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Canada : Le gouvernement libéral accueille le programme de réduction des impôts de la grande entreprise


Par Keith Jones
4 mars 2000


C'est avec réticence que les principaux porte-parole et stratèges de la grande entreprise au Canada ont appuyé le nouveau budget fédéral. Ils considèrent comme une victoire politique importante que Chrétien n'ait pas cédé devant les inquiétudes de la population quant à l'état du système de santé et des autres services publics et ait plutôt considéré que les diminutions d'impôts étaient la priorité nationale. Mais la grande entreprise ne voit rien d'autre qu'un acompte dans le plan quinquennal de 58 milliards de dollars pour diminuer les impôts personnels, corporatifs et sur les gains en capital.

« Les libéraux semblent avoir reçu le message qu'une nouvelle économie requiert plus qu'une diminution de cette taxe-ci ou de celle-là », a écrit Thomas d'Aquino du Conseil canadien des chefs d'entreprises. Le président du groupe de pression le plus puissant du monde des affaires au Canada a dit qu'il était satisfait que les libéraux « se soient engagés à une stratégie pour diminuer les impôts sur cinq ans et qu'ils entendent y consacrer au moins 58 milliards de dollars. » Mais D'Aquino s'empressait d'ajouter que des diminutions plus importantes et immédiates étaient nécessaires pour les compagnies canadiennes ne prennent pas de retard face à leurs rivaux étrangers. « Je dis que nous devrions avoir dès aujourd'hui un taux d'imposition pour les entreprises comparable à celui des États-Unis, parce que c'est maintenant que doit être livrée la compétition pour les gens et les commandes et les investissements et l'innovation, et pas dans trois ans ou dans cinq ans. »

Les remarques de D'Aquino ont été reprise par la Chambre canadienne de commerce. « Lentement mais sûrement n'est tout simplement pas assez selon les standards internationaux de ces jours-ci » a dit Nancy Hughes Anthony. « Plusieurs de nos plus importants compétiteurs sont très actifs et éliminent les impôts au moment même où je vous parle. »

Le Globe and Mail, le porte-parole traditionnel des firmes de courtage et des banques de Toronto, a écrit que le budget pour l'année fiscal de 2000-2001 représentait « un progrès, mais modeste, et trop de ses promesses ne prendront place que dans cinq ans. » Le National Post de Conrad Black, encore plus véhément que le Globe lorsqu'il s'agit de dénoncer le poids que fait peser les impôts sur les entreprises et les biens nantis, a intitulé son éditorial analysant le budget : « C'est un début ».

Les diminutions d'impôts : le nouveau cri de ralliement de la grande entreprise

Lors de leur premier mandat (1993-1997), le Parti libéral s'était mérité les félicitations de la grande entreprise parce qu'il avait coupé les dépenses de façon plus importante encore que leurs prédécesseurs du Parti conservateur et, si l'on prend en considération le nombre d'habitants, plus importante aussi que tout autre rival du Canada au sein du G-7. Les libéraux ont coupé dans les transferts aux provinces effectués par le fédéral pour les programmes de santé, l'éducation post-secondaire et l'aide sociale de plus du tiers et a resserré de façon draconienne les critères d'admissibilité de l'assurance-chômage.

Mais ces dernières années, alors que le gouvernement fédéral a commencé à engranger d'importants surplus budgétaires et que l'élite canadienne se convainquait qu'elle n'avait pas récolté au cours de la période de développement économique actuelle autant que ses voisins du Sud, la grande entreprise et la droite politique criaient de plus en plus fort pour exiger des réductions d'impôts.

Cette campagne, que les libéraux ont accueillie, indique qu'une la plus grande partie des cris d'alarme sur le déficit fédéral visaient à justifier les sévères contractions des dépenses sociales et un changement radical et rétrograde de la politique sociale. Ayant réussi à imposer ces diminutions importantes du soutien gouvernemental aux services publics et aux pauvres au nom de la lutte au déficit, la grande entreprise veut s'assurer que la part du capital national que s'approprie le capital et l'élite professionnelle et entrepreneuriale continue à se gonfler aux dépends de la population travailleuse. Ce qu'elle demande en fait, c'est que la plus grande partie de tout surplus budgétaire serve à diminuer les impôts, et ne soit pas réinvestie dans les services publics ou les programmes sociaux.

