wsws.org/francais

Visitez le site anglais du WSWS

SUR LE SITE :

Contribuez au WSWS

Nouvelles et Analyses
Luttes Ouvrières
Histoire et Culture
Correspondance
L'héritage que nous défendons

A propos du CIQI
A propos du WSWS

AUTRES LANGUES

Allemand

Français
Anglais
Espagnol
Italien

Indonésien
Russe
Turque
Tamoul

Singalais
Serbo-Croate

 

Non au séparatisme québécois! Non à la défense du Canada!

Pour l'unité des travailleurs francophones, anglophones et immigrés contre Chrétien et Parizeau!

Éditorial

Le Parti ouvrier internationaliste (POI) lutte pour unir les travailleurs du Québec et du Canada, anglophones, francophones et immigrés, avec leurs frères et soeurs de classe des États-Unis, du Mexique et du monde entier. Seul un mouvement politique ouvrier international peut repousser l'offensive mondiale du patronat qui s'en prend aux emplois, aux salaires, aux conditions de travail et aux programmes sociaux. C'est pourquoi notre parti appelle les travailleurs à s'opposer au plan du gouvernement péquiste, qui cherche à créer une république capitaliste au Québec, en votant Non au référendum du 30 octobre prochain.

La politique du séparatisme, du nationalisme et du chauvinisme ethnique-linguistique est un piège pour la classe ouvrière : elle vise à détourner le mécontentement des travailleurs face à la misère causée par le capitalisme et le système de profit, elle vise à les diviser et à les désarmer face au capital organisé mondialement. Les travailleurs n'ont en effet rien à gagner en appuyant la création d'un État qui, selon les mots mêmes du projet de loi sur l'avenir du Québec, sera un membre à part entière de l'ordre impérialiste mondial, un partenaire de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA), de l'OTAN et du GATT. Un tel État ne peut être qu'un obstacle de plus à l'unification internationale de la classe ouvrière.

En se présentant comme les protagonistes du changement, le Parti québécois et le Bloc québécois cherchent à exploiter le vaste mécontentement populaire qui accompagne le déclin du niveau de vie, l'incertitude économique et l'accroissement des inégalités sociales. Mais le changement, tel que les séparatistes le perçoivent, ne profitera qu'à la bourgeoisie québécoise et aux sections les plus aisées de la classe moyenne, et non aux travailleurs. Avec la création d'un Québec indépendant, le PQ, le BQ et ADQ, qui forment le comité du Oui, espèrent renforcer la position du capital québécois pour s'opposer à ses rivaux économiques, mais également à la classe ouvrière.

2. L'opposition des travailleurs aux souverainistes ne doit pas déboucher sur un appui au comité du Non. Ce dernier s'oppose au séparatisme sur la base du nationalisme canadien réactionnaire et la défense de l'État fédéral, instrument par lequel les capitalistes exercent leur pouvoir depuis plus de 125 ans. Or, la classe ouvrière n'a pas plus intérêt à appuyer l'État canadien qu'à appuyer la création d'un État québécois capitaliste indépendant.

Le POI appelle à voter Non le 30 octobre dans le cadre de sa lutte pour la mobilisation politique indépendante de la classe ouvrière. L'opposition au séparatisme québécois doit s'accompagner d'une lutte pour la mobilisation des travailleurs d'un océan à l'autre dans une offensive politique contre les attaques sur les emplois et les programmes sociaux menées par tous les gouvernements et partis au pouvoir, tant fédéralistes que souverainistes : libéraux, conservateurs, néo-démocrates et péquistes.

3. Les séparatistes et leurs alliés politiques dans la bureaucratie syndicale prétendent qu'il n'existe aucune autre option politique en dehors des deux camps officiels. Pour eux, s'opposer au séparatisme, c'est appuyer le fédéralisme. Or, c'est faux. Il s'agit d'une tentative grossière pour réduire la marge de manoeuvre de la classe ouvrière et l'empêcher d'adopter un point de vue de classe indépendant. En fait, on tente de faire taire légalement quiconque avance l'option que la classe ouvrière doit s'opposer aux deux camps de la classe dirigeante et mettre de l'avant un programme répondant à ses intérêts de classe propres. Ainsi, la loi référendaire rédigée sous le règne péquiste de Lévesque et appliquée par tous les gouvernements libéraux subséquents, menace de sévères pénalités légales tout syndicat ou parti ouvrier intervenant dans un débat référendaire indépendamment des comités capitalistes du Oui et du Non.

Le POI appelle les travailleurs à rejeter le séparatisme du point de vue de la lutte pour l'unité internationale de la classe ouvrière. Face à l'État fédéral et au libre-échange, ils doivent opposer l'unification de leurs luttes à celles des ouvriers américains et mexicains et prôner la construction des États-Unis socialistes d'Amérique du Nord, et non une redistribution des pouvoirs entre les divers gouvernements accompagnée d'un retraçage des frontières, ni une politique protectionniste.

