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Le Parti réformiste change de nom pour devenir l'Alliance canadienne

Un remaniement dans le but de gagner la grande entreprise

par Keith Jones

4 avril 2000

Le Parti réformiste, l'opposition officielle au Parlement du Canada, a été remodelé dans un nouveau véhicule politique de droite, l'Alliance réformiste conservatrice canadienne. Le remaniement de l'opposition officielle du Canada a été présenté par le chef et fondateur du Parti réformiste, Preston Manning, comme le moyen de se rapprocher de l'électorat de l'Est canadien. Mais la véritable cible de Manning est plutôt l'élite financière et les barons des médias. Pour s'assurer de leur appui, Manning essaie de se distancer des racines du conservatisme social et des politiques d'opposition au Canada central qui sont la marque du Parti réformiste, et d'insister sur ses promesses de réduire de façon draconienne les impôts et les dépenses sociales.

Au congrès de fondation de l'Alliance en janvier dernier, les délégués ont voté pour faire du taux d'imposition unique de 17 % la demande principale de la plateforme électorale du nouveau parti politique. Un tel taux d'imposition offre non seulement une substantielle réduction d'impôt aux biens nantis, mais il aurait aussi pour conséquence de tarir les revenus du gouvernement et de forcer ce dernier à réduire encore de façon importante les dépenses publiques.

Jusqu'à ce jour, le nouveau parti a trouvé peu d'appui dans l'électorat. Les sondages montrent que l'appui pour le Parti réformiste et l'Alliance canadienne a beaucoup diminué depuis 1997. Ceci est spécialement vrai des quatre provinces de l'Atlantique, du Québec et de l'Ontario, où on trouve les deux tiers de la population canadienne. (Depuis treize ans qu'il existe, le Parti réformiste n'a réussi à faire élire qu'un seul député à l'est du Manitoba.)

La grande presse, au contraire, consacre une attention particulière au nouveau parti. La campagne à la direction de l'Alliance se voit offrir une couverture de presse qui frise la saturation, même si elle n'est commencée que depuis deux semaines.

Il reste encore à voir si la grande entreprise fera du nouveau parti son véhicule pour effectuer un virage à droite. À tout le moins, l'Alliance canadienne sera utilisée, comme l'était le Parti réformiste, pour faire pression sur le premier ministre Jean Chrétien et son Parti libéral pour que soient adoptées des politiques plus en ligne avec les intérêts de la grande entreprise.

Le National Post de Conrad Black fait la promotion de l'Alliance sans restriction aucune. L'attitude du Globe and Mail, depuis longtemps considéré comme la voix du centre financier de Bay Street, est beaucoup plus ambivalente. Le Globe and Mail a défié à maintes reprises Manning et son principal rival dans la course à la direction de l'Alliance, le président du Conseil du Trésor de l'Alberta, Stockwell Day, de démontrer qu'ils peuvent réconcilier leur conservatisme social et « la diversité de la population du Canada » et d'offrir au Québec « une orientation intégrative. »

L'opposition aux libéraux de Chrétien grandit

C'est un secret de polichinelle que le monde des banquiers, des courtiers et des vendeurs d'obligations de Bay Street est de plus en plus insatisfait du gouvernement libéral de Chrétien, parfois jusqu'à l'hostilité. La grande entreprise a unanimement applaudi les libéraux pour avoir imposé des diminutions massives dans les dépenses sociales lors de leur premier mandat (1993-1997). Mais plusieurs dirigeants des banques et des grandes compagnies enragent parce que les libéraux n'ont pas introduit des taux de taxations pour les compagnies et les particuliers comparables à ce qui se fait aux États-Unis et fait une priorité de la privatisation et la déréglementation.

