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Le gouvernement conservateur ontarien et la crise de perspective de la classe ouvrière au Canada

Deuxième partie : les leçons politiques du mouvement anti-conservateur de 1995-1997

Par Lee Parsons et Keith Jones
25 mai 2000

Seconde et dernière partie. La première partie a été publié en français le 11 juin dernier.

Depuis sa réélection en juin 1999, le gouvernement conservateur ontarien n'a cessé d'adopter une mesure de droite après l'autre tout en n'essuyant que peu d'opposition. Enhardies par l'effondrement apparent de la résistance de la classe ouvrière, d'importantes sections de l'élite corporatiste canadienne cherchent maintenant à utiliser la nouvelle Alliance canadienne récemment fondée pour former un gouvernement national calqué sur le régime conservateur ontarien de Mike Harris.

Il ne fait aucun doute que la réélection des conservateurs a désappointé et consterné de nombreux travailleurs et jeunes. Comment en effet un gouvernement qui s'en prend aux plus pauvres, s'affaire à détruire le financement des services publics et s'attaque aux droits syndicaux et démocratiques a-t-il pu récolter 45 p. 100 des voix et remporter une confortable majorité de sièges au parlement ontarien ?

La perplexité et la frustration ont été alimentées par la déclaration de reddition plus que formelle des syndicats et du Nouveau parti démocratique (NPD) social-démocrate. C'est ainsi que quelques jours seulement avant les élections, l'ancien premier ministre néo-démocrate Bob Rae pressait les opposants des conservateurs de s'inspirer du premier ministre britannique Tony Blair et du président américain Bill Clinton, les successeurs respectifs des gouvernements Thatcher-Major et Reagan-Bush, et de reconnaître comme eux que « les règles avaient changé ». Rae a en effet déclaré qu'« un programme basé sur la destruction des nombreux changements effectués par Harris ne peut recueillir qu'un soutien minoritaire ». Questionné six mois plus tard pourquoi les syndicats ne se mobilisaient pas contre le gouvernement conservateur de Harris, Buzz Hargrove, président des Travailleurs canadiens de l'automobile, a déclaré abruptement : « pour l'instant, rien ne laisse penser que le gouvernement s'apprête à nous attaquer ».

Diverses explications faciles ont été mises de l'avant pour expliquer la réélection triomphale des conservateurs. Certains ont mis de l'avant l'expansion rapide de l'économie ontarienne des dernières années. Mais ce faisant, ils passent sous silence le fait que pendant cette même période, et d'ailleurs en grande partie à cause des actions du gouvernement conservateur, les inégalités sociales n'ont fait que s'amplifier. La part du lion de l'augmentation des revenus a été accaparé par le cinquième le plus riche de la société, alors que le démantèlement des services sociaux et publics et la lutte incessante pour accroître la rentabilité des entreprises n'a cessé de rendre la vie des travailleurs toujours plus difficile et insécure.

D'autres ont attribué le triomphe des conservateurs au système uninominal majoritaire à un tour. Or, il serait peut-être bon de rappeler qu'en fait seulement 25 p. 100 de l'électorat a voté pour les conservateurs de Harris. Ce qui nous amène à nous poser la question suivante : pourquoi plus de 40 p. 100 des électeurs ontariens, la grande majorité constituée par la classe ouvrière, considère qu'aucun parti ne mérite leur appui ? Et aussi, comment les conservateurs, le gouvernement incontestablement le plus pro-patronal en Ontario depuis des décennies, réussit-il à recueillir une minorité tout de même encore significative de la part des votes exprimés par les travailleurs et les couches les moins privilégiées de la classe moyenne ?

On ne peut répondre à ces questions et élaborer un cours nouveau pour les luttes à venir sans faire le bilan de la lutte des classes en Ontario de la dernière décennie, et plus particulièrement du mouvement d'opposition anti-conservateurs de 1995-1997.
Cette étude démontrera que la classe ouvrière confronte une crise fondamentale de direction et de perspective politique.

À maintes reprises l'opposition des travailleurs en Ontario face aux assauts de la grande bourgeoisie sur leurs emplois, leurs conditions de travail, et les services publics et sociaux les a amené directement en conflit avec les syndicats et le NPD. Les travailleurs ont élu un gouvernement néo-démocrate en Ontario en 1990 dans l'espoir que les social-démocrates les protégeraient de la récession croissante et qu'ils parviendraient à apaiser les effets négatifs entraînés par la réorganisation du capitalisme canadien effectuée dans le cadre de l'accord de libre-échange Canada-États-Unis. Or, bien au contraire, c'est le gouvernement NPD de Rae au pouvoir de 1990 à 1995 qui a lancé les compressions budgétaires massives dans les dépenses sociales, imposé d'importantes augmentations d'impôts et suspendu le droit de négociation collective d'un million de travailleurs du secteur public afin de pouvoir imposer des compressions des réductions de salaire et d'effectifs.