4. La crise de l'État fédéral canadien provient de la lutte des factions régionales de la classe capitaliste pour assurer leur position dans le nouvel ordre économique continental qui découle de l'ALÉNA et de la mondialisation de la production.

Derrière le conflit sur des clauses constitutionnelles se cache une confrontation d'intérêts économiques dont l'enjeu est de savoir quels pouvoirs les diverses factions de la classe dirigeante exerceront dans l'État fédéral canadien et quelle sera l'importance de leur liberté de manoeuvre face à leurs rivales. Selon le projet de loi péquiste, un Québec «souverain» serait tenu de conclure un accord avec le gouvernement canadien afin de «maintenir un partenariat économique» qui comprendrait un contrôle conjoint de la banque nationale et de la politique tarifaire. Ce projet démontre bien en fait le mensonge de la rhétorique péquiste à propos de l'autodétermination. En fait, ce que les séparatistes cherchent dans la réorganisation du système des États-nations en Amérique du Nord, c'est d'accroître l'influence et la liberté d'action de la classe capitaliste québécoise. C'est exactement ce que le Parti réformiste réclame pour les capitalistes de l'Ouest canadien, à la différence près qu'ils pensent pouvoir mieux défendre leurs intérêts dans le cadre d'un État fédéral restructuré.

5. Afin de recueillir un appui populaire à ses demandes de pouvoirs et de privilèges accrus, les représentants politiques des diverses factions de la classe dirigeante exhortent les travailleurs à défendre les intérêts «canadiens,»«québécois» ou «de l'Ouest», bref, de considérer la politique uniquement au travers du prisme des différentes identités nationales, régionales et linguistiques. Tous ces concepts ne font qu'obscurcir les contradictions de classe qui polarisent les sociétés canadienne et québécoise. Les deux camps opposés et fondamentaux qui divisent la société canadienne ne sont pas les fédéralistes et les séparatistes québécois, ou encore les Québécois et les Canadiens anglais. Non. La véritable division est entre une minorité de capitalistes qui contrôle les richesses, et la vaste majorité qui ne possède que sa force de travail.

Les ouvriers québécois subissent une oppression de classe, et non une quelconque oppression «nationale». Les problèmes auxquels ils doivent faire face (le chômage chronique, la détérioration du niveau et de la qualité de vie), sont tout autant le lot des travailleurs du reste du pays.

Les conflits sociaux tels que la grève des fonctionnaires fédéraux de 1991 et le mouvement contre les coupures dans l'assurance-chômage, montrent l'unité objective de la classe ouvrière. Toutefois, tant que cette unité ne sera pas une stratégie consciente, il y a un grave danger que la classe ouvrière ne soit transformée en chair à canon dans la lutte que se mènent les diverses cliques capitalistes assoiffées de pouvoirs et de privilèges.

6. Les travailleurs doivent prendre garde : les bureaucrates syndicaux et le NPD se sont engagés à les placer à la remorque de l'une ou l'autre des factions capitalistes rivales. Les dirigeants de la FTQ, de la CSN et de la CEQ sont les plus ardents défenseurs du projet péquiste. De la même façon, les premiers ministres néo-démocrates de la Saskatchewan et de la Colombie-Britannique, ont endossé les menaces de représailles économiques du chef réformiste Preston Manning contre le Québec s'il venait à se séparer.

Armée d'un programme socialiste, la classe ouvrière pourrait profiter de la profonde crise qui secoue la bourgeoisie canadienne et son État et prendre l'offensive. Mais, suite aux trahisons des organisations ouvrières traditionnelles, la classe ouvrière risque fortement d'être polarisée selon des positions nationales, ethniques et linguistiques. Si les travailleurs ne s'opposent pas résolument à l'ensemble des factions capitalistes rivales dans la crise constitutionnelle, ils seront entraînés dans cette lutte de pouvoir qui se joue entre les capitalistes et jetés les uns contre les autres suivant des positions régionales, nationalistes et ethniques, exactement de la même façon que les travailleurs de différentes entreprises sont opposés les uns aux autres dans la lutte du patronat pour s'emparer des marchés et récolter des bénéfices. Les dangers qu'un tel développement pose à la classe ouvrière sont démontrés par la tragédie yougoslave.