Les libéraux essaient de vendre leurs coupures de taxes comme une augmentation de revenus pour les Canadiens à bas ou moyens revenus. En même temps, ils utilisent la demande du taux unique de taxation du Parti réformiste, le parti de l'opposition officielle comme faire-valoir. Mais en terme de dollars, ce sont les biens nantis, et surtout les très biens nantis, qui empocheront le plus, en fait la plus grande partie, avec les réductions d'impôts sur le revenu des libéraux. Il a été estimé que des 14 milliards de réductions d'impôts par année à partir de 2004, 19% iront à ceux dont les revenus dépassent les 100 000 dollars par années.

Et la réduction sur les taxes pour les gains en capital est même encore plus biaisée en faveur des plus privilégiés. En 1996, plus de 66% des gains en capital déclarés à l'impôt l'ont été par le 1% le plus riche.

Le budget libéral a réduit le taux de taxation de l'impôt sur le revenu, du gain en capital et des impôts corporatifs et a annoncé l'élimination progressive de la surtaxe pour les Canadiens à grands revenus, mais ne fait aucune mention de la taxe sur les produits et services, la TPS, une taxe rétrograde. L'abolition de cette taxe était pourtant une des principales promesses des libéraux lorsqu'ils ont repris le pouvoir en 1993, après neuf années sur les bancs de l'opposition. Mais aussitôt au gouvernement, les libéraux mettaient leur promesse de l'abolition de la TPS sur les tablettes.

L'assurance maladie dans le hachoir

Comme partie de leur campagne pour pousser les libéraux encore plus à droite, les médias de la grande entreprise, la majorité d'entre eux en tous les cas, ont donné le qualificatif de gaspilleur aux plans qu'avaient les libéraux de dépenser 13,3 milliards supplémentaires pendant les quatre prochaines années. En fait, le gouvernement fédéral continue à dépenser aujourd'hui des milliards de moins en transferts aux provinces qu'en 1993, même sans tenir compte de l'inflation et l'augmentation de la population. Dans ses trois derniers budgets, le ministre des finances, Paul Martin, n'a pas augmenté les dépenses fédérales en dollars constants par personne. De plus, Martin a promis que dans le cas où une récession devait faire mentir les prévisions budgétaires du gouvernement, il serait prêt à couper encore. " Les jours du déficit sont révolus," a déclaré Martin dans son discours de présentation du budget. " Et ils ne reviendront pas".

Plus de 20% du total des nouvelles dépenses annoncées par les libéraux dans le dernier budget, 3,17 milliards, sont déjà promis aux Forces armées canadiennes et pour renforcer la sécurité à la frontière.

Le budget libéral ne consacre pas un sou au logement social, même si l'itinérance est maintenant un problème majeur à Toronto et dans les autres centres urbains du Canada. Lorsqu'il leur fut demandé pourquoi ils ignoraient les sans-abri, les libéraux ont répondu que les provinces et les municipalités pourront financer des projets de logement social à même le fond de 4 milliards de dollars pour les infrastructures. Les politiciens provinciaux se sont moqués de cette idée, en disant que les autoroutes, les systèmes d'aqueducs et les ponts du pays étaient si détériorés que tout l'argent était déjà dépensé.

Les coupures dans le programme de l'assurance-chômage ont joué un rôle crucial dans l'élimination du déficit fédéral, alors qu'Ottawa s'emparaient des surplus annuels de l'assurance emploi qui ont été engendrés après que le gouvernement ait réduit les primes et resserrer les critères d'éligibilité. Alors qu'au début des années 90, plus de 70% des chômeurs pouvaient bénéficier d'un soutien financier de l'assurance-chômage, aujourd'hui, moins de 40% en reçoivent.

Mais malgré des surplus records au fédéral, personne dans les cercles des affaires et de la politique ne considère même retourner aux règles qui régissaient le régime avant 1992. Confrontés à l'évidence que les femmes étaient parmi les grandes perdantes des changements des règles d'éligibilité, les libéraux ont modifié le programme de congé parental, mais tous les autres reculs restent en place.

