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Coup d'Etat en Côte d'Ivoire


Par Chris Talbot et John Farmer
(traduit de l'anglais - publié le 30 décembre 1999)


Le président Henri Konan Bédié de Côte d'Ivoire a été destitué de son poste vendredi 24 décembre par un coup militaire mené par le général Robert Gueï. Des soldats avaient commencé la révolte et le pillage la veille en s'emparant de voitures de luxe, en sillonnant les rues de la capitale Abidjan et en tirant en l'air. Il n'est pas fait état de victimes.

Les soldats protestaient contre les salaires impayés, contre la dégradation des conditions de vie et contre ce qu'ils appellent la «mauvaise gouvernance» du pays. Selon le journal Le Monde, les soldats mutins auraient, après avoir capturé l'aéroport à 2 heures du matin, fait appel à Gueï - qui est très populaire au sein de l'armée - pour diriger une délégation lors de leurs négociations avec Bédié et le gouvernement. Les revendications de la délégation furent élargies de façon à inclure la libération de 11 dirigeants du parti de l'opposition, le Rassemblement des républicains (RDR), qui avaient été emprisonnés récemment par le gouvernement.

Après quelques heures, Gueï et la délégation se présentèrent aux journalistes pour annoncer que les négociations avaient échouées et que Bédié n'était plus président. Des soldats libérèrent alors des prisonniers politiques, y compris les dirigeants du RDR de la prison centrale. Au moment où ils ouvrirent le portail l'ensemble des quelque 6.500 prisonniers s'évadèrent en faisant 24 victimes dans la foulée. Des troupes supportant la mutinerie avaient érigé des points de contrôle à l'extérieur d'installations-clé, telles les stations de radio et de télévision nationales.

L'on a relevé plusieurs rapports de soldats acclamés et bénéficiant du support de la population. La foule chantait «Plus jamais Bédié», exprimant ainsi la haine croissante pour Bédié et son clan. La Côte d'Ivoire avait la réputation d'être, de l'ensemble des anciennes colonies françaises en Afrique, la plus développée économiquement et la plus stable politiquement. Mais l'application du programme d'ajustement structurel du FMI a entraîné de sérieuses réductions des dépenses publiques, aggravant ainsi les niveaux de pauvreté.

Le Parti démocratique de la Côte d'Ivoire (PDCI) de Bédié qui a gouverné depuis l'indépendance en 1960 s'était trouvé au centre de scandales de corruption. Des détournements de fonds de l'Union européenne par les fonctionnaires du gouvernement en début d'année avaient eu pour conséquence la suspension de toute aide au pays en provenance du FMI. En mai et en juin, il y avait eu des protestations d'étudiants et des grèves généralisées contre les réductions dans l'éducation.

En novembre, les dirigeants du RDR avaient été emprisonnés pour avoir participé à une manifestation organisée contre le refus de Bédié de permettre à leur dirigeant - l'ancien directeur général adjoint du FMI, Alassane Ouattara - d'être candidat aux prochaines élections présidentielles. Bédié avait affirmé qu'Ouattara avait falsifié des documents concernant sa nationalité.

Cette année, le prix mondial du cacao - dont la Côte d'Ivoire est le principal exportateur - s'est effondré, ce qui a accéléré le déclin économique général du pays. Les planteurs de cacaotiers avaient récemment boycotté les ventes pendant neuf jours pour protester contre les rigueurs provoquées par le système de commercialisation privée imposé par le gouvernement.

Il n'est pas clair dans quelle mesure le coup avait été préparé d'avance, mais Bédié avait été incapable de rassembler le moindre soutien quand il ordonna aux soldats de contrecarrer la tentative de coup d'Etat. Le dimanche 26 décembre, un hélicoptère militaire français emportait Bédié et sa famille au Togo, le pays voisin. Gueï avait donné son autorisation pour qu'il quitte le pays mais avait, par contre, arrêté d'autres membres de son cabinet pour «garantir leur sécurité». Le premier ministre, le ministre de la défense et le ministre de la sécurité se seraient échappés par la route, également en direction du Togo.

Gueï a nommé neuf officiers supérieurs de l'armée au Conseil national de salut public (CNSP) dont il est lui-même le président. Il fit savoir que le CNSP dirigerait la Côte d'Ivoire pendant quelques jours avant la mise en place d'un gouvernement de transition. Il fit appel aux partis politiques pour désigner des candidats gouvernementaux tout en signalant que la junte militaire se chargerait des ministères de la défense, des affaires étrangères, de la sécurité et de l'intérieur. Ce gouvernement de transition veillerait à créer les conditions requises pour des élections «honnêtes et transparentes» - aucune date n'a pourtant été retenue.