Deux camps de la réaction

7. La séparation est un projet politique réactionnaire mis de l'avant par une section du patronat québécois et de l'élite gestionnaire. Par la sécession du Québec, les forces souverainistes espèrent mieux positionner le capital québécois pour poursuivre une guerre commerciale et de classe qui est l'équivalente politique du programme de restructuration au niveau de l'entreprise afin de diminuer les coûts de production. Ces forces parlent pour une faction de la classe dirigeante qui est persuadée que l'intégration économique mondiale et, plus particulièrement, l'ALÉNA, lui permettra d'outre-passer les structures politiques et les réseaux économiques traditionnels. Les souverainistes croient que le capital québécois pourra forger des relations plus lucratives avec Wall Street et le capital international lorsqu'il aura son propre État, dédié exclusivement à la défense de ses intérêts de classe, plutôt qu'avec l'État fédéral et les banques basées à Toronto.

Les forces souverainistes misent également sur le fait que l'indépendance apportera au capital québécois l'occasion rêvée d'achever le démantèlement de ce qui reste de l'État providence, car elle nécessitera une réorganisation complète de l'appareil d'État. Assurément, ce n'est pas un hasard si Parizeau a nommé Richard Le Hir, l'ancien président de l'Association des manufacturiers du Québec, au poste de ministre de la restructuration des opérations gouvernementales en prévision de l'indépendance. Le PQ s'est également engagé à incorporer à la constitution d'une éventuelle république québécoise le principe de la «décentralisation», prétexte invoqué par tous les gouvernements capitalistes de la planète pour justifier l'actuelle destruction des programmes sociaux et des services gouvernementaux.

Le projet des séparatistes vise également à renforcer les fondements politiques et idéologiques de la domination capitaliste. Ainsi, selon eux, l'assaut contre les programmes sociaux démontre de façon trop évidente que l'État est un outil du patronat. Dans le cadre d'un projet visant à «bâtir notre propre pays», ils pensent pouvoir créer une espèce de «solidarité sociale», c'est-à-dire subordonner les travailleurs aux intérêts des capitalistes québécois et intégrer davantage leurs alliés de la bureaucratie syndicale à l'appareil d'État.

8. Dans la poursuite de leurs petits intérêts de classe, les séparatistes exploitent les souvenirs de la discrimination exercée autrefois contre les travailleurs québécois. Leur programme d'exclusivisme national est composé de lois linguistiques chauvines, du contrôle de l'immigration, du chauvinisme belliqueux anti-autochtone et du projet de création d'un État capitaliste sur une base nationaliste et ethnique. Un tel programme exacerbe les chauvinismes canadiens anglais et québécois et divise encore plus profondément la classe ouvrière.

9. Les dirigeants du comité du Non, le libéral Daniel Johnson, le premier ministre Jean Chrétien, le chef conservateur Jean Charest et le chef réformiste Preston Manning, sont des ennemis tous aussi féroces de la classe ouvrière : ils sont tous d'accord pour couper les emplois, les salaires et les avantages sociaux des travailleurs pour permettre à la grande entreprise de rester compétitive sur les marchés internationaux; ils travaillent tous pour remplacer l'État-Providence par un «gouvernement concurrentiel», c'est-à-dire pour transformer l'État en un outil encore plus exclusivement dédié à discipliner la classe ouvrière dans l'intérêt de la lutte des capitalistes sur les marchés mondiaux.

Alors qu'ils appauvrissent la majorité au profit de la minorité, les politiciens fédéralistes, tout comme leurs adversaires séparatistes, ont de plus en plus recours à des appels chauvins. En particulier, ils font des boucs-émissaires des immigrants en jetant sur eux le blâme du chômage et d'autres problèmes sociaux. Le Parti Réformateur, quant à lui, prône le chauvinisme anglais et dénonce le bilinguisme.

10. La campagne du Non est dirigée par le Parti Libéral du Québec (PLQ), l'instrument politique de la faction de la bourgeoisie québécoise qui pense que le capital québécois peut mieux défendre ses intérêts au moyen d'un État qui est une puissance impérialiste majeure, un membre du G-7 et un membre important d'autres institutions impérialistes comme l'ONU et le FMI.

Dans la campagne référendaire, le PLQ a l'appui de la grande entreprise à l'extérieur du Québec. Mais l'unité des forces du Non masque de profondes divisions. Le Parti Réformateur, en insistant pour que le Québec quitte l'État fédéral dans le cas d'un Oui, a fait savoir que des sections importantes du grand patronat dans l'Ouest préfèrent l'écroulement du Canada à de nouvelles concessions à leurs rivales québécoises.

La mondialisation et la crise du mouvement ouvrier

11. Les séparatistes prétendent que le gouvernement libéral de Chrétien n'attend que la fin du débat référendaire pour couper les pensions de vieillesse et l'assurance-chômage. De leur côté, les fédéralistes les accusent de mentir lorsqu'ils affirment qu'un Québec indépendant continuera de maintenir le niveau actuel des services sociaux, d'ailleurs lui-même en plein déclin. Pour une fois, les deux côtés ont raison : peu importe le résultat du référendum, la classe dirigeante va continuer son offensive contre la classe ouvrière.

