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France: Les attentats anti-sémites accompagnent le racisme anti-arabe

Par Chris Marsden
26 avril 2002

Une alliance sinistre entre des sionistes extrémistes et le Front National fasciste de Jean-Marie Le Pen redouble d'efforts pour attiser les relations déjà très tendues entre les juifs et les musulmans de France. Cette campagne politique de fait exploite une série d'attentats anti-sémites commis par de jeunes maghrébins mécontents pour légitimer des mesures policières, à la fois racistes et nationalistes, qui menacent les intérêts tant des musulmans que des juifs.

Il est essentiel d'adopter une position de principe contre ceux qui prônent la haine intercommunautaire. Surtout dans un pays qui abrite la plus grande population islamique en Europe (6 millions) ainsi que 700.000 juifs ­ ce qui fait de la France le quatrième centre de population juive au monde, après Israël, les Etats-Unis, et la Russie. Ceci est d'autant plus urgent, non seulement à cause des terribles événements qui se déroulent au Moyen-Orient, mais aussi à cause du succès électoral récent du chef du Front National (FN) Jean-Marie Le Pen, qui a pris la deuxième place au premier tour des élections présidentielles.

L'homme qui a une fois décrit l'Holocauste comme « un détail de l'histoire » cherche à nourrir les sentiments anti-musulmans, tout en se présentant comme un ami des juifs de France à cause des mesures policières qu'il réclame et de ses positions anti-musulmanes.

Tout suggère que la dernière flambée de violence anti-sémite provient généralement d'une sympathie mal exprimée parmi les jeunes musulmans pour les souffrances du peuple palestinien sous occupation israélienne. Ce seul fait démontre encore une fois que le sionisme est l'ennemi du peuple juif, non pas son sauveur. Les crimes du gouvernement d'Ariel Sharon ont terni le nom d'Israël pour des millions de personnes dans le monde et ont associé un peuple historiquement lié à la promotion d'idéaux progressistes à une politique de terreur contre les Palestiniens et de violation systématique de leurs droits démocratiques.

Cela ne diminue aucunement le caractère réactionnaire des attentats contre les personnes et les institutions religieuses juives. Rien ne peut justifier une position qui identifie tous les juifs avec les crimes du gouvernement d'Israël ­ une telle position est essentiellement raciste. Si rien n'indique que les jeunes qui ont attaqué des travailleurs juifs sont directement influencés par les diverses formations intégristes islamiques, de tels groupes et de nombreux régimes arabes encouragent souvent des sentiments anti-sémites pour se bâtir une base populaire parmi les éléments les plus politiquement arriérés.

On ne peut pas non plus se consoler du fait qu'en général, l'anti-sémitisme a pris la forme de graffitis racistes et essayer ainsi de minimiser le problème. Si l'on doit éviter le type de réaction hystérique encouragée par les sionistes extrémistes, toute complaisance face à la réapparition de l'anti-sémitisme est inacceptable. Il y a eu une série d'incendies criminels de synagogues, de profanations de cimetières juifs, et une soixantaine d'agressions physiques contre des juifs. Le pire incident ­ et le seul jusqu'ici ayant eu un caractère organisé ­ était l'assaut lancé par des hommes masqués et armés de barres de fer contre une équipe de foot juive dans la banlieue parisienne de Bondy. Le gardien de but (âgé de 15 ans) a été si grièvement blessé qu'il a dû être hospitalisé.

Le fait pour des jeunes musulmans de prendre des juifs pour cibles n'avance aucunement la cause des des palestiniens en lutte pour leurs droits démocratiques. La porte-parole de l'Autorité Palestinienne en France, Leila Shahid, a émis un communiqué affirmant que « Tout acte contre la religion juive et le peuple juif est un crime contre la cause palestinienne ». C'est plutôt la droite en France et en Israël qui profite directement de l'anti-sémitisme. Il ne peut servir qu'à désorienter beaucoup de juifs des deux pays qui sont opposés à la guerre de Sharon, mais qui craignent avec raison la montée de l'anti-sémitisme parmi les peuples arabes et l'influence croissante de groupes néo-fascistes dans plusieurs pays européens.

Dans la lutte contre les tentatives de Sharon de détruire l'Autorité Palestinienne et contre le danger fasciste en France, il ne fait rien laisser compromettre la lutte pour unir les travailleurs, jeunes et intellectuels musulmans et juifs. Une telle tâche ne peut être confiée à aucun des grands partis bourgeois, malgré leurs tentatives de décrire les institutions républicaines françaises comme une garantie contre le racisme. Le leader gaulliste Jacques Chirac et son rival vaincu, le socialiste Lionel Jospin, ont tous deux accompagné leur condamnation de l'anti-sémitisme à des appels à l'unité entre les juifs et les musulmans de France. Mais le contenu essentiel de leur politique est de nourrir des sentiments anti-immigrés et de prendre particulièrement les jeunes musulmans comme cibles de mesures de répression policière.

