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Quelles classes sociales soutiennent la lutte pour la démocratie en Indonésie ?

Les leçons de l'histoire

Le 20 mai 1998

Alors que la crise politique en Indonésie s'intensifie et que le régime Suharto essaie désespérément de s'accrocher au pouvoir, le mouvement de masse des étudiants et des travailleurs ne devrait pas se laisser bercer par l'illusion que des changements superficiels dans la structure du pouvoir pourraient signifier un véritable renouveau démocratique et social.

La dictature sanglante de Suharto n'est pas une aberration, ni la simple expression des tendances despotiques d'un individu. La mainmise de Suharto sur le pouvoir indique la position critique qu'il occupe dans tout l'ordre bourgeois indonésien. En la personne du tyran militaire s'incarne en fait le violent antagonisme qui oppose la bourgeoisie nationale aux masses opprimées des travailleurs et des paysans.

Le fait même que Suharto ait dirigé l'Indonésie d'une main de fer pendant plus de trois décennies, sans qu'une opposition crédible ne soit sortie des rangs des classes possédantes, témoigne de la faillite historique de la bourgeoisie indonésienne en son entier. La lâcheté organique de l'opposition bourgeoise actuelle, qui prétend représenter la lutte pour la démocratie, a été soulignée par la déclaration de dernière minute de l'un de ses principaux porte-parole, Amien Rais, ce dernier annulant la manifestation de masse qui avait été prévue pour le 20 mai à Jakarta et dans d'autres villes. Le recul de Rais met à jour un fait crucial : les acolytes de Suharto, tout comme leurs opposants semi-officiels tels que Rais et Megawati Sukarnoputri, sont hantés par la crainte de voir le mouvement étudiant servir d'étincelle à un soulèvement des travailleurs et des masses appauvries qui menacerait toute la structure sociale bâtie sur les privilèges et l'exploitation de classe.

L'apathie et la traîtrise de cette opposition bourgeoise font courir d'énormes dangers au mouvement étudiant, y compris un retour à la sauvage répression militaire, le principal modus operandi du régime dès ses débuts.

Au même moment, des éléments tels que Rais, appuyés par une section des médias et de l'establishment politique dans le monde occidental, prônent la conception que tous les problèmes politiques et sociaux qui frappent l'Indonésie sont comme incorporés en la personne de Suharto, et que son éventuel départ signifierait un triomphe de la démocratie.

Une approche aussi naïve et superficielle sert des buts politiques bien définis. Dans la mesure où l'attention des masses reste fixée au sort personnel de Suharto, les questions de classe fondamentales qui sous-tendent la lutte contre le régime sont voilées, ce qui rend la tâche plus aisée aux banques internationales, aux gouvernements impérialistes et aux cercles dirigeants locaux, dans leurs efforts pour façonner, si nécessaire, un nouveau régime, mieux équipé pour résoudre la crise aux dépens des travailleurs, des paysans et des jeunes en révolte.

Le fait même que, dans le contexte de la crise actuelle, la mémoire collective des masses ouvrières concernant les amères leçons de l'histoire, en particulier du coup d'état de 1965, semble si vague et incertaine, est en large mesure la conséquence du massacre grâce auquel Suharto s'est frayé un chemin vers le pouvoir. Dans un bain de sang qui a coûté la vie à plus d'un demi-million d'Indonésiens, l'armée s'est basée sur le soutien actif de la CIA américaine et la collaboration du chef nationaliste renversé Sukarno pour exterminer le mouvement ouvrier conscient et tous les éléments socialistes au sein de l'intelligentsia.

Quelle a été l'erreur politique fatale qui a mené à cette tragique défaite ? C'était l'illusion, prônée par la direction stalinienne pro-chinoise du Parti communiste indonésien, que les travailleurs et les paysans opprimés pouvaient politiquement faire confiance à une section de la bourgeoisie indonésienne, y compris une couche des militaires, caractérisées de " progressive ", " démocratique " et " patriote ".

Dans la tentative actuelle de rehausser l'image d'individus tels que Rais, un partisan déclaré du Fonds monétaire international et de son programme de " réforme ", et même du général Wiranto, chef des forces armées et bras droit de Suharto, c'est un nouveau piège qui est tendu aux masses indonésiennes, dont le résultat inévitable serait un sanglant règlement de compte avec l'opposition de masse.

Pour que les aspirations démocratiques du peuple ne soient pas cruellement trahies, certaines caractéristiques historiques du vingtième siècle doivent être prises en compte. L'expérience de ce siècle a démontré fois après fois que les pays retardés dans leur développement capitaliste, comme l'Indonésie, ne peuvent pas, dans le cadre du capitalisme, surmonter l'héritage du dénuement social et du pouvoir autoritaire.

