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France : l'ancien officier de renseignement Bunel condamné à la prison

Par Francis Dubois et Paul Stuart
Le 21 décembre 2001

Le 15 décembre, le Tribunal de Paris aux armées (TPA), une cour de justice à la fois civile et militaire, a trouvé Pierre-Henri Bunel, l'ancien officier de renseignement accusé d'avoir transmis des plans de guerre de l'OTAN aux renseignements serbes en 1998, coupable de trahison et l'a condamné à une peine de prison. Durant le procès, Bunel fut denoncé avec sévérité pour sa trahison et pour avoir discrédité la France. La sentence de cinq ans toutefois (dont trois avec sursis) est loin de correspondre au discours tenu. Bunel a déjà fait dix mois de prison avant que ne s'ouvre le procès, et demandera à bénéficier de la liberté conditionnelle. Selon son avocat, Eric Najszdat, Bunel pourrait être libéré dans quelques semaines. Avant 1981 il aurait été passible de la peine de mort.

Le verdict et le déroulement du procès ne peuvent qu'accroître les soupçons d'un camouflage organisé au plus haut niveau et motivé par la peur que ne soit révélé le fait que Bunel n'a pas agi seul mais au service d'une partie de l'Etat français.

Le procès intenté à Bunel, qui avait pris deux ans de préparation, s'est terminé au bout de deux jours seulement sur un verdict de culpabilité. Le procès fut transféré d'une cour de justice civile à un tribunal militaire dans le but de soustraire le procès à la vue du public.

Bunel avait déclaré au moment de son arrestation qui avait eu lieu à la demande des services de renseignement américains, qu'il avait transmis les plans de guerre de l'OTAN à la sécurité serbe dans le but d'empêcher une « catastrophe humanitaire ». Mais, à l'approche du procès, son avocat déclara que Bunel avait agi sur les ordres de la DPSD (Direction de la Protection de la Sécurité Défense) la sécurité militaire française.

L'avocat général déclara que les documents transmis par Bunel au colonel Jovan Milanovic dans l'appartement de cet agent (et non dans un restaurant comme on l'a rapporté initialement) à Bruxelles donna au régime Serbe de Slobodan Milosevic « une image claire » des objectifs fondamentaux et des différent stades de ses plans de guerre, mettant ainsi en danger les intérêts de la France. A cela Bunel répondit: « Je ne suis pas un traître on m'a demandé de dire à un officier de renseignement serbe que la seule façon d'éviter un bombardement intensif était de se retirer du Kosovo ». Mais, encouragé par l'accusation, qui déclara que la thèse de Bunel n'était pas crédible, Bunel changea de nouveau de ligne et accepta l'accusation selon laquelle il avait agi comme un individu isolé sans rapports avec l'appareil militaire.

En se fondant sur ce changement de déposition l'accusation élabora la thèse que Bunel non seulement avait agi seul mais aussi qu'il était mentalement instable. Bunel avait les nerfs fragiles et le tour pris par sa carrière militaire l'avait déçu. On fournit comme preuve que tous les autres officiers de sa promotion à l'école militaire de Saint-Cyr avaient obtenu le grade de colonel ou mieux. Le fait qu'il n'avait pas vécu « la gloire d'une véritable carrière militaire » était censé avoir contribué à son instabilité mentale.

La presse française ne contredit pas cette version des faits, ni ne fit aucune enquête sérieuse afin de révéler les rapports évidents entre les activités de Bunel et la politique de l'impérialisme français. Au lieu de cela elle en fit un personnage risible.

Bunel, toutefois, était un personnage d'une envergure considérable au sein de l'appareil militaire. On avait même songé à le recommander pour diriger la sécurité militaire. Il a obtenu les plus hautes décorations décernées en France, et joua un rôle de première importance au cours des opérations de l'armée française et de l'OTAN en Somalie, en Iraq au Rwanda, en Bosnie et en Yougoslavie. Il fut un des quatre officiers français décorés par le général Norman Schwarzkopf à l'issue de la guerre du Golfe (1990-1991) et on lui confia un poste important au sein de la Force d'action rapide (FAR) lors de sa constitution.

