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Le PRI battu aux élections présidentielles du Mexique

Selon des articles de Gerardo Nebbia et Patrick Martin,
publiés sur le wsws.org les 1er juillet et 4 juillet derniers

Le Partido Revolucionario Institucional (PRI), longtemps au pouvoir, a subi une défaite importante aux élections nationales qui avaient lieu le 2 juillet dernier au Mexique. Pour la première fois de son histoire, le PRI a perdu la présidence en plus d'avoir perdu des sièges au Congrès, perdu la mairie de Mexico et la direction de deux États.

Vicente Fox du parti de droite Partido Accion National (PAN) a gagné très décisivement lors des élections présidentielles, avec 44 % des voix, comparés à 34 % pour Francisco Labastida du PRI et 16 % pour Cuauhtemoc Cardenas, le candidat du parti populiste Partido Revolucionario Democratico (PRD). Le parti de Fox a mené dans 22 des 32 États mexicains, comparés à neuf pour le parti de Labastida et seulement un, son État natal, le Michoacan, pour Cardenas.

Quelques heures seulement après la fermeture des bureaux de scrutin, le président Ernesto Zedillo a confirmé à la télévision nationale que les votes déjà comptés ne laissaient aucun doute sur le fait que Fox avait gagné la présidence. Il a promis qu'il passerait le pouvoir à son successeur le premier décembre comme le prévoit la constitution mexicaine. Il fut suivi de Labastida qui, une première historique pour un candidat présidentiel du PRI, reconnaissait la défaite de son parti et félicitait Fox.

Le Mexique doit maintenant s'attendre à une longue période d'instabilité politique, qui ne prendra pas fin avec la passation des pouvoirs à Fox. Le président du PAN devra s'accommoder d'une assemblée législative où aucun parti ne détient de majorité. Le nombre exact des sièges détenus par chacun des partis à la Chambre et au Sénat n'est pas encore connu, mais les résultats préliminaires du vote montrent une course beaucoup plus serrée aux assemblées qu'à la présidence, avec 38 % des voix pour le PAN, 36 % pour le PRI et 19 % pour le PRD. Le PAN menait dans seize États, le PRI dans quatorze et le PRD dans deux.

Fox ne détiendra pas la capitale, Mexico, puisque le candidat du PRD, Andres Manuel Lopez Obrador, a gagné l'élection du Distrito Federal. Obrador a reçu là 39 % du vote, dépassant le candidat du PAN, Santiago Creel, qui a reçu 34 % des voix. Jesus Silva Herzog, le candidat du parti au pouvoir au Mexique est loin derrière en troisième place avec 22 %.

Même si le PAN a gagné la direction des deux États où il y avait élections, dans les petits États de Morelos et Guanajuato plus de la moitié du gouvernement des États demeure aux mains du PRI. Mais fait plus important, la totalité de la bureaucratie gouvernementale, tant au niveau local que celui des États et au niveau fédéral, a donné son allégeance au PRI. Les fonctionnaires étaient en fait forcés d'adhérer au PRI et de lui verser des cotisations s'ils voulaient être embauchés. Le PRI dirige aussi les syndicats les plus importants de la fonction publique.

L'ascension et le déclin du PRI

La défaite du PRI est venue mettre un terme à 71 années ininterrompues au pouvoir pour ce parti depuis sa fondation en 1929. Le PRI a été fondé par les généraux qui s'étaient arrogés le pouvoir lors de la Révolution mexicaine des années 1910-20. Le PRI disait alors qu'il mettrait en oeuvre les nombreuses promesses, qui ne furent jamais réalisées, de la constitution nationaliste de 1917 : réforme agraire, droits ouvriers et indépendance économique du Mexique. Le PRI s'est développé en tant que structure corporatiste qui subordonnait à l'élite dirigeante l'ensemble des secteurs les plus importants de la société mexicaine : associations de paysans, syndicats, fonction publique, industries nationalisées et armée. Cet arrangement avait l'appui tacite de l'impérialisme américain, qui considérait le PRI comme un facteur de stabilité au sud de ses frontières.

Toutes les six années depuis 1934, le président sortant du Mexique choisissait son successeur, après consultations privées avec les grosses têtes du PRI. Ce président désigné était ensuite « approuvé » par des élections dont non seulement le gagnant, mais même les pourcentages, étaient déterminés dans les bureaux centraux du PRI et pas dans les bureaux de scrutin.