Dans les révolutions démocratiques classiques qui, du 17ème au 19ème siècles, ont transformé l'Europe occidentale et l'Amérique du Nord, la bourgeoisie montante a été capable de mobiliser les masses opprimées au nom de toute la nation contre la vieille aristocratie féodale et la domination coloniale. Par contre, dans les nations où la classe naissante de propriétaires capitalistes se trouvait confrontée à un marché mondial déjà contrôlé par de plus anciennes puissances capitalistes, et à une classe ouvrière locale dont la puissance sociale et l'organisation politique égalaient, ou même dépassaient, leur propre développement, la bourgeoisie a senti le besoin de limiter, si ce n'est étouffer, les formes démocratiques de pouvoir en faveur de méthodes militaires ou fascistes. Tel fut le cas de l'Italie, de l'Allemagne, de l'Espagne et du Japon dans les années 20 et 30, entre les deux guerres.

Pour ce qui est de la période d'après-guerre, aucun des anciens pays colonisés de l'Afrique ou de l'Asie ne s'est développé suivant un modèle vraiment démocratique. Même en Inde, souvent qualifiée de plus grande démocratie dans le monde, l'héritage des rapports féodaux et de l'oppression de caste demeure enraciné dans la vie des masses, alors que le pouvoir politique reste fermement entre les mains d'une élite peu nombreuse et corrompue.

L'Indonésie ne fait pas exception. Sur la base de la propriété privée des moyens de production et dans le cadre est-asiatique dominé par l'impérialisme, la perspective d'un véritable développement capitaliste est tout à fait illusoire. C'est un fait déterminé par la nature même des rapports de classe dans le pays.

Il existe d'un côté une classe ouvrière et une classe de paysans pauvres toutes deux massives, et de l'autre, une très mince couche d'exploiteurs, dont l'énorme richesse dépend des institutions financières impérialistes avec qui elle collabore dans le pillage des ressources économiques du pays en échange d'une partie du butin. La classe moyenne de professionnels - une des bases traditionnelles de la démocratie parlementaire - reste très limitée et très faible.

De plus, en Indonésie, comme dans tous les pays retardés dans leur développement capitaliste, la bourgeoisie nationale est incapable de mobiliser les masses contre la domination impérialiste. D'un côté, elle est liée de mille façons au capital financier international et aux entreprises transnationales, et de l'autre, elle voit en sa propre classe ouvrière la plus grande menace à sa propriété et à son pouvoir politique. Toute mobilisation des masses opprimées contre la domination étrangère soulève la menace mortelle de la révolution sociale.

Ce n'est donc pas étonnant que tous les représentants de l'opposition bourgeoise actuelle soient complices du régime Suharto, non seulement dans la violente suppression des droits démocratiques au sein de l'Indonésie, mais aussi dans les massacres perpétrés contre le peuple du Timor oriental.

Quels sont les véritables objectifs de la soi-disant réforme démocratique proposée par des leaders impérialistes comme Clinton et certains membres de la classe dirigeante indonésienne ? Premièrement, préserver la domination de l'armée. D'où la tentative de faire un " démocrate " de Wiranto, un général d'armée qui, à l'instar de tous les autres chefs militaires, a le sang de milliers de victimes sur les mains. Deuxièmement, maintenir le pouvoir politique et les intérêts économiques de la bourgeoisie indonésienne. Troisièmement, et non moins impérativement, assurer les intérêts des banques impérialistes, ainsi que le remboursement de leurs prêts.

Quelle est alors la voie de l'avant dans la lutte pour une véritable démocratie ? Il faut d'abord insister sur le fait que la démocratie politique est inséparable d'une résolution progressive des brûlantes questions sociales, en l'occurrence la mise en branle d'un programme pour mettre fin au chômage, à la pauvreté et à l'exploitation. Toute la structure économique basée sur l'inégalité et les privilèges de classe doit être remplacée par un système rationnel, humain et égalitaire.

Les énormes ressources matérielles du pays - et de toute la région - doivent être mises à la disposition et sous le contrôle des masses laborieuses, au lieu d'être monopolisées par une élite privilégiée et corrompue. Le premier pas dans cette direction serait de confisquer les compagnies géantes que contrôlent Suharto, sa famille et ses acolytes, et de les transformer en entreprises publiques gérées par et pour les travailleurs.

Deuxièmement, il faut mettre fin au joug qu'exercent les banques et les multinationales impérialistes sur le peuple indonésien, à commencer par la répudiation de la dette nationale.

Finalement, la lutte pour la démocratie, pour l'égalité sociale et contre l'oppression impérialiste, ne doit pas être limitée à l'échelle nationale ; les travailleurs indonésiens doivent plutôt chercher à établir l'unité la plus étroite dans la lutte avec leurs frères et soeurs de l'Inde, de la Corée, de Taiwan, de la Chine, du Japon et de toute l'Asie.

La seule force sociale capable de mener une telle lutte est la classe ouvrière. C'est vers cette force puissante et vraiment progressive que les étudiants doivent se tourner. La clé de la lutte pour la démocratie est la mobilisation politique indépendante de la classe ouvrière dans la lutte pour un gouvernement ouvrier. La classe ouvrière doit commencer à bâtir ses propres institutions politiques démocratiques, partant des usines et lieux de travail pour aboutir à l'établissement de conseils ouvriers en tant qu'outils indispensables dans la lutte pour un programme socialiste et pouvoir ouvrier.

 

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