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Un échange sur le boycott des universitaires israéliens

17 juillet 2002

Le World Socialist Web Site a publié le 22 juillet l'article «Non au boycott des universitaires israéliens», pour s'opposer au boycott organisé par des universitaires de centre-gauche et radicaux aux États-Unis. La prise de position du WSWS a suscité un torrent de correspondance, pour et contre, sur la question. Nous publions ici une des lettres qui critiquent la position du WSWS, suivie de notre réponse par deux membres du comité éditorial, David North et Bill Vann.

Au rédacteur en chef :

La position ouvertement sioniste du WSWS contre le boycott m'attriste.

Où est la colère contre la censure des universitaires palestiniens aux États-Unis? Vous êtes des hypocrites sionistes déguisés en socialistes.

Je dois ajouter que je suis Juif, je parle hébreu, j'ai eu un Bar Mitzvah, j'étais le président de la section Hillel de mon université, et que j'ai sillonné plusieurs fois tout Israël.

S'opposer au boycott parce qu'il risque de rendre la gauche israélienne pourrie encore plus faible est la pire réponse opportuniste que vous puissiez donner.

Peace Now est une organisation sioniste opposée au principe d'une personne égale un vote.

Israël n'est une nation légitime selon aucune définition marxiste du terme ; c'est simplement un État colonial à l'état pur.

Israël est si illégitime qu'atteindre le niveau de l'apartheid sud-africain serait un progrès vis-à-vis sa virulence actuelle.

La majorité de ses citoyens sont des immigrés très récents (depuis 1967) transplantés des États-Unis, du Royaume-Uni, de France ou de Russie ; il n'a aucune existence historique économique, sa vie économique est entièrement fabriquée par les forces armées américaines ou l'aide indirecte. Sa langue est une reconstruction artificielle d'une langue morte, dont le seul avantage serait peut-être qu'elle est plus facile à apprendre que sa langue sémite cousine ­ l'arabe.

Tous ses citoyens sont des membres enregistrés de ses forces armées ; ils sont donc tous des cibles militaires, économiques, culturelles et universitaires légitimes lors d'une guerre civile.

Israël est une théocratie avec une loi du retour raciste qui m'octroie le droit d'expulser d'autres personnes en vertu de mon seul Bar Mitzvah.

On devrait saluer les universitaires juifs marxistes brillants tels Steven Rose pour leur courage et leur honnêteté.

Les Juifs marxistes n'apprécient pas votre complexe de culpabilité chrétien par rapport à l'Holocauste qui se traduit par un soutien servile pour Israël.

Les fondateurs d'Israël ont refusé de prendre l'occasion offerte par Eichman de sauver plus d'un million de Juifs (voir Le Septième Million de Tom Segev).

Israël est en effet le jouet des États-Unis et de la Grande Bretagne, mais c'est un pilier clé de l'impérialisme mondial.

Qui crée l'histoire israélienne, la gauche juive ou les masses arabes?

La gauche israélienne est une gauche pro-apartheid.

Seuls les Israéliens qui acceptent de se considérer comme étant Arabes et de lutter pour une république démocratique arabe unifiée ont le droit et l'espoir de rester dans l'État qui résultera probablement de la crise grandissante.

Les professeurs qui continuent à travailler pour l'État israélien devraient n'être les bienvenus dans aucune université démocratique. Ils n'aiment pas cela, vous ne n'aimez pas, bien. Ils devraient être forcés à choisir entre les deux positions.

Au moins, on devrait clairement annoncer qu'ils sont les agents payés du gouvernement israélien, pour que l'on puisse comprendre leur perspective.

Encore une fois : Peace Now est une organisation sioniste qui veut perpétuer l'apartheid israélien. Je veux vomir quand je vous vois en train de la citer.

JB

Cher JB :

Le communiqué du World Socialist Web Site s'opposant à la campagne internationale pour un boycott des universitaires israéliens a provoqué beaucoup de correspondance, pour et contre. Votre lettre se distingue, cependant, par sa malhonnêteté et par la clarté avec laquelle elle exprime les sentiments rétrogrades qui sous-tendent cette campagne.

Vous commencez votre lettre en nous disant que «je suis Juif, je parle hébreu, j'ai eu un Bar Mitzvah, j'étais le président de la section Hillel de mon université, et que j'ai sillonné plusieurs fois tout Israël.» Il ne nous reste qu'à répondre : «Mazel Tov !»

