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L'hypocrisie de la presse de droite :
Le sauvetage d'Elian Gonzalez intensifie la crise politique aux États-Unis

Par Patrick Martin
25 avril 2000

La réaction frénétique des congressistes républicains et de certaines sections des médias américains au retour d'Elian Gonzalez auprès de son père à Cuba a une grande signification politique. Elle démontre que les profondes divisions au sein de l'élite dirigeante américaine, qui avaient fait surface en 1998-99, lors de la tentative de destitution du président Clinton, sont, à tout le moins, devenues plus intenses et féroces.

Le raid policier des services américains d'immigration (INS) du mois dernier, qui a duré 3 minutes et n'a provoqué aucune blessure ou autres dommages, forçait l'application des ordonnances gouvernementales et judiciaires, rendues depuis un certain temps et stipulant qu'Elian Gonzalez soit enlevé des mains de sa famille éloignée résidant à Miami pour être remis sous la responsabilité de son père, Juan Mihuel Gonzalez.

Le raid est survenu après plus de 5 mois d'obstruction menée par la famille de Miami et neuf jours après que le grand oncle d'Elian, Lazaro Gonzalez, ait refusé de rendre le garçon suite à une demande personnelle du procureur général, Janet Reno. Lazaro Gonzales a déclaré à ce moment: « Ils vont devoir arracher Elian de mes bras. Nous ne rendrons pas l'enfant, nulle part - c'est notre position. »

Quant à la suggestion qu'un raid armé n'était pas nécessaire parce qu'il n'y avait pas de danger de résistance violente, elle est contredite par des faits établis. Des gardes armés, membres du groupe de droite de la Fondation Nationale Amérique-Cuba (FNAC), patrouillaient régulièrement aux alentours de la maison, mêlés à la foule de partisans. Un tel membre armé du FNAC, Mario Blas Miranda, 48 ans, un agent de sécurité licencié et président de la Wellington and Knight Security, était en poste lorsque les agents de l'INS sont intervenus et il a dû être maîtrisé. Le FNAC a été lié à une série d'attaques terrorites contre des cibles cubaines, incluant l'explosion de l'avion de ligne cubain dans laquelle des centaines d'innocents ont été tuées.

La famille de Miami ainsi que leurs partisans de la communauté cubaine exilée ont menacé à maintes reprises qu'ils utiliseraient la force si nécessaire, pour garder le contrôle sur Elian. Ceux dans la communauté des Cubains américains, qui exprimaient de la sympathie pour le père d'Elian, étaient victimes de menaces de mort et parfois battus dans la rue. Moins de 48 heures avant le raid, Marisleysis Gonzalez, la fille de 21 ans de Lazaro, lançait un avertissement à un membre du service des relations avec la communauté du département de la justice: «Vous pensez que nous n'avons que des caméras dans la maison? Si des gens tentent d'entrer, ils pourraient être blessés. »

Loin de chercher la confrontation violente avec la famille de Miami, l'administration Clinton et le procureur général Reno ont capitulé à maintes reprises à leurs demandes et n'ont rien fait alors que les échéanciers pour la remise d'Elian à son père expiraient les uns après les autres. Le 10 janvier, L'INS avait déterminé que Juan Miguel Gonzalez avait le droit exclusif de parler au nom de son fils, mais a attendu plus de trois mois pour faire respecter sa décision. Plus Clinton et Reno tergiversaient, plus la famille de Miami durcissait ses positions.

L'affaire Elian Gonzalez est devenue le point de mire d'une campagne hystérique menée par la droite de la Petite Havane à Miami - une campagne combinant l'anticommunisme, une haine obsessive du président cubain Fidel Castro et le dogmatisme religieux catholique. Les maires de Miami et de Dade County, ont déclaré qu'ils ne prendrait aucune mesure contre la famille qui gardait Elian éloigné de son père. Des juges de la cour d'appel de division, sont intervenus la semaine dernière, rendant un jugement des plus étrange dans lequel ils suggéraient à l'INS de considérer très sérieusement la demande d'asile politique au bas de laquelle, le jeune de six ans, manipulé par sa famille anti-castriste, a apposé son nom.

