieux organisées de tout le pays, sont totalement écrasées. Ceux des dirigeants qui ont pu échapper à être brûlés vifs dans l'huile, à être enterrés vivants, à la torture de l'étranglement progressif par des fils de fer et d'autres formes de mises à mort trop terrifiantes pour être rapportées ici ont fui le pays ou se sont si soigneusement cachés qu'ils ne peuvent être que très difficilement trouvés... » (The Tragedy of the Chinese Revolution, Harold R. Isaacs, Stanford University Press, 1961, p. 272, traduction de l'anglais).

Pourtant, à nouveau, Staline insista pour dire que sa politique avait été justifiée et reprocha les défaites à la direction du PCC, en particulier à Chen. Alors que les critiques de l'Opposition de gauche trouvaient une audience croissante dans la classe ouvrière soviétique, Staline chercha à sauver sa réputation en procédant à un brutal changement de direction de l'opportunisme vers son contraire apparent — l'aventurisme. Ayant été responsable de deux défaites écrasantes du PCC et des masses chinoises, Staline ordonna au parti qui venait d'être mis en pièces de procéder à une série d'insurrections armées lesquelles étaient condamnées à l'échec. Anticipant sur sa « Troisième période », sa théorie d’ultra-gauche du début des années 1930, Staline assigna au prolétariat la tâche immédiate de la prise du pouvoir, juste au moment où la révolution chinoise était en plein recul. Comme Trotsky l'expliqua, ce qui était nécessaire, c'était un rassemblement du PCC et de la classe ouvrière, des slogans de défense démocratique et par dessus tout, tirer les leçons nécessaires de ce qui s'était passé — tout ce à quoi Staline s'opposait de façon inflexible.

La leçon du « soviet » de Guangzhou

Le dernier souffle de la révolution chinoise — le soulèvement de Guangzhou en décembre 1927 — ressembla en tout point à un acte d'irresponsabilité criminel. Il avait été planifié, non pour coïncider avec un mouvement de masse au Guangzhou, mais avec l'ouverture du Quinzième congrès du Parti communiste soviétique. Son but principal était de rehausser la réputation de la direction stalinienne et de repousser les critiques de l'Opposition de gauche. En l'absence d'un soutien de masse, la tentative de créer un gouvernement soviétique avec plusieurs milliers de cadres du parti n'avait aucune chance de réussir. Près de 5700 personnes, dont de nombreux des meilleurs cadres révolutionnaires qui avaient survécus, furent tués dans la bataille héroïque pour défendre l'éphémère « soviet » de Guangzhou.

La théorie stalinienne des soviets avait été finalement testée. Pendant toute la révolution, Staline avait soutenu que les soviets ne doivent être créés qu'au dernier moment, comme le moyen d'organiser l'insurrection et, le plus important, pas avant que l'étape « démocratique » ait été entièrement accomplie. Mais comme Trotsky continuait à le soutenir, les soviets étaient, en réalité, le moyen pour amener de larges couches de la population ouvrière dans la lutte politique. Ils ne pouvaient pas être imposés d'en haut, mais émergeaient du mouvement révolutionnaire à la base, comprenant les comités d'usine et les comités de grève. Pendant que la crise révolutionnaire se développait, les soviets seraient amenés à se transformer en de nouveaux organes du pouvoir de la classe ouvrière.

Au Guangzhou, le PCC créa de façon bureaucratique un corps appelé « soviet » comme un moyen pour réaliser une insurrection dans la ville. Mais l'« immense réponse » prédite par Staline ne se produisit pas, parce que les ouvriers ordinaires et les paysans ne connaissaient même pas leurs « députés » dans ce qui portait le nom de soviet. Seul un petit nombre d'ouvriers soutint le gouvernement du « soviet » de Guangzhou, qui fut rapidement écrasé.

