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Huit ans après les réformes capitalistes : une crise sociale en Russie «sans parallèle»

Par Patrick Richter
Le 2 février 1999

La crise d'août dernier a porté le coup de grâce aux dernières illusions que les réformes capitalistes imposées en Russie revitaliseraient à un certain moment l'économie et le niveau de vie de la population. La situation sociale a plutôt empiré de façon dramatique.

Un gouvernement Eltsine désespéré avait eu recours de plus en plus au crédit pour chercher à concilier les intérêts des gens ordinaires, du capital international et de l'oligarchie financière (les nouveaux riches de Russie qui contrôlent le gros du capital financier). Mais la pyramide de dettes s'est effondrée comme un château de cartes le 17 août. En quelques jours, le rouble perdait deux tiers de sa valeur, et des milliards de dollars en capital international fuyaient le pays.

Depuis la dissolution de l'Union soviétique, les réformes appliquées par le gouvernement ont causé une chute de près de 50 pourcent de l'économie russe. Le niveau de vie de la majorité de la population a subi un recul considérable. L'espérance de vie pour les hommes est tombée à 55 ans, jetant la Russie plus bas qu'au centième rang parmi les nations du monde. La période de «réformes» a été ponctuée d'actes de désespoir, de mouvements de protestation et de grèves permanentes.

Les rêves d'enrichissement étaient surtout entretenus au sein des nouvelles classes moyennes. Concentrées à Moscou et à Pétrograde, et composées d'employés de banque, de petits commerçants et de spéculateurs, elles étaient considérés comme les piliers du nouvel ordre et comme de véritables pionniers. Lorsque l'économie a connu pour la première fois en 1997 une croissance de 0,5 pourcent avec une inflation de moins de 20 pourcent, c'était vu comme le signe annonciateur d'une période de prospérité.

La crise d'août a vite dissipé de tels espoirs. Rien qu'à Moscou, entre 200 000 et 400 000 personnes ont depuis perdu leurs emplois. La plupart travaillaient dans le secteur bancaire, le commerce ou une des nombreuses branches de la nouvelle industrie des services. Seule une petite minorité a une chance de pouvoir se replacer ailleurs. Les autres devront se débrouiller dans le milieu du travail informel et d'occupations à temps partiel. Depuis le début de 1998, le nombre de banques est passé de 1700 à 1476. Un autre contingent de 700 est menacé de faillite imminente. Les agences de voyage, les compagnies privées de construction, les bureaux d'avocats et de conseillers financiers, qui ont tous des liens étroits avec les banques, sont aussi dans le trou.

Le pouvoir d'achat a chuté avec la dévaluation du rouble. Avant la crise, un dollar valait 6,10 roubles. Le taux de change est maintenant de 21 roubles pour un dollar. Les prix des produits importés sont montés en flèche. Le pourcentage de ceux qui vivent sous le seuil de pauvreté est passé de 8 à 30 pourcent. Le salaire mensuel moyen de $120 est tombé à $42; la pension de $54 à $18. Sans compter ceux qui passent des mois sans recevoir leurs chèques de paye ou de pension. Les professeurs reçoivent $30 à Moscou, beaucoup moins dans les provinces.

Les perspectives sont tout aussi noires pour les régions qui dépendent du budget de l'état. Des zones entières telles que Kamchatka, l'extrême-orient de la Russie ou des parties de la Sibérie n'ont pas assez de nourriture et de moyens de chauffage cet hiver. Dans de nombreux villages, le chauffage et l'électricité ont été coupés à cause de l'état lamentable des installations ou l'épuisement total des matériaux de chauffage.

La crise dans les services de santé s'est aussi intensifiée. Dans le budget de 1999, qui comprend les pires coupures des 10 dernières années dans le budget de la santé, 10 pourcent de moins est prévu pour le réseau de la santé par rapport à l'année précédente. Le pourcentage du budget annuel alloué à la santé, soit à peine 2,3 pourcent, est de loin le plus bas dans toute l'Europe. Par comparaison, il est de 14 pourcent aux États-Unis.

