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Washington augmente ses pressions sur le gouvernement haïtien

par Jacques Richard
4 octobre 2000

Washington est de plus en plus impatient du peu d'empressement du gouvernement à répondre aux critiques des États-Unis et de d'ailleurs dans le monde au sujet de fraude électorale présumée au cours des dernières élections au Parlement.

Le mois dernier, l'ambassadeur américain à l'Organisation des États américains (OEA), Luis Lauredo a accusé les dirigeants haïtiens d'ignorer « les inquiétudes sérieuses soulevées par la communauté internationale au sujet des élections du 21 mai. » Il a condamné « la méthodologie erronée qui a été utilisée pour déterminer les gagnants au poste de sénateurs » et a donné l'avertissement que « dans le cas où il n'y aurait pas de changements significatifs, les États-Unis
ne donneraient pas leur appui aux élections législatives et présidentielles prévues pour le 26 novembre. » Lauredo a conclu a menacé de cesser l'aide financière vitale offerte par les Américains.

Le gouvernement haïtien de René Préval a depuis été forcé d'accueillir une autre mission de l'OEA en Haïti. Le Secrétaire d'état des États-Unis, Madeleine Albright avait eu, selon les termes employés dans un article, « un échange vigoureux » avec le président haïtien lors du Sommet du millénaire de l'ONU.

À la fin septembre, le secrétaire général adjoint de l'OEA, le diplomate américain Luigi Enaudi, a passé une semaine en Haïti pour essayer de rapprocher le gouvernement, contrôlé par le parti Famille Lavalas de l'ancien président Jean-Bertrand Aristide, et la Convergence démocratique, une coalition de 15 partis de l'opposition, qui inclut les supporteurs du précédent régime militaire et de la dictature des Duvalier aussi bien que des alliés déçus d'Aristide. Au cours de sa mission, Enaudi fut rejoint par Donald Steinberg, le délégué à la question d'Haïti au Secrétariat d'état américain, et par David Lee, sa contrepartie canadienne. Les diplomates nord-américains ont menacé de cesser d'accorder l'aide de 400 millions de dollars américains à Haïti, alors que, des représentants de l'Union européenne disaient à une délégation du gouvernement haïtien que l'UE suspendrait son programme d'aide à Haïti de 100 millions américains si la dispute sur les élections n'était pas réglée bientôt.

Après la fin de sa mission, Enaudi a refusé de la décrire comme un échec, mais a concédé qu'il n'avait pas réussi à ce que les représentants du gouvernement et de l'opposition à se rencontrer et a dit ne pas savoir s'il retournerait à Haïti.

Le gouvernement Préval insiste pour dire que les résultats des élections du 21 mai ne sont « pas négociables » alors que l'opposition demande que la commission électorale et les élus du 21 mai soient immédiatement suspendus de leurs fonctions officielles et que de nouvelles élections soient organisées.

Les véritables causes de la crise actuelle

Si les États-Unis, le Canada et l'Union européenne devaient mettre leurs menaces de couper l'aide à Haïti, ce pays le plus pauvre des Amériques serait dévasté.

Malgré cela, on demanderait en vain aux puissances nord-américaines et européennes de nous offrir une explication sérieuse de la crise actuelle. Pour donner un exemple des incongruités et les contradictions des contre-rendus des diplomates des grandes puissances, qui sont reprises telles quelles par la presse internationale, citons un rapport d'une délégation de l'OEA qui a visité Haïti en août dernier. Selon ce rapport, « Depuis 1997, Haïti connaît une crise politique prolongée qui pendant trois ans a laissé ce pays sans gouvernement constitutionnel établi, et pendant 18 mois, sans Parlement.
« La communauté nationale et internationale espérait que les élections législatives et municipales tenues finalement le 21 mai 2000, allaient apporter une solution à la crise politique avec l'installation du nouveau Parlement. C'était encourageant d'observer que 90 pour cent des électeurs haïtiens habilités à voter s'étaient inscrits, et que 60 pour cent de ces électeurs ont voté pendant le premier tour des élections.

