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Un échange sur le socialisme et la nature humaine

Par Nick Beams
Le 1er Mai 2001

Voici la réponse de Nick Beams, membre du comité de rédaction du World Socialist Web Site, à un courriel envoyé par BM qui a commenté un échange précédent intitulé « Réponse à une lettre sur le socialisme et les lois économiques » (Reply to a letter on socialism and economic laws). Se présentant comme un « conservateur républicain de l'ère reaganienne et un libéral jeffersonien », BM débute son message comme suit : « Bien qu'intelligemment rédigée, votre lettre refuse toujours de reconnaître la véritable nature de l'homme. La planification centralisée ne fonctionne pas et l'histoire a démontré la véracité de ce fait, tout comme les temps actuels. Plus une société est libre, plus elle prospère ». Le texte intégral du courriel de BM se trouve en ligne à « Reply to Nick Beams ».

 

Je vous remercie pour votre courriel qui nous donne l'occasion de répondre à plusieurs arguments fréquemment avancés sous une forme ou sous une autre en opposition au socialisme et à la planification socialiste.

Votre défense du marché capitaliste se résume à l'argument suivant : le socialisme est condamné à l'échec car il est incompatible avec la nature humaine et la liberté, dont l'expression véritable ne peut se trouver que dans le libre marché. Je propose de commencer à vous répondre en examinant les positions de Thomas Jefferson puisqu'elles forment le noyau de votre argumentation. Je passerai ensuite à Ronald Reagan.

Les idées politiques de Jefferson, comme celles des autres leaders de la Révolution américaine, tirent leurs origines dans celles des Lumières du XVIIIe siècle, dont nombre ont été développées à partir des théories politiques avancées avant et après la guerre civile anglaise (1642-1649). Le contexte social dans lequel ces idées furent mises de l'avant était la lutte pour renverser les structures politiques garantissant la domination féodale ou absolutiste qui entraient de plus en plus en contradiction avec les nouvelles formes d'organisation économique associées au développement du capitalisme.

Vers la fin du XVIIe siècle, John Locke identifia certains droits inaliénables ­ le droit à la vie, à la liberté et à la propriété. Selon lui, tout homme était seul propriétaire de sa personne et de ses capacités, et son droit à la propriété dérivait de son droit à jouir des fruits de son travail.

Le théoricien politique canadien C. B. Macpherson a démontré comment les concepts politiques développés par Locke étaient intimement liés à la montée du libre marché et du droit à la propriété individuelle. Auparavant, les anciennes sociétés ont, bien entendu, développé des concepts de propriété. Mais ce qui est nouveau au XVIIe siècle, c'est le développement de la propriété privée exclusive, liée au développement des rapports capitalistes. Ce type de propriété constituait une brisure radicale avec la conception antérieure selon laquelle la terre et ses fruits furent à l'origine donnés à l'ensemble de l'humanité.

L'importance de Locke, comme Macpherson le fait remarquer, c'est qu'il a fourni la base idéologique de la propriété privée exclusive, si essentielle au développement du nouveau mode de production. « Si la nouvelle forme de propriété requise par la société mercantile capitaliste, c'est-à-dire basée sur le droit exclusif et aliénable de posséder tous les biens matériels, y compris la terre et le Capital, était perçue comme justifiée, le droit devrait donc être basé sur quelque chose de plus universel que les vieilles différences de classe féodales ou coutumières selon les besoins et les capacités supposés.

« La base universelle fut trouvée dans le "travail". Tout homme est propriétaire des fruits de son travail. Et partant du postulat que le travail d'un homme en particulier est singulièrement le sien, tout ce qui est nécessaire s'ensuit. Ce postulat renforçait le concept de la propriété comme une exclusion. Comme le travail lui appartient, il en est de même de la terre qu'il travaille et du Capital qu'il accumule au moyen de son travail. Tel est le principe que Locke mit au centre du concept libéral de la propriété » [notre traduction, C. B. Macpherson, Democratic Theory, Oxford University Press 1990, pp. 129-130].

Un siècle plus tard, à l'époque de Jefferson, la notion de propriété comme condition naturelle de l'existence humaine commençait déjà à être critiquée. Dans son Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes publié en 1755, Rousseau explique qu'à l'état naturel, l'homme n'est pas propriétaire, que la propriété est le produit de la croissance de la civilisation, et que cette dernière réduit l'homme à l'esclavage. À l'état naturel, la terre et ses fruits n'appartiennent à personne en particulier mais à tous. L'établissement de la propriété privée est la source de l'inégalité, des crimes, des guerres et du meurtre.

