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Les enseignants défient le Conseil des services essentiels et la trêve syndicale en tenant une journée de grève

Par François Legros
26 novembre 1998

La quasi totalité des enseignants du secteur public québécois au niveau primaire et secondaire ne sont pas entrés au travail mercredi le 18 novembre 98. Ce faisant, ils ont défié une ordonnance du Conseil des services essentiels, qui avait, quelques jours plus tôt, déclaré que cette journée d'étude serait une «  grève illégale  » soumettant les travailleurs à une accusation d'outrage au tribunal et aux sévères sanctions prévues au code du travail.

Les enseignants, tant des écoles françaises qu'anglaises, ont débrayé pour défendre leur demande d'augmentation salariale justifiée par la loi provinciale sur l'équité salariale de 1996. Invoquant le fait que le marché du travail a historiquement « sous évalué  » le travail des femmes, la loi sur l'équité salariale prévoit la possibilité d'un ajustement salarial pour les travailleurs du secteur public dans des postes occupés en prédominance par des femmes.

Les enseignants, comme tous les autres travailleurs du secteur public, ont subi un gel ou une réduction de leurs salaires au cours des 15 dernières années. La dernière augmentation accordée aux professeurs du Québec date de 1992 et ils sont maintenant les troisièmes moins bien payés au Canada, gagnant juste plus que ceux des deux provinces rurales et pauvres de Terre Neuve et de l'Île du Prince Édouard. Autres conséquences des années de coupures, les enseignants font face à des conditions de travail de plus en plus difficiles, caractérisées par une augmentation des tâches, un trop grand nombre d'élèves par classe et un manque de livres et d'outils pédagogiques.

C'est la première fois que le Conseil des services essentiels affirme qu'un conflit impliquant les enseignants tombe sous sa juridiction. Créé sous le régime du Parti québécois de René Lévesque il y a quinze ans, le Conseil est intervenu régulièrement pour empêcher les travailleurs de la santé, des transports publics et des municipalités, de faire la grève. Le Conseil a interdit des grèves et a même déclaré illégal le refus des infirmières de faire du temps supplémentaire sous prétexte que cela pouvait affecter les services essentiels et même la vie des patients.

Le véritable rôle du Conseil n'est pas, comme il le prétend, de protéger le public contre les dangers d'un conflit de travail dans le secteur public. A ce titre, les coupures du gouvernement dans la santé et son régime obligatoire d'assurance-médicaments constituent certainement des dangers beaucoup plus graves à la santé publique.

Le Conseil a été et est toujours un outil important utilisé par les gouvernements péquiste et libéral, pour imposer les coupures dans la santé et pour empêcher tout mouvement des travailleurs de la base. Il suffit de comparer l'attitude conciliante du Conseil face aux journées d'études des médecins, qui sont aussi des grèves ayant certainement autant d'effets négatifs sur les soins aux malades, avec la ligne dure que le Conseil a adoptée face à la grève des heures supplémentaires des infirmières.

Dans le cas des enseignants, le Conseil reconnaît qu'une journée de grève est au plus un inconvénient pour les parents. Néanmoins, il affirme qu'il a l'obligation d'empêcher l'action des enseignants sous prétexte qu'il est mandaté pour s'assurer que les employés du secteur public respectent le code du travail québécois et dans ce cas-ci, les syndicats n'ont pas respecté les délais de notification prévus pour la journée du 18 novembre.

L'intervention du Conseil vise à créer un précédent qui va élargir de manière significative son champ d'intervention. Il craint aussi que le gouvernement ne soit pas dans une position assez forte pour faire face à un mouvement de protestation alors qu'il est en pleine campagne électorale. Durant les mois d'août et de septembre 1989, en pleine campagne électorale, le gouvernement libéral de Bourassa et le Conseil des service essentiels n'avaient pas été capables d'arrêter un mouvement de grève illégale des travailleurs du secteur public, malgré les menaces et l'imposition de sanctions. Le mouvement de grève avait finalement été torpillé par les bureaucrates syndicaux, qui, au nom de la paix sociale, avaient imposé une trêve qui ne s'est jamais terminée. Cette trahison a permis la réélection d'un gouvernement libéral qui a aussitôt appliqué les sanctions très sévères contre les infirmières et les autres travailleurs du secteur public.