La crise sociale qui secoue le Canada et qui a entraîné un niveau sans précédent de chômeurs et de sans-abris depuis la grande dépression des années 30, tire son origine de la crise du système capitaliste mondial.

Réagissant à l'effondrement de l'expansion capitaliste d'après-guerre et à la baisse subséquente des profits, les entreprises capitalistes ont commencé, dès le milieu des années 70, à internationaliser leur production en faisant appel à des sources de main-d'oeuvre moins coûteuses situées en Asie, en Amérique Latine et en Afrique. Cette politique, en retour, a donné un élan au développement des technologies informatiques et des télécommunications qui ont par la suite grandement facilité la planification et l'organisation de la production globale. Cette dernière a été développée par le capital pour tenter de remédier à la baisse des profits. Ce faisant, le capital a engendré une révolution économique qui a énormément intensifié la crise capitaliste. La mondialisation de la production a rapidement ébranlé le cadre de la régulation économique nationale et des marchés nationaux protégés. Ce cadre servait à amoindrir le choc des cycles économiques et la lutte des classes, permettant ainsi de protéger les profits des grandes sociétés.

Aujourd'hui, les entreprises capitalistes rivales et les factions nationales du capital sont engagées dans une lutte à finir pour les marchés et les profits. La victoire va à celui qui produit le plus vite et à moindre coût, bref à celui qui augmente le plus l'exploitation de «sa» classe ouvrière. C'est pourquoi la mondialisation de la production s'accompagne d'un assaut contre les conquêtes sociales de la classe ouvrière. Le développement d'un marché du travail international est au coeur de cette attaque. Les salaires et les conditions des travailleurs y sont déterminés par le plus petit dénominateur commun. Les travailleurs y sont opposés les uns contre les autres, pays par pays, et la production est effectuée là ou elle est la plus rentable.

12. Il n'était pas inévitable que la classe ouvrière internationale enregistre recul après recul devant l'offensive du capital. Les mêmes développements technologiques qui permettent aux capitalistes de coordonner la production et leur offensive contre la classe ouvrière, facilitent également l'organisation de la contre-offensive des travailleurs. S'ils subissent défaite après défaite, c'est parce que les organisations auxquelles ils ont accordé leur allégeance (les syndicats et les partis staliniens et sociaux-démocrates) appliquent des programmes nationalistes et procapitalistes. Dirigées par des castes bureaucratiques privilégiées, ces organisations sont totalement intégrées dans l'ordre capitaliste. C'est pourquoi elles sont fondamentalement incapables de mobiliser la classe ouvrière en tant que force internationale, une option à laquelle elles vouent d'ailleurs une hostilité implacable.

Au Québec, comme au Canada anglais, les bureaucrates sont les plus chauds partisans du nationalisme économique. Au nom du soutien aux «employeurs d'ici», ils imposent les coupures de salaires et de postes les unes après les autres en faisant porter le blâme de ces attaques sur les travailleurs des autres pays. En brandissant le fleurdelisé ou l'unifolié et en faisant de l'agitation en faveur de mesures protectionnistes qui font porter le fardeau du chômage sur les épaules des travailleurs à l'étranger, ils cherchent à détourner les travailleurs d'une confrontation avec le système de profit et les divisent.

Le POI lutte pour que la classe ouvrière adopte une nouvelle stratégie de classe : l'internationalisme socialiste. Pour lutter contre le capital organisé mondialement, les travailleurs doivent mondialiser à leur tour leur lutte de classe en l'organisant consciemment dans le cadre d'une offensive mondiale contre le système capitaliste.

La crise du système des États-nations

13. Beaucoup de travailleurs se sentent aliénés dans le conflit constitutionnel. Ils sentent que leurs inquiétudes face à la crise sociale qui ne cesse de s'étendre, ne sont pas partagées par les politiciens et les gouvernements. Quelle différence cela peut bien faire que l'assurance-chômage ou les soins de santé soient sous responsabilité fédérale ou provinciale puisque les deux niveaux de gouvernement mettent la hache dans l'État-providence et détruisent systématiquement les programmes sociaux? Néanmoins, le sentiment populaire que les politiciens devraient s'occuper des «vrais problèmes» est loin de constituer une conscience de classe.

L'assaut contre la classe ouvrière et la crise de l'État canadien s'inscrivent dans le même processus. La mondialisation de la production a non seulement ébranlé les relations entre les classes, mais elle a également accentué le conflit entre l'économie mondiale et le système des États-nations. Plus le monde s'intègre et devient une unité économique, plus les factions nationales de la classe capitaliste doivent se battre entre elles pour s'accaparer des marchés, des ressources, des bassins de main-d'oeuvre à bon marché et des bénéfices.