Les premières failles de cette structure politique sont apparues à la suite des crises financières des années 1980, alors que le Mexique est venu bien près de ne pouvoir rembourser sa dette extérieure et que le PRI a dû renier sa politique traditionnelle du nationalisme économique. Sous le président Miguel de la Madrid, au pouvoir de 1982 à 1988, le PRI a commencé à ouvrir l'économie mexicaine au marché mondial, démantelant le système de protection des industries nationales et permettant au capital étranger d'occuper une place prépondérante.

Une section du PRI, dirigée par Cardenas, s'est opposée à l'intégration du Mexique à l'économie mondiale. Avec une campagne populiste dirigée à la fois vers la classe ouvrière urbaine et les paysans et pauvres de la campagne, Cardenas s'est présenté contre le candidat du PRI en 1988, Carlos Salinas de Gortari, et il est généralement admis qu'il avait gagné les élections. Mais le gouvernement a déclaré que Salinas était le gagnant, et Cardenas a mis sa loyauté envers l'élite dirigeante au-dessus de ses intérêts personnels et a refusé de défier les résultats officiels.

Toutefois, la structure du pouvoir du PRI fut ébranlée jusque dans ses bases et le PRI fut forcé, en partie sous la pression internationale, à faire des concessions aux partis de l'opposition. Après plusieurs décennies de monopole politique à tous les niveaux de pouvoir, le PRI a commencé à accepter la défaite électorale dans les élections locales et des États face au PAN et au PRD. Cardenas fut élu maire de Mexico en 1997, ce qui a contribué à lui faire perdre son appui populaire lors des élections présidentielles qui viennent d'avoir lieu, ayant démontré qu'il était tout aussi incapable que le PRI de résoudre les immenses problèmes sociaux de l'énorme métropole.

Au cours des élections de 1994, les tensions politiques ont explosé en une série d'assassinats, premièrement du candidat présidentiel du PRI, Luis Donaldo Colosio, ensuite du secrétaire général du PRI. Bien que les tueurs aient été arrêtés, ceux qui ont commandé les assassinats n'ont jamais été connus, ce qui a suscité plusieurs spéculations qu'il s'agissait en fait d'un règlement de compte politique au sein de l'élite dirigeante.

Zedillo, qui était responsable de la campagne de Colosio, et ensuite son successeur en tant que candidat du PRI à la présidence en 1994, a présidé à un changement majeur de la forme, si ce n'est de la substance même de la politique mexicaine. L'institut électoral s'est fait octroyer l'indépendance statutaire envers le ministère de l'Intérieur, la censure dans les médias au sujet des candidats de l'opposition a été adoucie, et Zedillo lui-même a accepté de ne pas choisir son successeur comme le PRI l'avait toujours fait jusqu'alors. Au lieu de cela, une primaire nationale du PRI a été tenue en décembre dernier, que Labastida a gagnée haut la main, bénéficiant de l'appui de Zedillo et de la majorité de la direction du PRI.

Crainte d'instabilité

Le changement de politique sous Salinas, et spécialement sous Zedillo, reflétait la compréhension qui se développait au sein de l'élite mexicaine que pour continuer à régner, il lui faudrait d'autres méthodes politiques. Toutefois, devant la possibilité de plus en plus réelle que le PRI perde tout son pouvoir, ou qu'une élection se termine dans la contestation ou l'indécision, la crainte de l'instabilité politique se fait sentir à la fois au sein des élites dirigeantes du Mexique et des États-Unis.

Deux mois avant les élections, alors que Fox était nez à nez avec Labastida dans les sondages, le PRI organisait une contre-offensive en règle. Labastida s'est adjoint une nouvelle équipe de représentants pour sa campagne électorale qu'il a choisie parmi les « dinosaures », le parti très généralement haï du patronat, tel Manuel Bartlett, qui avait supervisé, en tant que ministre de l'Intérieur, le vol des élections des mains de Cardenas en 1988. Le gouvernement s'est soudainement lancé dans de grandes dépenses pour les routes, le système d'aqueduc et d'égouts et d'autres infrastructures à caractère social, ou pour carrément acheter des votes, par exemple en donnant des appareils ménagers à ceux qui promettaient d'appuyer le PRI.

L'administration Clinton a semblé se ranger aux côtés du PRI, et des sondeurs et des conseillers de campagne du Parti démocrate américain ont travaillé avec Labastida. Le Parti républicain, ainsi que des compagnies américaines ayant des investissements au Mexique, appuyaient ouvertement le PAN, ce qui a mené à des accusations au cours de la dernière semaine de la campagne électorale que Fox avait accepté des contributions illégales de partisans américains.