Le nouveau budget fédéral n'offre que 2,5 milliards de dollars sur quatre ans, soit 625 millions par année, en argent additionnel aux provinces pour les aider à payer pour l'éducation post-secondaire, les soins, et l'aide sociale. Cette augmentation signifie que les provinces recevront en transfert en moyenne 15,5 milliards par année pour chacune des quatre prochaines années. En 1993-94, elles avaient reçu 18 milliards.

Au cours des cinq années depuis 1995, le gouvernement fédéral a réduit ses transferts aux provinces pour la santé et les services sociaux de 35 milliards. Ces coupures ont mené à d'importantes augmentations des frais de scolarité collégiaux et universitaires, et à une détérioration marquée de la qualité de l'éducation post-secondaire.

Mais c'est dans le secteur de la santé que les effets des coupures se sont le plus fait sentir. Il y a eu une vague de fermetures d'hôpitaux. Les longues listes d'attentes, même pour le traitement de conditions potentiellement fatales, et les fermetures des urgences des hôpitaux pour cause d'engorgement sont maintenant communes partout au pays.

Néanmoins, l'appui populaire pour le maintien d'un système de santé universel et gratuit reste très fort. Maints sondages ont indiqué que la majorité de la population appuie plutôt un réinvestissement dans le système de santé que des diminutions d'impôts. L'an dernier, les grèves des infirmières dans plusieurs provinces, y compris le Québec et la Saskatchewan, avaient joui d'un grand appui de la population même si elles étaient illégales.

Il y a quelques semaines, le ministre de la santé au fédéral, Alan Rock, a admis que l'avenir même de l'assurance maladie était en jeu. Avant les coupures d'impôts et les autres changements annoncés cette semaine dans le budget, le ministre des finances avait prédit que le gouvernement fédéral s'attendait à des surplus totaux d'environ 100 milliards au cours des cinq prochaines années. Et pourtant les libéraux ne veulent pas accorder plus de 2,5 milliards en argent frais pour le système de santé, l'éducation post-secondaire et l'aide sociale combinée.

Devant le mur de critique qui s'est élevé parce qu'ils n'ont pas réinjecté de sommes significatives dans le réseau de la santé saigné à blanc par des années de coupures, Rock et Martin disent maintenant qu'Ottawa pourrait délier sa bourse. Mais ils veulent lier toute augmentation du financement à un changement structurel important de l'assurance maladie. Selon de nouveaux rapports, Rock défend un plan de soins à domicile, dont le but serait de fournir des soins à meilleur marché en raccourcissant la durée des hospitalisations et en faisant porter une plus grande part du poids des soins par les familles des patients.

Les provinces s'opposent aux plans des libéraux pour restructurer l'assurance maladie parce qu'elle est de juridiction provinciale selon la constitution canadienne et que plusieurs d'entre elles veulent aller beaucoup plus loin que le gouvernement Chrétien dans l'octroi des soins de première nécessité par l'entreprise privée.

Le premier ministre conservateur de l'Ontario, Mike Harris, a vite sauté sur l'occasion que lui donnait la faible augmentation des transferts aux provinces pour monter bien haut la bannière de la privatisation. Il a dit que la carence de financement de la santé par le gouvernement fédéral force son gouvernement à considérer des frais pour les usagers et un plus grand rôle pour l'entreprise privée dans la santé. "Nous attendons avec intérêt", a dit Harris, "d'entendre si nous sommes supposés obtenir plus d'argent du secteur privé, si les Canadiens eux-mêmes sont supposés payer plus ou bien ce que nous sommes supposés couper."

Le premier ministre néodémocrate de Saskatchewan, Roy Romanow, dont le parti se targuait d'être le père de l'assurance maladie, exige qu'une Commission royale sur la santé soit formée pour déterminer quels services "de base" l'assurance maladie devrait continuer à couvrir.

Si Ottawa et les provinces se disputent sur la meilleure façon d'instaurer d'autres coupures du système de santé public et universel au Canada, tous s'accordent sur le fait que cela soit nécessaire. Jeffery Simons a écrit dans le Globe & Mail "qu'aucun politicien sérieux au pays ... ne croit que le réseau de santé tel que structuré et financé aujourd'hui ne puisse survivre."


 

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