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Le débat se poursuit à Washington sur la guerre contre l'Irak

Par Patrick Martin
31 juillet 2002

Une discussion révélatrice se déroule dans les milieux officiels à Washington, tandis que les factions rivales de l'administration Bush, les démocrates et les républicains au Congrès, et les chefs militaires discutent des méthodes et des prétextes qu'ils comptent employer pour atteindre leur but commun : le renversement de Saddam Hussein et la prise de contrôle de l'exploitation pétrolière irakienne, la deuxième au monde.

Les derniers échanges du débat s'écrivent sur les pages des grands journaux américains. Le 28 juillet, le Washington Post a publié à la une un rapport de son correspondant au Pentagone, Thomas Ricks, qui parlait d'opposition généralisée aux projets de l'administration Bush d'envahir l'Irak.

Selon le Post, « Malgré les phrases belliqueuses sur l'Irak répétées par le Président Bush, beaucoup de hauts militaires prétendent que le Président Saddam Hussein n'est pas une menace immédiate et que les Etats-Unis devraient poursuivre leur politique de blocus plutôt que d'envahir l'Irak pour forcer un changement de régime à Bagdad ». Le journal disait que parmi ces officiers se trouvaient des membres des Joint Chiefs of Staff, le commandement suprême militaire.

On dit que les réserves des militaires proviennent au moins en partie de craintes qu'une invasion de l'Irak les forcerait à déployer d'importantes forces terriennes, qui seraient vulnérables à des attaques nucléaires, chimiques, ou biologiques, ou qui risqueraient des pertes énormes lors de combats dans les rues de la capitale, Bagdad.

On s'inquiète aussi qu'après la fin des combats, les Etats-Unis devraient lutter contre la création d'états chi'ite pro-iranien dans le sud ou kurde dans le nord menaçant la Turquie, principal allié américain dans la région. Un militaire a dit au Post, « Je pense qu'il est à peu près certain que nous finirions par faire une campagne contre les kurdes et les chi'ites ». Bref, une guerre américaine contre Saddam Hussein se terminerait par une guerre contre les forces à l'intérieur de l'Irak qui sont de nom alliées avec les Etats-Unis contre Hussein.

Deux jours plus tard le New York Times a publié à la une ses propres renseignements sur les projets militaires contre l'Irak, citant des fonctionnaires civils et militaires qui considéraient des alternatives à une invasion à la grande échelle : un assaut éclair contre Bagdad comprenant des bombardements aériens et des assauts de parachutistes. Cette formule « à l'envers » chercherait à tuer Hussein et de détruire les quartiers généraux irakiens, espérant que le gros des forces militaires irakiennes ne combattraient pas s'ils perdaient le contact avec la capitale.

Le Times présentait cette stratégie comme une tentative de minimiser l'ampleur des combats et d'empêcher Hussein d'utiliser des armes de destruction massive, mais une telle stratégie pourrait rendre l'utilisation de telles armes beaucoup plus probables ­ par les américains. Si le raid manquait ses objectifs, les soldats américains pourraient se trouver isolés autour de Bagdad, encerclés par des forces irakiennes. Dans ce cas, le gouvernement américain pourrait décider d'utiliser des armes nucléaires plutôt que de laisser massacrer son armée d'invasion.

Le coût en vies et en dollars

Le Times a indiqué qu'au sein de l'administration Bush, l'on « parlait d'une une force de 70.000 à 250.000 soldats ». Il n'a pas mentionné les pertes irakiennes anticipées, qui seraient particulièrement graves à Bagdad, une zone urbaine immense et très développée abritant plus de 3 millions d'habitants. Les agences humanitaires ont calculé qu'il y aurait au moins 10.000 morts civils à l'intérieur de Bagdad.

Le lendemain, le Times a tenté d'estimer le coût financier d'une guerre en Irak, d'abord du point de vue de dépenses pour le personnel et le matériel militaire et ensuite du point de vue de la dislocation économique qui résulterait d'une guerre au Golfe Persique, qui fournit une large partie de la production pétrolière mondiale.