Aux yeux de la majorité de la grande entreprise, ce qui empêche une campagne concertée pour remplacer les libéraux à la prochaine élection est le manque d'une solution de remplacement viable. Le Parti conservateur, l'autre parti traditionnellement au pouvoir au Canada, s'est presque effondré en 1993, lorsqu'après avoir été au pouvoir pendant neuf années avec Brian Mulroney, il n'a réussi à gagner que deux sièges à la Chambre des communes.

Même si les conservateurs ont réussi à gagner suffisamment de sièges à la Chambre des communes aux élections de 1997 pour être reconnu officiellement comme parti, ils ne sont quand même que le cinquième parti en importance à la Chambre et n'ont aucune chance de gagner dans plusieurs régions du pays. En plus, le chef tory, Joe Clark, s'est aliéné la grande entreprise en accueillant dans les rangs des conservateurs le militant contre le libre-échange, David Orchard, et en faisant écho à l'opposition populaire contre les compressions des libéraux dans l'assurance-chômage et les autres programmes sociaux.

Néanmoins, le financement corporatif a continué à couler beaucoup plus librement vers les conservateurs que vers les réformistes, un signe de combien Manning et son parti sont perçus pour être hors du clan par les sections les plus puissantes du capital canadien.

Depuis sa fondation en 1987, le Parti réformiste s'est fait le défenseur de la nécessité de réduire les taxes et les dépenses. De tous les partis, ce sont les réformistes qui ont le plus fidèlement fait écho aux demandes de la grande entreprise pour démanteler l'État-providence. La base de son appui se trouvant en Alberta, le Parti réformiste a aussi bénéficié de liens étroits avec les compagnies pétrolières et agroalimentaires.

Mais en gros, la grande entreprise et les médias sont demeurés craintifs devant le populisme évangéliste chrétien des réformistes et leur régionalisme de l'Ouest. Leurs craintes sont doubles : la première étant qu'à cause de leur opposition à l'avortement et aux droits des gais et lesbiennes et de leur démagogie contre l'immigration, les réformistes se mettent la population à dos et ne réussissent pas, à cause de cela, à faire passer leurs politiques économiques de droite ; et la deuxième : que le Parti réformiste, qui à plusieurs reprises a ouvertement fait appel à la bigoterie anti-québécoise, ne nourrisse le mouvement indépendantiste au Québec, ou à tout le moins qu'il ne prenne trop en considération les intérêts du capital de l'Ouest canadien.

En fondant l'Alliance, Manning a cherché à s'ajuster à ces inquiétudes. Le nouveau parti a laissé tomber son opposition à la Loi sur les langues officielles du Canada, qui oblige le gouvernement fédéral à fournir des services en français et en anglais partout au Canada. L'Alliance a aussi laissé tomber l'appel du Parti réformiste pour une représentation égale des provinces à la Chambre haute du Parlement canadien.

Quant aux politiques que la droite religieuse aimerait voir adopter, Manning tente d'atteindre un certain équilibre. Il a souvent répété que les réductions d'impôts et la réforme (entendre la privatisation) du système de santé étaient des questions beaucoup plus importantes. Mais en même temps, il a cherché à se gagner l'appui de l'important noyau de militants chrétiens évangéliques au sein du Parti réformiste en faisant valoir son appui personnel aux « valeurs » conservatrices sociales et en disant qu'il appuie des référendums nationaux dont les résultats obligeraient le gouvernement sur les questions de l'avortement et de la peine capitale. (La dernière proposition, bien qu'elle semble démocratique, aurait en fait pour conséquence de permettre l'abrogation de droits démocratiques fondamentaux, comme le droit des femmes à disposer de leur corps.)

Unir la droite ?