Appui public, indignation à Washington

Le résultat du raid a été favorablement accueilli par l'opinion publique aux États-Unis, qui était de tout coeur en faveur de la réunification d'Elian avec son père. Les sondages qui ont suivi immédiatement après le raid, montrent qu'une personne sur deux appuyait l'utilisation de la force et blâmait la famille de Miami pour leur intransigeance. Même un sondage auprès des lecteurs de l'édition internet du Miami Herald dévoilait qu'une majorité significative supportait le raid de l'INS.

Mais dans le Washington officiel, et dans la plus part des médias nationaux, la réaction à l'opération de l'INS allait jusqu'à l'indignation hystérique. Les congressistes républicains ont annoncé leur intention de tenir une enquête sur la décision de Reno d'envoyer la police. Quant àTom DeLay, porte-parole de la majorité républicaine au parlement, il a fait savoir que ça le rendait «malade» et que «pour la première fois les États-Unis pénétraient dans une résidence privée sans une autorisation de la cour.»

DeLay a sûrement oublié les raids contre Palmer, la chasse aux sorcières de McCarthy, la campagne d'extermination menée par le FBI contre les Black Panthers, le bombardement du groupe MOVE à Philadelphie, et de nombreuses autres atrocités menées par le gouvernement fédéral et les autorités locales aux États-Unis contre les groupes de gauches, la classe ouvrière et les goupes minoritaires ciblés par la répression étatique.

Comparé à de telles opérations, le raid mené par l'INS dans l'affaire Elian Gonzalez s'est avéré bien différent. Il s'est conclu sans effusion de sang et les effets immédiats ont été très mineurs. De plus, la déclaration de DeLay est fausse. Des représentants du département de la justice ont exhibé une autorisation de la cour émise par un juge fédéral, autorisant l'INS à pénétrer dans la maison, si nécessaire, afin de garantir la réunification d'Elian avec son père.

Le chef de la majorité républicaine au Sénat, Trent Lott du Mississippi a déclaré: « L'utilisation de ce type de force n'était clairement pas justifié», qualifiant le raid d'«anti-américain» et se rapprochant plus de «quelque chose qui n'arrive que dans le Cuba de Fidel Castro.» Le sénateur Bob Smith du New Hampshire, qui l'an dernier a quitté le parti Républicain parce que celui-ci n'était pas assez déterminé dans la poursuite d'une politique de droite, a dénoncé le raid comme étant « un violent abus de pouvoir.»

Aucun des deux sénateurs, pas plus que leur collègues républicains ou démocrates, n'ont dénoncé les véritables abus de pouvoir du INS contre les travailleurs immigrants d'Amérique Latine, d'Asie et du Moyen Orient. Au contraire, sous l'administration Clinton et le Congrès républicain, on a doublé les effectifs des garde-frontière et de l'INS, construit des prisons pour immigrants partouts à travers le pays et transformé la frontière américano-mexicaine en barrière équivalente au mur de Berlin. Chaque jour, des travailleurs sans pays sont déportés, enprisonnés, abattus ou physiquement maltraités, avec l'appui enthousiaste des deux partis de la grande entreprise.

Ll'intervention la plus absurde vient peut-être du maire de New York, Rudolph Giuliano, qui était jusqu'à tout récemment candidat républicain au Sénat américain à New York contre Hillary Clinton. Questionné à plusieurs reprises par les médias, il a fait référence aux agents de l'INS comme étant des membres d'une «unité de choc», et lors d'une apparition il a déclaré: « pensez à la chance que vous avez d'avoir le type de département de police que vous avez à New York, comment il fait preuve de retenue, à la manière dont il gère les foules». Ces paroles ont été prononcées par un maire qui a régulièrement ordonné à la police de supprmier le droit de manifester - plus particulièrement à Harlem l'an dernier - et qui est responsable d'avoir camouflé des atrocités comme les meurtres d'Amadou Diallo et de Patrick Dorismond, deux jeunes travailleurs immigrants tués par la police à cause de la couleur de leur peau et leurs origines.