« l'opinion consensuelle [des observateurs étrangers] a été que la conduite générale des élections du 21 mai 2000 a été libre et transparente. » Mais le Conseil électoral provisoire (CEP) a octroyé 19 des 27 sièges du Sénat au parti Famille Lavalas d'Aristide, ce que le CEP a justifié par le fait que ce parti aurait gagné la majorité des votes accordés aux quatre candidats qui ont reçu le plus grand nombre de votes, et non pas la majorité du nombre total des votes tel que le prévoit la loi électorale haïtienne. Ignorant les protestations de l'opposition et des gouvernements étrangers, « les autorités haïtiennes ont procédé à l'organisation, pour le 9 juillet, d'un deuxième tour seulement pour la Chambre des députés, au titre d'une tentative de validation des résultats des élections sénatoriales. »

« La Commission [de l'OEA] a observé que par suite de ces irrégularités dans les élections législatives, la polarisation politique et un climat d'intimidation se sont intensifiés en Haïti et ont porté atteinte à la consolidation de la fragile démocratie dans le pays. »

Ce contre-rendu nous laisse complètement dans le noir quant aux causes objectives de la violente lutte de pouvoir qui fait rage au sein de l'élite haïtienne. Le rapport de l'OEA reconnaît bien que « La pauvreté absolue dans laquelle vit la majeure partie de la population les taux élevés d'anaphabétisme ; l'espérance de vie réduite, les taux élevés de mortalité materno-infantile, et la malnutrition, sont autant d'éléments qui créent une situation d'urgence sociale ». Par contre, il n'offre aucune explication sur l'origine de cette crise sociale dévastatrice ou de ces liens avec la lutte pour le pouvoir politique.

En fait, la catastrophe sociale en Haïti est le résultat direct des politiques économiques que les États-Unis et les autres puissances impérialistes ont imposé en Haïti. En vertu du programme d'ajustement structurel du Fonds monétaire international, qui était une condition pour qu'en 1994 les États-Unis appuient la restauration du pouvoir d'Aristide, démocratiquement élu au poste de président quelques années plus tôt, le marché intérieur du pays a été ouvert aux compagnies transnationales, les industries nationalisées profitables ont été privatisées, les dépenses sociales comprimées et des milliers d'emplois gouvernementaux ont été abolis.

Aucun des regroupements politiques haïtiens rivaux n'est opposé au programme économique du capital international. Plutôt, la lutte pour le pouvoir prend surtout la forme de divers regroupements de convaincre les États-Unis et les autres puissances internationales qu'ils peuvent leur faire confiance pour mener à bien cette politique.

Le conflit est exacerbé par la faiblesse et la dépendance historique de la bourgeoisie haïtienne corrompue. Sans base économique indépendante, les diverses cliques luttent pour le pouvoir de l'État, qui leur donnera accès aux trafics d'influence et aux profits à tirer de nouvelles privatisations.

Un autre facteur important de la crise politique haïtienne se trouve dans le fait que l'extrême droite, les partisans des anciennes dictatures de Duvalier et de Cédras, est encouragée par le Parti républicain américain à persévérer dans ses efforts pour débarrasser Haïti du « dangereux radical » qu'est Aristide. Cet encouragement prend essentiellement deux formes : des déclarations de républicains influents que les États-Unis n'auraient jamais dû restaurer la présidence d'Aristide et la propre vendetta des républicains contre le régime Clinton.

Les appels au mécontentement populaire d'Aristide et de ses partisans lors de la dernière campagne électorale au printemps dernier viennent augmenter l'instabilité politique. Le parti d'Aristide avait adopté une plateforme électorale de droite qui promettait de continuer avec les politiques pro-FMI de Préval. Mais au cours des dernières semaines de la campagne, le parti d'Aristide a changé de cap et a appelé aux sentiments anti-FMI et à l'hostilité populaire contre le précédent régime militaire et contre les dictatures des Duvalier.