La Déclaration d'indépendance des États-Unis

Cette critique a eu un profond impact sur Jefferson parmi tant d'autres. Comme David North le signale dans son essai L'égalité, les droits de l'Homme et la naissance du socialisme, la Déclaration d'indépendance fut plus qu'une simple réaffirmation de la théorie Lockienne des droits naturels.

« Il ne fait aucun doute que les écrits de Locke ont exercé une immense influence sur la génération de 1776. Mais près d'un siècle s'était déjà écoulé depuis que Locke avait rédigé son Second Traité sur le gouvernement civil. Et dans la mesure où les concepts produits par l'esprit humain ne sont pas statiques mais changent sous l'influence de la réalité objective, qu'ils reflètent et cherchent à reproduire sous une forme abstraite, la formulation de la théorie des droits naturels contenue dans la Déclaration d'indépendance diffère fondamentalement, dans l'un de ses aspects les plus importants, du Second traité de Locke. Les trois droits naturels reconnus par Locke étaient en effet le droit à la vie, à la liberté et à la propriété.

« Or, dans la déclaration d'indépendance, les droits "inhérents et inaliénables" identifiés par Jefferson sont "la vie, la liberté et la poursuite du bonheur". Pourquoi Jefferson s'est-il éloigné de la formulation Lockienne en substituant la "poursuite du bonheur" à la propriété ? On ne peut se contenter d'affirmer que cette différence est sans importance. Jefferson et ses associés étaient trop au courant de la pensée politique de leur époque pour choisir ces mots à la légère, surtout pour une question aussi cruciale. » [notre traduction, David North, L'égalité, les droits de l'Homme et la naissance du socialisme, International Worker Books pp. 11-12].

Comme North le fait remarquer, Jefferson n'était pas une espèce de « protosocialiste opposé à l'institution de la propriété privée ». Mais il était conscient que le droit illimité à la propriété mettait en péril la vie et la liberté. C'est pourquoi il disait que la propriété devait être restreinte.

Jefferson soutenait certainement que la propriété individuelle des moyens de travailler, c'est à dire des moyens de production, était nécessaire pour maintenir la liberté. La petite propriété était la sauvegarde contre la tyrannie du gouvernement et l'oppression économique. Dans la conception de Jefferson, la liberté face à l'arbitraire du gouvernement et la contrainte du travail était basée sur la propriété privée individuelle de la terre et des moyens de production.

Mais la logique même d'une société de libre marché constituée de petits propriétaires et de petits producteurs, que Jefferson considérait comme la base de la vie, de la liberté et de la poursuite du bonheur, résulte inévitablement dans la dépossession du petit producteur et sa transformation en ouvrier salarié, et dans la concentration des moyens de production dans un nombre restreint de mains.

Après tout, le but de la compétition, la base du libre marché, n'est pas de le perpétuer, mais d'acculer les compétiteurs au pied du mur et de concentrer la propriété privée. Même Jefferson était conscient de ces processus et des dangers qu'ils représentaient pour sa vision de la liberté. C'est pourquoi il voulait que les États-Unis restent un pays constitué de petits propriétaires.

Mais la production et la propriété capitaliste privée à petite échelle sont incompatibles. Le développement même des forces productives, encouragé par la compétition pour accumuler des profits, entraîne une concentration toujours plus grande de la propriété. C'est précisément à cause que la production se développe bien au delà de la propriété individuelle que les sociétés par action et toute une série d'institutions financière sont apparues - les banques et les bourses - par lesquelles les ressources de la société peuvent être mobilisées afin d'assurer une production toujours plus importante. Depuis l'époque du propriétaire unique de Jefferson, nous avons vu la montée des entreprises nationales gigantesques de la fin du XIXe siècle, le développement des multinationales au milieu du XXe siècle, et maintenant, en ce début du XXIe siècle, la progression des transnationales.

La transformation des fonctions de la propriété

Ces développements ont entraîné une transformation des fonctions de la propriété. La théorie selon laquelle la liberté est identifiée à la propriété privée se base sur la supposition que chaque individu a le droit naturel de jouir des fruits de son travail et que la propriété privée est le moyen par lequel ce droit est assuré.

Mais la concentration de la propriété et la mise à l'écart des masses de la population des moyens de production qui n'ont rien d'autre à vendre que leur force de travail aux propriétaires de capitaux démontre que la propriété privée s'est transformée depuis longtemps. Elle n'est plus un mécanisme social au moyen duquel les individus jouissent des fruits de leur propre travail, mais plutôt le mécanisme par lequel le Capital bénéficie des fruits du travail des autres sous la forme du profit.