A la différence de la Guerre du Golfe de 1990-91, quand la première administration Bush a forcé certains de ses alliés ­ tels le Japon, le Koweït, et l'Arabie Saoudite ­ à payer le gros des frais, une guerre en 2002 ou en 2003 serait presque uniquement financée par les Etats-Unis. La première Guerre du Golfe leur a coûté presque $13 milliards d'un total de $60 milliards. Une deuxième guerre coûterait plus de $80 milliards ­ six fois la dépense précédente ­ alors que le budget national américain est en déficit.

L'administration Bush a déjà commencé à prendre des mesures pour empêcher un « choc pétrolier » dans le cas d'une guerre contre l'Irak. Un mois après le début de la guerre en Afghanistan, Bush a dit au Secrétaire de l'Energie Spencer Abraham de commencer à ajouter plus de 100 millions de barils de pétrole à la Réserve Stratégique de Pétrole Américaine. On a calculé que les acquisitions du gouvernement américain pour grossir la réserve ont fourni la moitié de la croissance de la demande pour le pétrole cette année.

Le Comité sur les Relations Etrangères du Sénat tiendra des réunions sur l'Irak le 31 juillet et le 1er août, commençant par le témoignage d'analystes de politique étrangère et d'anciens fonctionnaires, et obtenant ensuite l'opinion des membres de l'administration Bush. Il y aura des réunions semblables du Comité sur les Relations Etrangères de la Chambre en fin août.

Le démocrate Joseph Biden du Delaware, chef du comité du Sénat, a plusieurs fois exprimé le soutien qu'il porterait à une action militaire contre l'Irak, à condition que l'administration Bush obtienne l'autorisation du Congrès et qu'elle précise ses buts à long terme pour la région. Interrogé sur son retard à appeler des membres de l'administration Bush, Biden a dit à la presse, « Il est clair pour moi que l'administration est au beau milieu d'un débat pénétrant sur quoi faire. Je ne veux pas les mettre dans une position où ils auraient à arriver prématurément à une conclusion ».

On cherche un prétexte pour une guerre

L'administration Bush explore au moins trois manières de provoquer une guerre en Irak : des provocations continues dans les zones aériennes interdites aux irakiens dans le nord et le sud de l'Irak, des tentatives de réintroduire les inspecteurs d'armes de l'ONU dans le pays, et des menaces d'attaques « préventives » contre de prétendus sites d'armes nucléaires, biologiques, ou chimiques.

Des avions américains et britanniques ont bombardé un bunker de communications le 28 juillet ­ c'était le sixième opération de ce genre au mois de juillet, après six mois de calme relatif. Le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld a ajouté que l'on pouvait s'attendre à de telles attaques « chaque semaine ».

Le Pentagone a dit la semaine dernière que les survols des zones aériennes interdites continuent à donner des informations importantes sur les défenses aériennes du pays et à familiariser les pilotes avec le terrain. Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont dépensé plus de $11 milliards sur des opérations aériennes contre l'Irak depuis la fin de la guerre du Golfe, bien plus que la somme dépensée pour l'aide humanitaire au peuple irakien affamé par la guerre et le blocus.

Les Etats-Unis ont bloqué les négociations de l'ONU avec l'Irak pour reprendre les inspections des forces armées irakiennes en insistant qu'ils participent pleinement au programme d'inspections. Le gouvernement irakien a refusé, remarquant que pendant la dernière série d'inspections, de 1991 à 1998, des agents de la CIA s'étaient infiltrés en Irak, déguisés en inspecteurs onusiens, tentant de localiser Hussein et d'autres dirigeants irakiens pour les assassiner.

Le Ministre des Affaires Etrangères irakien, Naji Sabri, a dit a l'agence de presse Reuters que Washington veut renverser le gouvernement irakien et installer un « régime fantoche » qui donnera accès aux ressources pétrolières du pays aux compagnies américaines. « Les Etats-Unis visent le pétrole irakien », a-t-il dit.