Les plus grandes puissances impérialistes que sont les États-Unis, l'Allemagne et le Japon, sont inexorablement entraînées sur la voie des différends commerciaux et du conflit armé afin d'accéder à la suprématie mondiale et ce, pour la troisième fois au cours de ce siècle. Quant aux puissances impérialistes de moindre importance, elles ne peuvent qu'espérer garder une place sur le marché mondial en jouant le rôle de partenaire de second plan de l'un des concurrents pour l'hégémonie mondiale.

Invariablement, les termes de ces accords sont sources de conflits amers au sein des classes dominantes qui se voient obligées de faire des concessions politiques et économiques à leurs rivales. Ainsi, comme au Canada, des mouvements régionalistes et séparistes font de l'agitation en Italie, en Angleterre et en Belgique, pour permettre à leur faction de la classe dirigeante de conclure des accords distincts. Bref, au nom du droit à l'autodétermination de leurs peuples, aussi petits soient-ils, des factions régionales de la classe dirigeante espèrent améliorer leur position et exploiter plus efficacement «leur» classe ouvrière.

La carte politique du monde va être redessinée. Mais la question est de savoir si ce sera aux dépens de la classe ouvrière et de l'ensemble de l'humanité, par le biais des conflits commerciaux, du fascisme et de la guerre, ou si ce sera par le bas, par la mobilisation révolutionnaire de la classe ouvrière contre le système désuet de l'État-nation capitaliste.

L'ALÉNA et l'État fédéral

14. La crise de l'État fédéral canadien découle non pas des antagonismes ethniques et linguistiques, comme ne cesse de prétendre la presse capitaliste, mais des forces économiques mondiales qui ont affaibli les relations économiques sur lesquelles l'État canadien a été construit en 1867.

Historiquement, la bourgeoisie canadienne a tenté de résister à la domination américaine et au danger d'absorption d'abord en maintenant d'étroites relations avec la Grande-Bretagne et son empire, puis en imposant de forts tarifs protectionnistes pour assurer sa domination sur son marché intérieur. La ratification par le Canada de l'accord de libre-échange Canada-États-Unis en 1989, marquait la reconnaissance explicite que sa «stratégie nationale» n'était plus viable suite au déclin britannique, à la fusion de l'économie canadienne avec celle des États-Unis, à la division du monde en blocs économiques continentaux et à la mondialisation de la production.

Depuis 1989, l'économie canadienne a été restructurée par le biais des fermetures d'usines, des réductions salariales, de la destruction des programmes sociaux et l'introduction de nouvelles technologies, dans le but de répondre aux exigences du marché continental. Cette réorganisation a grandement accéléré le processus d'intégration continentale. Ainsi, en 1994, le commerce extérieur canadien avec les États-Unis était plus important que la totalité des échanges intérieurs du pays.

Plus le Canada est lié aux États-Unis, et plus la crise de l'État fédéral s'accentue. Car l'intégration économique continentale a donné naissance à des factions capitalistes régionales qui ont des intérêts propres et conflictuels. De plus, la crise est exacerbée par la banqueroute du gouvernement fédéral : non seulement ce dernier n'a plus les ressources financières pour amoindrir les tensions régionales en accordant une aide aux provinces les moins fortunées, mais en plus, la bourgeoisie des provinces les plus riches s'oppose à ce que son argent serve à augmenter le niveau de vie des habitants du Québec et des provinces maritimes dans la mesure où ils ne font plus partie d'un marché national protégé.

Si l'État fédéral menace actuellement de s'effondrer, c'est parce que la ratification de l'accord de libre-échange et l'accentuation de la guerre commerciale mondiale force chaque faction de la classe dirigeante à revoir ses plans et à réévaluer qu'elle serait la meilleure façon de protéger ses bénéfices et ses privilèges pour le siècle à venir. L'enjeu du conflit constitutionnel est de savoir qui va périr et qui va survivre dans la réorganisation du capitalisme canadien rendue nécessaire par la guerre commerciale.

15. Le Canada éclate suivant plusieurs failles. Une victoire du Oui affaiblirait encore plus l'État fédéral et le cadre dans lequel ces conflits sont déjà difficilement contenus. La faction séparatiste de la bourgeoisie québécoise pense que dans le cas d'une victoire de son option, des considérations géopolitiques et commerciales forceraient le Canada à conclure une nouvelle entente de partenariat. Aveuglée par ses intérêts et son nationalisme, elle ne réalise pas que les mêmes transformations à l'échelle de la planète qui lui permettent d'espérer établir de nouveaux rapports avec le marché mondial, permettent tout autant à ses rivales de l'Ouest et d'ailleurs d'envisager l'avenir sans le Québec.

La sécession du Québec romprait tellement l'équilibre du pouvoir dans le reste du Canada, en plus de diminuer radicalement sa position économique dans l'ordre capitaliste mondial, que certaines factions de la grande entreprise songeraient certainement à établir leur propre État minuscule ou encore à s'unir aux États-Unis. Si le Canada est non-viable avec le Québec, il l'est encore moins sans.

