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Les mesures de guerre en Israël et l'héritage du sionisme

Par Chris Marsden et David North
16 octobre 2000

Tandis que le président américain Bill Clinton se rend à Sharm-el-Sheik en Égypte pour participer au sommet d'urgence qui tentera de mettre fin à deux semaines et demie de combats, les politiques du régime israélien ressemblent de plus en plus à celles d'une junte militaire qui a perdu tout sens de réalité politique. Malgré tous les efforts des apologistes du régime israélien de jeter la responsabilité de la crise sur Yasser Arafat, le dirigeant de le l'OLP (Organisation de libération de la Palestine), il est évident des circonstances qui ont mené à ses deux dernières semaines de combat que la violence a été provoquée par des éléments de droite de l'élite israélienne, auxquels le premier ministre Ehud Barak a capitulé.

Le comportement des forces armées israéliennes, qui ont blessé 3 000 Palestiniens, ont fait presque 100 morts et ont même attaqué des villages palestiniens à la roquette à partir d'hélicoptères de combat, est symptomatique d'une direction politique qui a perdu le nord. Les alliés de l'Israël en Europe et aux États-Unis eux-mêmes sont abasourdis. C'est cette incompréhension au sein des milieux les plus haut placés de l'impérialisme mondial qu'un récent éditorial du Financial Times exprima en décrivant l'attaque par hélicoptère contre le quartier général d'Arafat comme « démente ».

En politique, même ce qui peut parfois sembler être la folie est en dernière analyse dicté par une logique objective. Pour comprendre pourquoi les évènements au Moyen Orient ont pris le cours actuel, il faut, comme toujours, commencer par étudier leurs origines historiques.

Les gouvernements occidentaux et les médias décrivent généralement la lutte actuelle comme un conflit israélo-palestinien, ou un conflit entre l'Israël et un bloc arabe monolithique. Mais les journalistes qui lancent feu et flammes contre les Palestiniens pour avoir osé se révolter contre une répression militaire feraient mieux leur travail s'ils examinaient sérieusement la société israélienne et les conditions historiques qui l'ont formée.

La nature de l'État israélien

Ce qui ce passe en Israël est le produit de contradictions profondes, autant politiques qu'idéologiques, au sein de l'État sioniste. Plus d'un demi-siècle s'est écoulé depuis sa création, qui avait ses racines dans les événements catastrophiques qu'ont subis les juifs européens au cours des années 1930 et 1940, le paroxysme étant l'extermination de six millions de juifs européens dans l'holocauste nazi.

Ces événements étaient la conséquence horrifiante de la défaite des ouvriers européens par le fascisme. La dégénérescence stalinienne de l'URSS et de l'Internationale Communiste, et le sabotage par la bureaucratie soviétique de la lutte pour le socialisme mondial, sont la cause politique de la victoire du fascisme. En plus, les méthodes répressives du Kremlin et l'antisémitisme qui teintait ses politiques ont joué un rôle profond dans l'aliénation des intellectuels et ouvriers juifs envers l'alternative socialiste.

Dans les années 1920, les Juifs et les Arabes en Palestine, inspirés par la Révolution russe, s'étaient unis pour créer le Parti communiste palestinien (PCP) et soutenir une lutte unifiée pour le socialisme contre la bourgeoisie juive naissante et les féodaux arabes. Tout au long de la Deuxième Guerre, les ouvriers juifs et arabes ont lutté ensemble contre leurs oppresseurs étrangers, ce qui a mené à la création de plusieurs syndicats communs. Le PCP aurait pu combattre efficacement contre les sionistes, mais les politiques de division de la bureaucratie stalinienne et ses manoeuvres avec les puissances impérialistes ont empêché qu'il se développe sainement. Le PCP s'est finalement scindé en deux selon l'appartenance ethnique avant la fin de la Deuxième Guerre.

Le sionisme a canalisé le découragement et le désespoir créé par la destruction presque totale des juifs européens en une campagne pour former un État juif indépendant, campagne menée à bien en 1948 lorsqu'était partitionné le protectorat britannique de la Palestine.

Des millions de personnes à travers le monde, dégoûtées par les crimes du nazisme contre les juifs, ont été sympathiques à la création de l'Israël. On a décrit l'Israël comme une nouvelle entité progressiste qui avait pour but d'offrir un refuge démocratique et même égalitaire pour le peuple le plus horriblement opprimé de l'Europe et au monde.

