wsws.org/francais

Visitez le site anglais du WSWS

SUR LE SITE :

Contribuez au WSWS

Nouvelles et Analyses
Luttes Ouvrières
Histoire et Culture
Correspondance
L'héritage que nous défendons

A propos du CIQI
A propos du WSWS

AUTRES LANGUES

Allemand

Français
Anglais
Espagnol
Italien

Indonésien
Russe
Turque
Tamoul

Singalais
Serbo-Croate

 

Deux semaines de protestations en Tunisie

Par Brian Smith
14 avril 2000

Les troubles qui ont eu lieu récemment en Tunisie ont été décrits par le quotidien français Le Monde comme étant «les premiers tirs d'avertissement à l'adresse du président Ben Ali» .
Ces premières protestations populaires depuis les « émeutes du pain» de 1984 avaient été déclenchées lorsque les chauffeurs professionnels (chauffeurs de taxi, conducteurs longue distance et routiers) avaient entamé une grève de trois jours dans la capitale Tunis contre la mise en application de nouveaux permis plus stricts et dont ils redoutaient qu'ils fournissent à la police plus de prétextes pour les arrêter, les fouiller et les intimider.

Le plus inquiétant pour le gouvernement était l'association des forces qui étaient mêlées à ces protestations. La grève des chauffeurs avait été suivie de manifestations d'étudiants de facultés et de collèges, et avait été soutenue par de jeunes chômeurs ainsi que par d'autres sections de la population. Elles s'étaient déroulées dans des zones mal aménagées de la banlieue de certaines grandes villes et de nombreuses petites villes avoisinantes - Zarzis, Gabes, El Hamma, Chenini, Medenine, Jerba, Ben Gardane, Kebili, Douz, Medhila, Moulares, Gafsa, Jebeniana, Sfax, Kasserine et Beja.

Un black-out par les médias tunisiens avait rendu très difficile toute évaluation du détail et de l'ampleur des protestations. Il est pourtant supposé qu'elles avaient été organisées par des étudiants opposés à l'introduction d'une réglementation plus sévère des examens, ce à quoi étaient venues s'ajouter des rumeurs quant à une augmentation imminente du prix du pain et d'autres articles vitaux. Ceci avait encouragé de jeunes chômeurs et d'autres ouvriers à rejoindre les manifestations qui avaient duré une dizaines de jours.

Les manifestants s'en étaient pris à de nombreux symboles du gouvernement, y compris des bâtiments publics. Les ouvriers employés par British Gas, qui traite le gaz naturel dans la ville Sfax, avaient rejoint les manifestations suite à l'annonce de réduction d'emplois.

Les protestations n'avaient cessé qu'après une massive intervention de la police qui arrêta des centaines de jeunes, de nombreuses arrestations ayant lieu la nuit. La plupart d'entre eux furent remis en liberté, quoique l'on pense qu'environ 70 d'entre eux auraient été accusés d'avoir troublé l'ordre public .

Le Monde explique: « Aussi longtemps que le défi au pouvoir venait d'un groupe isolé d'intellectuels, d'organisations de droits de l'homme ou de la presse étrangère, ceux qui étaient au pouvoir étaient en mesure de contrôler les forces sociales susceptibles de mettre en cause plus sérieusement leur hégémonie: partis politiques, syndicats, presse et système judiciaire. Mais ceci n'est plus le cas.»

La classe moyenne tunisienne a jusque-là accepté les programmes d'austérité du gouvernement moyennant des promesses pour une amélioration future de la qualité de vie. Cet état de fait reposant en partie sur la conviction que l'économie profitera de l'accord sur le libre-échange signé récemment avec l'Union européenne. La confiance apportée au gouvernement s'ébranle rapidement; étant donné que parmi les mieux lotis d'antan, nombreux sont ceux qui, à présent, sont confrontés à de fortes dettes ou sont même en faillite en raison des augmentations du prix du gaz, de l'eau, de l'électricité et des transports et qui dépassent le taux officiel de 2,7% de l'inflation.