16. Une victoire du Oui ne se solderait pas par un divorce à l'amiable. Bien au contraire, elle déboucherait sur une lutte frénétique pour le pouvoir entre toutes les factions rivales de la grande entreprise. Les opposants capitalistes à l'indépendance ont déjà annoncé que les frontières d'un Québec souverain devraient être négociées. Ils ont encouragé les communautés amérindiennes et inuit à se séparer d'un Québec indépendant et rejeté la proposition péquiste sur la division de la dette fédérale. De son côté, Parizeau a menacé de cesser les paiements de la dette pour forcer le Canada à négocier.

Tant au Québec qu'au Canada anglais, la classe dirigeante utiliserait les répercussions économiques et politiques qui suivraient l'indépendance pour propager le chauvinisme et faire porter la responsabilité de la crise sociale produite par le capitalisme se désagrégeant sur le dos de l'«autre nation».

Dans le cas d'un Non, les rivales de la bourgeoisie québécoise vont exiger une nouvelle division des pouvoirs au sein de l'État fédéral qui soit dans leurs intérêts. De plus, le gouvernement libéral de Jean Chrétien tentera de présenter un vote pour le Non comme un mandat pour continuer la «restructuration» du fédéralisme par l'élimination de toute norme nationale et le nouveau Transfert social canadien.

Pour les États-Unis socialistes d'Amérique du Nord!

17. Le séparatisme québécois est une réponse réactionnaire à un problème objectif: l'actuelle division politique de l'Amérique du Nord et de toute la planète correspond à une époque économique depuis longtemps dépassée.

L'intégration globale de la production a créé les prérequis matériels pour un ordre social plus élevé où la production peut être planifiée de façon démocratique par les travailleurs du monde entier et organisée de façon à satisfaire les besoins sociaux, et non à enrichir une minorité. Mais pour réaliser ce potentiel, la classe ouvrière internationale doit renverser le capitalisme et le système des États-nations.

En réponse à la réorganisation de l'économie continentale nord-américaine dans le cadre de l'ALÉNA, et en opposition à toutes les factions antagonistes de la bourgeoisie (libre-échangistes, protectionnistes, fédéralistes, séparatistes), les travailleurs canadiens, américains et mexicains doivent s'unir dans la lutte pour les États-Unis socialistes d'Amérique du Nord.

La nature de classe du nationalisme québécois

18. Les nationalismes canadien et québécois sont les piliers idéologiques de l'ordre capitaliste. Ils servent tous deux à mystifier les rapports de classe, à lier la classe ouvrière à la bourgeoisie et à diviser celle-ci du prolétariat international. Ainsi, le PLQ prône les deux nationalismes.

Dans les années 70, le nationalisme québécois a été utilisé par la bourgeoisie québécoise, par le biais de la bureaucratie syndicale, pour dompter un mouvement de rébellion des travailleurs québécois.

Formé à la suite d'une scission avec le PLQ, le PQ a toujours été un ardent défenseur de l'ordre bourgeois. Suite à la polarisation de classe de la société capitaliste, il a radicalement évolué vers la droite depuis sa fondation il y a un quart de siècle. Après la récession de 1981-82, il a abandonné sa façade de parti ayant un «préjugé favorable à l'égard des travailleurs». Il a alors sauvagement réduit les dépenses sociales, imposé par voie de décrets gouvernementaux des coupures de salaires de ses 300000 fonctionnaires, en plus de s'en prendre à leurs conditions de travail, placé les syndicats sous tutelle gouvernementale en les menaçant de congédiements massifs et appliqué des programmes de cheap labor.

De façon significative, plus le PQ devenait conservateur dans le domaine socio-économique, et plus son chauvinisme devenait extrémiste. Dans les années 1970, le PQ dénonça hypocritement les banques et les multinationales en présentant l'indépendance comme un moyen de construire une «économie nationale» qui serait au service du «peuple du Québec». Mais aujourd'hui, il met de l'avant l'indépendance dans le cadre d'un programme capitaliste flagrant.

Tout en dénonçant avec démagogie l'État fédéral canadien, les souverainistes courtisent Washington et Wall Street. Parizeau soutient que les négociations avec les Américains à propos de l'ALÉNA et des autres questions stratégiques ont «déjà commencé».

19. Avec cynisme, la bourgeoisie québécoise utilise la question linguistique pour inciter l'animosité entre les anglophones, les francophones et les immigrants, et les détourner d'une lutte commune contre les terribles conditions sociales crées par la crise capitaliste. Tout en prétendant défendre la culture française et québécoise en Amérique, tant le PLQ que le PQ ont à maintes reprises les yeux sur les attaques dont sont victimes les minorités francophones hors-Québec, dans le cadre de leurs manoeuvres pour obtenir plus de pouvoirs et de privilèges pour la bourgeoisie québécoise. De plus, ils ont à tour de rôle réduit les fonds consacrés à l'éducation et contribué à faire d'une bonne partie des jeunes Québécois des analphabètes fonctionnels.

