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Les Etats-Unis relancent les pourparlers israélo-syriens


Par Jean Shaoul
(traduit de l'article anglais paru le 16 décembre 1999)

Le président Bill Clinton a invité à Washington le ministre syrien des affaires étrangères, Farouk El Chareh, et le premier ministre israélien, Ehoud Barak, pour une réunion de deux jours en vue de médiatiser un accord entre les deux pays. Ceci est considéré par les Etats-Unis et par les puissances occidentales en général, comme une étape charnière pour officiellement mettre un terme aux hostilités entre Israël et les régimes arabes et pour stabiliser les relations économiques et politiques dans l'ensemble du Proche-Orient.

Clinton avait annoncé la semaine passée, à la surprise générale, la reprise des entretiens entre la Syrie et Israël après leur échec il y a près de quatre ans. Il s'était déclaré confiant quant à la concrétisation d'un accord dans les prochains mois.

La réunion à Washington est le résultat de l'entremise personnelle du président américain. C'est la première fois que la Syrie accepte de participer à des négociations à un si haut niveau avec Israël, son ennemi numéro un, qui occupe le plateau du Golan syrien depuis la guerre des « six jours » en 1967. Farouk El Chareh a déclaré qu'un accord de paix avec Israël était envisageable d'ici quelques mois. Ceci, ajouta-t-il, ouvrirait également la voie à un accord entre Israël et le Liban dont Israël occupe une partie du territoire depuis 1978.

En cherchant à mettre un terme à un certain nombre de conflits de longue date dans le Proche-Orient, les Etats-Unis essaient de consolider leurs intérêts géopolitiques dans cette région stratégique du monde.

La réunion avait été précédée à la fois par une période de négociations intenses entre plusieurs interlocuteurs influents de la région et par des réunions secrètes entre la Syrie et Israël à Aqaba en Jordanie. La secrétaire d'Etat américaine Madeleine Albright s'était rendue la semaine dernière à Damas pour une visite de deux jours après une tournée d'un certain nombre de capitales du Proche-Orient, y compris Beyrouth où la Syrie donne le ton. Il s'agissait de la première visite officielle américaine depuis que la caserne des Marines américains avait été l'objet d'un attentat à la bombe en 1983. La Syrie avait préalablement envoyé aux Etats-Unis une délégation commerciale comprenant une quinzaine de membres dans le but de promouvoir les relations commerciales entre les deux pays et ce pour la première fois depuis plus de vingt ans.

En octobre, le premier ministre israélien Barak s'était rendu en Turquie pour discuter des dossiers de la défense et de l'eau. Sa visite avait été précédée par des réunions entre la Syrie et la Turquie, dont les relations avec ses voisins arabes sont depuis longtemps fort tendues. Font partie du litige, la revendication de la Syrie de la province turque Hatay et le soutien qu'elle donne aux séparatistes kurdes, ce qui avait entraîné l'année dernière les menaces de la Turquie d'envahir la Syrie. Le projet turc de construire pour 32 milliards de dollars 22 barrages sur l'Euphrate et le Tigre devrait priver la Syrie d'une grande partie de son approvisionnement en eau. L'expulsion, l'année dernière, par Damas d'Abdullah Ocalan, le dirigeant du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) diminua les tensions quant à la question kurde.

Bien que depuis des années la Syrie persiste à dire que le plateau du Golan ne pourrait être reconquis que par la force, il règne de fait une paix générale depuis 1973. Après que l'Egypte, suivie plus tard de la Jordanie, se soit réconciliée avec Israël, il n'était plus question pour la Syrie de faire cavalier seul.

Il existe plusieurs points primordiaux dans les pourparlers israélo-syriens:

* Le plateau du Golan: les Syriens ont exigé que les Israéliens se retirent du Golan et les mêmes frontières qu'avant 1967. Cette région comprend quelque 750 km2 de territoires que peuplent 17.000 colons israéliens et un nombre similaire de villageois druzes. Il s'agirait donc d'évacuer les colons israéliens et de donner à la Syrie accès au lac de Tibériade, la principale source d'eau d'Israël. Avant que les pourparlers n'échouent en 1995, le premier ministre de l'époque, Itzhak Rabin, avait accepté verbalement ces concessions s'il obtenait en échange un accord de paix et des arrangements sur la sécurité. Le principal obstacle à toute relance des négociations a toujours été la question de l'ampleur du retrait israélien. Les sondages donnent 75 pour cent des Israéliens comme étant opposés à un retrait total.