Ce qui avait également inquiété le gouvernement c'était que les manifestants scandaient des slogans favorables au pays voisin, la Libye et à son chef d'Etat, le colonel Kadhafi. La plus grande partie des troubles s'était concentrée dans la région méridionale de la Tunisie, en bordure de la Libye. Il y a sept ans, cette région avait profité d'un vaste commerce avec la Libye (à la fois légal et extra-légal).

Le gouvernement tunisien procède actuellement à concrétiser un programme de privatisation. Mais, jusqu'à présent, les compagnies liquidées sont en majorité de petites entreprises et des hôtels et le gouvernement a été critiqué par des institutions financières internationales. En mai 1998, l'aide européenne avait été consentie à condition d'accélérer les privatisations. Fethu Mardassi, le ministre de la coopération internationale, avait annoncé l'année dernière la vente de quelque 50 grosses entreprises dont plusieurs importantes entreprises de textile et des cimenteries.

Le Maghreb Weekly Monitor rapporte que « alors que la vente de ces entreprises est imminente, leur privatisation est l'objet de résistance de la part des employés qui redoutent une réduction inévitable de l'effectif à la fois durant la phase de restructuration de l'entreprise précédant la vente ainsi que durant la deuxième phase, une fois les nouveaux propriétaires choisis.» Le taux de chômage officiel de 17 % passe pour être une forte sous-estimation, compte tenu des nombreuses années durant lesquelles le régime a imposé ses mesures d'austérité.

La Tunisie et les puissances occidentales

L'exploitation accrue du pétrole par les puissances occidentales dans la région du Caucase, dans l'ex-Union soviétique, a engendré l'idée d'un nouveau pipe-line pour acheminer le pétrole. Les USA considèrent tout particulièrement la Méditerranée comme étant la voie la plus « sûre» pour transporter le pétrole; la transformant ainsi à tout jamais en une région stratégiquement importante. Les pays d'Afrique du nord longeant de la Méditerranée ont donc de ce fait gagné politiquement en importance pour l'Occident.

La Tunisie a depuis longtemps été considérée comme l'un des pays les plus stables d'Afrique du nord et ouvert aux exigences de l'Occident. La France, l'Allemagne et l'Italie sont les principaux partenaires commerciaux de la Tunisie. L'Union européenne a signé un accord d'association avec la Tunisie en mars 1998, introduisant une nouvelle zone de libre-échange industriel pour les deux parties. C'est le souhait du président Ben Ali, que la Tunisie puisse un jour joindre l'Union européenne. Le président français Jacques Chirac (la France étant l'ancienne puissance coloniale) a remarqué: « La France assistera la nouvelle Tunisie. Cette nation est bien sur le chemin de la démocratisation et d'une économie de marché. L'on peut compter sur nous comme partenaire dans ce processus.»

Pour ce qui est des Etats-Unis, ils considèrent la Tunisie comme un important médiateur dans leurs relations avec le monde arabe. La Tunisie entretient des relations chaleureuses avec la Syrie et le Liban et, ce qui est primordial, elle n'a jamais rompu ses relations avec l'Iraq et la Libye. Ce qui permet aux Etats-Unis d'entretenir un certain contact avec ces nations tant que les sanctions ne sont pas levées. Des rapports officieux circulent au sujet d'entretiens secrets ayant eu lieu en Tunisie entre des fonctionnaires américains, libyens et irakiens.

La Tunisie a également élaboré ses liens avec Israël; depuis 1982 elle a été considérée comme le refuge pour l'Organisation de Libération de la Palestine. Elle tient donc une place primordiale dans la résolution des hostilités du Moyen-Orient. Les Etats-Unis ont été impressionnés par la manière dont la Tunisie a traité la menace du fondamentalisme islamique qu'elle a supprimé au sein de ses frontières. Les Etats-Unis considèrent le fondamentalisme comme un facteur majeur de déstabilisation de la région, menaçant le projet d'une Union maghrébine pro-occidentale - comprenant l'Algérie, le Maroc, la Tunisie, la Mauritanie et la Libye - qu'ils aimeraient ressusciter.


 

Untitled Document

Haut

Le WSWS accueille vos commentaires


Copyright 1998 - 2012
World Socialist Web Site
Tous droits réservés