Autrement dit, alors qu'à l'époque de Jefferson la défense de la propriété privée pouvait être associée à la défense des droits des individus face aux formes de domination gouvernementales tyranniques ou à l'absolutisme, la défense de la propriété privée (des moyens de production) équivaut aujourd'hui à la défense de la domination despotique des vastes entreprises et du Capital en général sur les masses de la population. Et cette loi ne tolère aucune opposition. Margaret Thatcher, partenaire outre-Atlantique du « marché libre » de Ronald Reagan, avait bien raison lorsqu'elle disait qu' « il n'y a pas d'autre choix » - la domination du Capital ne tolère aucune opposition. Mais qu'est-ce que cela implique pour la démocratie ?

L'essence même de la démocratie est sûrement le droit de choisir, le droit de la majorité de la population à décider entre divers cours d'action. Mais cela est devenu impossible dans la société actuelle qui est entièrement subordonnée aux exigences de profits du Capital et où s'exercent les diktats du libre marché face auxquels il n'existe aucune alternative. En bref, pour assurer que le « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple » ne disparaisse pas de la surface de la Terre - pour citer un autre grand démocrate américain - il est nécessaire de renverser la domination despotique du capital à l'échelle mondiale.

Cette tâche nécessite le développement de nouvelles formes de propriété. La propriété privée des moyens de production a depuis longtemps cessé de former la base de la défense des droits de l'homme. De nos jours, ces droits ne peuvent être maintenus et progresser qu'avec l'établissement de nouvelles formes de propriété. La propriété privée, basée sur l'exclusion, doit être remplacée par la propriété collective basée sur l'inclusion. Les vastes forces productives qui ont été créées par le travail collectif de l'ensemble de l'humanité doivent être collectivisées et gérées démocratiquement par les producteurs réunis en associations. C'est la seule façon d'assurer la liberté de l'homme plutôt que celle du Capital. C'est l'essence même de la perspective socialiste.

Thomas Jefferson a proclamé la nécessité de la révolution américaine et le droit de renverser la domination britannique au nom de « la vie, la liberté et la poursuite du bonheur ». Il est évident que lui et ses semblables des Lumières représentaient les intérêts de la bourgeoisie montante. Mais si les idéaux que ces penseurs prônaient sont toujours influents aujourd'hui, deux siècles plus tard, c'est parce qu'ils s'inscrivent dans la cause plus vaste de l'émancipation et de la liberté de l'homme.

Cependant, quiconque prétend partager ces idéaux, comme vous le faites, doit, par souci d'honnêteté intellectuelle, se demander ce que sont devenus ces grands objectifs dans notre société actuelle.

La vie, la liberté et la poursuite du bonheur

L'examen de chacun de ces concepts démontre combien leur réalisation est incompatible avec la poursuite du mode de production capitaliste basé sur la propriété privée des richesses produites socialement et sa subordination aux diktats du système de profit privés.

Prenons le droit à la vie. En ce moment même, des millions de personnes à travers le Monde, dont beaucoup d'enfants, meurent simplement parce qu'ils manquent de nourriture adéquate, d'eau potable ou d'installations de santé élémentaires. Pourtant les moyens de nourrir, vêtir et loger la population mondiale en entier de façon décente existent bien. Mais la mobilisation de ces ressources pour satisfaire les besoins humains est enrayée par les opérations du système de profit. Ainsi, en Afrique par exemple, de nombreux pays sont forcés de verser aux banques et aux institutions financières internationales plus d'argent en paiement de la dette qu'ils n'en dépensent pour les soins de santé même les plus élémentaires. Des remèdes qui permettraient d'alléger les souffrances des sidéens et de sauver la vie d'autres malades sont inaccessibles simplement à cause du « droit de propriété » des entreprises pharmaceutiques.

Dans les pays capitalistes avancés, les services de santé sont de plus en plus affectés par le développement d'un système à deux classes dans lequel l'accès aux traitements est restreint par la capacité des patients de payer. Aux États-Unis par exemple, les partisans enragés de l'entreprise privé s'insurgent à la simple mention de la nécessité d'établir un système de soins de santé universel accessible à tous selon leurs besoins.

Pour avoir du sens, la liberté implique une existence sécuritaire. Lorsque Jefferson parlait de liberté, il avait en tête l'opposition aux actes despotiques des gouvernements et des autorités défendant l'ordre en place. Mais de quelle liberté est ce que les travailleurs ordinaires, qu'ils soient cols bleus, cols blancs ou professionnels, jouissent lorsqu'ils peuvent perdre leur gagne-pain du jour au lendemain parce que l'entreprise pour laquelle ils travaillent décrète qu'elle doit se « restructurer » pour améliorer le « bilan » ?