En novembre 1997, lorsque la grève provinciale des enseignants fit apparaître la possibilité et même la nécessité d'organiser une offensive de la classe ouvrière pour renverser le gouvernement conservateur de Harris, les syndicats ont laissé tomber les demandes des enseignants pour ensuite étouffer leur grève et finalement mettre fin à toute mobilisation contre les conservateurs.

Ces trahisons ont certes suscité du ressentiment chez de nombreux travailleurs, mais ces derniers doivent encore trouver un nouvel axe politique autour duquel préparer leur contre-offensive. Parmi une couche importante de la population, l'exaspération à l'égard des vielles organisations prend actuellement la forme d'une hostilité à toute forme de politique. Les conservateurs, avec leurs attaques contre le statu quo politique, ont consciemment fait appel à ce sentiment. Une autre couche, encore plus vaste, se méfie des syndicats et du NPD, et se limite pour toute lutte politique qu'aux tentatives de faire pression sur les employeurs et les gouvernements de la grande bourgeoisie par le biais de la négociation collective, des protestations et des élections. Mais le pire, c'est qu'alors même que le fonctionnement du marché capitaliste est ridiculisé par les événements, la majorité des travailleurs prend toujours pour acquise la forme actuelle de l'organisation économique.

La suppression de la lutte de classe
Les grands médias bourgeois cherchent à intimider la classe ouvrière en dépeignant le gouvernement conservateur de Harris comme politiquement invincible. En fait, la montée des conservateurs de Harris témoigne de l'énorme pression qui est exercée sur la grande bourgeoisie canadienne par la lutte mondiale pour les profits et les marchés. Les mesures nécessaires pour assurer la position économique du Capital canadien intensifient en effet les antagonismes de classe et menacent de provoquer des bouleversements sociaux.

C'est ainsi qu'en 1997, la prise de position déterminée des enseignants dans leur cause pour la défense de l'éducation publique a littéralement fait voler en éclat, bien que brièvement, la majorité des appuis conservateurs au sein de la classe moyenne, révélant ainsi combien ce gouvernement est en fait isolé. Bref, les conservateurs profitent de la crise politique de la classe ouvrière produite par la scélératesse des organisations envers lesquelles cette dernière a longtemps donné son allégeance, de même que de l'effondrement de la perspective syndicale-réformiste sur laquelle la plupart des travailleurs basent encore leurs activités politiques.

Le terrain politique qui a débouché sur la victoire électorale conservatrice de 1995 a été préparé par le gouvernement néo-démocrate de Rae. Non seulement le NPD a-t-il été le premier à entreprendre plusieurs des politiques poursuivies par les conservateurs, notamment les compressions drastiques dans les dépenses sociales et l'imposition des programmes de travail obligatoire, mais Rae et ses collègues social-démocrates ont à maintes reprises tourné en dérision leur propre programme réformiste traditionnel en proclamant qu'il n'existait « aucune alternative » aux impératifs du marché capitaliste.

Pourtant, quelques semaines seulement après les élections du 15 juin 1995, des protestations s'organisaient déjà contre le gouvernement conservateur. La Fédération des travailleurs de l'Ontario (FTO) s'est alors distancé de ces premières manifestations qui dénonçaient les compressions conservatrices de 21,5 p. 100 dans les prestations d'aide sociale. Mais cinq mois plus tard seulement, la FTO, grâce à sa puissance financière, se plaçait à la tête du mouvement d'opposition. C'était pour elle la meilleure façon de contrôler politiquement et de contenir le mouvement d'opposition.

Ce ne fut pas très long avant que des appels pour l'organisation d'une grève générale à l'échelle de la province ne soient lancés à l'attention de la FTO lors des nombreuses manifestations de masse et grèves régionales d'une journée qui survinrent alors dans les différentes grandes agglomérations ontariennes. Mais dès avril 1996, Gord Wilson, président de la FTO, déclara fermement qu'il était hors de question que les syndicats luttent pour exiger la démission du gouvernement Harris. « J'accepte, dit Wilson, que Harris jouisse du mandat constitutionnel pour gouverner ».