Des lois linguistiques chauvines comme la loi 101 visent à soutenir la classe moyenne francophone dans la compétition pour des postes de gestionnaires et à prôner la fiction que les travailleurs québécois ont plus en commun avec Desmarais et Péladeau qu'avec les travailleurs anglophones et immigrés.

L'exclusivisme national est l'antithèse du socialisme. La position de la petite-bourgeoisie à l'égard du chauvinisme, c'est de répondre à un acte discriminatoire par un autre et de proposer la ségrégation de l'humanité par la création d'États ethniques «purs». Dans le cadre de sa lutte pour mettre fin à la production pour le profit et au système des États-nation, source de toutes les querelles nationales et du racisme, la classe ouvrière doit s'opposer à tout privilège linguistique.

Les pseudo-socialistes et le référendum

20. De nombreuses organisations qui se proclament socialistes-dont Gauche socialiste, International Socialistes et le réseau populaire pour le Oui-se sont associées au PQ et à la bureaucratie syndicale dans la campagne pour le Oui.

À part leurs noms, ces organisations ne sont pas de la classe ouvrière pas plus qu'elles ne sont socialistes. Elles représentent une couche de la classe moyenne qui s'était radicalisée durant les années soixante et qui depuis a pris un virage vers la droite. Tellement à droite qu'elles sont prêtes à promouvoir un «Québec indépendant» faisant intégralement partie de l'ordre impérialiste mondial et à encourager les travailleurs à mandater l'alliance PQ-BQ-ADQ à agir en leur nom et à superviser l'établissement d'un Québec «souverain».

Ces organisations prônent un vote pour le Oui en partant du fait que la majorité des grandes entreprises à travers le Canada appuient le Non. Cet argument opportuniste a été toujours invoqué pour empêcher la classe ouvrière d'avancer son propre programme, pour la subordonner politiquement au capital.

Les travailleurs ne peuvent pas défendre leurs intérêts en faisant un bloc avec une section du capital contre une autre. Ils ne peuvent défendre leurs intérêts qu'en menant une lutte contre le système capitaliste dans son ensemble.

Une version du même argument suggère qu'il faut appuyer le Oui parce qu'un vote pour le Oui va «intensifier» la crise de l'État fédéral. Une victoire du Oui plongerait certainement la bourgeoisie canadienne dans une crise. Cependant, l'histoire a démontré qu'une crise en soi ne profite pas automatiquement à la classe ouvrière. De plus, il y a une grande différence entre une crise provoquée par la mobilisation indépendante de la classe ouvrière et une provoquée par les manoeuvres d'une section de la classe dirigeante pour changer le rapport de forces en sa faveur et aux dépens de ses rivales.

Ce n'est que dans le mesure où la classe ouvrière agit comme une force politique indépendante, sur la base de la perspective des États-Unis Socialistes d'Amérique du Nord, qu'elle pourrait profiter elle-même de la crise engendrée par l'éclatement de l'état-Nation canadien.

21. Le réseau populaire pour le Oui et d'autres groupes critiquent le PQ pour ne pas avoir de «projet de société» et affirment qu'un Québec indépendant pourrait servir de levier contre les pressions du capital international.

La vérité, c'est que le PQ a élaboré un projet social très clair et explicite: l'établissement d'un Québec indépendant dans le but de mieux positionner et soutenir les capitalistes québécois dans la guerre commerciale globale.

Quant à l'affirmation qu'un État Québécois pourrait servir de levier pour résister aux pressions des transnationales, ce n'est rien de plus qu'une tentative de ressusciter les illusions dans le programme du réformisme national.

Tant que les travailleurs lieront leur sort à celui de l'État-Nation, ils resteront impuissants face au capital organisé à l'échelle du globe. L'époque durant laquelle l'État-Nation jouait un rôle social et économique progressif est déjà bien loin derrière. En tant qu'unité économique, l'État-Nation est rendu totalement dépassé face au développement de l'économie mondiale.

Sa seule fonction, aujourd'hui, est de servir d'instrument avec lequel les différentes cliques de la classe dirigeante cherchent à prendre leur part du marché mondial et à empêcher l'unification de la classe ouvrière internationale.

22. Les partisans de «gauche» du Oui prétendent aussi qu'un Oui porterait un coup au chauvinisme, que l'indépendance représente une solution «démocratique» à la «question nationale». Premièrement, le programme avancé par les séparatistes est l'antithèse de la démocratie. Un de leurs principaux arguments en faveur de la «souveraineté» est de pouvoir librement imposer leurs lois réactionnaires sur la langue.