Il y a eu un appui considérable des deux partis pour dénoncer l'action de l'INS à Miami. L'establishement politique de la Floride, incluant le gouverneur républicain Jeb Bush, le sénateur républicain, Connie Mack et le sénateur démocrate Bob Graham, ont tous condamné le raid, affirmant que le département de la justice aurait dû continuer à négocier avec la famille de Miami. Aucun d'entre eux n'a demandé à la famille de Miami d'obéir à la loi et de remettre Elian Gonzalez à son père.

Les deux candidats présidentiels ont critiqué le raid. Le gouverneur du Texas, Georges W. Bush a déclaré: « Cette image terrible d'un petit garçon enlevé de sa maison à la poite du fusil va à l'encontre des valeurs américaines et n'est pas l'image qu'une nation éprise de l'amour de la liberté veut montrer au monde.» Le vice-président Al Gore, qui a fait une déclaration publique extraordinaire le mois passé, rompant avec la ligne de son parti sur cette question, réitérait sa position: « Je crois que cette question aurait dû être résolue par l'intermédiaire d'un tribunal de famille devant une famille réunie.»

La position de Gore est spécialement révélatrice. Au lieu d'en appeler aux deux tiers de la majorité qui appuyaient Juan Miguel Gonzalez dans son droit à la réunification avec son fils, il cherche à rivaliser avec Bush en courtisant les membres de la droite américano-cubaine et leurs semblables idéologiques à l'échelle nationale, qui ne forment qu'une minorité relativement petite. Ceci démontre encore une fois à quel point les deux principaux partis ont viré à droite, et illustre le gouffre qui sépare la structure politique officielle et les sentiments de dizaines de millions de gens de la classe laborieuse.

Le rôle des médias.

Comme lors de l'enquête sur la destitution de Clinton en 1998-99, le réseau national de télévision et les quotidiens à grand tirage jouent un rôle clé en appuyant la position de l'extrême droite et en lui donnant ainsi un air de crédibilité politique. Les animateurs-vedette des émissions télévisées d'affaires publiques du dimanche matin, allant du conservateur Georges Will au libéral Cokie Roberts, bavaient virtuellement de rage en évoquant le « brutalité» du raid à la maison de Lazaro Gonzalez.

CNN a diffusé régulièrement la photo d'un agent de l'INS, arme automatique à la main, tentant de prendre Elian des bras de Donato Dalrymple, un des alliés de la famille, dont l'image sur la photo a été réduite pour laisser l'impression que l'arme pointait sur l'enfant. Brian Williams du MSNBC, a décrit les explications du département de la justice comme étant « des excuses du gouvernement » pour justifier l'utilisation de la force.

Le New York Times a déclaré dans son éditorial du 24 avril: « Le département de la justice a agi de façon brutale et insensée en ordonnant le raid. Sa décision requiert maintenant une évaluation des plus minutieuse par le Congrès et le peuple américain.Le département de la justice doit encore offrir une bonne raison pourquoi il n'a pas tenté d'obtenir un ordre de la cour sommant Lazaro Gonzalez de remettre Elian.»

Comme si la famille à Miami n'avait pas déjà annoncé qu'elle allait défier une telle ordonnance, comme elle l'a fait avec les ordonnances antérieures provenant des autorités fédérales ! Comme il l'a fait durant la campagne de destitution, le New York Times joue le rôle de complice libéral de l'extrême-droite.

Comme il fallait s'y attendre, les commentaires les plus hystériques et incendiaires au sauvetage d'Elian Gonzalez sont apparus dans les pages éditoriales du Wall Street Journal. Ces pages reprenaient et amplifiaient les prétentions les plus folles de la famille à Miami, comme par exemple, la suggestion que la photographie d'Elian réuni avec son père était truquée, et qu'Elian avait été drogué et avait subi un lavage de cerveau par l'agent du gouvernement Cubain (présumément à partir de la base militaire aérienne d'Andrew ! )

Après avoir repris les termes de Giuliani dénonçant les «tactiques d'unité de choc», le Wall Street Journal a demandé dans un éditorial que le Congrès mène une enquête pour faire la lumière sur les prétendus mauvais traitements infligés à Elian par les agents de l'INS qui l'ont ramené à son père. «Le Congrès devrait établir quelle drogue lui a été administrée alors qu'il était sous la responsabilité du gouvernement des Etats-Unis, avant la photo prise avec son père», a déclaré l'éditorial.