Il est presque banal de dire qu'un régime corrompu connaît son plus grand danger lorsqu'il essaye de se réformer lui-même. Pire, les nouvelles formes politiques sont mises en place au Mexique dans des conditions où les tensions sociales croissent et où l'économie ne s'est toujours pas remise de la crise monétaire de 1994-95, tout ceci dans le contexte plus ancien du sous-développement et de la pauvreté intense.

Contradictions sociales

Fox présidera un pays miné par les tensions sociales. Selon les données gouvernementales du mois dernier, le gouffre entre les riches et les pauvres est plus grand que jamais. De 1996 à 1998, la part du revenu national que s'appropriait le 10 % le plus aisé est passé de 36,6 % à 38,1 %. Dans le même temps, le 60 % des ménages les plus pauvres voyait leur part passée de 26,9 % à 25,5 %. Selon la Banque de développement interaméricaine, au cours des années 1990, les inégalités salariales se sont plus accrues au Mexique que dans tout autre pays de l'Amérique latine.

Le Mexique se range quatrième au monde quant au nombre de ses milliardaires, après les États-Unis, le Japon et l'Allemagne, alors que ses régions rurales sont parmi les plus pauvres de la planète. Le 20 % de la population le plus aisé se partage 56 % du revenu total de la nation alors que le 70 % le moins aisé doit se contenter de 33 % du revenu national total. Sur une population d'environ 94 millions, 30 vivent dans la pauvreté la plus grande.

D'importantes différences régionales existent entre le nord du pays, où sont concentrés la majorité des investissements étrangers, et les États du sud du pays, beaucoup plus pauvres. Le PNB par habitant passe de 8 000 dollars par année au nord à 400 dollars par année pour le Chiapas et Guerrero, les États les pauvres au sud. L'écart social est encore plus grand entre les classes moyennes de Mexico et de Monterrey, la base politique de Fox, et les masses des paysans des régions rurales et des semi-employés des régions urbaines qui ont longtemps servi de chair à canon politique pour le PRI.

Ces différences se sont reflétées dans le vote pour la présidence. Fox a gagné quatorze des 17 États du nord du Mexique, traditionnellement gagné au PAN et où le PRD n'a jamais eu beaucoup d'appuis. Au centre du Mexique, aux environs de la capitale, et au sud du pays, où le vote était une course à trois, le PAN a réussi à gagner huit États, le PRI six. Cardenas n'a réussi à n'en prendre qu'un seul, mais est arrivé second dans plusieurs États, y compris la ville de Mexico. Fox a réuni une majorité absolue dans onze États du nord, mais pas dans un seul du sud ou du centre.

La défaite du PRI n'est pas le produit d'un mouvement de masse d'en bas. Bien au contraire, la colère populaire vis-à-vis de la corruption, de la mauvaise gestion et de la pauvreté endémique a été détournée vers le parti de droite de la grande entreprise qui cherchera à intensifier, et non à renverser, les attaques contre les travailleurs menées par le PRI. Fox, un ancien dirigeant de Coca-Cola, a promis de meilleurs rapports avec Wall Street, encore plus de privatisations et une plus grande déréglementation de l'économie mexicaine.

L'élection de Fox a été accueillie avec enthousiasme par la presse américaine et déclarée un triomphe pour la démocratie au Mexique. Dans les semaines juste avant le vote, il fut souvent donné l'avertissement que l'opinion publique internationale, ce par quoi il faut entendre Washington et le FMI, ne tolérerait pas que le PRI tente de manipuler les résultats du vote.

C'est tout à fait le contraire de ce qui se passa lors des élections de 1988 où le PRI affrontait la première véritable menace à son pouvoir. Lors de cette campagne électorale, Cardenas quitta le PRI et se présenta comme candidat à la présidence avec un programme populiste, se présentant comme le défendeur des travailleurs et des classes les plus pauvres de la campagne. Le PRI a volé l'élection de façon flagrante, mais cette fois le gouvernement américain n'a pas protesté parce qu'il ne tenait pas beaucoup à voir le PRI délogé par un régime plus radical.

Les trois partis ont fait la preuve de leur hostilité instinctive à tout mouvement social d'en bas, tous trois condamnant la grève des étudiants qui a duré un an à l'Université nationale à Mexico, qui fut brisée par la police fédérale en avril. Les étudiants ont dénoncé la position de chacun de ces partis et de ces candidats vis-à-vis de leur grève pour la défense d'une éducation publique, déclarant qu'ils verraient la visite d'un candidat à l'Université comme un « geste de provocation ».



 

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