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Quand la bombe de la dette américaine va-t-elle exploser ?

Par Nick Beams
Le 8 juillet 1999

Alors que la progression constante de la valeur des actions à Wall Street fait dire à certains que la croissance de la technologie de l'information a fait des États-Unis une « nouvelle économie », des préoccupations grandissantes se font entendre selon lesquelles le boum du marché des actions est fondé sur une montée de l'endettement qui risque de provoquer une crise financière majeure qui entraînera une profonde récession plus vite que l'on pense.

Au cours des dernières semaines, plusieurs rapports provenant de groupes de spécialistes économiques américains, notamment le Levy Institute et le Federal Markets Center, et britanniques, notamment le groupe Lombard Street Research de Londres, ont souligné le caractère insoutenable du boum en pointant du doigt la hausse ininterrompue de la dette internationale et du déficit de la balance des paiements des États-Unis.

Cette semaine, l'Economic Policy Institute a publié un important rapport de l'économiste Robert Blecker intitulé « The Ticking Debt Bomb » (La bombe à retardement de la dette) dans lequel l'auteur s'efforce de démontrer pourquoi la position financière des États-Unis est insoutenable.

Blecker souligne que bien qu'un nombre croissant d'observateurs louangent la « nouvelle économie », plusieurs indices viennent tout de même « jeter de l'ombre sur une situation qui serait autrement radieuse. Mois après mois, année après année, le déficit commercial américain fracasse de nouveaux records. Et alors que les États-Unis empruntent pour couvrir le surplus de leurs importations par rapport à leurs exportations, la position du pays comme principal débiteur du monde progresse à pas de géant. Étroitement reliée à ces deux tendances, la baisse de l'épargne des particuliers aux États-Unis force le pays à continuer d'emprunter à l'étranger malgré le fait que le déficit du solde budgétaire fédéral se soit transformé en surplus.

« En fait, la prospérité économique actuelle des États-Unis repose sur les fondations fragiles du boum de la consommation qui est lui-même basé sur la bulle du marché financier national combiné aux ressources monétaires étrangères qui financent le déficit commercial américain. Si la tendance actuelle se maintient, la croissance de la dette internationale des États-Unis deviendra insoutenable à long terme. Aucun pays ne peut en effet emprunter autant à l'étranger sans éventuellement déclencher une dépréciation de sa devise et une contraction de son économie. Le déficit commercial grandissant et la prolifération de la dette étrangère sont ainsi des signaux d'avertissement de problèmes sous-jacents qui, s'ils ne sont pas corrigés, peuvent freiner net le boum économique des Etats-Unis dans un avenir plus ou moins proche ».

Le rapport de Blecker souligne la croissance constante de l'endettement des États-Unis au cours des 15 dernières années et la dégradation accélérée de leur position financière depuis la fin de 1997. La position des États-Unis était équilibrée en 1983. Mais le recours constant à l'emprunt pour couvrir un déficit chronique de la balance des paiements au cours des années 80 a fait passer les États-Unis de la position du plus grand créditeur au plus grand débiteur au monde. À la fin de 1997, la dette totale des États-Unis s'élevait à 1,22 billion $. Mais après l'exclusion des réserves en or du Trésor américain et de l'investissement étranger direct des multinationales, deux valeurs qui ne sont pas en liquidités, la dette financière nette correspond à la différence entre la valeur des avoirs financiers américains en liquidité (actions, titres d'État et autres bons) possédés par des étrangers et la valeur de biens étrangers similaires détenus par des Américains. Cette dette financière nette des États-Unis s'élève donc à 1,57 billion $.

Bien que les États-Unis soient devenus un débiteur net au milieu des années 80, le revenu total des investissements est resté positif au cours des années 90 à cause du taux de rendement des investissements directs (domaine où les États-Unis sont un créditeur net) et a dépassé le taux de rendement des investissements financiers (domaine où les États-Unis sont un débiteur net).

« Toutefois, au cours des dernières années, le véritable volume de la dette financière nette a commencé à excéder la différence des taux de rendement et le bilan des revenus des placements est négatif depuis 1997. »

Selon les prévisions de Blecker, la dette financière continuera d'augmenter pour dépasser les 2 billions $ en 1999, puis atteindra 2,34 billions $ en 2000, et enfin un gigantesque 4,36 billions $ en 2005 (soit l'équivalent de 36,4 p. 100 du produit intérieur brut prévu pour cette date) ».