A côté de l'éditorial, a paru un commentaire écrit par l'ancienne rédactrice des discours de Reagan, Peggy Noonan, dans lequel elle endosse la thèse religieuse du sauvetage miraculeux d'Elian par les dauphins : « ces créatures de Dieu ont reçu le commandement de protéger un enfant de Dieu», ce qui ramène à l'esprit le fait que Reagan développait et menait ses principales initiatives politiques sur la base des recommandations de l'astrologue de sa femme Nancy.

Noonan exprime sans retenue la paranoïa de l'extrême-droite à propos de l'administration Clinton, notant : « Le rapport Starr nous relate ce que le président a dit à Monica Lewinsky concernant leurs conversations téléphoniques sexuelles: qu'il y avait des raisons de croire qu'elles étaient sous écoute par un service secret étranger. Naturellement, ce service aurait enregistré ces appels pour les utiliser contre le président. Peut être que c'était les services secrets de monsieur Castro, ou de ses amis.»

Cette affirmation à propos de Clinton avait été initialement rejetée par ses opposants de droite, en grande partie parce qu'il était généralement admis que les services auxquels il était fait référence étaient ceux d'Israël. Maintenant la question est relancée par le Wall Street Journal et par Noonan, suggérant que l'administration Clinton soit secrètement manipulée par Fidel Castro !

Un crise politique qui va en s'aggravant

Comme nous l'avons noté précédemment, la haine de la droite contre Clinton pourrait sembler inexplicable, compte tenu du fait que ce gouvernement a mené les politiques sociales les plus réactionnaires de toutes les administrations démocrates qui se sont succédé au cours du 20e siècle, incluant l'abolition de l'aide sociale de dernier recours et la destruction de la quasi-totalité des autres programmes fédéraux de financement des services sociaux. Il a équilibré le budget fédéral aux dépens des pauvres, augmenté les dépenses militaires et présidé à la plus importante augmentation des valeurs boursières de l'histoire de l'Amérique.

Malgré ce curriculum, de larges sections de l'élite politique et des médias semblent convaincues que Clinton est un assassin, un agent des forces étrangères et même un «socialiste» au rancart. Les déclarations émanants des républicains au Congrès tendent vers l'incitation à la violence contre Clinton, Reno et d'autres membres de l'administration. Ces déclarations semblent plus caractéristiques d'un pays sur le bord de la guerre civile que d'un pays où les différends politiques sont résolus par le bulletin de vote.

Cela fait à peine plus d'un an depuis la fin du conflit ayant fait rage à Washington et qui avait mené, à quelques votes près, à la destitution d'un président élu, par les moyens d'un quasi-coup d'état judiciaire organisé par des conspirateurs de coulisse. La campagne de droite pour éjecter l'administration de Clinton a échoué non grâce à la résistance du Parti démocrate et de la Maison blanche, mais à cause de l'opposition massive du peuple américain.

Le même alignement politique réapparaît dans l'affaire Elian Gonzalez. L'extrême droite mène sa campagne pour atteindre un objectif bien précis, contre les efforts faibles et même contreproductifs de l'administration Clinton, alors que les masses s'opposent instinctivement à la politique de la droite qui aurait pour résultat de priver Juan Miguel Gonzalez de son droit démocratique le plus élémentaire seulement parce qu'il est citoyen cubain.

Elian Gonzalez a retrouvé son père, même si la famille est toujours menacée par l'action en justice introduite par la famille de Miami et dont le résultat demeure incertain. Les tensions politiques sous-jacentes révélées dans cette affaire vont continuer de s'intensifier, et vont, tôt ou tard, s'exprimer en plein jour, dans l'éruption de conflits sociaux majeurs aux États-Unis.

 

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