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Les origines historiques de la guerre civile au Sri Lanka

Juillet 2000

Ces dernières semaines, l'armée nationale du Sri Lanka a subi de sérieuses défaites aux mains des séparatistes des Tigres de libération de l'Eelam tamoul (LTTE) dans le nord de l'île. D'intenses combats ont lieu aux alentours de Jaffna, la deuxième ville du Sri Lanka par sa population et l'objectif stratégique principal des LTTE. On estime qu'entre 35 000 et 40 000 soldats des troupes gouvernementales, ayant perdu plusieurs points stratégiques, restent cernés, toutes les routes terrestres leur étant coupées. Démoralisée et à court de matériel, l'armée est au bord du désastre militaire.

Devant l'opposition largement répandue chez les ouvriers singhalais et tamouls, la présidente du Sri Lanka, Chandrika Kumaratunga, a mis le pays entier en état de guerre. Elle a promulgué d'importantes mesures d'urgence, telles la prohibition des manifestations et des grèves, la censure politique des médias, et des mesures économiques draconiennes, dans le but de faire payer à la classe ouvrière le poids de la crise militaire grandissante.

Le gouvernement de l'Alliance populaire (PA) de Kumaratunga ­ très impopulaire et de plus en plus confrontée à des troubles sociaux ­ n'a pu survivre qu'avec le soutien des soi-disant « partis de gauche » lesquels, pour la plupart, comme le Parti communiste ou le Parti Lanka Sama Samaja (LSSP), font partie de la coalition gouvernementale. Avec les syndicats, ils ont empêché toute mobilisation syndicale sur la question des salaires et des conditions de travail et promis de faire respecter les décrets antidémocratiques de Kumaratunga.

Dans le climat politique généralement mal informé d'aujourd'hui, on considère la débâcle du gouvernement du Sri Lanka comme un autre fait divers sans grande importance internationale. Les médias internationaux, dans la mesure même où ils en parlent, évitent toute explication des origines historiques de la guerre au Sri Lanka.

Pourtant, la situation actuelle au Sri Lanka est le produit inévitable d'un demi-siècle de développement politique tourmenté. Le parcours tragique du Sri Lanka depuis l'indépendance d'après-guerre à la guerre civile d'aujourd'hui, un conflit qui a coûté la vie à des dizaines de milliers de personnes offre plusieurs enseignements politiques à la classe ouvrière internationale.

Le Sri Lanka (qui s'appelait le Ceylan à l'époque) obtint son indépendance du Royaume-Uni après la Deuxième guerre mondiale. Le Ceylan était unique en ce qu'il abritait le mouvement ouvrier le plus politiquement développé au monde.

À la différence des autres pays sous-développés qui luttaient pour obtenir leur indépendance, il y avait un véritable parti socialiste révolutionnaire au Ceylan. Établi comme une organisation radicale antiimpéraliste en 1935, le LSSP vira décisivement vers la gauche, expulsant les staliniens qui s'étaient alliés avec l'impérialisme britannique lors de la Deuxième guerre mondiale, et adopta une perspective internationaliste.

En 1940, le LSSP joignit le Parti bolchevique léniniste de l'Inde (PBLI), comprenant que le mouvement socialiste au Ceylan ne pouvait se développer que comme partie d'un mouvement révolutionnaire de tout le sous-continent indien. Ayant joint la Quatrième Internationale trotskyste, le LSSP disputa la direction de la lutte populaire anti-impérialiste au Ceylan aux staliniens et put gagner les meilleurs éléments de la classe ouvrière et de l'intelligentsia à la cause de l'internationalisme socialiste.

Une tradition unique et puissante était établie. Le mouvement ouvrier apprit à baser la lutte anti-impérialiste sur la lutte internationale des classes, et à démasquer les prétentions démocratiques de la bourgeoisie nationale. Contrant les aspirations des dirigeants singhalais et tamouls, il s'opposait à toutes les formes de communalisme et de séparatisme.