Un tel palmarès ne correspond guère à l'image donnée de lui au procès, celle d'un original mécontent qui aurait agi sans ordres.

Bien qu'ayant finalement modifié son témoignage (il est possible que cela ait été en échange d'une sentence moins lourde), Bunel refusa toujours d'admettre qu'il était un traître. Il qualifia ses actes de « faute professionnelle ». Pendant le procès, l'avocat de Bunel appela trois généraux en retraite, avec qui Bunel avait collaboré étroitement, à témoigner. Le général Michel Roquejoffre, ancien commandant des forces françaises en Arabie Saoudite pendant la guerre du Golfe dit: « Je ne considère pas Bunel capable des faits qu'on lui reproche ». Le général en retraite Guy le Pichon, avec qui Bunel avait servi en Bosnie, dit qu'il était « un officier de tradition » attaché « au service de la France Je crois qu'il a voulu montrer aux serbes que l'affaire était sérieuse ». Le général Rideau, avec qui Bunel avait aussi collaboré en Bosnie parla de « la très grande culture » de Bunel et dit qu'il était « un officier de renseignement de très grande qualité ». Quant aux soi-disant sentiments pro-serbes de Bunel, il dit que « ce reproche est fait de manière systématique aux forces françaises qui ont servi en Yougoslavie ».

Rideau dit ici la vérité. Bunel n'était pas motivé par des sentiments pro-serbes ou par des convictions humanitaires. Il a été mêlé à quelques-uns des pires massacres ayant eu lieu récemment - la destruction de l'Iraq, le génocide Rwandais et le nettoyage ethnique en Bosnie. Il est clair que Bunel a agi au nom de l'impérialisme français. Il fut seulement arrêté parce que les services de renseignement américains avaient découvert ses activités et il est très probable que les services secrets français lui ont donné l'ordre de rencontrer leurs homologues serbes.

Les services secrets français ont à leur actif de nombreuses tentatives de saper l'influence américaine dans les Balkans. Après l'arrestation de Bunel en octobre 1998, la campagne de bombardement de l'OTAN dut être repoussée jusqu'au mois de mars de l'année suivante. Dans son stade initial, les bombardiers américains détruisirent l'ambassade de Chine à Belgrade. Ce furent des sources anonymes au sein de l'armée française qui dirent avoir la preuve que les Etats-Unis avaient délibérément pris l'ambassade pour cible.

Jacques Rupnik, un représentant du Centre d'affaires internationales explique que « La France a cette paranoïa que l'Amérique est le pouvoir hégémonique dans les Balkans La France pense que les Etats-Unis se sont imposés comme la puissance dominante dans les Balkans et que la position française dans les Balkans a été affaiblie ». Selon Dominique Moisi, un autre expert de la politique extérieure française « Les exemples de complicité avec les serbes sont si nombreux qu'il faut les définir comme une tendance Il est clair que la France comme nation pense que nous avons aidé à construire la Serbie comme nation et qu'il y a une relation privilégiée entre la Serbie et la France ».

Bunel est le premier militaire traduit devant un tribunal pour ses activités dans les Balkans. Mais on a aussi rapporté qu'au cours de l'été 1997 une opération montée par l'Otan pour arrêter le dirigeant serbe-bosniaque Radovan Karadzic pour crimes de guerre échoua quand un major français, Hervé Gourmillon, avertit Karadzic du danger.

Il est donc très possible que Bunel ait effectivement transmis des documents aux autorités serbes sur ordre de l'une ou l'autre partie de l'appareil d'Etat français afin de faire échouer ce qui était considéré comme une consolidation de l'hégémonie US et une menace vis-à-vis des intérêts impérialistes français.

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