Le CNSP a annoncé qu'il prendrait des mesures fermes contre les pilleurs en en faisant défiler 50 devant des caméras de télévision. Tout pilleur qui serait un soldat «peut déjà s'imaginer ce qui l'attend», avait dit Gueï en poursuivant que «le salut public» serait garanti. Les soldats qui avaient réquisitionné des voitures privées reçurent l'ordre de les restituer.

Gueï avait également garanti le maintien de toutes les relations économiques et politiques avec les gouvernements occidentaux ainsi que le remboursement de toutes les dettes. «Nous maintiendrons les accords internationaux qui seront scrupuleusement respectés», avait-il affirmé. Il souligna qu'il garantirait les «relations excellentes» qui existent entre la Côte d'Ivoire et la France.

Gueï et le CNSP ont interdit tout transfert d'argent dans le but d'empêcher que le clan qui entoure Bédié ne fasse sortir leur fortune du pays. Ils font procéder présentement à un «vaste audit» de l'économie et affirment qu'il existe d'ores et déjà des signes de détournements de fonds de la part de fonctionnaires de l'ex-gouvernement.

Les réactions de la part des gouvernements occidentaux quant au coup ont été réservées. Le porte-parole d'Etat américain Philip Reeker a demandé aux militaires de «commencer immédiatement les préparations pour la restauration d'un gouvernement démocratique» tout en condamnant de façon routinière le coup d'Etat. Des appels semblables au «retour à la démocratie» étaient venus de Grande-Bretagne et de France. Le ministre français de la coopération, Charles Josselin, en a appelé à «l'établissement d'un dialogue avec les nouvelles autorités».

Bien que 20.000 citoyens français résident en Côte d'Ivoire, aucun appel n'a été fait pour qu'ils quittent le pays. La France dispose de quelque 570 hommes en stationnement en Côte d'Ivoire. 40 hommes supplémentaires y furent envoyés par avion du Gabon et 300 hommes se tiennent prêts en permanence au Sénégal, le pays voisin. Un porte-parole français a précisé que les mesures étaient purement «de précaution» et qu'aucun effort n'était fait pour les appliquer contre le coup d'Etat.

Une condamnation moins discutable était exprimée dans un communiqué commun du Nigeria et de l'Afrique du Sud réclamant le rétablissement de Bédié. Les informations de CNN faisaient allusion à des fonctionnaires nigériens qui s'inquiétaient «d'effets secondaires» suite aux réactions «mitigées» contre le coup d'Etat de la part des gouvernements occidentaux, redoutant vraisemblablement une éventuelle reprise d'un régime militaire au Nigeria.

En expliquant la raison des réactions occidentales contre le coup d'Etat en Côte d'Ivoire, Kayode Fayemi du Centre pour la démocratie et le développement au Royaume-Uni dit que: «C'est un paradoxe pour eux et c'était également l'expérience faite au Pakistan. En principe, vous êtes opposés à toute violence mais vous ne pouvez pas ignorer le fait que c'est le résultat cumulatif d'une mauvaise gestion, de l'incapacité à diriger et simplement de l'aliénation du peuple en s'accrochant au pouvoir.»

En d'autres termes, la prétention à la démocratie - et par là l'affirmation de la légitimité des élections incontestées qui avaient placé Bédié au pouvoir en 1995 - peut être abandonnée sans encombre si la formation d'un gouvernement plus acceptable au FMI, à la Banque mondiale et aux gouvernements américains et européens en résulte. Geuï est proche d'Ouattara qui, en tant que banquier et ancien fonctionnaire du FMI, encourage fermement les mesures d'ajustement structurel de privatisation et est préféré à Bédié et son clan par les puissances de l'ouest. Il est susceptible d'être nommé au gouvernement transitionnel qui devra revendiquer d'avoir éliminé toute corruption financière pour que l'aide de l'occident soit rétablie.

La propre histoire de Gueï montre qu'il est prêt à venir à bout de toute opposition aux mesures du FMI. Il avait été le chef des armées de la Côte d'Ivoire de 1990 à 1995 et avait été responsable de la dure répression et de la torture contre les étudiants lors des mouvements contestataires de 1990. Il avait été limogé par Bédié en 1995 pour avoir refusé d'écraser des manifestations anti-gouvernementales vu qu'il supportait le principal mouvement d'opposition, le RDR d'Ouattara. En 1997, il fut renvoyé de l'armée en raison d'allégations de complots de coup d'Etat contre Bédié.


 

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