Depuis la fin de 1998, les salaires dûs au personnel médical totalisent plus de 4 milliards de roubles (environ $180 millions), et les arriérés de salaires sont de six ou huit mois. Depuis le mois d'août, plus d'une douzaine de cliniques à Moscou refusent les nouveaux patients de plus de 65 ans, à cause du manque de fonds.

La Russie dépend maintenant à 60 pourcent de médicaments venus de l'extérieur, après la destruction d'une bonne partie de son «inefficace» industrie pharmaceutique par les réformateurs. Ces derniers ont agi sous la pression des grosses compagnies étrangères qui ont pris contrôle du réseau de distribution afin de vendre leurs propres produits. Depuis la dévaluation, les prix des médicaments ont quadruplé en moyenne.

L'état n'est plus capable de payer les coûteux médicaments importés, y compris l'insuline et les médicaments pour le coeur. «Les trois quarts des médicaments nécessaires devront à l'avenir être achetés par les patients eux-mêmes», a fait savoir le ministre de la santé Starodubov. Mais qui peut se permettre de telles dépenses? Rien qu'à Moscou, 1,5 million de personnes âgées ou malades chroniques dépendent de médicaments fournis gratuitement.

Ceux qui souffrent du diabète doivent débourser en moyenne $40 par mois pour l'insuline qui, en roubles d'aujourd'hui, coûte trois fois plus cher. La Russie ne produit pas elle-même de l'insuline et ses réserves couvrent à peine deux mois. Il faudrait deux cents millions de dollars rien que pour équiper le pays d'une réserve d'insuline d'un an.

L'appauvrissement de la population a entraîné une rapide propagation de maladies sociales comme la dépendance à la drogue, l'alcoolisme, le sida et la tuberculose. Le nombre de tuberculeux a doublé au cours des cinq dernières années et la maladie frappe aujourd'hui 73 habitants sur 100 000. Selon les standards internationaux, un taux de 50 sur 100 000 est assez pour constituer une épidémie. Dans les prisons et les camps de punition, un prisonnier sur dix est atteint de la maladie.

En 1998, 365 000 personnes ont contracté la syphilis et 10 000 ont été contaminés par le virus du sida. Selon les estimations, d'ici l'an 2000 près de 800 000 personnes seront atteintes de maladies sexuellement transmissibles. En tout, 40 pourcent de la population montre des signes d'affaiblissement du système immunitaire. Un habitant sur deux boit de l'eau qui ne satisfait pas aux normes internationales. Plus de 11 millions de personnes, ou 7 pourcent de la population, sont considérés invalides. De ce nombre, un sur six est âgé de moins de 45 ans.

Entre-temps la crise sociale assume des formes inconnues depuis le temps de la Deuxième guerre mondiale. Même l'un des plus avides promoteurs des réformes capitalistes, le professeur Richard Pipes de Harvard, admet que «la situation est sans parallèle».

La crise asiatique, combinée à la chute du prix des matières premières dont dépend tellement l'économie russe, rend de plus en plus inévitable une confrontation ouverte avec de larges couches de la population. Yegor Yavlinsky, président du Parti Libéral Yabloko, a décrit en termes clairs ce que signifierait aujourd'hui la poursuite des réformes économiques libérales: une réduction drastique des taxes sur les employeurs, la réduction du budget de l'état à un minimum, et la fermeture de toutes les usines restantes jugées «inefficaces». De telles mesures ne peuvent vraiment pas être imposées sous le sceau de la «démocratie».

Dans ce contexte, des forces nationalistes et chauvines lèvent la tête. Tant le Parti communiste que Yuri Lushkov, maire de Moscou et fondateur du parti «Mère-patrie», jouent la carte nationale. Les slogans anti-américains et anti-sémites ont depuis quelque temps servi de thème à une telle campagne. Ces forces cherchent ainsi, de façon similaire à la campagne nationaliste de Lukashenko dans la Russie blanche, à défendre les intérêts de la bourgeoisie locale, qui est elle-même touchée par la crise.


 

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