Tout en s'opposant à ceux qui luttaient pour demander la démission de Harris ou la tenue de nouvelles élections, la direction de la FTO chercha à donner l'impression que les politiques réactionnaires du gouvernement ontarien n'étaient que le résultat des penchants politiques et des traits de caractère particuliers de Harris. La diabolisation de Harris, dépeint par la propagande syndicale comme la cause de toutes les attaques assénées sur les travailleurs ontariens, a joué un grand rôle dans les efforts de la bureaucratie pour émasculer politiquement le mouvement d'opposition.

En ne mettant l'accent que sur Harris, les syndicats ont dissimulés les véritables enjeux de la lutte et cherché à mettre en quarantaine politique les travailleurs ontariens de plus en plus militants de leur frères et surs de classe des autres provinces. Les attaques des conservateurs furent alors sans précédent, mais elles ne constituaient encore que les premières colonnes de l'offensive de la grande bourgeoisie dans laquelle tous les partis sont mobilisés depuis.

En s'opposant aux politiques de compression et de réduction des effectifs du gouvernement conservateur de Harris dans le domaine des politiques sociales, les travailleurs ontariens n'ont pas défié que les politiques d'un seul parti, mais également toute la stratégie de classe de l'ensemble de la grande bourgeoisie canadienne. En effet, pendant cette même période de 1995-1997, alors que l'Ontario était secoué par les protestations anti-conservateurs, les gouvernements libéral fédéral et du Parti québécois imposaient également des compressions massives dans leurs dépenses sociales.

Suite au succès des journées de mobilisation à Toronto en octobre 1996,
13 syndicats, représentant près du tiers du membership de la FTO, annoncèrent leur retrait des mobilisations anti-conservateurs. Cette faction de la bureaucratie était en effet outrée que les protestataires aient notamment réussi à paralyser le système de transport en commun de Toronto pendant 24 heures, malgré une injonction de la Cour. Craignant que le mouvement anti-conservateur ne prenne une orientation trop radicale en échappant au contrôle de leurs appareils bureaucratiques, les syndicats dissidents ont demandé que la FTO diminue l'ampleur de ses protestations et mobilise plutôt ses ressources afin de réélire le NPD aux prochaines élections anticipées pour 1999 ou 2000. La majorité de la FTO a résisté à ces appels demandant de laisser une plus grande place au NPD lors des journées de mobilisation car elle craignait de se compromettre politiquement si elle était trop intimement identifiée avec un parti qui a lui aussi effectué des compressions dans les dépenses sociales et foulé au pied les droits syndicaux de base.

C'est finalement lors de la grève des enseignants de l'automne 1997 que l'accord essentiel de l'ensemble des factions de la bureaucratie syndicale et leur opposition commune à la mobilisation indépendante de la classe ouvrière apparût au grand jour. Pendant deux semaines, 120 000 enseignants des niveaux élémentaire et secondaire défièrent le code du travail réactionnaire de la province. La grève avait comme objectif politique clair de forcer les conservateurs à renoncer à leurs plans de centralisation des pouvoirs financiers et politiques en éducation entre les mains du ministère de l'Éducation. Le gouvernement Harris cherchait ainsi à faciliter l'imposition de compressions budgétaires dans les dépenses et des changements rétroactifs encore plus destructeurs des conditions de travail des enseignants.

Les conservateurs étaient convaincus que la grève s'effriterait sous la menace de représailles légales. Aussi une campagne de salissage contre les enseignants fut-elle déclenchée dans les médias qui affirmaient que les enseignants prenaient un million d'enfants ontariens en otage. Bien que cette grève fut certainement source de tracasseries pour les parents occupant un emploi, le public se rallia quand même derrière les enseignants, reconnaissant justement que cette lutte était pour la défense de l'éducation publique. Au grand désarroi des conservateurs, leurs propres sondages démontrèrent qu'une majorité d'Ontariens soutenaient en effet la grève. Les lignes de piquetage et les manifestations des enseignants étaient gonflées par des étudiants, des parents et des travailleurs provenant d'autres secteurs d'activité.

Convaincus que le gouvernement obtiendrait rapidement une injonction, les dirigeants des cinq syndicats membres de la Fédération des enseignants de l'Ontario (FEO) en grève - qu'ils qualifiaient de « protestation » et non de grève politique - ordonnèrent le retour au travail à leurs membres car ils voyaient là un prétexte pour mettre fin à la grève et s'entendre avec le gouvernement. Mais la demande d'injonction des conservateurs fut repoussée. Le juge de la Cour de l'Ontario qui entendit la requête conclut en effet que le soutien populaire à la grève était tel que si l'État intervenait directement pour la contrer, cela risquait d'éroder dangereusement l'autorité de la Cour. La responsabilité de mettre fin à la grève fut donc placée directement sur les épaules des syndicats des enseignants.

