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La Place des Arts se débarrasse de ses 152 techniciens.

Guy Leblanc
6 décembre 1999

La Place des Arts, la plus prestigieuse salle de spectacle au Québec, a décidé de se débarrasser de ses 152 techniciens, en grève depuis plus de 5 mois. Cette décision d'une institution importante de l'élite, qui a pleinement été appuyé par le gouvernement du Parti Québécois, est symptomatique du changement qui prend place dans la société québécoise.


Le gouvernement québécois a souvent vendu « l'avantage compétitif » que représentait le fameux « modèle québécois », le terme qui désigne la collaboration tripartite entre le patronat, l'État et les syndicats. Sous le « modèle québécois », les syndicats participent aux rationalisations nécessaires à l'amélioration de la profitabilité des entreprises en échange de conditions plus favorables à l'existence des bureaucraties syndicales. Mais de plus en plus, la grande entreprise et le gouvernement trouvent que le prix à payer est trop élevé, et tentent de se passer du mouvement syndical.


La Place des Arts, a dit son président, Clément Richard, a décidé de « cesser d'offrir aux locataires de ses salles les services des techniciens de l'AIEST [l'Alliance internationale des employés de scène et de théâtre, affilié à la FTQ]. Désormais, ce sera aux compagnies résidantes ou aux autres producteurs de spectacles d'engager les techniciens de leur choix. »


«Devant l'impasse totale, les membres du conseil d'administration ont réalisé que le rapport de force de la Place des Arts était nul puisque les techniciens peuvent travailler ailleurs, aussi bien au Centre Molson qu'au Théâtre du Nouveau Monde. Cela nous a amenés à dire que nous devrions changer notre mode d'opération.» On peut mesurer l'importance de «l'impasse totale» en considérant que le syndicat des techniciens avait accepté des diminutions de salaires de 2%.


Formellement, la Place des Arts n'a pas de techniciens. Lorsqu'il y a un spectacle à monter, elle appelle l'AIEST qui se chargera de les lui fournir. Selon la salle et la nature du spectacle, il faut un minimum de 3 à 5 techniciens. En plus, des techniciens seront requis pour certaines tâches particulières. Le syndicat choisit parmi ses 152 membres les techniciens, selon leur ancienneté, sans que la Place des Arts puisse trouver à redire.


L'AIEST a des ententes semblables avec d'autres salles: Théâtre du Nouveau Monde, Centre Molson et Parc des Îles et donc les grévistes travaillent ailleurs durant la grève, y compris comme non-syndiqués. Toutefois, le travail étant distribué par ordre d'ancienneté, les plus jeunes devront écoper de toute diminution de l'offre d'emploi.


Mais la Place des Arts se plaint de ce qu'elle ne peut affamer les travailleurs dans un tel système, ce à quoi le porte-parole de l'AIEST, Bruce Johansen répond: «On fait comme d'habitude: on travaille ailleurs; je ne vois pas comment on peut nous reprocher de gagner notre vie. Sauf que la Place des Arts représente 50% des revenus de nos membres, on est donc 50% dans le trou!»


Selon la Place des Arts, il y a 15 techniciens plus ou moins réguliers. En plus, environ 120 techniciens se partagent l'équivalent de 20 postes à temps plein. Les techniciens sont payés en surplus s'ils travaillent le soir, donc pour la plupart des représentations. Ils font un minimum de 18,50$ de l'heure. Pour 33 heures par semaine, ils auront environ $50 000 par année.


Si on peut croire les chiffres donnés par la Place des Arts elle-même, les techniciens coûtent donc environ 1,75 millions de dollars. La Place des Arts reçoit 3,1 millions en subventions et peut compter sur environ 17 millions chaque année. Johansen, accuse la Place des Arts de vouloir faire payer aux techniciens sa lourdeur administrative. L'an passé seulement, les frais administratifs auraient augmenté de 10%.


Il n'est pas encore très clair si le délestage des techniciens par la Place des Arts pourra passer par tous les trous de plusieurs lois régissant le lien entre employeurs et syndiqués au Québec. Tout d'abord, le Code du Travail interdit les représailles à la suite de l'exercice d'un droit des syndiqués. L'article 45 du Code du Travail force un sous-contractant ou un nouveau propriétaire à accepter le contrat déjà en vigueur lors d'un changement à l'organisation du travail. De plus la loi antiscabs interdit l'embauchage de personnel pour effectuer le travail des grévistes. Mais des avis juridiques demandés par le gouvernement laissent supposer que la Place des Arts a réussi à trouver une conjoncture qui lui était favorable pour briser la grève de ses techniciens.


Le président de la FTQ, Henri Massé, a récité les déclarations d'usage dans un tel cas, «l'utilisation de scabs, ça fait 25 ans qu'on a pas vu ça. Si la Place des arts veut aller de l'avant, je ne sais pas comment ça va finir. Une seule chose que je sais, c'est que ça va finir mal ... Je suis convaincu que ce conflit-là va dégénérer. On ne le souhaite pas. Mais il va dégénérer.»


Comme il est d'usage aussi, Massé a exigé que Lucien Bouchard, le premier ministre du Québec, intervienne. Si on ne sait encore de quel côté la justice fera pencher sa balance, on connaît assez bien vers qui penche Bouchard. Déjà la ministre de la culture, Agnès Maltais avait donné sa bénédiction à la Place des Arts. Bouchard lui-même rajoutait son appui deux jours plus tard. Mais il a bien voulu rencontrer Massé, en disant qu'il voulait éviter des turbulences et l'enlisement du conflit devant les tribunaux.


La carrière du président de la Place des Arts, Richard Clément, un ancien ministre péquiste, est caractéristique de l'évolution de toute une couche des classes moyennes au Québec, qui sont passées «d'un préjugé favorable aux syndicats» à l'anti-syndicalisme primaire.


Au début des 70, il avait été avocat pour différents syndicats. En autre, il avait représenté les présidents de la CSN et de la CEQ accusés d'outrage au tribunal pour avoir recommandé de désobéir à une loi de retour au travail aux membres du front commun en 1973. En 1976, il était élu député pour le Parti Québécois et devenait ministre des affaires culturelles en 1981, alors que le gouvernement péquiste ponctionnait le salaire des enseignants de 20%. En 1995, il avait représenté la direction du Casino lors du premier conflit syndical.


 

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