Mais l'État sioniste n'a jamais pu répondre à de telles attentes. L'Israël a été établi au moyen d'une lutte armée pour saisir des terres des habitants arabes, commençant par une campagne systématique de terreur qui a chassé plus de 750 000 Arabes palestiniens de leurs foyers. Le principe fondateur de l'État israélien était la primauté des intérêts ethniques et religieux des Juifs sur ceux des Arabes musulmans. Toute critique de cette position intrinsèquement anti-démocratique et répressive était dénoncée par les dirigeants sionistes et leurs apologistes comme une expression d'antisémitisme.

Pour justifier la création de l'Israël, les dirigeants sionistes ont pendant 40 ans nié l'existence même d'un peuple palestinien. Leur slogan central était : « Une terre sans peuple pour un peuple sans terre ». Dans les déclarations officielles, le territoire qui est devenu l'Israël était décrit comme très peu peuplé avant l'arrivée des colons juifs.

Ainsi, dès ses débuts, l'Israël a été en guerre avec ses voisins arabes et par sa structure, a été même incapable de développer une société vraiment démocratique. Il n'y avait aucune séparation entre l'État et la religion juive, et ainsi aucun concept de citoyenneté qui donnait des droits égaux à tous. Israël est rapidement devenu un État militarisé, et un véhicule par lequel les États-Unis pouvaient promouvoir leurs intérêts au Moyen Orient au prix de subventions financières massives, qui servaient principalement à nourrir le système militaire israélien.

La guerre de 1967 entre Arabes et Israéliens

Inévitablement, les contradictions qui existaient entre la propagande officielle et la réalité sociale et politique devaient faire surface. La guerre de 1967 a été un point tournant de l'évolution de l'Israël, et ses ramifications se font toujours sentir aujourd'hui. Israël, qui prétendait être un État faible, forcé à défendre ses frontières contre des voisins puissants, a été démasqué lorsqu'il occupa des terres appartenant à la Jordanie, la Syrie, et à l'Égypte : la Cisjordanie, le Plateau du Golan, et la bande de Gaza. Des colonies juives furent établies dans les territoires occupés de la Cisjordanie et de la bande de Gaza.

Le prétexte officiel pour les colonies était qu'elles constituaient une défense temporaire, mais l'opposition de droite du Likoud a réclamé que les territoires occupés soient incorporés dans l'Israël, position qu'elle a défendue jusqu'à ce jour. L'État sioniste s'est donc ouvertement remodelé en puissance agressivement expansionniste.

Le développement d'une population d'extrême droite au sein des colons sionistes des territoires occupés a eu un impact durable sur la société et la politique israélienne. Avec les groupes ultra-orthodoxes encouragés par la propagation de justifications pseudo-bibliques pour l'expansion de l'Israël, ils sont devenus la base sociale et politique qui a permis le développement de tendances semi-fascistes dans l'élite militaire et politique.

Les colons constituent une faction militante et active dont les intérêts sociaux sont intimement liés à la gouvernance israélienne des territoires capturés et la perpétuation de la machine de guerre du pays. Ces couches ont été renforcées par des vagues d'immigrants, tout d'abord des États-Unis et ensuite de la Russie, qui ont été attirés en Israël par une perspective chauvine et explicitement anti-socialiste qu'elle a projetée de plus en plus ouvertement depuis 1967.

Au courant des deux décennies précédentes, les tensions sociales et politiques à l'intérieur de l'Israël ont grandi à cause d'un écart grandissant entre les riches et les pauvres, aggravé par un chômage en hausse et des salaires en baisse. La majorité de la population devenant de plus en plus aliéné face de la politique, l'État dépend de plus en plus des colons de droite et des fanatiques religieux nationalistes. Aucun parti ne peut aujourd'hui former un gouvernement sans leur soutien. Depuis une décennie ils ont saboté toute tentative d'arriver à une entente négociée avec les Palestiniens, malgré le fait que la bourgeoisie israélienne et Washington pensent à présent qu'un tel accord est essentiel à la survie de l'Israël.

Les masses palestiniennes n'ont jamais accepté leur statut de réfugiés permanents. La création de l'OLP après la guerre de 1967 visait à donner expression à leurs aspirations pour une solution juste et pour une patrie. Les sionistes ont répondu en dénonçant l'OLP pour être des terroristes et des agents de puissances étrangères et ont été intransigeants en leur refus de reconnaître l'existence d'un peuple palestinien.