Avec le plein soutien et les encouragements de la FTO, la FEO se conforma rapidement. C'est ainsi qu'immédiatement après le rejet de la requête d'injonction du gouvernement, les dirigeants des syndicats des enseignants offrirent d'immenses concessions aux conservateurs. Lorsque le gouvernement refusa leur offre, ils déclarèrent qu'il ne restait plus rien à faire à leurs membres que de retourner au travail. Ce n'est donc pas le manque de soutien à la grève ou de militantisme de la part des enseignants qui à poussé les dirigeants syndicaux à baisser les bras. Bien au contraire. C'est la menace que la grève puisse déclencher un mouvement populaire encore plus important contre le gouvernement Harris, un mouvement qui aurait pu échapper à son contrôle et déstabiliser la situation politique du pays tout entier. Voilà ce qui effraya tant la bureaucratie syndicale au point de l'amener à torpiller la grève. Quelques semaines seulement après avoir trahi les enseignants, la FTO élisait comme nouveau président le candidat présenté par l'aile de la bureaucratie qui s'était opposée aux journées de mobilisation. Sans grande surprise, la campagne anti-conservateurs pris officiellement fin dès l'été suivant.

Par la suite, la direction de la FTO s'est scindée à nouveau sur la question de savoir quels opposant politiques bourgeois appuyer face aux conservateurs pendant la campagne électorale de 1999. Alors que la majorité demandait un vote pour le NPD, une faction dissidente dirigée par la prétendue « aile gauche » des TCA proposa un « vote stratégique » en faveur des libéraux dans tous les comtés où le candidat libéral semblait le mieux placé pour l'emporter sur le conservateur.

Reportés au pouvoir, les conservateurs ont prétendu que l'élection constituait un référendum d'appui à leur « révolution du bon sens ». Or, la vérité, c'est que la suppression de la grève des enseignants a muselé politiquement la classe ouvrière, la seule force sociale susceptible d'articuler un programme de changement véritable à opposer à celui des conservateurs. Avec les trois grands partis radotant les propos de la grande bourgeoisie à propos de la « responsabilité fiscale », des « budgets équilibrés » et des « taux d'imposition concurrentiels », les travailleurs ne pouvaient, dans le cadre limité des élections, articuler véritablement leur opposition à la « révolution du bon sens » des conservateurs.

Depuis la réélection des conservateurs l'an dernier, les syndicats et le NPD ont continué d'aller encore plus à droite. Par exemple, Wayne Samuelson, président du FTO, a juré que les protestations massives contre les conservateurs étaient et resteraient choses du passé. Récemment, les syndicats de la construction de l'Ontario ont collaboré avec le ministre du travail conservateur et les entrepreneurs en construction de la province pour modifier le régime de relations de travail du code de la construction. Selon Patrick Dillon du Conseil provincial des métiers de la construction, « le Code reconnaît l'interdépendance entre les travailleurs et le patronat qui permet d'assurer la bonne santé du secteur de la construction... C'est là la preuve que les travailleurs syndiqués sont prêt à travailler pour établir un cadre permettant à l'industrie de la construction syndiquée de rester concurrentielle et viable ».

Le code proposé par les conservateurs prévoit en fait de recourir au processus d'arbitrage pour réduire les salaires et les avantages sociaux des travailleurs par région. De plus, il limitera également sérieusement le droit de grève des travailleurs actifs dans l'industrie de la construction résidentielle dès la fin de leur contrat actuel, soit au printemps 2001.

Les travailleurs ont besoin d'une nouvelle stratégie politique

L'expérience des travailleurs ontariens est essentiellement la même que celle vécues par les autres travailleurs dans le monde. Partout, les organisations syndicales, et les partis social-démocrates ou « communistes » staliniens qui défendaient il n'y a pas si longtemps des programmes réformistes basés sur l'acceptation des fondements économiques du capitalisme, se sont transformés au cours des deux dernières décennies en défenseurs des réductions de salaires, des compressions des dépenses publiques et des éliminations d'emplois.