Et qu'est ce que le bonheur ? Voilà bien une valeur inconcevable si on ne jouit pas d'un droit d'accès aux nécessités essentielles permettant d'assurer au moins la subsistance. Mais plus encore, le bonheur implique la préparation consciente de l'avenir, le sens de la participation dans le développement des talents et des capacités d'un individu dans le cadre d'un projet plus vaste, le progrès de la société même. Bref, pour reprendre l'expression de Marx : « le libre développement de chacun est la condition du libre développement de tous ».

Plus le Capital resserre son emprise sur la société, excluant toute véritable participation démocratique à l'organisation de cette dernière en propageant la notion qu'il n'existe pas d'alternative aux diktats du marché, et plus il cherche à promouvoir la conception que le bonheur de l'homme est l'accumulation d'argent et de richesses et l'acquisition de plus de biens.

On a qu'à prendre quelques uns des maux sociaux actuels pour démontrer jusqu'à quel point ce projet est dépassé. Les fusillades dans les écoles aux États-Unis et les meurtres collectifs, par exemple la tuerie de 36 personnes en Tasmanie, l'île des vacances australienne, démontrent combien la société est extrêmement troublée. La montée des conflits ethniques, nationaux et religieux dans le monde entier n'est pas moins explicite à ce sujet. En Australie, le troisième type de maladie le plus répandu après les maladies cardiaques et le tabagisme est la dépression. On estime que 20 p. 100 des jeunes de 12 à 16 ans souffrent d'une forme ou d'une autre de maladie mentale. Au tournant du siècle, le taux de suicide des jeunes garçons adolescents était de cinq sur 100 000. Il est maintenant de 20 sur 100 000.

Citant Ronald Reagan, vous mentionnez la nécessité de libérer le génie, le talent et l'énergie de l'individu. Aucun socialiste ne pourrait être en désaccord avec un tel propos. En fait, dans une brillante anticipation de la révolution de l'information et technologique actuelle, Marx avançait il y a près de 150 ans que le développement même des forces productives sous le capitalisme rendait encore plus important l'application de la science et de la technologie. La connaissance sociale générale, écrivait-il, devient la force décisive permettant d'assurer le développement accru des richesses matérielles, la base même d'une véritable liberté pour l'homme.

Mais le développement de telles connaissances requière l'expansion de l'éducation, non pas simplement pour une minorité de privilégiés, mais pour l'ensemble de la société. Or qu'en est-il ? Dans les pays les plus pauvres, les budgets pour l'éducation sont réduits dans le cadre de « programmes d'ajustements structurels » dictés par le Fonds monétaire international et dans l'intérêt des banques. Dans les grands pays capitalistes, la croissance des inégalités sociales au cours des deux dernières décennies a vu le développement, comme dans le cas de la santé, d'un système à deux classes faisant que l'éducation dépend de plus en plus de la capacité de l'individu à payer pour. Aux États-Unis, c'en est rendu au point où les familles sont littéralement contraintes à jouer leurs économies et leur avenir à la bourse pour tenter d'assurer les fonds pour fournir une éducation décente pour leurs enfants. Libérer le talent et l'énergie... très bien. Mais pour cela, il faut avant tout libérer la société des méandres du système de profit et l'établir sur de nouvelles fondations.

Le socialisme et l'Union Soviétique

Pour conclure, je vais traiter des questions soulevées par vos citations de Ronald Reagan. Les positions de Reagan, comme celles de nombreux opposants au socialisme, sont basées sur l'identification de l'Union Soviétique au communisme. Mais pour arriver à une telle identification, il faut bien abandonner toute rigueur intellectuelle.

De la même façon que l'on ne juge pas un individu selon ses dires mais plutôt par ses actions, nous ne pouvons juger une société selon l'étiquette dont elle s'affuble. Par exemple, vous ne pourriez pas accepter les prétentions d'une société qui se prétend « démocratique » si on y emprisonne, réprime et assassine systématiquement tous les partisans de la démocratie. Pourtant, comme nombre de personnes, vous acceptez la proposition que l'Union Soviétique dominée par la bureaucratie stalinienne était d'une certaine façon « socialiste » ou « communiste », ignorant le fait même que la base de la domination bureaucratique reposait sur l'incarcération et l'exécution massives des socialistes et des communistes. C'est un fait que plus de révolutionnaires, de socialistes, de marxistes et de communistes ont été assassiné par le régime stalinien que par tout régime fasciste, y compris celui de Hitler.

