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Un rapport de l'ONU sur le SIDA dépeint un tableau sombre de dévastation

[Deuxième et dernière partie]

Par Paul Scherrer
Le 18 juillet 2000

Première Partie

Le récent rapport conjoint des Nations Unies et de l'Organisation mondiale de la Santé sur le SIDA dépeint le tableau de dévastation qui prévaut en Afrique et nous met en garde contre la possibilité que la catastrophe s'étende à de nombreuses autres régions du monde, sans pour autant offrir de solution à cette épidémie galopante.

Publié en prévision de la XIIIe conférence mondiale sur le SIDA qui se tenait au début de juillet en Afrique du Sud, le « Rapport sur l'épidémie mondiale de VIH/SIDA - Juin 2000 » avait pour objectif de démontrer l'étendue de l'épidémie mondiale et de donner le ton de la conférence.

Ce second article sur le rapport conjoint de l'ONU et de l'OMS passe en revue la crise qui sévit dans les soins de santé et les propositions mises de l'avant par l'ONU et l'OMS. Mis en ligne en français le 22 septembre dernier, le premier article traitait de l'étendue de la destruction causée par le virus VIH/SIDA, surtout en Afrique, mais également dans d'autres régions.

En prenant connaissance de la dernière partie du rapport, le lecteur a l'impression effroyable que ses auteurs se rappellent à peine des sections traitant de l'étendue de l'épidémie. Même si elles étaient toutes appliquées intégralement, les propositions de l'ONU et de l'OMS ne freineraient pas l'infection et le décès de millions de personnes annuellement. Un examen de l'information fournie dans le rapport conjoint de l'ONU et de l'OMS entraîne inéluctablement le lecteur à conclure que le virus VIH/SIDA n'est plus seulement une crise de la santé, mais également une gigantesque crise sociale.

Le rapport conjoint de l'ONU et de l'OMS sur l'épidémie du SIDA contient une contradiction flagrante. Les premières sections cataloguent une masse de statistiques et d'autres faits démontrant l'effet catastrophique du SIDA en Afrique sub-saharienne et la menace croissante que d'autres régions du monde pourraient bientôt connaître des conditions semblables. En lisant ce rapport, il est clair qu'on assiste actuellement dans nombre de pays d'Afrique à un dépeuplement sans précédent depuis la peste bubonique qui a dévasté l'Europe médiévale.

On penserait que les auteurs du rapport, poussés par le désastre qu'ils décrivent, demanderaient des mesures puissantes et radicales de la communauté mondiale pour lutter contre l'épidémie. En fait, le rapport ne prône que les gestes les plus infimes dont l'inaptitude à résoudre le problème du SIDA ne peut que sauter aux yeux. L'ONU et de l'OMS sont deux organisations qui dépendent en bout de ligne des nations capitalistes les plus puissantes. Par conséquent, elles n'osent remettre en question les rapports de propriété actuels en proposant une politique sérieuse pour faire face à cette crise de l'humanité qui est d'une ampleur historique. Cette attitude ne fait que souligner les dimensions politiques et sociales de l'épidémie du SIDA.

La tragédie est aggravée par le fait que les technologies scientifiques et médicales nécessaires pour enrayer la contagion du SIDA et soigner les malades de manière efficace existent déjà. Un effort sérieux et vaste pour lutter contre l'épidémie et mobilisant les ressources de la communauté mondiale pourrait en effet sauver des millions de vies.

Un aspect du dernier rapport conjoint de l'ONU et de l'OMS mérite particulièrement l'attention du lecteur. Dans ses rapports précédents, l'ONU soulignait régulièrement l'inégalité entre les nations riches et les nations pauvres, en soulignant que les nations riches devaient fournir une aide matérielle aux nations pauvres. Mais maintenant que l'urgence de cette assistance se fait plus que jamais sentir, le rapport se tait. En fait, il n'y est même pas proposé même de chercher à rassembler des ressources au niveau mondial pour développer un vaccin contre le SIDA, un projet pour lequel les grandes entreprises pharmaceutiques se sont toujours refusé à dégager les sommes nécessaires pour des raisons de commerce et de profit.

A la place de ces mesures, le rapport conjoint de l'ONU et de l'OMS propose des programmes qui, même s'ils étaient mis en place conformément aux directives de l'ONU, ne feraient que ralentir la diffusion du SIDA, en plus de condamner des millions de malades à une mort certaine. Le rapport laisse même entendre à plusieurs reprises que les pays les plus dévastés par l'épidémie ont l'entière responsabilité de faire face à la catastrophe du SIDA.

Peter Piot, directeur exécutif, résume l'optique du rapport en écrivant dans la préface que « si
le soutien international aux niveaux politique, financier et technique est important, la réduction
de l'incidence et l'atténuation de l'impact de l'épidémie doivent être à l'ordre du jour des pays eux-mêmes ».