Staline soutenait que les taches du soulèvement de Guangzhou étaient d'un caractère démocratique bourgeois. Mais comme Trotsky le fit remarquer, même dans cette aventure perdue, le prolétariat fut contraint d'aller plus loin. Pendant sa durée limitée, le PCC fut contraint de prendre le pouvoir entre ses mains et de prendre des mesures sociales radicales, incluant la nationalisation de la grande industrie et des banques. Comme Trotsky le déclara, si ces mesures étaient « bourgeoises », alors il serait difficile d'imaginer ce à quoi pourrait ressembler une révolution prolétarienne en Chine. En d'autres termes, même pendant l'insurrection de Guangzhou, la direction du PCC fut contrainte de suivre la logique de la révolution permanente et non la théorie des « deux étapes » de Staline.


Mao Zedong en 1927

La défaite du soulèvement de Guangzhou marqua la fin de la révolution dans les centres urbains. Les dirigeants du PCC qui ne rejoignirent pas l'Opposition de gauche, comme Mao Zedong, fuirent vers les campagnes. Sous la pression de la bureaucratie stalinienne d'avoir à appliquer la ligne du Komintern sur la « Troisième période » et de créer des « soviets », un nouveau courant émergea au sein du PCC. Prôné par Mao, cette tendance mis fin dans la pratique à son enracinement dans la classe ouvrière pour s'appuyer sur la paysannerie. Pour poursuivre la « lutte armée » le PCC créa une « Armée rouge », composée essentiellement de paysans et établit des « soviets » dans les zones rurales reculées de Chine. A partir du début des années 1930, le PCC avait pratiquement abandonné tout travail au sein de la classe ouvrière urbaine.

Mao, dont les perspectives politiques avaient plus en commun avec le populisme paysan qu'avec le marxisme, émergea tout naturellement comme le nouveau dirigeant de cette tendance. Avant de rejoindre le Parti communiste, il avait été profondément influencé par l'école du socialisme utopique japonais « Nouveau Village » qui tirait son inspiration des  narodniks russes. Nouveau Village faisait la promotion de la culture collective des sols, de la consommation communale et de l'aide mutuelle au sein de villages autonomes comme voie vers le « socialisme ». Ce « socialisme rural » reflétait non les intérêts du prolétariat révolutionnaire, mais l'hostilité de la paysannerie en déclin face à la destruction de la petite agriculture amenée par le capitalisme.

Même après avoir rejoint le Parti communiste, Mao n'abandonna jamais cette orientation en direction de la paysannerie et se retrouva invariablement dans l'aile droite du parti pendant les soulèvements de 1925-1927. Même au plus haut du mouvement de la classe ouvrière de 1927, Mao continua à soutenir que le prolétariat était un facteur insignifiant dans la révolution chinoise. « Si nous allouons dix points aux accomplissements de la révolution démocratique, alors... les habitants des villes et les unités militaires gagnent seulement trois points, tandis que les sept points restants devraient aller aux paysans... » (Stalin's Failure in China 1924-1927, Conrad Brandt, The Norton Library, New York, 1966, p. 109, traduction de l'anglais).

Les conséquences de la défaite

Peu après la défaite de la révolution chinoise, Trotsky fut exclu du Parti communiste, envoyé en exil intérieur et enfin expulsé de l'URSS. Le témoignage de 1925-1927 en Chine illustre de façon claire que Trotsky et l'Opposition de gauche étaient bien conscients de ce qui se jouait dans la révolution chinoise pour la classe ouvrière internationale. Trotsky était engagé dans une lutte politique titanesque pour transformer la politique du Komintern et pour créer les meilleures conditions pour une victoire révolutionnaire. C’était moins que toute autre chose une question de prouver pour la forme qu'il avait raison.