Les déclarations de l'Israël, si souvent répétées, que ses actions militaires étaient dictées par la nécessité de défendre ses frontières contre des puissances arabes hostiles ont été définitivement réfutées par sa victoire décisive contre l'Égypte, la Syrie, et les autres puissances arabes en octobre 1973. À la fin de cette guerre, l'Israël était la seule vraie puissance militaire régionale. Depuis cette époque, toutes les guerres menées par l'Israël ont eu pour cibles les Palestiniens.

La base de la stratégie sioniste a été détruite par l'intifada qui a fait irruption en 1987, un mouvement révolutionnaire embryonnaire que l'Israël n'a pas pu supprimer sans l'aide de l'OLP, en promettant des compromis et une forme de patrie palestinienne.

La menace révolutionnaire posée par l'intifada coïncidait avec des changements économiques mondiaux qui rendaient impossible toute tentative de préserver par la seule force des armes un État israélien isolé politiquement et économiquement. L'élite dirigeante en Israël devait depuis longtemps composer avec les énormes coûts économiques et sociaux associés à l'occupation, autant à cause des dépenses militaires que cela implique que du statut de paria de l'Israël à travers le monde arabe et le monde. L'impasse sur la question des territoires occupés avait empêché la croissance de liens économiques entre l'Israël et les pays arabes, liens considérés comme essentiels pour le développement économique de l'Israël en cette époque où les compagnies doivent organiser la production des biens sur une base qui dépasse le simple territoire national et vendre leurs produits sur un marché mondial.

Après l'effondrement de l'URSS, les États-Unis ont commencé à établir de nouvelles relations avec les régimes arabes anciennement pro-soviétiques pour assurer leur propre hégémonie et préserver la stabilité à l'intérieur de cette région pétrolière. Les premiers fruits de cette politique ont été réalisés par le soutien tacite de la plupart des régimes arabes pour la guerre des États-Unis contre l'Irak en 1991.

Les États-Unis n'ont laissé aucun choix à l'Israël : à moins qu'il se réaligne avec les réalités d'après la guerre froide au Moyen Orient et arrive à s'accommoder avec ses voisins, Washington ne continuerait pas à financer indéfiniment pour son déficit budgétaire. Les dirigeants israéliens se trouvaient donc confrontés à la nécessité de participer à des pourparlers menés par les États-Unis pour tenter un rapprochement avec leurs voisins arabes, et offrir une forme limitée de reconnaissance aux Palestiniens.

Sept ans d'échec

Cependant, depuis Oslo en 1993 jusqu'à Camp David cette année-ci, aucun gouvernement israélien n'a pu ou n'a voulu arriver à une vraie solution démocratique de la question palestinienne. Si d'infimes compromis ont été offerts aux Palestiniens, ils ont eu l'effet d'ouvrir des gouffres immenses à l'intérieur de l'État et de la société israélienne.

Sept ans de négociations ont été chaque fois frustrés par l'opposition de la droite en Israël. Aucun effort diplomatique n'a pu réconcilier les masses palestiniennes aux exigences et aux conditions préalables du régime sioniste, ou les forcer à accepter une existence dénuée de tout droit démocratique. L'importance de l'opposition à tout compromis appréciable explique pourquoi la position d'Israël dans ses négociations avec Arafat a surtout consisté à exiger qu'Arafat prenne la responsabilité directe pour la répression du peuple palestinien. Finalement, leurs demandes n'ont servi qu'à rabaisser le prestige d'Arafat parmi de grandes sections des Palestiniens.

Les sections de droite qui dominent l'élite sioniste ont décisivement démontré qu'ils considéreraient tout compromis avec les Palestiniens comme une trahison. Leur première attaque contre les accords d'Oslo était l'assassinat du signataire, le premier ministre travailliste Yitzhak Rabin, en novembre 1995 par un fanatique religieux. Lors des élections qui suivirent, le Likoud sous Benyamin Netanyahou est arrivé au pouvoir en stimulant le sentiment anti-arabe et les craintes parmi les Juifs israélites. Netanyahou a passé les trois années suivantes à essayer de saboter tout accord définitif avec l'OLP.

La victoire électorale écrasante d'Ehud Barak en mai de l'année dernière était l'expression d'un appui grandissant pour la paix parmi les Israéliens ordinaires. Mais le gouvernement de Barak, qui dépendait des partis religieux et qui voulait désespérément éviter des accusations de capitulation, n'a jamais eu les mains libres.