Il semble que ce soient les gouvernements provinciaux conservateurs d'Ontario et d'Alberta qui servent de modèle à Manning dans sa transformation du Parti réformiste en l'Alliance. Le premier ministre de l'Ontario, Mike Harris et celui de l'Alberta, Ralph Klein, ont utilisé la rhétorique du conservatisme social, particulièrement pour les questions de la loi et l'ordre, pour gagner l'appui de la population. Mais le pivot des politiques et des lois adoptées par leurs gouvernements a été de réduire les dépenses sociales, de récompenser les plus riches par des diminutions d'impôts et de supprimer les droits syndicaux. Harris et Klein ont tous les deux bénéficié d'un solide appui du monde des affaires. Depuis que Manning a proclamé pour la première fois en 1998 qu'il voulait « unir la droite » pour défaire les libéraux aux prochaines élections fédérales, on a souvent vu dans la presse qu'un ou l'autre des deux premiers ministres conservateurs serait mieux que Manning pour accomplir ce travail.

En lançant sa campagne à la direction de l'Alliance, Manning a souligné à la fois l'historique des politiques économiques de droite du Parti réformiste et sa collaboration avec les gouvernements conservateurs d'Alberta et de l'Ontario. Manning a déclaré : « Nous avons été des éclaireurs qui ont contribué à mettre les budgets équilibrés à l'ordre du jour de tous les gouvernements au pays. Nous avons vu nos efforts pour promouvoir un changement constructif renforcés par d'autres campagnes de changements, y compris la " révolution du bon sens " de Mike Harris en Ontario et la révolution de Ralph Klein ici en Alberta. »

Au grand désarroi du chef conservateur, Joe Clark, Manning a réussi à attirer à l'Alliance canadienne plusieurs des organisateurs clés des gouvernements conservateurs ontarien et albertain. Mais cet appui a un prix. Très franchement, les conservateurs ontariens et albertains ne croient pas que Manning puisse réussir à passer de son rôle actuel de chef du Parti réformiste, basé dans l'Ouest à celui de dirigeant de l'organisation de droite qui pourrait former le prochain gouvernement fédéral.

Klein et la plus grande partie de la machine politique conservatrice de l'Alberta appuient Stockwell Day pour devenir chef de l'Alliance. Day s'est surtout fait connaître alors qu'il était président du Conseil du Trésor en Alberta, pour avoir aboli le système de taxation progressif et remplacé ce dernier par un taux de taxation unique de 11 %. Ironiquement, Day est encore plus à droite que Manning sur les questions sociales et culturelles. Il a lancé sa campagne à la direction en appelant pour le rétablissement de la peine de mort. Dans le passé, il a défendu l'idée que l'avortement devait être retiré des soins couverts par le régime national d'assurance-santé, et a fait campagne au sein du Cabinet ministériel conservateur en Alberta pour que le gouvernement Klein utilise la « clause nonobstant » de la Constitution pour éviter d'avoir à garantir des droits égaux aux homosexuels.

Au même moment, une partie des conservateurs ontariens appuie la candidature du ministre sans portefeuille, Frank Kees. Un des architectes de la plateforme électorale de droite des conservateurs ontariens, Kees n'a supposément pu accéder au Cabinet ministériel lors du premier mandat de Harris parce qu'il serait mis à dos trop des souscripteurs des conservateurs.

L'Alliance canadienne est une formation politique profondément réactionnaire et anti-ouvrière. Mais la menace pour les travailleurs ne provient pas que de l'Alliance et de l'appui populaire qu'il pourrait trouver. La grande entreprise utilisera le nouveau parti pour légitimer ses vues d'extrême droite, pour pousser le spectre politique encore plus à droite et pour convaincre les électeurs que seul le Parti libéral pourra empêcher l'Alliance de prendre le pouvoir. Alors qu'ils ont souvent critiqué les réformistes pour être la voix de l'extrémisme, les libéraux ont adopté beaucoup de leurs politiques, y compris celles de dramatiquement couper dans les dépenses sociales au nom de l'élimination du déficit, de réduire les impôts, de restreindre les droits aux réfugiés, d'amender la loi sur les jeunes contrevenants et d'appuyer la partition du Québec dans le cas d'une sécession.



 

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