En 1948, la bourgeoisie du Ceylan chercha à diviser la classe ouvrière (en divisant la majorité singhalaise et la minorité tamoule) en basant le nouvel État sur l'ethnie et la religion. Les nombreux travailleurs agricoles tamouls que les Britanniques avaient amenés d'Inde comme travailleurs à terme se voyaient priver de la citoyenneté par la loi. Tandis que les dirigeants tamouls dans le nord et l'est du pays s'accommodaient de la situation, le chef du LSSP, Colvin R. de Silva, dénonça « le principe de la descendance comme principe premier de la citoyenneté », indiquant que de définir la citoyenneté par « la race » faisait le jeu des réactionnaires.

Les trotskystes sri-lankais devinrent une puissante force politique parmi la classe ouvrière et les couches opprimées de l'île, menant d'importantes luttes et gagnant de nombreux sièges au Parlement. Mais en quelques années seulement, ils allaient suivre le chemin tragique de leurs prédécesseurs du parti socialiste allemand au début du siècle. S'étant d'abord opposé à la structure étatique réactionnaire établie par la Grande Bretagne et la bourgeoisie du Sri Lanka, le LSSP commença à s'y adapter.

La dégénérescence politique du LSSP était liée à des conditions internationales bien précises qui rendaient difficile l'établissement et la consolidation d'une tendance internationaliste. La domination de l'URSS par le stalinisme et la capacité de la bureaucratie à perpétuer le mensonge qu'elle représentait la Révolution russe et le socialisme isolaient le mouvement trotskyste. De plus, la stabilisation du capitalisme mondial, en grande partie à cause de la traîtrise des staliniens à l'échelle mondiale, vit s'atténuer la force des mouvements révolutionnaires de la classe ouvrière et des couches opprimées.

C'était dans ce contexte qu'une crise théorique et politique croissante se développa à l'intérieur de la Quatrième Internationale. Une tendance opportuniste dirigée par Michel Pablo et Ernest Mandel, des chefs importants de la Quatrième Internationale en Europe, commença à s'accommoder aux succès superficiels du stalinisme, de la social-démocratie et du nationalisme bourgeois et répudia les fondations de l'internationalisme marxiste : le rôle révolutionnaire de la classe ouvrière, la nécessité de son indépendance vis-à-vis des partis de la bourgeoisie et des classes moyennes et le rôle indispensable du parti révolutionnaire, basé sur des principes programmatiques et les leçons historiques de la lutte contre le stalinisme et la démocratie sociale.

La dégénérescence nationaliste du LSSP permit les évènements terribles qui suivirent. En 1964, il commit sa grande trahison, rompant décisivement avec le trotskysme en entrant dans un gouvernement bourgeois de coalition avec le Parti de la liberté du Sri Lanka (SLFP) de Madame Bandaranaike.

En 1971, comme membre du deuxième gouvernement de coalition, il participa à la suppression violente d'une révolte de jeunes dirigée par le Janatha Vimukti Peramuma (JVP), un mouvement maoïste qui s'était détaché du Parti communiste stalinien et qui dépendait de couches sociales radicalisées parmi les sans-emploi et la jeunesse paysanne.

Le chapitre peut-être le plus odieux de la dégénérescence du LSSP s'écrivit en 1972, quand il collabora avec le SLFP à une nouvelle constitution qui sanctifiait le chauvinisme singhalais. La constitution reconnaissait le singhalais comme la langue nationale et le bouddhisme comme la religion nationale.

Le passage du temps a peut-être diminué la conscience parmi la population des leçons à tirer de ces expériences, mais elles n'en sont pas pour autant d'une importance moins brûlante.