* Les dispositifs de sécurité: l'importance stratégique du plateau du Golan pour Israël est très limitée; l'armée israélienne qui défend le Golan a derrière elle une pente raide, alors que les forces syriennes descendant le plateau du Golan seraient exposées aux fusils israéliens. Ce que les Israéliens désirent, c'est pouvoir garder leurs stations radar sur le Mont Hermon. Selon des articles récents de la presse israélienne, les Syriens pourraient accepter que des forces américaines contrôlent ces stations radar. Selon une citation attribuée à l'ancien premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, le président syrien Assad aurait secrètement accédé à sa demande que les Israéliens gardent leur contrôle sur le Mont Hermon.

* Le Liban: Barak avait fait la promesse électorale de retirer les forces israéliennes qui occupent le Liban sud d'ici le 7 juillet de l'année prochaine. Depuis 1985, Israël occupe une «zone de sécurité» de 11 miles pour garantir la défense de ses frontières septentrionales contre les attaques du Hezbollah, un groupe chiite musulman soutenu par le Liban et qui se bat pour déloger Israël du Liban. Toutefois, sans un accord préalable avec la Syrie qui compte 35.000 soldats en stationnement dans la Bekaa, un retrait unilatéral du Liban aurait pour conséquence un vacuum de pouvoir et, selon des porte-parole gouvernementaux et militaires, rendrait Israël vulnérable aux attaques du Hezbollah. L'armée libanaise, à elle seule, est incapable de contrôler le sud. Bien que la Syrie puisse jouer ce rôle, sans une entente exhaustive, Israël ne le permettra pas. De ce fait la question du Liban est une pièce cruciale de cette mosaïque très complexe.

Une telle entente signifierait que la Syrie et le Liban devraient faire la police dans les camps de réfugiés palestiniens du Liban sud, bases d'opération du Hezbollah. Le Hezbollah s'oppose aux accords «Territoires contre Paix» conclus entre Yasser Arafat et Israël et qui ne tiennent pas compte des réfugiés; le Hezbollah a procédé à plusieurs tirs de roquettes contre Israël à partir des camps de réfugiés. Jusqu'à récemment les ravitaillements en armes au Hezbollah en provenance de l'Iran transitaient par Damas. Mais, à en croire la presse israélienne, ils contourneraient à présent la Syrie et se dirigeraient directement vers Beyrouth, ce qui laisserait penser qu'Assad aurait supprimé son aide au Hezbollah.

Le Liban et la Syrie ont promis de collaborer étroitement lors de négociations et il est prévu qu'une délégation libanaise rejoindra des négociations supplémentaires après la conclusion de la première série de négociations entre Israël et la Syrie. Un accord entre la Syrie et le Liban isolerait les adversaires palestiniens d'Israël tout en facilitant la tâche à Israël pour consolider ses rapports avec Arafat. Il en résulterait pour la Syrie un contrôle plus grand sur le Liban qui, tout comme la Palestine, avait autrefois sous le règne ottoman, fait partie de la Syrie. L'Iran, risquant de perdre une part considérable de son influence dans la région serait également sous pression. Le Hezbollah a déjà annoncé des raids supplémentaires contre Israël dans le but de miner les négociations du Proche-Orient.

* L'eau: C'est l'eau et non le terrain qui se trouve au centre des débats entre la Syrie et Israël. Le plateau du Golan livre plus de 12 pour cent des ressources en eau d'Israël. Selon le quotidien El Hayat, les Etats-Unis auraient eu gain de cause auprès d'Ankara en l'incitant à négocier avec Damas un accord final réglementant les ressources en eau de l'Euphrate entre la Turquie et la Syrie. La construction éventuelle d'un pipe-line sous la mer a également été envisagée pour acheminer l'eau vers Israël.

* La normalisation diplomatique et l'ouverture des frontières: Au coeur du processus de paix du Proche-Orient se trouvent les efforts pour établir des relations diplomatiques normales et faciliter le libre échange des capitaux, de l'industrie et du commerce. Le conflit israélo-arabe qui dure depuis 50 ans a désagrégé les relations économiques dans une région qui, autrefois sous le règne ottoman, ne formait qu'une seule province. Ces conflits constituent des barrières à tout commerce et investissement, barrières que les groupes et les banques multinationales aimeraient voir disparaître.

A la bourse israélienne les cours ont grimpé de 4 pour cent en anticipation d'une reprise du commerce et des investissements qui suivrait la paix avec la Syrie. Le gouvernement prépare d'ores et déjà des projets en vue de dédommager les 17.000 colons israéliens, dont une partie est hostile à un retrait.

