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Les débats publics sur la violence d'extrême droite en Allemagne

Les politiciens et les médias demandent « un État fort »

Par Peter Schwarz
28 août 2000

Depuis le début d'août, le débat public en Allemagne est dominé par la question de la violence d'extrême droite. Tous les jours, les journalistes, les commentateurs, les hommes d'État, et les hommes politiques proposent de nouvelles mesures et présentent de nouvelles résolutions pour contrecarrer les actions choquantes des groupes néo-fascistes et la vague de violence contre les étrangers.

On peut regrouper ces propositions en deux grandes catégories :

Dans une première catégorie, on trouve les propositions qui ont en commun de demander d'accroître les pouvoirs et les moyens de répression de l'État. Certains veulent que le parti néo-fasciste le plus agressif et le mieux organisé, le NPD, soit déclaré illégal, une mesure qui bénéficie présentement de l'appui du gouvernement allemand ; d'autres prônent une plus grande mobilisation de la police et de la Police fédérale des frontières (BGS) semi-militaire, la surveillance totale des centres urbains par caméscope, la limitation de la liberté d'expression, et une restriction générale du droit de manifester et de s'assembler.

Tous ces projets ont en commun de contrer les droits et les principes démocratiques. Ceux qui soutiennent ces projets ne semblent pas se rendre compte qu'un renforcement des pouvoirs répressifs de l'État, bien qu'il soit superficiellement dirigé contre les néo-fascistes, menace en fait la démocratie elle-même.

Un exemple typique de telles propositions nous est donné dans l'éditorial du dernier numéro de l'hebdomadaire Die Zeit. Intitulant son article « Combattons les nazis ! », le journaliste Toralf Staudt entrevoit avec enthousiasme une société où il y a un gendarme à chaque intersection, ce qui est généralement considéré comme le trait caractéristique d'un État policier. Staudt écrit que « Les membres de la Police fédérale des frontières pourraient patrouiller dans les trains régionaux, et des cars d'unité de police mobile devraient être sur le qui-vive partout où des jeunes violents se réunissent : les places publiques, les rues piétonnières, et les stations d'essence ».

Dans un autre article publié dans Die Zeit, intitulé « Avec toute la puissance de l'État », le célèbre social-démocrate Klaus von Dohnanyi met rapidement de côté toute objection démocratique à un renforcement des pouvoirs de l'État. Selon von Dohnanyi, les « soi-disant objections 'libérales' » que la surveillance des particuliers et des domiciles, la surveillance par caméscope, et l'utilisation des agents secrets mènent à un État policier ne prennent pas en compte le concept d'une « démocratie qui peut lutter ».

Un slogan populaire dans les milieux anti-fascistes, « Le fascisme n'est pas une opinion, mais un crime », va aussi dans ce sens. Même si l'on accepte que ce slogan soit l'expression d'un dégoût honnête envers l'extrême droite, la conclusion que l'on en tire logiquement est que le fascisme est une question de droit criminel, et pas une question politique. Ce point de vue est erroné parce qu'il empêche l'élaboration d'une contre-stratégie effective.

Dans la seconde catégorie, on regroupe les mesures qui sont souvent proposées en même temps que les précédentes, bien qu'avec moins de vigueur. Ces mesures consistent en initiatives éducatives et de propagande : éducation politique, discussions dans les écoles, soutien financier des initiatives anti-fascistes, et des appels à plus de courage personnel dans les milieux publics.

Comme celles de la première catégorie, ces mesures ne prennent en compte que les symptômes apparents et non pas les causes des problèmes. Alors que ceux qui proposent un renforcement de l'État approchent la question du point de vue de la répression du droit, les défenseurs de « l'illumination personnelle » ne voient le problème du fascisme que sous l'angle de la conscience individuelle et personnelle. Pourtant, il est évident que l'escalade de la violence d'extrême droite ait des racines politiques et sociales plus profondes.