Dans la période de leur croissance, les trotskystes luttèrent pour unifier les masses singhalaises et tamoules en une lutte commune contre l'impérialisme, en se basant sur les leçons stratégiques pour lesquelles Léon Trotsky avait combattu en sa théorie de la révolution permanente. La répudiation de cette perspective par le LSSP coïncidait avec une adaptation croissante à la bourgeoisie nationale. En conséquence, les ouvriers tamouls et certaines sections des classes moyennes devinrent profondément désillusionnés, ce qui contribua au développement de tendances nationalistes bourgeoises en leur sein.

La confiance en la viabilité d'un programme socialiste basé sur l'unité des ouvriers singhalais et tamouls se transforma en une perspective d'un mouvement tamoul et de la création d'un État tamoul séparé. Ceci faisait partie d'une tendance qui gagnait en popularité partout au monde ­ l'identification de la lutte contre l'oppression nationale avec la lutte pour établir de soi-disant États indépendants basés sur le séparatisme ethnique. C'est de ce processus que sont nés les LTTE, prenant pour modèle des mouvements comme l'OLP et les sandinistes, qui avaient obtenu un certain succès et dont la popularité avait grandi dans les années 60 et 70.

Tous les éléments qui devaient mener à la brutale guerre civile qui sévit depuis 17 ans étaient alors en place. La responsabilité en revient principalement à la bourgeoisie singhalaise avec la création de son État sri-lankais basé sur le racisme. En même temps, l'opportunisme grotesque au sein du mouvement ouvrier joua un rôle critique. Ensemble, ils rendaient inévitable que se développe un mouvement séparatiste.

Les 17 dernières années constituent un témoignage sanglant des fondations entièrement pourries de l'État au Sri Lanka et une confirmation tragique, par contre-exemple, de la perspective avancée par le PBLI et le LSSP dans les années 1940. Le mouvement socialiste s'oppose entièrement à toute tentative de préserver l'unité de l'État sri-lankais qui serait basée sur l'oppression politique du peuple tamoul, et exige le retrait immédiat et sans conditions de toutes les forces gouvernementales du nord et de l'est de l'île.

Néanmoins, la vaste histoire du vingtième siècle démontre que la perspective des LTTE d'un État tamoul indépendant n'offre aucune solution aux problèmes historiques des masses tamoules.

Une telle « indépendance » signifie, dans les faits, la subordination aux intérêts économiques et stratégiques de telle ou telle puissance bourgeoise. Tous les pays de l'Asie du Sud sont l'objet d'une concurrence féroce des puissances régionales, de l'Inde à la Chine en passant par le Pakistan, sans mentionner les grandes puissances impérialistes de l'Amérique du Nord et de l'Europe. Eelam connaîtrait le même sort que le Bangladesh, devenant un autre piège cruel pour des populations opprimées. Sur la base de l'orientation politique de son parti, Prabakharan, le chef des LTTE, peut au plus aspirer à devenir un autre Yasser Arafat, suppliant les impérialistes américains sur la pelouse de la Maison Blanche.

Toute résolution des problèmes des peuples d'Asie du Sud doit se baser sur une perspective développée entièrement sur la base de l'internationalisme. La classe ouvrière au Sri Lanka, la singhalaise aussi bien que la tamoule, doit redécouvrir et adopter les principes révolutionnaires pour lesquels le mouvement trotskyste s'est battu depuis la Deuxième guerre.

Ce sont ces principes internationalistes qui animent la lutte du Parti de l'égalité socialiste, la section au Sri Lanka du Comité International de la Quatrième Internationale, pour les États-Unis socialistes du Sri Lanka et du Tamil Eelam.

Alors que la catastrophe militaire a lieu sur l'île, les ouvriers du Sri Lanka doivent tirer les leçons des expériences amères de ce dernier demi-siècle. Ils doivent commencer à intervenir comme une force indépendante, luttant pour unifier la classe ouvrière et les populations opprimées de tout le sous- continent indien avec un programme socialiste et internationaliste. C'est seulement ainsi qu'ils peuvent faire face aux problèmes complexes de la politique d'aujourd'hui.

 

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