Aucune solution démocratique avec les Palestiniens n'est possible sans déclarer que Jérusalem est une ville ouverte, permettre aux Palestiniens de revenir dans leurs demeures ancestrales et d'établir une souveraineté partagée des Arabes et des Israéliens sur l'ensemble des terres saintes. Une telle solution est publiquement condamnée en Israël. Les mesures proposées par Barak évitaient toutes ces questions critiques. Handicapé dès le début par sa crainte de soulever l'opposition de l'extrême droite, il ne pouvait même pas faire participer des partis d'Israéliens arabes, qui jouissent du soutien de 20 pour cent de la population, à son gouvernement, parce que cela aurait pu lui coûter le soutien de ses partenaires orthodoxes. Sous l'impulsion du Likoud, et avec l'appui des États-Unis, il a exigé qu'Arafat accepte des compromis qui signifiaient l'arrêt de mort pour l'OLP.

Menant aux négociations de Camp David, les hésitations de l'Israël relativement à tout compromis significatif avec les Palestiniens ont été utilisées par les éléments extrémistes d'une droite nourrie par toute l'histoire du pays, surtout depuis 1967, pour monter une opération de sabotage. Sous la pression de ces couches sociales, le gouvernement de Barak s'est effondré à cause des défections des membres de son propre parti et de partenaires de la droite dans la coalition gouvernementale. Entretemps, les Israéliens qui espéraient que Barak amènerait la paix devenaient de plus en plus désillusionnés.

Tandis que l'élite politique aux États-Unis était préoccupée par l'élection présidentielle, le Likoud a décidé qu'il était temps de saboter toute chance que pourraient avoir les négociations. Le dirigeant du Likoud, Ariel Sharon, s'est rendu au Mont du Temple avec une escorte armée dans l'intention de provoquer, et le massacre des Palestiniens par les forces israéliennes a commencé.

Barak a refusé de dénoncer la provocation de Sharon et a maintenu que la violence grandissante était la faute d'Arafat. Et le gouvernement Barak et le Likoud semblent avoir calculé que les manifestations que provoquerait la visite de Sharon leur serviraient d'arme contre Arafat. Ils ont tous sous-estimé la force de la colère et de l'opposition que ces gestes ont engendrées, mais la réponse de Barak a été d'ouvertement appuyer le Likoud.

Une nouvelle perspective

Qu'en l'espace de quelques jours, Barak soit passé de pacifiste à guerrier, démontre qu'aucune section de l'élite politique israélienne ne peut renoncer aux méthodes de répression policière et de violence militaire qui ont caractérisé l'État sioniste depuis sa création. La diplomatie dirigée par les puissances occidentales ne peut non plus mettre fin aux atrocités sionistes. Il est impossible de réconcilier l'existence d'États basés sur l'exclusivisme ethnique, racial, ou religieux avec l'existence de la vraie démocratie. Les efforts de l'impérialisme de maintenir un tel État en Israël, en le suppliant de donner des droits démocratiques limités aux Palestiniens, n'ont fait que démontrer leur propre futilité.

Le caractère fondamentalement réactionnaire de la perspective nationaliste du sionisme a plutôt trouvé son expression la plus achevée. Après presque une décennie de soi-disant « processus de paix », le danger d'une guerre ouverte entre l'Israël et les Palestiniens est au plus haut de l'histoire récente, et l'Israël risque toujours de provoquer une conflagration qui embraserait tout le Moyen Orient. La société israélienne elle-même est menacée de désintégration et la possibilité d'une guerre civile. Il y a des signes grandissants que les Arabes israéliens, qui constituent 20 pour cent de la population, pourraient pour la première fois se retrouver du côté des Palestiniens.

En Israël, la responsabilité de s'opposer à un cours menant à d'autres massacres repose sur le mouvement ouvrier, les activistes démocratiques et les intellectuels socialistes. Tous ceux qui ont appuyé le processus de paix avec leurs voisins arabes doivent reconnaître que leur cause est incompatible avec un soutien de l'État sioniste ou de l'idéologie nationaliste qui lui a donné naissance. Quelles qu'aient été les illusions de ces couches, l'État israélien a montré qu'il ne diffère en aucun aspect fondamental de l'ancien régime d'apartheid en Afrique du Sud.

Le choix est clair : ou bien carrément donner l'initiative politique à Sharon et ses semblables et se préparer à la catastrophe militaire et à la guerre civile sanglante, ou bien essayer d'unifier les Juifs et les Arabes sur une base démocratique, séculière, et socialiste, pour les États Unis Socialistes du Moyen Orient où tous les peuples de la région peuvent vivre ensemble en harmonie.

Voir aussi :
50 ans depuis la fondation d'Israël 29 mai 1998

 

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