La violence d'extrême droite s'explique à la fois par une crise sociale qui jette de plus en plus de secteurs de la population dans l'insécurité économique ou la pauvreté ainsi que par un climat politique qui ne semble offrir aucune voie progressiste pour sortir de l'impasse sociale. C'est l'interaction entre ces deux facteurs qui fait croître le néofascisme et la xénophobie.

En soi, la crise sociale, qui est le résultat d'un taux de chômage élevé et de l'écart grandissant entre les riches et les pauvres ne mène pas automatiquement à l`adoption des politiques de l'extrême droite. De telles crises peuvent aussi donner une impulsion à des mouvements de solidarités au sein des « basses couches » de la société ; au moins, elles l'ont souvent fait par le passé. Mais ce genre de mouvement nécessite une alternative politique à l'ordre existant qui puisse captiver l'imagination des masses et qui constitue une véritable opposition aux partis dirigeants qui sont responsables de la crise sociale.

De ce point de vue, les syndicats et le SPD (le Parti social-démocrate) sont les principaux responsables de la montée de la violence d'extrême droite. Ces organisations prétendent représenter les intérêts des travailleurs et des strates désavantagées, mais en fait se sont parfaitement intégrées dans l'ordre dominant.

Depuis longtemps, les syndicats n'opposent plus de résistance aux attaques menées contre les emplois, les salaires, les caisses de retraite, le système public de santé, et les programmes sociaux. Ils coopèrent étroitement avec le gouvernement et les patrons, et considèrent que leur tâche la plus importante est de diffuser toute protestation sociale.

Depuis qu'il a pris le pouvoir au niveau national, le SPD a achevé le processus de sa transformation en parti de la grande entreprise. Bien que ce soit une vague d'indignation sociale contre le gouvernement conservateur précédent de Helmut Kohl (CDU - Union Démocratique Chrétienne) qui les ait portés au pouvoir, les sociaux-démocrates démantèlent à présent les couvertures sociales plus radicalement que Kohl aurait osé faire.

Dans de telles circonstances, l'indignation sociale se transforme en désespoir. Quand la lutte contre les élites semble être bloquée, certains dirigent leur violence frustrée contre les couches désavantagées. Ainsi, les plus pauvres servent de tête de turc à la rage contre le piètre état de la société.

Quelle autre explication y a-t-il pour le fait que la xénophobie atteint les niveaux les plus élevés dans des régions avec les plus petits pourcentages d'étrangers, moins de deux pour cent ? Comment peut-on expliquer pourquoi de jeunes chômeurs tuent les sans-abri à coups de pied ? C'est un climat parfait pour la démagogie d'extrême droite et nationaliste. Confrontés par une situation sans espoir, les gens essaient de se consoler par le fait qu'ils sont « Allemands ».

Les appels des syndicats et du SPD pour davantage de « courage des citoyens » et de nouvelles initiatives contre le néo-fascisme sont une piètre tentative de faire oublier leur responsabilité. Ce n'est pas pour attaquer la sincérité de ceux qui se joignent à de telles initiatives en luttant contre les néo-fascistes, souvent en risquant leurs vies. Mais ils font face à une situation presque impossible. Tandis qu'ils essaient de persuader les esprits et les coeurs des individus, quelquefois avec succès, les conditions nécessaires pour la montée du néo-fascisme continuent à s'étendre.

Le racisme officiel des dirigeants politiques vient encore empirer ces conditions. Quand le chancelier fédéral, Schröder, soutient l'expulsion des « étrangers criminels » dans ses discours électoraux, que le ministre fédéral de l'Intérieur, Schily, déclare que les « limites du stress » ont été excédées en l'Allemagne par un raz-de-marée d'étrangers, ou le ministre de l'Intérieur bavarois divise les étrangers en « ceux qui nous sont utiles » et « ceux qui nous utilisent », il n'y a plus qu'une différence de forme avec le slogan nazi « Les étrangers à la porte ! »

Il y a aussi les assauts politiques menés par tous les grands partis contre de droit d'asile, et la persécution par l'État des réfugiés et des personnes demandant asile, à qui on refuse les droits démocratiques et sociaux les plus essentiels. Pour les néo-fascistes, ceci ne peut qu'être perçu que comme une approbation officielle de leurs propres attaques violentes sur les étrangers.

