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Qu'annonce la chute de Milosevic ?

Par Chris Marsden
7 octobre 2000

L'establishment politique et médiatique de l'Ouest a proclamé la chute du régime Milosevic en Yougoslavie comme la « Révolution du 5 octobre ». Toutefois, ce n'est que parce que règne un climat politique corrompu et réactionnaire caractérisé par une absence presque totale de pensée critique que les évènements de jeudi ont pu être présentés comme la « chute du communisme » et la transition à la démocratie.

Des centaines de milliers de gens ont participé au mouvement contre Milosevic, mais du point de vue de sa direction et de sa perspective politique, la campagne menée par l'Opposition démocratique de la Serbie pourrait porter l'étiquette « Made in America ». La chute du régime d'extrême droite nationaliste de Milosevic a été inspirée, financée, et organisée par les mêmes puissances impérialistes qui, il y a à peine un an, bombardaient le peuple serbe. Leur but était alors et reste toujours le contrôle absolu des Balkans, par l'élimination de tout ce qu'ils considèrent comme un obstacle politique à leurs buts commerciaux et stratégiques.

La chute de Milosevic n'est ni une surprise ni une cause de chagrin. Qu'il soit devenu la cible d'intrigues occidentales ne justifie en rien ses prétentions d'être un anti-impérialiste. Son régime a commencé comme une tendance nationaliste et pro-capitaliste à l'intérieur de la bureaucratie de Tito, qui avait été elle-même largement influencée par la perspective et les pratiques de la clique stalinienne qui a usurpé le pouvoir en URSS.

Il y a un peu plus d'une décennie, les puissances occidentales voyaient Milosevic comme un allié utile, et même lors des accords de Dayton en 1995 ont donné au leader serbe un rôle clé dans la mise en oeuvre du traité dicté par les puissances occidentales. Depuis, cependant, les États-Unis et leurs alliés dans l'OTAN avaient conclu que leur colonisation économique des Balkans, qui avait commencé par le morcellement de l'ancienne Fédération yougoslave, nécessitait la destruction de la Serbie. Milosevic est ainsi devenu le nouveau démon international, et la Serbie a été clouée au pilori comme l'équivalent européen de l'État « criminel » iraquien.

Bien qu'il n'y avait rien en principe qui distinguait le régime de Milosevic de celui de Franjo Tudjman en Croatie, Milan Kucan en Slovénie ou d'Alija Izetbegovic en Bosnie, ces derniers étaient présentés comme les « jeunes démocraties » assaillies par un l'État communiste serbe en reconstruction.

Aujourd'hui, les États-Unis et l'Europe s'unissent aux partis d'opposition en Serbie pour attribuer tous les problèmes de la Yougoslavie à Milosevic. Il porte, évidemment, une part importante du blâme, mais ce sont les puissances occidentales qui ont joué le rôle critique pour morceler la Yougoslavie et attiser les conflits nationaux et ethniques qui ont mené à la guerre en Bosnie et au conflit de 1999 au Kosovo. Une grande partie des souffrances du peuple yougoslave est le résultat de la destruction par l'OTAN de l'infrastructure nationale qui venait couronner des années de sanctions punitives.

Aucun observateur critique et honnête ne peut croire que le peuple yougoslave pourra construire un régime véritablement démocratique basé sur la justice sociale sous la tutelle des mêmes puissances impérialistes qui ont plongé la Yougoslavie dans la ruine économique et les conflits ethniques. En fait, les médias occidentaux dépeignent les récents évènements yougoslaves comme étant le dernier chapitre d'une série de « révolutions populaires » contre la « tyrannie communiste » laisse entrevoir le sort que les puissances occidentales préparent vraiment à la Serbie d'après Milosevic.

La presse mondiale a comparé la prise du parlement fédéral à Belgrade à la chute du mur de Berlin, de l'effondrement de l'URSS ou de la chute du dictateur roumain Ceaucescu, se laissant même aller à spéculer que Milosevic pourrait bien finir comme ce dictateur. Cette façon de présenter les événements est, bien sûr, biaisée idéologiquement par l'identification des dictatures staliniennes avec le communisme. Mais même si on laisse de côté ces falsifications historiques, une question demeure : où en sont ces révolutions « démocratiques » une décennie après ?

À la fin des années 80, au moment de la chute des États policiers détestés, la classe ouvrière était profondément désorienté politiquement, essentiellement à cause des décennies de suppression du marxisme par les bureaucraties staliniennes. C'est ce qui a permis aux puissances occidentales d'avoir prise sur le cours des événements, utilisant comme courroie de transmission les représentants des anciennes élites dirigeantes et l'intelligentsia petite bourgeoise qui se sont retrouvées au pouvoir à la tête des nouveaux États capitalistes.