Dans son autobiographie, Ma Vie, qui fut écrite durant son exil en 1928, Trotsky se souvient de ce qui arriva en Union Soviétique après que Tchang Kaï-chek ait noyé dans le sang les ouvriers de Shanghai. « Un flot d'indignation parcourut le parti. L'opposition releva la tête... Un bon nombre de jeunes camarades croyaient qu'une faillite si évidente de la politique de Staline devait rapprocher la victoire de l'opposition. Dans les premières journées qui suivirent le coup d'Etat de Tchang Kaï-Chek, je versai plus d'un seau d'eau froide sur les têtes de mes jeunes amis et non pas seulement sur ces jeunes têtes. Je démontrais que l'opposition ne pouvait nullement remonter grâce à la défaite de la révolution chinoise. Que nos prévisions se soient justifiées, cela nous attirera un millier, cinq ou dix milliers de nouveaux adhérents. Pour des millions d'hommes, ce qui a une signification décisive, ce n'est pas la prévision, c'est le fait même de l'écrasement du prolétariat révolutionnaire. Après l'écrasement de la révolution allemande en 1923, après l'échec de la grève générale anglaise en 1926, la nouvelle défaite en Chine ne peut que renforcer le découragement des masses à l'égard de la révolution internationale. Or, c'est ce découragement même qui est la source psychologique essentielle de la politique de Staline, faite d'un nationalo-réformisme. »  (My Life: An Attempt at an Autobiography, Leon Trotsky, Penguin Books, 1979, pp. 552-553, traduction française tirée de « Ma vie », Léon Trotsky, sur le site : marxist.org).

Bien que Staline ait tenté d'isoler Trotsky du reste du Komintern et du PCC, ses efforts ne furent que partiellement couronnés de succès. Un groupe d'étudiants chinois étudiant en Union soviétique passa sous l'influence de l'Opposition de gauche et participa à sa manifestation sur la Place Rouge le 7 novembre 1927, au milieu des célébrations par la bureaucratie du 10e anniversaire de la Révolution d'Octobre. Vers la fin de 1928 au moins 145 étudiants chinois avaient formé des organisations trotskystes secrètes à Moscou et Leningrad.

En même temps, au cours du sixième congrès du Komintern, Trotsky écrivit sa fameuse critique du programme du Komintern. Quelques délégués du Parti communiste chinois, dont Wang Fanxi, furent en mesure de lire les écrits de Trotsky et acceptèrent l'analyse de l'Opposition de gauche. Après que certains de ces étudiants chinois soient retournés en Chine en 1929, une section de la direction du PCC, comprenant Chen Duxiu et Peng Shuzi, se tourna vers le trotskysme et forma l'Opposition de gauche chinoise.

En Chine, le KMT, qui avait étendu son influence en exploitant les soulèvements de masse révolutionnaires, s'avéra totalement incapable de maintenir l'unité du pays ou de gouverner « démocratiquement ». La « terreur blanche » du Kuo-Min-Tang se poursuivit durant des années. Entre le mois d'avril et de décembre 1927, environ 38 000 personnes furent exécutées et plus de 32 000 emprisonnées en tant que prisonniers politiques. De janvier à août 1928, plus de 27 000 personnes furent condamnées à mort. En 1930, le PCC estimait que de l'ordre de 140 000 personnes avaient été assassinées ou étaient mortes en prison. En 1931 plus de 38 000 personnes furent exécutées en tant qu'opposants politiques. L'Opposition de gauche chinoise n'était pas seulement pourchassée par la police du KMT, elle était également trahie et dénoncée aux autorités par la direction stalinienne du PCC.

Les conséquences politiques de l'échec de la révolution s'étendirent bien au-delà des frontières chinoises. Une victoire aurait eu, par contagion, un impact de grande portée à travers toute l'Asie et dans d'autres pays coloniaux. Parmi d'autres choses, elle aurait donné une grande impulsion à la classe ouvrière chinoise dans ses luttes contre la montée du militarisme japonais dans les années 1930 et contre la plongée vers la guerre mondiale.

Alors que le capitalisme mondial, une fois encore, s'enfonce dans la crise, en parallèle avec la montée du militarisme et de la guerre, la classe ouvrière chinoise et internationale ne peut se préparer aux bouleversements qui s'annoncent qu’en assimilant de manière approfondie les leçons politiques de la défaite de la révolution chinoise.

Fin


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