Ce n'est pas une argumentation politique et ne justifie pas une présentation trompeuse du communiqué du WSWS qui nous décrit comme des «hypocrites sionistes déguisés en socialistes» et attribue notre position à un «complexe de culpabilité chrétien par rapport à l'Holocauste».

Le Comité International de la Quatrième Internationale n'a pas de leçons à recevoir de vous ou d'autres sur la lutte contre le sionisme, sur la défense du peuple palestinien ou sur la nature de l'État israélien. Vous n'avez qu'à lire les articles du WSWS des quatre dernières années. Plus généralement, le mouvement trotskyste a un passé d'opposition de principe au sionisme qui remonte bien avant la fondation de l'État israélien.

Ce point de vue ne se base ni sur la «culpabilité» ni sur le radicalisme enragé exprimé par la campagne pour le boycott. Il se base sur les intérêts de la classe ouvrière, autant arabe que juive, et la lutte pour le socialisme international. Notre perspective est à la fois historique et internationaliste, deux qualités qui manquent entièrement dans votre façon d'aborder les questions.

Votre lettre laisse entièrement de côté l'incident qui a motivé le communiqué du WSWS : le renvoi de deux universitaires israéliens ­ Gideon Toury et Miriam Schlesinger ­ en un acte de solidarité avec ce boycott, par une professeure britannique, Égyptienne de naissance, qui est aussi propriétaire de la maison d'édition où ils travaillaient.

Dites-nous comment le marxisme défend la propriétaire d'une maison d'édition qui exprime sa frustration envers la politique réactionnaire d'un État étranger en licenciant deux de ses salariés simplement parce qu'ils sont de cet État étranger.

Pendant la Deuxième Guerre Mondiale, des trotskystes en France occupée ont publié un journal en allemand, Arbeiter und Soldat, qui a circulé parmi des Allemands portant l'uniforme de l'État fasciste qui massacrait des millions de personnes. Ils reconnaissaient la nécessité de s'unifier avec les soldats de classe ouvrière. Plusieurs d'entre eux ­ des travailleurs français et des soldats allemands ­ ont perdu leurs vies dans cette démonstration héroïque d'internationalisme.

Ces perspective et pratique internationalistes sont la fondation essentielle du mouvement trotskyste et du marxisme lui-même, qui est diamétralement opposé au point de vue démoralisé et fondamentalement nationaliste exprimé par le licenciement des deux universitaires israéliens et tout le contenu de votre lettre.

Il y a un niveau de lâcheté et d'hypocrisie vraiment extraordinaire dans la campagne pour un boycott. Vous laissez de côté notre question : pourquoi limite-t-on cette sanction aux universitaires israéliens? Vous décrivez vous-même Israël comme un «jouet des États-Unis et de la Grande Bretagne» ­ pourquoi ne pas insister que l'on refuse tout contact avec les universitaires américains et britanniques et que l'on les licencie?

Les universitaires américains et britanniques ne sont-ils pas des «agents payés» de leurs gouvernements tout comme les universitaires israéliens? Avez-vous des indications qu'ils ont plus de courage ou un plus grand sens du sacrifice? Pourquoi ne pas leur demander de quitter des institutions qui contribuent aux machines de guerre américaines et britanniques, et sans doute ainsi à celle d'Israël?

Et pourquoi diriger cette action seulement contre les professeurs? Comme d'autres l'ont indiqué, un boycott qui voulait avoir des effets économiques sur l'État israélien aurait mieux fait de viser des logiciels développés en Israël, des ordinateurs Intel ou des produits Microsoft fabriqués avec l'aide de chercheurs israéliens. Évidemment, ceci pourrait frapper la valeur des actions de certains boycotteurs. Licencier quelques universitaires israéliens exprime une certaine «solidarité» et coûte moins cher.

Pourquoi l'opposition du WSWS au boycott a-t-elle évoqué une telle haine chez vous et chez d'autres que vous sentez le besoin de nous attaquer en falsifiant grossièrement notre position? Nous croyons que cette réaction est fondamentalement celle d'un milieu petit-bourgeois gauchisant qui essaie de se présenter comme la direction d'une lutte anti-impérialiste. Nous répétons et nous insistons : ce milieu n'a rien d'anti-impérialiste. En plus, si la colère morale de ce milieu s'attelle à une mesure réactionnaire comme un blocus intellectuel, elle n'a pas de contenu progressiste du tout.

