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Le « mini-budget » canadien permet aux riches de s'approprier une plus grande part de la richesse sociale

par Keith Jones
27 octobre 2000

La grande entreprise, les grands médias et la droite ont louangé le « mini-budget » des libéraux du 18 octobre. Même le premier ministre de l'Ontario, Mike Harris, qui a plus souvent qu'à son tour condamné les libéraux pour ne pas financer d'importantes réductions d'impôts en comprimant les services publics, a été transporté d'enthousiasme : « il parle ma langue ».

Le contraire aurait été surprenant. Ne profitant qu'aux grands revenus, les diminutions d'impôts fédérales offrent une autre possibilité aux détenteurs de capital et à l'élite de gestionnaires et de professionnels de s'approprier d'une part importante de la richesse sociale. De plus, puisque les libéraux ont déjà consacré 100 milliards de dollars à leur projet de réduction d'impôts sur 5 ans et 22 milliards au remboursement de la dette au cours cette l'année et de la suivante, il reste bien peu de l'argent des surplus budgétaires appréhendés du fédéral. Et certainement pas pour que le gouvernement fédéral puisse réparer le tort qu'a causé aux programmes sociaux publics une décennie de compressions draconienne. Et lorsque viendra le prochain ralentissement économique, il sera en pratique impossible de s'opposer aux pressions fiscales et politiques pour une nouvelle ronde de compressions des dépenses publiques.

L'analyse des diminutions d'impôts sur le revenu des particuliers déjà mises en place lors du budget libéral de février dernier montre que 19 pour cent des avantages financiers revenaient aux 2 pour cent des contribuables qui ont un revenu annuel de plus de 100 000 dollars. En comparaison, les contribuables ayant un revenu compris entre 25 000 et 50 000, qui font 39 pour cent de l'ensemble des contribuables, se partageront 27 pour cent du total de toutes les réductions d'impôt.

Les diminutions d'impôt annoncées dans le mini-budget du 18 octobre sont encore plus unilatéralement en faveur des plus privilégiés. Le premier janvier 2001, le taux de taxation pour la première tranche d'imposition, soit pour la partie des revenus allant jusqu'à 30 700 dollars, descendra d'un point pour atteindre 16 pour cent ; celui de la deuxième tranche, qui s'applique sur les revenus compris entre 30 700 et 61 500 dollars, descendra de deux points et sera dorénavant de 24 pour cent ; celui de la troisième tranche, qui porte sur les revenus compris entre 61 500 et 99 999 dollars, perdra trois points, et ne sera plus que de 26 pour cent.

Les plus à l'aise financièrement continueront à payer 29 pour cent sur la partie de leurs revenus qui dépasse 100 000 dollars. Mais les libéraux ont aboli la surtaxe de 5 pour cent sur les revenus de plus de 85 000 dollars. Et ce sont aux riches et aux ultrariches que revient la part du lion de l'augmentation des exemptions de l'impôt sur les gains en capital. En février, les libéraux ont fait passer la proportion des gains en capital exemptés de tout impôt de 25 pour cent qu'elle était auparavant à 33 pour cent. La semaine passée, et prenant effet dès que le budget fut déposé, les exemptions de l'impôt sur les gains en capital atteignent maintenant 50 pour cent, ce qui est quand même 10 pour cent de plus que ce que demandait la Chambre de commerce du Canada elle-même.

Pour donner une petite idée de ceux à qui profitera l'augmentation des exemptions, considérons les données suivantes : en 1996, 55 pour cent du total des exemptions pour gain en capital sont allés au 1 pour cent des contribuables ayant un revenu imposable d'au moins 150 000 dollars. Et les 0,4 pour cent des contribuables ayant des revenus plus grands que 250 000 dollars ont eux récolter un grand 41 pour cent du total des exemptions. L'augmentation des exemptions sur les gains en capital signifie que ceux qui font plus de 100 000 dollars ne seront plus en fait qu'imposer à 14,5 pour cent sur les revenus provenant de la vente de leurs actions, propriétés immobilières et autres investissements. Avant le budget de février, le taux effectif dépassait un peu les 25 pour cent.

Le budget qu'ont déposé les libéraux en février dernier avait été conçu avec l'arrière-pensée de permettre au gouvernement de pouvoir prétendre que les « dividendes » d'années d'austérité fiscale étaient redistribués équitablement. L'augmentation de l'exemption d'impôts sur les gains en capital et l'élimination de la surtaxe sur les revenus compris entre 55 000 et 85 000 dollars étaient supposément « contrebalancées » par les augmentations du crédit sur la TPS (taxe sur les produits et les services) auquel ont droit les contribuables à faibles revenus et par une augmentation du crédit d'impôt pour enfant, tant au point de vue de la valeur que du nombre. (Ces deux crédits d'impôts sont le résultat de changement réactionnaire des politiques gouvernementales au cours de la dernière décennie. La TPS est une taxe de vente régressive. Le crédit d'impôt pour enfant, qui a remplacé les allocations familiales pour toutes les familles, est discriminatoire pour les bénéficiaires de l'aide sociale.) Le mini-budget en comparaison n'offre qu'un minuscule 8.33 dollars par mois, par enfant en augmentation de crédit d'impôt pour enfant, et ce pour une année seulement et pour un maximum de 250 dollars pour contrer les effets de l'augmentation des coûts de chauffage à cause de l'augmentation des prix du pétrole.