Les jeunes nord-africains souffrent déjà des pires formes d'oppression et de discrimination sociale. La police française a avoué que les attentats ont probablement été commis par un petit nombre de jeunes maghrébins, fils ou petit-fils d'immigrés. Cependant, les autorités ont réagi en proposant de sévères mesures policières, décrivant les attentats comme la pire expression d'une montée générale des crimes violents, pour lesquels les jeunes immigrés sont généralement responsables.

Daniel Dugléry, ancien inspecteur-général de la police française et un proche du président Chirac, a prétendu que le nombre annuel de crimes et délits avait augmenté de 500.000 à 12 millions au cours des trois dernières décennies, ajoutant qu'il faudrait davantage de policiers. Dans les banlieues d'immigrés, « les policiers fuient les jeunes tous les jours », a-t-il affirmé. Le thème de la criminalité des immigrés a été invoqué de façon subliminale dans un pamphlet électoral émis par Chirac, intitulé « Insécurité. La France ne sait plus où elle va », qui montrait une main noire crispée comme un symbole de criminalité.

Les attaques contre des juifs ont été exploitées par les sionistes de droite en France et par le gouvernement Sharon. Ils ont trois buts : pour justifier la guerre de Sharon contre les palestiniens, leur propagande fait de tout musulman un anti-sémite. Pour la même raison, ils condamnent toute critique de Sharon et du sionisme comme étant essentiellement anti-juive, et, finalement, ils utilisent la crainte de l'anti-sémitisme pour s'opposer à l'assimilation des juifs et prôner l'émigration en masse vers Israël.

Un trait important de la propagande sioniste est la tentative d'assimiler la gauche politique et les sentiments anti-sionistes en général à de l'anti-sémitisme. Le rabbin Andrew Baker du Comité Juif Américain a proclamé que les juifs français font face à trois menaces ­ la minorité arabe de France, les extrémistes de droite, et les intellectuels de gauche.

Bon nombre d'organisations juives, chapeautées par le Conseil Représentatif d'Organisations Juives en France (CRIF), adoptent une position moins nuancée. Une manifestation tenue à Paris le 7 avril a explicitement lié l'opposition aux attentats anti-sémites au soutien pour la guerre de Sharon. Jusqu'à 50.000 personnes y ont participé (150.000 selon les organisateurs). Beaucoup brandissaient le drapeau israélien et, selon le chef de la police de Paris, Jean-Paul Proust, « Un noyau d'environ 400 à 500 personnes appartenant à des mouvements pro-israéliens extrémistes n'ont pas cessé de faire des provocations pendant plusieurs heures ». Ils étaient armés de couteaux, de pistolets hypodermiques, et de battes de baseball. Des membres de Betar, le mouvement de jeunes de Likoud en France, et de la Ligue de Défense des Juifs ont tabassé des arabes nord-africains et des journalistes qu'ils accusaient d'être pro-palestiniens ; un militant sioniste a poignardé un policier à l'abdomen quand ce dernier a essayé d'intervenir.

La décision de soutenir la guerre de Sharon a fait face à une opposition parmi la communauté juive de France, mais le président du CRIF, Roger Cukierman, a furieusement balayé ses critiques du revers de la main. Son prédécesseur au poste de président du CRIF, Théo Klein, était parmi ceux qui ont refusé de se joindre à la manifestation, préférant organiser une contre-manifestation qui se bornait à opposer l'anti-sémitisme. Cukierman y a répondu ainsi: « J'ai dit [à l'époque] que si la France souffrait d'anti-sémitisme, aucun juif n'avait été tué dans ces incidents, tandis que 125 ont été tués en Israël, et seulement au mois de mars. J'ai donc senti que la bienséance nous forçait à nous solidariser avec Israël ». A une réunion antérieure en présence de Jospin, Cukierman avait déclaré qu' « Il n'y a rien de plus proche de l'anti-sémitisme que l'anti-sionisme ».

Des portes-parole du gouvernement israélien ont plusieurs fois appelé les juifs de France à émigrer. En février, Sharon lui-même a dit qu'Israël se préparait à l'exode des juifs français à cause de « cette vague dangereuse d'anti-sémitisme ». Le 10 avril, le gouvernement israélien a dit que l'émigration de tous les 700.000 juifs français était devenue une nécessité, annonçant la formation d'un comité inter-ministériel pour se charger de question. Après le succès de Le Pen au premier tour, le vice-premier ministre Elie Yisha, qui dirige le parti ultra-orthodoxe Shas, a appelé les juifs de France à émigrer en Israël, insistant que « les juifs d'Europe, surtout les juifs de Frances, ne peuvent rester indifférents face à une vague d'attentats anti-sémites que les autorités françaises semblent être incapables de prévenir ».