La crise des soins de santé

Le rapport limite ses propositions à une campagne limitée d'éducation, de tests, et de traitement de la douleur des malades, c'est-à-dire ce que l'on considère être à la portée des pays les plus touchés. Pourtant, même ces mesures sont trop coûteuses pour bien des pays.

Le manque de systèmes de soins de santé en Afrique sub-saharienne capables de faire face à l'épidémie a aggravé la catastrophe. Les centres de santé publique et les hôpitaux manquent d'effectifs; les moyens de diagnostiquer le SIDA et les maladies qu'il entraîne y sont bien trop faibles. Il n'y a pas de médicaments pour soigner le SIDA en Afrique et des millions de personnes n'obtiennent aucun médicaments contre la tuberculose et d'autres maladies contagieuses.

Une étude menée par l'ONU en 1997 dans 22 hôpitaux universitaires de 19 villes africaines et 3 villes asiatiques a révélé que les moyens de diagnostiquer et de soigner plusieurs des maladies qui affligent souvent les malades du SIDA y manquaient. Les malades avaient moins de 50 p. 100 de chances d'être diagnostiqué comme ayant la maladie de Kaposi, un cancer souvent relié au SIDA, et de recevoir les soins nécessaires. Seule la moitié des hôpitaux étudiés disposaient du matériel et des médicaments pour soigner les difficultés respiratoires et les deux cinquièmes seulement avaient des médicaments puissants contre la douleur. Comme le faisait remarquer le rapport, ces hôpitaux avaient le meilleur personnel et le meilleur équipement. Dans d'autres hôpitaux la situation est bien pire.

Faute de médicaments, la tuberculose ne reçoit souvent pas de traitement. Ainsi, 40 p. 100 des malades du SIDA tombent malade d'une tuberculose active. En Zambie, où le nombre de tuberculeux a grandi de 600 p. 100 entre 1992 et 1998, « il est devenu de plus en plus difficile d'assurer un traitement correct parce que les institutions de santé sont constamment en rupture de stock pour les médicaments antituberculeux ».

Parallèlement, la croissance du nombre de malades du SIDA sabote les tentatives de faire face à d'autres problèmes de santé publique. Le Rwanda dépense plus de 66 p. 100 de son budget de santé sur le SIDA, et le Zimbabwe le quart. Les séropositifs occupent 40 p. 100 des lits à l'Hôpital National Kenyatta de Nairobi au Kenya, et 70 p. 100 des lits en Afrique du Sud. Les hôpitaux au Kenya ont vu une croissance du taux de mortalité des séronégatifs arrivant aux hôpitaux à un stade plus avancé de leurs maladies.

L'impossibilité de diagnostiquer et de soigner correctement le SIDA a entraîné une mortalité importante parmi le personnel de santé même, ce qui aggrave la crise. Ainsi, le taux de mortalité du personnel dans un hôpital en Zambie était treize fois plus grand en 1990 qu'en 1980, en grande partie à cause du SIDA. Par contre, le taux de mortalité dans les pays capitalistes avancés de l'Amérique du Nord et de l'Europe, où l'épidémie du SIDA commença à peu près en même temps qu'en Afrique, a chuté de façon dramatique, surtout suite à l'introduction, il y a cinq ans, de médicaments très actifs de type thérapie antirétrovirale. Bien qu'ils ne guérissent pas la maladie, ces médicaments parviennent quand même à réduire l'incidence sanguine du VIH à des niveaux indétectables.

Au Canada le nombre de morts causées par le SIDA en 1999 est sept fois moindre qu'en 1995. Aux États-Unis il a été réduit de moitié depuis la même date. Il a cependant chuté plus rapidement chez ceux qui avaient accès à la thérapie antirétrovirale très active, alors qu'il grandissait chez ceux qui n'y avaient pas accès.

Le coût de ces médicaments a empêché que des millions de séropositifs en Afrique sub-saharienne et ailleurs y aient accès. Le coût moyen du cocktail médicamenteux est de 17 000 $ annuellement, sans compter le niveau avancé des techniques médicales nécessaires pour l'administrer et remédier aux effets secondaires. Dans plusieurs pays, fournir ces médicaments antirétroviraux aux prix courants coûterait davantage que le produit national brut du pays.

Les entreprises pharmaceutiques et le gouvernement américain empêchent d'autres pays de produire des versions génériques de ces médicaments. Lorsque l'Afrique du Sud a passé en 1997 une loi décrétant que les entreprises pharmaceutiques donneraient des droits de production à des entreprises locales, 30 entreprises pharmaceutiques aux États-Unis, en Europe, et en Afrique du Sud ont intenté des procès et l'administration Clinton a menacé l'Afrique du Sud de sanctions commerciales. La dispute ne s'est résolue qu'en 2000 quand les fournisseurs de la drogue AZT ont accepté de la fournir en réduisant le prix de 85 p. 100. Pendant ce temps, le nombre de séropositifs était passé de 12 à 20 p. 100 de la population. Dans le reste de l'Afrique sub-saharienne, la thérapie antirétrovirale active n'est disponible à prix abordable que dans quelques études locales.