Selon ce qu'il qualifie de « scénario du déficit commercial progressif » dans lequel ce dernier est sous-jacent et équivaut à 4 p. 100 du PIB en 2000, puis 5 p. 100 en 2005, Blecker avance que la dette financière nette explosera à 5,45 billions $, soit l'équivalent de 45,5 p. 100 du PIB alors que le déficit courant gonflera 750 milliards $, ou 6,3 p. 100 du PIB, un niveau d'endettement qui garantit pratiquement le déclenchement d'une panique financière ».

Blecker démontre que bien que la notion d'une crise financière éventuelle aux États-Unis puisse « sembler tirée par les cheveux à une époque où l'économie américaine fait l'envie d'une bonne partie du reste du monde », l'histoire économique « regorge d'épisodes où alors que la confiance régnait dans une économie en particulier, tout était soudainement chambardé, comme lors du crash mexicain de 94-95 qui a suivi l'euphorie du boum mexicain qui a précédé l'ALENA, ou encore l'éruption des crises orientales et du sud-est asiatique de 1997-98 qui a succédé aux nombreuses années de louange des miracles économiques asiatiques et des nouveaux marchés financiers.

« Toutes ces expériences ont démontré que les boums de dépenses alimentés par des attentes très optimistes peuvent mener à la création de positions financières insoutenables, de bulles spéculatives dans le marché des valeurs actives et entraîner de véritables surévaluations des taux de change qui mènent éventuellement à une révision des attentes et à un crash inévitable ».

L'auteur poursuit en faisant remarquer que les États-Unis ne sont pas à l'abri des crises de confiance. C'est ainsi qu'en 1978-79 le système financier américain a connu une rapide perte de confiance face à son dollar, ce qui a entraîné l'intervention du président de la réserve fédérale d'alors, Paul Volcker, qui a réécrit le budget de l'administration Carter propulsant les taux d'intérêt à 20 p. 100 et entraîné la pire récession de la période d'après-guerre aux États-Unis.

La crise financière de la fin des années 70 découlait de l'abandon du système de taux de change fixe de Bretton Woods échelonné de 1971 à 1973 après que Nixon eut mis fin à la convertibilité du dollar américain en or, et la décision subséquente de permettre la dépréciation du dollar de façon à améliorer la position commerciale des États-Unis. Le régime à haut taux d'intérêt introduit par Volcker restaura certes la confiance dans le dollar, mais entraîna également un écart commercial croissant (les exportations américaines devenant plus coûteuses et les importations moins chères) et un endettement international croissant.

La crise de confiance du dollar américain menace maintenant de réapparaître sous une forme beaucoup plus explosive qu'il y a 20 ans du fait des avoirs de titres de créance américains beaucoup plus importants dans le monde. Sachant que les problèmes de la fin des années 60 qui ont entraîné l'abandon du système de taux de change fixe de Bretton Woods ont été causés par les vastes sommes détenues en dollars américains par les banques étrangères, « le problème en cette fin des années 90 se situe au niveau de l'accumulation de grandes quantités d'avoirs financiers américains de toute sorte, notamment des actions et des bons détenus par des particuliers, de même que dans les réserves des banques centrales officielles (principalement détenus sous forme de titres du Trésor américain). Une telle situation risque de créer une peur de la dépréciation du dollar pouvant à nouveau se transformer en prophétie qui s'exauce, sauf que ce coup-ci ce sera moins l'action des banques centrales étrangères, mais plutôt celles des investisseurs internationaux particuliers et des banques (tant nationales qu'étrangères) ».

On réalise l'envergure de cette crise potentielle à la lumière de l'immense augmentation des avoirs étrangers en titres américains depuis la fin de 1995. En effet, au cours des trois dernières années seulement, la valeur des avoirs étrangers en titres autres que ceux du Trésor est passé d'environ 900 milliards $ à près de 2 billions $. Les avoirs étrangers qui s'élevaient à environ 1,3 billion $ en titres du Trésor américain à la fin de 1998 représentait près de 35 p. 100 de toutes les obligations du Trésor de l'époque, soit environ le double du pourcentage du début des années 90.

Blecker met en garde que si une crise du dollar survient et que la banque centrale américaine tente de la contrer en augmentant les taux d'intérêt, cela pourrait avoir des conséquences économiques dévastatrices.