Israël, vous dites, «n'est une nation légitime selon aucune définition marxiste du terme», mais «simplement un État colonial à l'état pur». La vérité, comme l'a remarqué l'écrivain Oscar Wilde, n'est «jamais pure et rarement simple».

La création de l'État israélien coïncidait avec la décolonisation du Moyen-Orient, de l'Afrique, et d'autres zones contrôlées par les empires britannique, français, et d'autres moindres puissances européennes. Parmi les nouvelles nations créées à cette époque, lesquelles étaient «légitimes» selon n'importe quelle «définition marxiste du terme»? Leurs frontières étaient presque toutes établies par les anciennes puissances coloniales. Essentiellement, le pouvoir passait des vieux colonialistes européens à une bourgeoisie locale agissant comme l'agent de l'impérialisme.

La capacité du sionisme de faire accepter son projet nationaliste réactionnaire de créer un État juif en Palestine relève essentiellement de la trahison du mouvement ouvrier européen par les staliniens, qui a ouvert le chemin à la Deuxième Guerre mondiale et l'Holocauste. Jusque-là, beaucoup plus de Juifs européens considéraient le socialisme comme le moyen d'arriver à l'égalité que le sionisme.

Ce que vous écrivez sur l'indifférence des sionistes concernant les juifs européens ­ à part la question de leur émigration en Palestine ­ est, bien sûr, vrai. Mais les socialistes ne partagent pas cette indifférence, et ils ne peuvent laisser de côté les effets de cette histoire tragique sur l'état d'esprit des masses dans leurs analyses.

Nous vivons toujours les conséquences de ces évènements aujourd'hui. Vous dites que la gauche israélienne est «faible» et «pourrie». Au contraire des gauches européenne ou américaine, qui auraient selon vous démontré une grande vitalité? La crise de direction et de perspective qui existe dans la classe ouvrière israélienne n'est pas différente de celle qui existe dans d'autres parties du monde.

Elle provient des mêmes évènements internationaux, particulièrement les nombreux crimes du stalinisme qui ont culminé en la dissolution de l'URSS. Les mouvements révisionnistes qui se sont adaptés au stalinisme et au nationalisme bourgeois et qui trouvaient des qualités révolutionnaires dans de tels mouvements, ont exacerbé le problème. L'histoire a déjà démontré ce que valaient leurs opinions.

En plus, on ne peut séparer la désorientation qui existe en Israël de la dégénérescence des tendances nationalistes et laïques ainsi que de celles de gauche, et le développement des mouvements théocratiques et xénophobes.

Les Israéliens, à cause de l'inscription militaire, «sont donc tous des cibles militaires, économiques, culturelles et universitaires légitimes lors d'une guerre civile». Parlant ainsi, on pourrait approuver les attentats-suicide organisés par Hamas et d'autres organisations semblables.

Il y a un point en commun entre la perspective des attentats terroristes et celle du boycott universitaire. Les deux abandonnent toute possibilité de développement politique des travailleurs et des intellectuels israéliens. Les deux nient la possibilité de construire un mouvement socialiste révolutionnaire indépendant qui se base sur cette classe. Finalement, les deux ne comptent pas transformer fondamentalement la société, mais plutôt forcer les régimes américains et israéliens à changer de politique.

Contrairement à vous, nous ne considérons pas que les travailleurs, les jeunes, et les intellectuels israéliens sont à inscrire dans la colonne des pertes totales. Notre opposition à la tactique du boycott se base sur son effet sur l'état d'esprit de ces couches sociales. Comme nous l'avons dit dans notre communiqué : «Des mesures visant des Israéliens ordinaires ne font qu'aider les tentatives sionistes à répandre l'idée fataliste et profondément pessimiste que le monde entier est uni contre les Juifs et que l'État israélien est le seul refuge possible.»

Évidemment, pour celui qui ne considère des travailleurs israéliens que comme des «cibles militaires», ceci n'a aucune importance. Pour ceux qui sont convaincus que les idéaux socialistes peuvent gagner le soutien politique des masses et vaincre l'influence du sionisme, c'est essentiel.

Vous demandez : «Qui crée l'histoire israélienne, la gauche juive ou les masses arabes?» Vous continuez en disant que seuls les Israéliens «qui acceptent de se considérer comme étant Arabes et de lutter pour une république démocratique arabe unifiée ont le droit et l'espoir de rester dans l'État qui résultera probablement de la crise grandissante».