Trois niveaux de traitement selon la richesse

Le rapport propose trois niveaux ou ensembles de traitement : essentiels, intermédiaires et élaborés. Il recommande également que chaque pays adopte l'ensemble qu'il peut se payer. Seul l'ensemble élaboré contient la trithérapie antirétrovirale qui s'est avérée si efficace en Amérique du Nord et en Europe au cours des cinq dernières années.

L'ensemble de soins et de soutien « essentiels » est limité aux points suivants :

  • conseil et test HIV volontaires;
  • soutien psychosocial des personnes positives pour le VIH et de leurs familles;
  • traitement et soins palliatifs pour la pneumonie, le muguet, la candidose vaginale et la tuberculose pulmonaire (DOTS);
  • prévention des infections par la prophylaxie au cotrimoxazole pour les personnes positives pour le VIH qui présentent des symptômes;
  • reconnaissance officielle et assistance aux activités communautaires qui ont pour but d'atténuer l'impact de l'infection par le VIH.

Même en adoptant ces mesures dans leur totalité en Afrique sub-saharienne ­ ce qui tiendrait déjà du miracle compte tenu que la plupart de ces pays ne peuvent se les payer ­ on ne ferait que ralentir la vitesse de la contagion, sans faire quoi que ce soit pour sauver la vie des millions de personnes déjà touchées par le SIDA.

Après une campagne poussée de prévention, l'Ouganda a vu son taux d'infection descendre de 14 à 8 p. 100. Certains signes en Zambie laissent entrevoir l'espoir que les taux d'infection y ont atteint leur maximum et qu'ils commencent à redescendre suite aux campagnes de prévention.

Bien que ces programmes constituent des composantes nécessaires pour une stratégie efficace contre le SIDA, ils n'empêchent pas moins qu'ils sont surtout basés sur la peur. Le rapport reconnaît que la chute des taux d'infection est surtout dû au fait que la jeune génération a grandi en voyant ce que le SIDA a fait à leurs parents et à leurs aînés et qu'elle s'abstient par conséquent plus longtemps d'avoir des relations sexuelles.

De plus, l'ensemble « essentiel » ne contient aucune mesure visant à empêcher le transfert du VIH des mères aux nouveau-nés. L'année dernière seulement, 500 000 enfants sont devenus séropositifs en Afrique, la grande majorité ayant contracté le virus de leur mère et maintenant condamnés à mourir avant la fin de l'adolescence.

Depuis plusieurs années, le don d'AZT aux mères pendant la grossesse, combiné à l'accouchement par césarienne et l'allaitement au biberon, s'est révélé très efficace pour empêcher la transmission du VIH de la mère à l'enfant. Un tel programme coûte 1 000 $, ce qui dépasse de loin les ressources de la plupart des pays d'Afrique sub-saharienne. De plus, la plupart des femmes de ces régions n'ont pas accès à de la nourriture pour bébés ni à de l'eau potable pour la préparer.

Ce n'est que dans les dernières sections du rapport conjoint de l'ONU et de l'OMS que l'on adresse la question du coût des médicaments et des traitements. À la page 92 du rapport de 139 pages on peut lire :

« Le coût élevé des médicaments antirétroviraux et la nécessité de disposer d'un équipement
de haut niveau pour suivre l'évolution des malades et surveiller les effets secondaires
éventuels constituent des obstacles majeurs à la généralisation de l'accès pour
l'immense majorité des personnes infectées par le VIH dans les pays en développement »

En fait, une étude menée pour le programme sur le SIDA de l'institut Panos basé à Londres évalue sur la base des prix actuels à 60 milliards de dollars annuellement le traitement des 12 millions de séropositifs dans le monde s'ils bénéficiaient des traitements. En Zambie le coût s'élèverait à 2,7 milliards de dollars, soit 76 p. 100 du PNB du pays.

Insistant sur le thème que la solution de ce désastre passe par l'organisation à l'échelle régionale ou nationale, le rapport prône la négociation entre les différents pays et les grandes sociétés pharmaceutiques pour abaisser le prix des médicaments et soulager de fardeau de la dette. Il cite plusieurs cas où des pays ont obtenu des réductions sur les prix de certains médicaments pendant certaines périodes d'essai. C'est ainsi que l'Ouganda a pu obtenir par exemple l'AZT a $4,34 par jour, comparé à $10,12 aux États-Unis. Mais même a ce prix réduit, ce médicament coûte bien plus que ce que la plupart des séropositifs peuvent payer. Le rapport Panos estime que le prix des médicaments devrait chuter de 95 p. 100 pour être accessible à la vaste majorité de ceux qui en ont besoin.


 

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