« Avec la dette à la consommation qui atteint des niveaux records par rapport aux revenus des ménages, une augmentation des taux d'intérêts augmenterait le fardeau des frais de service de la dette des ménages et pourrait précipiter les familles liées financièrement à la faillite (surtout si le taux de chômage se met à monter suite à l'introduction de taux d'intérêts élevés). La situation est la même pour les entreprises qui sont devenues très dépendantes du crédit, que ce soit pour effectuer des investissements productifs, des fusions, des acquisitions ou des achats. Si les taux d'intérêts grimpent alors que la croissance des ventes ralentit et que les rentrées d'argent diminuent, les entreprises fortement endettées pourraient se retrouver dépourvues de liquidité et le risque de faillite d'entreprise les guetter encore plus. Et si les faillites personnelles et d'entreprises augmentent, les banques qui ont énormément prêté aux consommateurs et aux entreprises pourraient se retrouver avec de sérieux problèmes, comme cela a été le cas dans les pays touchés par la crise asiatique. De plus, l'existence de contrats dérivés complexes et de fonds de couverture non contrôlés a permis aux investisseurs de créer des positions financières très dépendantes du crédit difficiles à démêler sans pertes significatives dans l'éventualité d'une panique financière générale aux États-Unis. »

Évaluant l'effet d'une crise du dollar aux États-Unis, Blecker démontre que « quelques calculs simples révèlent qu'une dépression économique sérieuse pourrait facilement en résulter. »

Partant du principe que le déficit courant est de 270 milliards $ et que la moitié de cet écart a été éliminé à l'automne par la chute du dollar (diminuant ainsi les importations et propulsant les exportations), il faudrait un déclin de 6 p. 100 du revenu national exprimé en termes réels pour éliminer le reste du déficit des paiements. » Cela équivaudrait à un ajustement de la même importance de ce qui a été ressenti lors des crises brésilienne, mexicaine, coréenne et thaïlandaise au cours des récentes dernières années, soit un ajustement beaucoup plus important que les baisses enregistrées lors des dernières récessions américaines. »

Bien entendu, l'impact sur économie mondiale serait beaucoup plus grave que ces chiffres peuvent l'indiquer du simple fait du rôle qu'occupe l'économie des États-Unis au cours des dernières années à titre de « consommateurs de dernier recours ». On estime qu'avec une croissance annuelle qui stagne au Japon, et n'enregistre qu'une moyenne de 2 p. 100 en Europe, l'économie américaine représente entre le tiers et la moitié de la croissance de la demande mondiale de la dernière période.

Les possibilités d'une crise financière majeure comme résultat de l'augmentation de la dette sont également évoquées dans un article de l'économiste Rudi Dornbusch du Massachusetts Institute of Technology, publié dans l'édition du 2 juillet de l'Australian Financial Review.

Dornbusch note que la valeur des actions à Wall Street représente près du double du produit intérieur brut, un taux sans précédent dans l'histoire et au moins 25 p. 100 plus haut qu'au plus fort de la bulle financière japonaise de 1989.

Bien qu'il tienne fermement à la perspective de l'&laqno; atterrissage en douceur », soit un simple ralentissement de l'économie plutôt qu'une récession, Dornbusch pose la question de savoir ce qui arriverait si l'augmentation des taux d'intérêts ne suffit pas à arrêter la montée des marchés boursiers.

« Le scénario sera alors plus dur : tout d'abord, les taux d'intérêt vont augmenter beaucoup, au maximum, puis les marchés boursiers vont chuter. De hauts taux et une profonde chute des marchés - de 20 ou 30 p. 100 - précipiteraient sûrement l'économie américaine à une croissance zéro, sinon pire. »

Dans un article publié en mai, l'auteur a souligné la progression de la dette au Japon. La dette publique japonaise représente maintenant 130 p. 100 du PIB et la valeur des engagements pour les pensions est calculée à 107 p. 100 du PIB, ce qui en fait l'engagement de dette publique le plus élevé au monde tant en termes absolus qu'en rapport à la taille de l'économie japonaise.

Au cours des dernières semaines, les institutions financières telles que le Fonds monétaire international et la banque centrale américaine ont déclaré que la crise asiatique était terminée. Mais selon Dornbusch, « la crise financière des deux dernières années n'était que répétition générale d'une autre crise, beaucoup plus imposante qui s'en vient - un ajustement aux États-Unis vers une croissance moins forte et des prix plus raisonnables pour les éléments d'actif, et ensuite, la crise de l'endettement japonais. »


 

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