Les idées anti-sémites de Le Pen sont bien connues, mais le trait le plus important de ses communiqués récents est sa tentative obscène de se solidariser avec les juifs français, Israël, et le gouvernement Sharon. Le Pen veut nourrir sa propre campagne contre la principale tête-de-turc du Front National, l'ennemi par excellence dans sa vision chauvine pour l'avenir de la France ­ l'immigré musulman.

Dans une longe entrevue avec le journal israélien Haaretz le 23 avril, Le Pen a dit: « Il y a un problème général avec les gangs qui habitent dans les banlieues des grandes villes. Ils utilisent les évènements [au Moyen-Orient] comme une couverture idéologique pour leurs actions. Il y a une population islamique en France, d'origine nord-africaine. Certains peuvent avoir la nationalité française, mais ils n'ont ni l'héritage culturel ni la structure sociologique française. Ils opèrent selon une logique différente de la plupart de la population ici. Leurs valeurs sont différentes de celles du monde judéo-chrétien ».

Le Pen a ajouté, « Ces éléments ont un effet négatif sur toute sécurité publique. Ils sont renforcés démographiquement, et par leur reproduction naturelle et par l'immigration, qui renforce leur ségrégation ethnique obstinée, leur nature impérieuse. C'est le monde de l'Islam avec toutes ses aberrations ». En refusant de réprimer les immigrés, « le gouvernement français laisse de côté sa responsabilité » en « empêchant les forces de l'ordre d'intervenir ».

Sur cette base, Le Pen a donc approuvé complètement la guerre de Sharon contre les palestiniens et l'a comparée à ses propres efforts comme membre de « la 10e division de parachutistes qui devait détruire la terreur à Alger La division a détruit la terreur, et elle ne l'a pas fait en étant gentil avec les terroristes. Une guerre contre la terreur est une chose brutale ».

« Je comprends totalement l'Etat d'Israël, qui essaie de défendre ses citoyens », a-t-il conclu.

Le sionisme a une longue et déshonorante histoire d'utilisation de la menace posée par l'extrême-droite pour soutenir sa propre version du nationalisme religieux, parfois jusqu'à l'établissement d'une relation quasi-symbiotique ­ les fascistes veulent voir partir les juifs et les sionistes veulent les voir émigrer. La France contemporaine n'est pas une exception. Le président du CRIF, Cukierman, est loin d'avoir endossé les appels israéliens à l'émigration des juifs français. Il a plutôt émis des communiqués qui soulignent l'émergence d'une prétendue communauté d'intérêts entre les juifs et Le Pen.

Avant le premier tour des présidentielles, Cukierman a déclaré, « Le fait même que Le Pen s'oppose ouvertement à l'immigration islamique en France transmet un signal qui aide à contenir la violence qui provient de cette immigration ». Après l'annonce du vote en faveur de Le Pen, il est revenu sur le thème de Le Pen en tant qu'allié contre la population islamique française. « Le succès de Le Pen est un message aux islamiques de se tenir tranquilles », a-t-il soutenu, « parce qu'il est connu comme quelqu'un qui s'est longtemps opposé à l'immigration islamique ».

La situation en France est politiquement complexe et ne se prête pas aisément aux réponses faciles avancées par les idéologues de l'exclusivisme religieux, de la race, et de la nation. L'anti-sémitisme et le racisme anti-islamique ne sont pas des opposés, mais des jumeaux. Les deux servent a diviser la classe ouvrière contre elle-même dans l'intérêt politique des élites dirigeantes.

La réapparition de l'anti-sémitisme a ses origines immédiates dans les évènements au Moyen-Orient, mais ceci ne force pas toute campagne contre cet anti-sémitisme à prendre le forme unique d'une campagne séparatiste pour un état juif. Les sionistes demandent en fait aux juifs de fuire un anti-sémitisme en France qui n'est à l'heure actuelle que l'ombre de l'hostilité à laquelle ils seront confrontés venant des masses arabes à cause de la guerre pogromiste de Sharon.

Le contenu essentiel de la lutte contre toute forme de racisme est l'unité politique de la classe ouvrière, basée sur un programme d'internationalisme socialiste. Les arabes et les juifs progressistes à travers le monde doivent non seulement s'unir dans un rejet mutuel du nationalisme et du chauvinisme et pour la création des Etats-Unis Socialistes du Moyen-Orient. Ils doivent le faire en s'engageant dans un mouvement politique plus large pour mobiliser la classe ouvrière française, européenne et internationale indépendemment des représentants politiques de l'impérialisme.

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