L'alternative que vous nous présentez est totalement fausse. L'histoire ne sera faite ni pas la «gauche juive» ni par les «masses arabes». La première catégorie est subjective, composée d'une petite minorité désorientée, tandis que la seconde est composée d'éléments disparates et antagonistes. La classe ouvrière internationale fera l'histoire une fois qu'elle sera armée d'une perspective et d'un programme socialistes et internationalistes.

Quant au projet de créer «une république démocratique arabe unifiée», l'histoire démontre que la lutte pour le socialisme est bien plus faisable. Où a-t-on vu un tel État, et quelles sont les qualités de la bourgeoisie palestinienne qui indiquent qu'elle pourrait donner naissance à un tel objet?

Nous ne nous adaptons pas à la politique d'Arafat, encore moins à celle de Hamas. La création d'un nouvel État dont la bourgeoisie palestinienne aurait le contrôle ne serait ni démocratique, ni socialiste.

Au début du siècle dernier, les marxistes ont soutenu le droit à «l'autodétermination» des peuples opprimés à fin de créer les meilleures conditions possible pour obtenir la confiance des travailleurs des nations opprimées et de les unir avec les travailleurs des nations opprimantes dans une lutte commune pour le socialisme.

Des décennies après la fin des régimes coloniaux et la création d'États-nations soi-disant indépendants, on peut dire carrément que la formation de ces nouveaux États n'a nulle part mis fin à l'oppression. N'importe quel État palestinien, qu'il soit fondé sur quelques petites parcelles de terre comme l'envisagent les dirigeants israéliens ou sur tout le territoire de la Palestine d'avant 1948, souffrirait d'inégalité et des divisions de classe.

Ce qu'exclut votre point de vue ­ et celui en général des boycotteurs ­ c'est la classe ouvrière, arabe et juive, qui seule peut opérer une transformation vraiment progressiste du Moyen-Orient.

Le but n'est pas plus de convaincre les Israéliens de se considérer arabes (certains le sont, au fait) qu'il n'est de convertir les Palestiniens au judaïsme. Le but est plutôt de faire en sorte que les deux se considèrent comme des socialistes internationalistes et comprennent que le renversement de l'État israélien et la défaite de l'impérialisme au Moyen-Orient est la responsabilité à la fois des travailleurs juifs et arabes.

Une dernière chose. Vous suggérez que le WSWS est en solidarité politique avec Peace Now parce que nous avons remarqué qu'une des universitaires licenciés était membre de l'organisation et anciennement directrice d'Amnesty International.

«Peace Now est une organisation sioniste qui veut perpétuer l'apartheid israélien. Je veux vomir quand je vous vois en train de la citer», vous dites.

Ceci est de nouveau une calomnie politique sans fondement se basant sur une déformation intentionnelle de ce que nous avons publié.

Si nous n'avons rien en commun avec Peace Now, une organisation qui s'identifie avec le sionisme et une solution «à deux États» de la crise, on devrait remarquer que ce mouvement a sommé le gouvernement israélien de se retirer des territoires occupés et de négocier un traité de paix avec les Palestiniens ­ ils partagent donc les buts des organisateurs du boycott.

Qu'est-ce que les initiateurs de la pétition pour un boycott universitaire, que vous décrivez comme des «universitaires juifs marxistes brillants», ont à dire? Dans une lettre du 15 juillet au Guardian, Steven et Hillary Rose ont écrit que «toute personne rationnelle sait que la seule façon d'avoir une paix juste et durable est qu'Israël accepte la légitimité d'un État palestinien et que le monde arabe accepte un Israël en sécurité derrière ses frontières de 1967». Cette formulation paraît à peu près identique à la perspective de Peace Now.

Ce n'est pas une perspective partagée par notre mouvement. Nous ne croyons pas qu'un nouvel accord de paix qui découpe un autre État résoudra les problèmes fondamentaux qui ont poussé cette vague de répression et de violence qui engloutit les Palestiniens et les Israéliens. Pour les travailleurs des deux côtés de la «ligne verte», un avenir en sécurité et une société basée sur des principes égalitaires et démocratiques ne sont possibles que par la lutte pour les États-Unis socialistes du Moyen-Orient.

Bien à vous,

David North et Bill Vann

 


 

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