Mais fondamentalement, toute l'expérience des mouvements nationaux du 20me siècle, du Kurdistan à l'Inde jusqu'à l'ex-Yougoslavie, a démontré que l'oppression nationale et les frictions nationales ne peuvent être surmontées dans le cadre du système des États-Nations.

La nation est une catégorie historique. La formation des nations, et l'établissement des États-nations ne sont pas le produit d'une identité ethnique éternelle.

Au début du capitalisme, lorsqu'il s'agissait de combattre le particularisme féodal et le colonialisme, la lutte pour la formation d'États-Nations jouait un rôle progressif, unificateur. Le «mouvement national» d'aujourd'hui est le produit réactionnaire de la décadence du système des États-Nations, dans un contexte où la classe ouvrière n'a pas, jusqu'à présent, été capable d'apporter une solution progressive à la crise du capitalisme. Invariablement, ces mouvements ont un caractère exclusiviste et sont profondément hostiles aux intérêts de la classe ouvrière.

Les querelles nationales et l'oppression nationale ne peuvent être éliminées qu'en leur opposant un principe plus élevé, qui articule les intérêts communs des travailleurs de toutes les nationalités: l'internationalisme socialiste.

23. Gauche socialiste et d'autres groupes radicaux cherchent à donner une couverture marxiste à leur capitulation totale devant la bourgeoisie québécoise en invoquant le «droit à l'autodétermination nationale». Ils donnent à cette revendication un sens complètement à l'opposé de celui donné historiquement par le mouvement marxiste. Lénine, entre autres, a employé cette revendication démocratique-bourgeoise dans le cadre de sa lutte pour l'autodétermination de la classe ouvrière, en opposition au chauvinisme et dans le but de libérer les travailleurs de l'influence pernicieuse de la bourgeoisie nationale. Gauche Socialiste, au contraire, prône l'idée que les travailleurs québécois doivent se définir politiquement comme des Québécois, et non comme un bataillon de la classe ouvrière internationale.

La voie de l'avant

24. Quel que soit le résultat du vote référendaire du 30 octobre, l'assaut contre la classe ouvrière et la crise du capitalisme canadien vont s'intensifier.

En l'absence d'une intervention politique de la classe ouvrière, la crise sociale engendrée par la putréfaction du capitalisme et de son système d'États-nations ne peut que devenir maligne.

Travailleurs, ne vous laissez pas endormir par les clichés rassurants que «le Canada n'est pas la Yougoslavie, ça ne peut pas arriver ici». La guerre civile a éclaté en ex-Yougoslavie comme la conséquence, non pas de conflits ethniques éternels et inexplicables, mais de brûlantes contradictions contemporaines: des soulèvements socio-économiques associés à une profonde crise de direction dans la classe ouvrière.

Dans un contexte où les travailleurs yougoslaves, aussi militants soient-ils, n'avaient aucune alternative à opposer à la restauration du capitalisme, les derniers survivants de la bureaucratie stalinienne au pouvoir, sous les diktats de l'impérialisme, ont pu manipuler et attiser les divisions ethniques.

Les événements se déroulant en ex-Yougoslavie doivent servir d'avertissement aux travailleurs du Canada. Il ne faut pas permettre aux éléments chauvins de canaliser l'hostilité grandissante de millions de gens envers l'ordre politique existant dans une direction réactionnaire. Les travailleurs doivent s'opposer résolument à toutes les factions rivales de la bourgeoisie et mettre de l'avant un programme de lutte qui rejette les impératifs du marché capitaliste.

Le POI appelle à voter Non parce que la séparation est une mesure réactionnaire opposée aux intérêts de la classe ouvrière. De la même manière, nous nous opposons à toutes mesures visant à promouvoir l'État fédéral et à maintenir son «intégrité territoriale», y compris l'utilisation éventuelle des tribunaux ou des forces militaires pour empêcher la séparation.

Le POI dit: contre le séparatisme québécois, contre «l'unité canadienne»; pour l'unité des travailleurs francophones, anglophones et immigrants, contre Chrétien, Parizeau, Manning, Johnson et Harris; pour un gouvernement ouvrier et les États-Unis socialistes d'Amérique du Nord.

Tous les travailleurs et les jeunes qui sont d'accord avec ce programme-qui comprennent que la classe ouvrière ne peut aller de l'avant qu'en tant que bataillon du prolétariat international menant une lutte révolutionnaire pour le socialisme en commun avec la classe ouvrière internationale-devrait adhérer au POI et participer à la lutte pour sa construction en tant que section canadienne du Comité International de la Quatrième Internationale.

 

Untitled Document

Haut

Le WSWS accueille vos commentaires


Copyright 1998 - 2012
World Socialist Web Site
Tous droits réservés