Les adversaires d'Aristide ne craignaient pas seulement perdre la lutte politique immédiate. Eux ainsi que les alliés internationaux craignaient plutôt, non sans raison, que de tels appels populistes ne réveillent les espoirs et les attentes des masses appauvries d'Haïti et ne mènent à une rébellion sociale qui menacerait l'édifice déjà chambranlant du pouvoir capitaliste en Haïti.

Les tentatives subséquentes du gouvernement Préval de manipuler le processus électoral sont une indication de la crainte du Parti Lavalas de la croissance des tensions sociales. Pour un gouvernement qui a réduit les dépenses sociales et éliminé des milliers d'emplois dans le secteur public, il y a un danger évident à attiser l'opposition populaire au programme du FMI. Préval et Aristide ont aussi probablement reconnu que l'appui dont ils bénéficiaient était plutôt de nature négative, étant le produit de la haine populaire envers les dictatures précédentes et ils craignaient que cet appui s'évapore lors d'un deuxième tour du scrutin. Historiquement, le nombre d'électeurs lors des seconds tours en Haïti est extrêmement faible, surtout si l'opposition mettait ses menaces de violence à exécution.

Dans les mois qui suivirent, le régime Préval a continué à religieusement mettre en oeuvre ce que lui demandait le capital international, espérant ainsi amoindrir les pressions de Washington pour les élections alors prévues dans quelques mois. Le mois dernier, à la demande expresse de la Banque mondiale et du FMI, le gouvernement haïtien a cessé de subventionner le prix du pétrole, ce qui a résulté en une augmentation de 44 pour cent de son prix.

Depuis des décennies, Washington a appuyé des dictatures de droite en Haïti. Encore aujourd'hui, alors qu'il fait la morale au gouvernement haïtien sur son processus électoral, le gouvernement américain refuse toujours de rendre aux autorités haïtiennes les milliers de pages de documents sur les crimes du régime militaire de Cédras et de ses alliés que l'armée américaine avait saisies.

Les menaces que Washington lance au gouvernement haïtien ont pour but d'affaiblir encore plus le régime Lavalas en face des dictats du capital international en insistant, au nom de la « réconciliation politique », pour que les vieux alliés de l'extrême droite des Américains aient eux aussi une part du pouvoir.

Les véritables buts des États-Unis en Haïti ont été très clairement énoncés par les représentants gouvernementaux lors de la conférence de l'Organisation nationale pour l'avancement des Haïtiens en juin dernier, alors que le conflit sur le processus électoral commençait à s'envenimer.

« La plupart des nations de l'Amérique latine et des Caraïbes, » a déclaré Peter Romero, l'adjoint intérimaire au Secrétaire d'état pour l'hémisphère Ouest, « sont solidement sur la voie de la réforme économique, entrant dans le XXIe siècle avec des économies privatisées, des systèmes de réglementations libéralisés, et des systèmes financiers améliorés. » Toutes ces expressions sont des euphémismes pour la pénétration sans contraintes du capital international dans les marchés nationaux autrefois fermés, pénétration qui s'est fait au prix d'élimination d'emplois et de dévastations sociales.

« Malheureusement, continue-t-il, ces développements positifs sont entravés par le fait que la corruption et l'inefficacité atteignent des niveaux épidémiques dans certains pays de la région, et la volonté politique de mettre de côté les différences partisanes et d'entreprendre des politiques économiques éprouvées est tout simplement absente. » Quant à Haïti, « le progrès vers une réforme économique a été inégal et douloureusement lent. » Le prochain orateur, Donald Steinberg, délégué à la question d'Haïti au Secrétariat d'état américain, a promis que « Nous continuerons à faire pression sur le gouvernement haïtien pour qu'il restaure la discipline fiscale et continue la modernisation des entreprises nationalisées fondamentales. »


 

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