David Brodet, ancien directeur général au ministère des Finances, a déclaré à la radio israélienne que les aides à la population civile coûteraient entre 3 et 4 milliards de dollars et la reconstruction des installations militaires devrait également s'élever à plusieurs milliards de dollars. Compte tenu qu'Israël se trouve dans l'incapacité de payer, l'on s'attend à ce que les Etats-Unis se chargeront de régler la note comme ils l'avaient déjà fait après Camp David et les accords de Wye. Cet état de fait est primordial pour que Barak obtienne une majorité lors du référendum qui est projeté en cas d'obtention d'un accord avec la Syrie.

Hafez El Assad, âgé de 69 ans, se trouve à la tête de la Syrie depuis 1970 et tient beaucoup à obtenir un arrangement avec Israël. Sa santé déclinant, il souhaite récupérer le plateau du Golan que la Syrie avait perdu du temps où il était ministre de la Défense, et, ce faisant, affermir sa propre position tout comme la succession de son fils Bahar à l'encontre d'une faction alliée à l'Iran.

La relâche de l'économie syrienne a miné le soutien politique d'Assad. L'effondrement de l'Union soviétique a également été un coup sévère. La production, les réserves et les revenus pétroliers ont diminué, et l'aide étrangère provenant d'autres pays arabes dont la Syrie était tributaire depuis sa défaite contre Israël en 1973 est tarie.

La croissance par habitant du produit intérieur brut a décliné depuis les années 70 et enregistre un recul depuis ces deux dernières années. Le salaire des ouvriers est à peine de 100 dollars par mois, et la grogne sociale et politique va s'amplifiant.

L'ouverture du marché syrien aux produits manufacturés a entraîné des fermetures d'usines et des pertes d'emplois. En 1991, le régime Baas d'Assad a voté une loi d'investissement pour encourager des investissements privés dans l'économie syrienne, dominée par des entreprises d'Etat. Mais, en raison de l'absence de lois commerciales occidentales et de la libre circulation des capitaux, l'investissement est resté très faible. En début d'année, Assad a fait savoir qu'il entendait modifier la loi de 1991 afin de permettre des investissements étrangers, dans le but de moderniser le système bancaire et d'introduire une nouvelle loi commerciale.

Mais c'est là un exercice délicat. Ces réformes économiques renforceront les élites financières tout en sapant la propre base d'Assad parmi les Baas et les musulmans Alevis; de plus, il encourrait le risque d'avoir de faire face à une opposition des masses chiites qui pourraient voir disparaître leur gagne-pain. Si Assad se déclare prêt à s'entendre avec Israël, ce ne doit être que dans l'espoir de recevoir une aide économique généreuse de la part des Etats-Unis.

La Syrie, tout comme Israël, réalise qu'il lui faut obtenir l'aide de Washington durant le court laps de temps qui reste avant que la campagne électorale des présidentielles américaines n'atteigne sa vitesse de croisière. La recherche d'un tel accord marque un revirement de la politique des Etats-Unis qui se sont longtemps opposés à la Syrie. Il s'agit en effet de la reconnaissance qu'un accord avec la Syrie est une condition préalable à la réorganisation des relations dans cette région et dépasse de loin l'actuel «processus de paix» du Proche-Orient.

Si les Etats-Unis arrivaient à sceller un pacte israélo-syrien, d'autres Etats arabes influents, tel le Maroc, la Tunisie, Oman et Koweït et éventuellement l'Arabie saoudite, seraient également susceptibles de signer des traités de paix avec Israël. Ce qui entraînerait pour l'Iraq, l'Iran, la Libye et le Soudan une sérieuse augmentation des coûts s'ils voulaient maintenir leur opposition. De plus, cela permettrait d'apaiser les tensions entre la Turquie et la Syrie tout en déblayant le terrain pour un accord israélo-palestinien.

Le Nixon Center Bulletin (27 juillet 1999) écrivait à ce propos: «Pourquoi les Etats-Unis accordent-ils une si grande attention à cet accord? Pour la simple raison que les Etats-Unis ont encore des intérêts stratégiques majeurs dans cette région et qu'ils dépassent de loin le conflit israélo-arabe. Aussi longtemps que la Syrie, Israël et les Palestiniens se querellent, l'influence politique des Etats-Unis dans l'ensemble de la région du Golfe est amoindrie, ce qui profite à leurs adversaires en Iraq et en Iran. Une fois le problème israélo-arabe résolu, il sera plus facile de venir à bout de ces deux Etats. Une 'paix' intégrale conférera aux Etats-Unis des fondements plus solides à partir desquels ils pourront défendre leurs intérêts et appuyer leurs amis. »

Le Bulletin soulignait par ailleurs que «les conséquences d'une telle paix font l'objet de débats intenses dans différentes capitales telles, Téhéran, Ankara, Le Caire et Islamabad.»


 

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