Devant cette contradiction flagrante, nous sommes contraints de poser la question suivante : pourquoi le grand mensonge du XXe siècle - à savoir que le régime stalinien en Union Soviétique représentait le communisme - subsiste toujours et est immédiatement mis de l'avant en réaction à toute critique socialiste du capitalisme ? La réponse réside dans le fait qu'en politique un mensonge persiste s'il sert des intérêts sociaux bien définis.

Ayant usurpé le pouvoir de la classe ouvrière et craignant d'être renversée par le bas, la bureaucratie stalinienne s'est proclamée l'incarnation même de la continuité légitime de la révolution d'Octobre 1917. À l'Ouest, la bourgeoisie et ses représentants ont toujours trouvé utile de prétendre que l'Union Soviétique était « communiste » afin de dénigrer toute critique socialiste de la domination capitaliste. La prétention de la bourgeoisie selon laquelle son règne est basé sur la « démocratie » par opposition à la « dictature communiste » aurait été beaucoup plus boiteuse en présence d'une vaste compréhension du cours réel de l'histoire démontrant clairement que le stalinisme ne représentait pas le marxisme ou le communisme, mais bien qu'il était plutôt basé sur la répression de ces idéologies.

Dans votre courriel, vous affirmez que l'expérience de l'ex-Union Soviétique et de ce que vous appelez la « Chine communiste » démontre que la planification centralisée ne fonctionne pas. Mais encore une fois survient encore le même problème quant à la désignation de l'Union Soviétique comme étant « communiste ».

L'apparition de la bureaucratie stalinienne usurpant le pouvoir politique à la classe ouvrière qui a fait la révolution signifie que la planification, dans le vrai sens du terme, n'a jamais pu être effectuée en Union Soviétique. Cela a eu de profondes implications sur la façon dont une planification socialiste véritable serait entreprise.

Le renversement de la domination capitaliste n'entraînera pas l'abolition subite du marché. Le mécanisme des prix sera encore nécessaire pendant tout une période pour servir de guide informatif à propos des coûts relatifs des diverses méthodes de production alternatives et des décisions d'investissement. Mais le marché sera de plus en plus subordonné et éventuellement remplacé par la réglementation consciente de l'économie suivant un plan adopté, vérifié et modifié de façon à s'adapter aux circonstances par les travailleurs et l'ensemble de la population qui participeront ainsi au processus de prises de décision économiques.

Une telle planification était impossible en Union Soviétique puisqu'elle aurait immédiatement menacé la position sociale privilégiée de la bureaucratie et son monopole de pouvoir politique. Comme Trotsky l'a expliqué, la demande pour la démocratie soviétique n'était pas une demande politique abstraite, encore moins l'expression d'un idéal moral, mais bien une nécessité économique. L'établissement d'une économie planifiée, écrivait-il, est « de par sa nature même, insoluble sans l'expérience quotidienne de millions de travailleurs, sans l'étude critique de leur propre expérience collective, sans l'expression de leurs besoins et de leurs demandes, et elle ne peut être effectuée dans les cercles fermés des sanctuaires officiels » [notre traduction, Trotsky, Writings 1932-33, p.96].

L'effondrement de l'Union Soviétique ne constitue pas une réfutation de la planification socialiste. Elle représente plutôt la vérification de la prédiction faite par Léon Trotsky, bien avant que Ronald Reagan n'apparaisse sur la scène, de la non-viabilité inhérente du programme nationaliste de l'appareil stalinien - la construction du « socialisme dans un seul pays » - et les conséquences économiques destructrices de la suppression bureaucratique de la classe ouvrière.

Pour résumer, je vais revenir sur le point que j'ai défendu dans l'article « Reply to a letter on socialism and economic laws » (réponse à une lettre sur le socialisme et les lois économiques). L'établissement d'une société socialiste n'est pas un idéal mais une nécessité pour l'humanité si elle veut progresser. La liberté de l'homme et une société libre, des buts pour lesquels Jefferson et les penseurs révolutionnaires de son époque ont consacrés tant d'effort, seront assurés lorsque la tyrannie du Capital mondial et sa domination exercée au moyen du « libre marché » seront renversées. Ces forces doivent être remplacées par un système social dans lequel les forces productives créées par le travail intellectuel et physique des travailleurs du monde entier seront mises en commun afin de satisfaire les besoins de l'humanité.


 

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