Sabri a dit que, vu les menaces de guerre américaines, Bagdad ne pourrait permettre aux inspecteurs américains de revenir en Irak dans le contexte d'une mission de l'ONU : « Ces espions mettraient à jour leurs renseignements sur les installations civiles et économiques tout comme les positions sécuritaires et militaires et donneraient ces informations aux agences militaires et d'espionnage américaines pour les utiliser en attaquant l'Irak ».

L'analyse de Sabri s'est vue renforcée par une source inattendue ­ Rolf Ekeus, un diplomate suédois qui a dirigé les inspections de l'ONU de 1991 à 1997. Parlant à la radio suédoise, il a dit qu'il n'y avait aucun doute que les Etats-Unis avaient manipulé le processus d'inspection.

Ekeus a ajouté qu'il avait personnellement stoppé des tentatives américaines d'utiliser les inspections pour localiser Hussein. Le gouvernement américain a aussi utilisé des inspections pour provoquer un conflit avec l'Irak qui « pourrait justifier une action militaire directe », a-t-il dit. Ekeus a dit à un journal suédois qu'après avoir quitté son poste à l'ONU, il avait appris que les Etats-Unis avaient mis deux agents de la CIA parmi ses inspecteurs.

Les Etats-Unis ont depuis longtemps utilisé la zone aérienne interdite et la question des inspections pour faire pression sur Bagdad. La provocation la plus récente est de commencer une discussion publique sur des attaques militaires unilatérales contre des sites militaires en Irak et en Iran, après l'adresse du Président Bush aux étudiants de l'académie militaire de West Point le 1er juin, au cours de laquelle il a annoncé une nouvelle doctrine de guerre « préventive ».

Le Washington Post a rapporté le 29 juillet qu'à l'intérieur de l'administration Bush on discute la possibilité de bombarder un réacteur nucléaire iranien à Bushehr que les russes aident à construire. L'Iran et la Russie affirment que le réacteur, dont la construction devrait s'achever en 2003 ou 2004, est une centrale destinée à l'usage des civils. Des inspecteurs de l'Agence Internationale sur l'Energie Atomique ont visité le site selon les règles du Traité de Non-Prolifération Nucléaire.

Le Post a remarqué que le gouvernement israélien a publiquement annoncé son opposition à la mise en marche de la centrale Bushehr. Le journal israélien Ha'aretz a rapporté au mois de juin que le gouvernement Sharon révisait d'urgence sa politique envers l'Iran, citant un fonctionnaire des forces de sécurité : « on doit tout faire, y compris, si c'est nécessaire, utiliser la force pour empêcher Téhéran d'obtenir des capacités de construire des armes nucléaires ».

Une attaque contre l'Iran se baserait sur le modèle de l'assaut aérien israélien de 1981 qui a détruit un réacteur irakien à Osirak. Etant donné la plus grande distance à franchir et la présence militaire américaine dans la région, un tel assaut ne serait possible qu'avec le soutien des Etats-Unis.

Lors d'une conférence de presse le 29 juillet , on a interrogé le secrétaire à la Défense Rumsfeld sur la possibilité de frappes aériennes contre de prétendus dépôts d'armes nucléaires, chimiques, et biologiques en Irak. Indiquant que le Pentagone avait longuement étudié la question, Rumsfeld a dit que de telles frappes ne suffiraient pas, à cause de contre-mesures et de dissimulations irakiennes. « L'idée qu'il serait facile de simplement faire ce que vous suggérez de l'air », a-t-il dit, « indique une compréhension erronée de la situation ». Il impliquait clairement que seul l'envoi de forces de terre et la conquête de l'Irak pourraient être suffisant.

Une des accusations contre les chefs nazis à Nuremberg était qu'ils avaient « préparé des guerres agressives » contre des pays comme la Tchécoslovaquie, la Pologne, le Danemark, la Norvège, et la Yougoslavie. On pourrait faire de telles accusations contre les hauts fonctionnaires à Washington, qui préparent ouvertement une guerre contre un pays qui ne menace pas sérieusement les Etats-Unis.


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