En déposant son mini-budget, le ministre des Finances, Paul Martin, a dénoncé en termes durs la proposition de l'Alliance canadienne d'en finir avec le système de taxation progressif et de le remplacer par un taux de taxation unique de 17 pour cent. Mais les diminutions d'impôts des libéraux viennent considérablement uniformiser le taux de taxation, diminuant ainsi le rôle qu'avait le régime fiscal dans l'atténuation des inégalités de revenus que génèrent les « lois du marché ». Et ce, alors que l'inégalité sociale grandit par sauts et par bonds. (À preuve, une récente étude du Centre canadien pour des politiques alternatives a montré qu'entre 1993 et 1998, les revenus après impôt du cinquième de la population le plus riche avaient augmenté de 13,1 pour cent en moyenne, soit plus de 11 000 dollars, alors que celui du cinquième le plus pauvre n'avait augmenté que de 1,4 pour cent, soit 250 dollars).

Les libéraux ont aussi diminué le taux de taxation pour l'impôt des sociétés de 1 pour cent, diminution qui prendra effet le premier janvier, et d'un 2 pour cent supplémentaire à chacune des trois années subséquentes. En février, les libéraux avaient promis de diminuer le taux de taxation des entreprises de 28 à 21 pour cent au cours des cinq prochaines années, mais la grande entreprise s'était émue de ne pas avoir d'échéancier hormis la promesse d'un 1 pour cent en janvier prochain. Lorsque ces diminutions auront toutes été mises en oeuvre, les entreprises payeront environ 35 pour cent d'impôts si l'on combine les impôts au niveau fédéral et provincial, soit moins que dans la plupart des États américains. Mais les dirigeants du monde des affaires font déjà pression pour des réductions encore plus importantes, faisant valoir que Washington et plusieurs États américains se préparent à une nouvelle ronde de diminutions d'impôts des sociétés.

Changement majeur dans les relations de classe.

Pris ensemble, les budget de février dernier et le mini budget de ce mois, constituent un virage aussi significatif dans la politique du gouvernement fédéral que le budget libéral de 1995 et aura des effets non moins importants sur les relations de classe.

En 1995, moins d'un an après avoir été élu sur la base d'un programme de création d'emploi, les libéraux ont lancé un programme de réduction des dépenses publiques sans précédent dans l'histoire canadienne. Les paiements de transfert que le fédéral verse aux provinces pour financer les services de santé, l'éducation postsecondaire et les programmes sociaux, comme l'aide sociale, ont été réduits du tiers. Plus de la moitié des sans emplois au Canada n'ont plus droit à l'assurance chômage à cause des contre-réformes introduites par les libéraux. Les dépenses de programme du gouvernement fédéral (ce qui signifie toutes les dépenses gouvernementales à l'execption des transferts aux provinces et du paiement de la dette) ont été réduites de 13,9 pour cent ou 13,4 milliards de dollars entre 1993 et 1997.

Durant la dernière année du gouvernement conservateur de Mulroney, les dépenses totales du gouvernement fédéral ( à l'exception du paiement de la dette ) se chiffraient à 120 milliards de dollars. Pour l'année fiscale 1997, ce montant s'élevait à 108,8 milliards. Pendant ce temps, le rapport des dépenses fédérales au produit national brut a diminué à son plus bas niveau depuis le début des années 1950, avant l'établissement des principaux programmes créés sous l'État providence.

Les libéraux ainsi que les élites politique et du monde des affaires prétendaient que les coupures devaient avoir cette ampleur pour éliminer le déficit fédéral annuel. Mais maintenant que le déficit est chose du passé, que le budget est équilibré et que, de plus, le Trésor amasse des surplus faramineux, la grande entreprise et ses représentants politiques s'opposent à tout réinvestissement important des ressources dans les services publics et sociaux.

La présente croisade pour les réductions des impôts, comme la précédente pour la guerre au déficit, a pour but de radicalement remodeler les politiques sociales afin de permettre au capital et son élite dirigeante de s'approprier une plus grande part des richesses sociales. Les coupures des dépenses des programmes sociaux et publics n'ont pas seulement pour effet de permettre des réductions de taxes qui enrichissent les riches et ultra-riches. Elles augmentent aussi plus que jamais, la dépendance des travailleurs envers le marché capitaliste pour leur survie et sert ainsi à diminuer les salaires et les conditions de travail.

De nombreuses études, incluant celles de l'agence gouvernementale Statistiques Canada, démontrent invariablement que le niveau de polarisation sociale serait égal à celui aux États-Unis si ce n'était de la redistribution des revenus par l'intermédiaire du système de taxation et des bénéfices sociaux. Les coupures de taxes des libéraux vont sérieusement affecter l'aspect «progressif» ou égalisateur du système de taxation et en même temps faire en sorte que le gouvernement fédéral n'ait pas les moyens de soutenir financièrement les programmes sociaux qui existaient par le passé.

Voir aussi:
La campagne électorale canadienne : le Parti libéral offre des diminutions de taxes aux riches et de la démagogie populiste aux travailleurs 27 octobre 2000


 

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