Le Conseil des services essentiels a rendu sa décision vendredi dernier le 13 novembre et va la déposer à la Cour Supérieure, lui donnant la même force qu'un ordre provenant de la Cour. Ce qui signifie que chaque enseignant qui va faire la grève, peut être trouvé coupable d'outrage au tribunal et se voir imposer une amende allant jusqu'à $5000 ou un maximum d'un an de prison. De plus, les sanctions du Code du Travail peuvent aussi être imposées, y compris la perte d'ancienneté.

Au lendemain de la journée de grève, le premier ministre Bouchard a affirmé qu'il entamerait sous peu le «  processus judiciaire pouvant mener à l'imposition d'amende à l'ensemble des manifestants et leur leaders syndicaux » Faire une grève illégale, défier la loi 160 et les ordonnances de la Cour est une lutte politique qui doit être menée et poursuivie sur la base d'une perspective ralliant non seulement les enseignants mais tous les travailleurs. Lorraine Pagé n'a pas une telle perspective. Les autres dirigeants syndicaux non plus. Cette journée a été organisé pour sauver la face après avoir annoncé une trêve avec le gouvernement pour la période des élections.

Les dirigeant de la FTQ, de la CSN et de la CEQ, représentant la vaste majorité des 350 000 travailleurs du secteur public, actuellement en négociation pour le renouvellement de leur contrat de travail avec le gouvernement, ont promis de ne pas déranger la campagne avec des manifestations ou des grèves. Pour défendre cette position, les dirigeants syndicaux ont déclaré qu'une période électorale n'était pas un moment propice pour négocier, à si haut niveau, des clauses contractuelles et que la mobilisation des travailleurs pourraient distraire ceux-ci des débats électoraux !

En fait les conditions de travail et les salaires des travailleurs du secteur public sont d'une importance vitale pour tous les travailleurs. Les travailleurs du secteur public constituent non seulement une proportion importante de la force de travail au Québec, ils ont aussi été les principales victimes de l'assaut mené par la grande entreprise contre les programmes sociaux et les services publics. La lutte des ces travailleurs, pour la défense de leur salaire et de leur conditions de travail, est inséparable et pourrait être l'élément déclencheur de la lutte pour la défense des programmes sociaux et des services publics.

Vingt-quatre heures après avoir annoncé la trêve, la présidente de la CEQ, Lorraine Pagé, racontait aux journalistes qu'elle avait été mal comprise et que la trêve ne s'appliquait pas au plan d'action des enseignants dans leur lutte pour l'équité salariale. La vérité est que Pagé, dont la présidence avait été sérieusement contestée lors du dernier congrès de la CEQ, était de nouveau attaquée par ses opposants dans la bureaucratie et parmi les membres de la base. On l'accusait d'être encore une fois associée de trop près au gouvernement du Parti Québécois. Toutefois, pour ne pas trop s'éloigner de ses semblables à la tête de la FTQ et de la CSN, Pagé a maintenu que la grève de enseignants ne voulait pas dire qu'elle rompait la trêve.

Cette trêve n'est qu'un pâle reflet des relations existant entre la FTQ, la CSN et la CEQ et le gouvernement Bouchard: partenaires ou co-conspirateurs serait plus approprié. Les trois centrales ont appuyé l'objectif du déficit zéro du PQ pour l'an 2000, un objectif qui a nécessité des coupures de milliards de dollars dans l'éducation, la santé, l'aide sociale et d'autres programmes sociaux.

En 1997, les syndicats on travaillé avec le gouvernement du PQ à la réduction de 6 % des coûts de la main d'oeuvre. C'est suite à leur suggestion que le gouvernement Bouchard a adopté un plan de retraites anticipées qui a été utilisé pour réduire la force de travail du secteur public de plus de 10 000 employés. Les syndicats ont ainsi activement contribué à l'augmentation du fardeau de travail et au démantèlement de services publics vitaux.

Voir aussi:
La loi 160: une arme nécessaire selon la cour d'appel du Québec 9 novembre 1998

 

 

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