À travers l'Europe de l'Est et en URSS, le « pouvoir du peuple » a rapidement fait place au pouvoir du Fonds monétaire international, de la Banque mondiale, et du capital international. La nouvelle prospérité économique et la nouvelle démocratie ne ce sont jamais matérialisées. Les ouvriers ont subi la dictature d'une oligarchie semi criminelle, et ont connu un déclin dans leur niveau de vie sans précédent si on fait exception des temps de guerre totale.

Considérons le destin des ouvriers russes sous Gorbachev, Eltsine, et le président actuel Poutine. La production économique a chuté de 50 à 60 pour cent, des millions de gens sont au chômage, et la population en 2050 aura chuté d'un tiers à cause de la maladie, de la malnutrition, et d'autres problèmes sociaux que ces changements ont engendrés.

La situation est aussi horrible dans les autres « nouvelles démocraties ». Au sommet de la société, quelques personnes se sont enrichies en pillant les ressources de l'État, et au bas, des millions de personnes ont tout perdu. Même en l'ancienne Allemagne de l'Est, maintenant intégrée dans la plus puissante économie européenne, le chômage, la pauvreté et la privation sociale dominent le paysage social.

On ne peut s'attendre à rien de mieux de la part de Voyislav Kostunica et compagnie. En considérant, la vie que mèneront les Yougoslaves, il faut se souvenir du dicton anglais qui va un peu comme ceci : « Qui paie le musicien décide de la chanson ». Les États-Unis et l'Union Européenne (UE) ont ensemble payé 100 millions de dollars américains pour assurer la victoire de la coalition de 18 partis. Le programme économique que le parti soutient est basé sur les mesures pro-marché « thérapie de choc » qui ont d'abord vu le jour en Pologne, et qui ont dévasté de larges sections de l'Europe de l'Est.

Le gouvernement de Kostunica veut se faire inclure immédiatement dans le Pacte de stabilité de l'UE pour l'Europe du Sud, et aussi devenir membre du FMI et de la Banque mondiale, promettant d'ouvrir le pays à la pénétration économique des grandes corporations.

Ces mesures sont caractérisées, selon le programme de l'Opposition démocratique de la Serbie (ODS), comme étant des « réformes économiques radicales » et une « affirmation des critères du marché », incluant une réduction importante des taxes, la légalisation des activités autrefois considéré comme faisant partie du « marché de l'ombre » et des réductions massives des dépenses gouvernementales par des réductions des dépenses militaires et des services publics. Tous les quotas d'exportation et d'importation seront annulés.

La devise yougoslave sera échangée librement sur les marchés financiers ­ et donc dévaluée ­ et le mark allemand aura cours légal, remplaçant le dinar pour les transactions intérieures. Le programme de l'ODS réclame « la libre entrée des banques étrangères ».

La privatisation des industries étatiques « sera obligatoire » et « la plupart des propriétés de l'État seront mises en vente directement » pour obtenir des « investissements directs de l'étranger ». Comme dans les autres pays d'Europe de l'Est et de l'ancienne URSS, de larges sections de l'industrie nationale disparaîtront. Les contrôles sur le niveau des prix des biens seront éliminés. Pour citer le programme de l'ODS, « Actuellement, toutes les catégories de la population sont inutilement protégées par des prix contrôlés ».

Il n'y a pas de raison de croire que la chute de Milosevic apportera une nouvelle ère de rapports paisibles entre les différentes cliques nationalistes qui contrôlent les Balkans. Pendant une grande partie du vingtième siècle, cette région a été source de conflits explosifs entre les grandes puissances. La dissolution finale de l'ancienne fédération yougoslave aux mains des puissances occidentales ne fera qu'intensifier les rivalités entre les États-Unis et les pays européens pour l'influence, les travailleurs à bon marché, et les matières premières à travers les Balkans et les régions pétrolières plus à l'est.

Kostunica, récemment couronné « démocrate » par l'occident, offre un exemple instructif du cynisme politique des grandes puissances ainsi que de la propagande des médias internationales. Nationaliste pur et dur, Kostunica fut un allié occasionnel du leader serbe bosniaque Radovan Karadzic (qui, comme Milosevic, a été mis en accusation par le tribunal pénal international de La Haie). Sa redéfinition politique illustre encore une fois cette vérité politique, déjà mis en lumière par le sort d'individus politiques tels Saddam Hussein et Noriega au Panama, selon laquelle un allié d'hier peut rapidement devenir l'ennemi d'aujourd'hui, et vice versa. Qu'un politicien soit déclaré un « démocrate » ou un « tyran » dépend surtout des besoins de la politique étrangère de Washington.

Jusqu'ici Kostunica a essayé de se distancer publiquement des États-Unis et de s'allier aux rivaux européens de Washington. Cette position le met en conflit avec des éléments de l'opposition qui ont longtemps été sur la liste de paie de Washington, un fait qui en lui-même prépare le terrain pour de nouvelles intrigues impérialistes et davantage de convulsions politiques.


Voir aussi:
Après la boucherie : leçons politiques de la guerre des Balkans14 juin 1999
La « thérapie de choc » du FMI et la recolonisation des Balkans.17 avril 1999

 

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