L'octroi de davantage de pouvoirs répressifs à l'État, comme l'on suggère à présent, n'éliminera pas le danger néo-fasciste, mais encouragera plutôt un climat politique encore plus favorable à la dissémination du racisme et de la xénophobie. L'intolérance et la xénophobie existent le plus confortablement dans une atmosphère de répression menée par l'État.

La surveillance par l'État, l'imposition de sanctions et l'interdiction des partis pourrait temporairement intimider ou faire perdre de l'argent à quelques organisations d'extrême droite, mais cela ne changera rien aux causes fondamentales qui alimentent le développement de ces organisations. Ceci s'applique également à l'interdiction du NPD, qui établirait un précédent dangereux d'entraves à la liberté d'expression, une nécessité absolue dans la lutte contre les néo-fascistes. Un État qui interdit les idées parce qu'il n'a rien à proposer pour les remplacer a essentiellement admis l'échec de ses prétentions démocratiques.

Et dans les faits, les défenseurs d'un État plus répressif sont moins préoccupés de la lutte contre l'extrémisme de droite que de défendre le monopole de l'État sur l'utilisation de la force. Ce qui les inquiète n'est pas le développement de tendances d'extrême droite, mais plutôt que la société s'effondre sous le poids de ses tensions sociales. Le social-démocrate Klaus von Dohnanyi a exprimé ces vues le plus clairement dans l'article du Die Ziet déjà cité plus avant.

Dohnanyi s'oppose l'idée que les extrémistes de droite sont motivés « principalement par une idéologie de droite ». Sur la question de la violence extrémiste, écrit-il, on ne doit pas distinguer entre « droite » et « gauche ». Il déclare que « La violence dans les conflits politiques et le racisme » est en fin de compte « indépendante des partis ». La « violence potentielle des conditions sociales tendues » peut « exploser contre les étrangers aujourd'hui et faire éruption demain contre les hommes d'affaires et les hommes politiques ».

Dohnanyi donne ici un portrait sans fard de la toute cette situation. Lorsqu'il exprime sa crainte que les tensions sociales qui font aujourd'hui éruption contre les membres les plus faibles de la société se dirigent demain contre « les hommes d'affaires et les hommes politiques », il présent les dangers qui résultent de l'aliénation croissante de la population contre les partis politiques. Il soutient par conséquent « un État dur». Même les appels à davantage de courage de la part des citoyens le laissent froid : « L'ordre public ne peut être maintenu que par la police et les tribunaux, non pas par les citoyens, pour bonnes que soient leurs intentions ».

En même temps, Dohnanyi souhaite continuer la campagne officielle contre les étrangers : « L'honnêteté sur les questions de la criminalité des étrangers, de l'immigration illégale et abusive, et des limites de la capacité du pays ou des régions à accommoder l'immigration ne doit pas être vue comme un soutien aux 'slogans d'extrême droite' ».

Parmi les hommes politiques, ceux qui préparent le terrain idéologique pour l'extrême droite, tels le ministre de l'Intérieur de la Bavière, Beckstein, et le ministre de l'Intérieur du Brandenbourg, Schönbohm, soutiennent le plus ouvertement les tactiques d'un « État fort ». Ce fait devrait en soi être un signal d'avertissement que quelque chose cloche. On voit clairement que ceci ne peut être la solution au danger néo-fasciste. Nous avons besoin d'une stratégie complètement différente : un réarmement politique du mouvement ouvrier, qui est à présent paralysé par des décennies de domination par les démocrates sociaux et les staliniens.

 

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