Les cliques bureaucratiques qui dirigent ces organisations tentent ainsi de prouver à la grande bourgeoisie qu'elles sont indispensables pour discipliner la classe ouvrière, ce qui leur permet en même temps de défendre leurs propres privilèges. Comme l'explique si bien Buzz Hargrove, le prédisent des TCA, dans son autobiographie publiée il y a peu, trois travailleurs sur quatre affirment ne pas faire confiance à leur employeur Les bons syndicats travaillent à détourner cette colère... Les syndicats détournent les formes coûteuses et nuisibles de résistance ouvrière (faible productivité, absentéisme). Si nos détracteurs comprenaient vraiment ce qui se passe derrière la scène syndicale, ils seraient reconnaissant aux dirigeants syndicaux qui sont si efficaces pour éviter les grèves ».

Les récentes actions de John Murphy, dirigeant du Power Worker's Union (PWU) ontarien fort de 15 000 membres, démontrent combien les directions syndicales et néo-démocrates sont composées d'une strate petite-bourgeoise dont les intérêts sont hostiles à ceux des travailleurs qu'ils prétendent défendre. Le mois dernier, Murphy s'est solidarisé politiquement avec les conservateurs en rejoignant Mike Harris et le favori de la direction de l'Alliance canadienne, Tom Long, lors du dîner de financement annuel du parti. Le 16 mai, Murphy a quitté le PWU pour accepter un poste conservateur comme vice-président des ressources humaines à la Ontario Power Generation, une société de la couronne.

Il serait erroné de voir la transformation des organisations syndicales traditionnelles en agences directes de la classe dirigeante comme le fruit des agissements d'individus corrompus. Cette transformation est en fait le résultat de profonds changements qui sont survenus dans la structure même du capitalisme. L'orientation de base de ces organisations, soit la protection de l'industrie nationale et du marché du travail national, a été affaiblie par la mondialisation de la production et la mobilité sans précédent des capitaux. C'est pourquoi les travailleurs ne pourront riposter efficacement au capital organisé mondialement que s'ils organisent consciemment leurs luttes selon une stratégie internationaliste et qu'ils rejettent la subordination de leurs intérêts aux impératifs du marché capitaliste.

Le Parti de l'égalité socialiste du Canada (tout comme son prédécesseur, le Parti ouvrier internationaliste), est intervenu dans le mouvement anti-conservateur de 1995-1997 en demandant aux travailleurs d'arracher la direction du mouvement d'opposition des mains de la bureaucratie syndicale afin de le transformer en un véritable mouvement politique indépendant de la classe ouvrière. Le PES avait alors expliqué que les gains sociaux passés ne pouvaient être défendus que dans la mesure où la classe ouvrière dépassait le cadre étroit de la négociation collective et des protestations adressées aux politiciens bourgeois. Le PES avait également affirmé que la classe ouvrière doit s'organiser en tant que force politique indépendante en mettant de l'avant son propre programme afin de réorganiser la vie économique dans l'intérêt des travailleurs par le biais de l'établissement d'un gouvernement ouvrier.

Le PES avait mit la classe ouvrière en garde contre les politiques de la « gauche » de la classe moyenne qui insiste sur le fait que les travailleurs doivent accepter l'autorité politique du NPD et de la FTO tout en consacrant leur énergie à exercer des pressions pour les pousser à gauche. À ce propos, le PES déclarait en 1996 : « sur la question de l'alternative politique aux conservateurs, ces organisations restent silencieuses ou encore se joignent aux syndicats dans leur demande pour un retour des néo-démocrates au gouvernement ».

Les événements en Ontario ont plus que confirmé les positions du PES. La bureaucratie a réussi à amoindrir la résistance de la classe ouvrière parce que les travailleurs n'ont pas encore assimilé les leçons des deux dernières décennies d'abrupts bouleversements, et qu'ils ne se sont pas encore ralliés à une perspective alternative basée sur le rejet des prétentions de la bureaucratie selon lesquelles les besoins des travailleurs peuvent être réconciliés avec ceux de la grande bourgeoisie.

La période récente a été le théâtre d'une grande érosion de la confiance des travailleurs à l'endroit des vielles organisations bureaucratiques. Le défi qui se présente maintenant aux socialistes, c'est de créer les fondations politiques pour l'émergence d'une nouvelle opposition massive de la classe ouvrière qui brisera tout lien organisationnel et politique avec les syndicats et le NPD en construisant un nouveau parti socialiste de masse.

Voir aussi :

Le gouvernement conservateur ontarien et la crise de perspective de la classe ouvrière au Canada.
Première partie : Les conservateurs intensifient la guerre de classe


 

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