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Des ouvriers français discutent des élections législatives

Par des reporters du WSWS
8 juin 2002

Trois jours avant les élections pour l'Assemblée nationale, le World Socialist Web Site a rencontré des travailleurs aux portes de l'usine Alstom à La Courneuve, une banlieue du nord-est de Paris.

Alstom est un géant industriel français, qui fut créé par un partenariat à parts égales de la société française Alcatel et de la société britannique British General Electric Company. Elle est active dans les domaines de l'énergie (conception, distribution et conversion) et du transport (chemin de fer, métro et construction navale). Cette société a un chiffre d'affaires qui dépasse les 22 milliards d'euros (20,9 milliards US) et emploie plus de 120.000 personnes dans 70 pays.

L'usine de La Courneuve est établie depuis longtemps et a une longue histoire de militantisme, plus récemment contre les mises à pied et les discriminations. En l'an 2000, les travailleurs se sont opposés et ont fait une grève contre la menace de coupes d'emplois. L'usine est le siège d'une activité politique de gauche. C'est dans cette usine que travaillent des candidats locaux dans les prochaines élections législatives pour le Parti des travailleurs et pour Lutte ouvrière. La Ligue communiste révolutionnaire est aussi présente dans l'usine.

Nous avons parlé à un certain nombre d'ouvriers, de travailleurs de maintenance et de cols blancs ainsi qu'à des passants. Pour la plupart, ils pensaient voter pour la «gauche», le Parti socialiste surtout. Nous avons aussi pu discuter avec un partisan du Parti communiste et avec un jeune travailleur qui pensait voter pour la coalition de droite, l'UMP (Union pour une majorité présidentielle), pour «leur laisser une chance».

L'impression générale qu'ont laissée ces discussions est que les travailleurs français, comme les travailleurs de pratiquement partout à travers le monde à l'heure présente, réagissent de la façon la plus variée et souvent assez confusément à la situation économique et politique. Il y a beaucoup d'incertitude sur la façon d'aller de l'avant et un manque de confiance dans leur compréhension des événements.

La réponse des travailleurs aux grilles d'Alstom aux élections législatives était plutôt sourde au mieux, même si, puisque nous sommes en France, tout le monde ou presque avait son opinion.

Il ne semble pas que les travailleurs attendent beaucoup des élections ou des partis, qu'ils soient de la gauche officielle ou de la droite officielle, qui formeront le prochain gouvernement. Pourquoi en serait-il autrement, étant donné l'expérience des dernières années?

Il n'y a pas un parti ou un dirigeant qui suscite beaucoup d'enthousiasme ou d'intérêt. Les opinions sont plus tranchées lorsqu'il s'agit d'attaquer tel ou tel personnage ou politique : non au droitiste Jean-Marie Le Pen, non au président actuel, Jacques Chirac, non à la semaine de 35 heures du précédent premier ministre, Lionel Jospin du Parti socialiste, non aux partis de gauche qui ont participé à la coalition gouvernementale de 1997-2002. (Il faudrait ajouter que malgré les efforts de la soi-disant «extrême gauche», nous n'avons pas trouvé beaucoup d'excitation pour leurs programmes ou leurs activités).

S'il n'y a pas beaucoup d'illusions parmi les travailleurs dans les partis politiques actuels ou encore dans les syndicats, il y a au même moment très peu de compréhension du rôle politique indépendant de la classe ouvrière ou même l'idée que cela soit désirable. Des décennies de domination par les bureaucraties staliniennes et sociales-démocrates qui ont subordonné les travailleurs à l'«intérêt national» français, ont réclamé leur dû.

Un travailleur d'origine africaine s'est fermement opposé à l'idée que la classe ouvrière aurait dû entreprendre une campagne de boycott au second tour des élections présidentielles devant le choix de deux candidats réactionnaires, Chirac et Le Pen. «Nous devions voter pour Chirac» a-t-il dit, même s'il était politiquement opposé au dirigeant gaulliste. «Il faut voter!» Il ne lui est jamais venu à l'esprit de se demander: pourquoi les travailleurs n'ont-ils comme choix que des candidats hostiles à leurs intérêts dans une élection bourgeoise?

Ce déclin de la conscience de classe est lié au déclin des organisations et des partis traditionnels de la classe ouvrière dont les programmes réformistes et nationalistes sont inutiles ou pire, dans un contexte de domination d'une économie mondialement intégrée et dominée par les sociétés transnationales. Les staliniens français se désintègrent, même si leur présence et leur influence réactionnaires se font toujours sentir. Il est révélateur que plusieurs travailleurs aient catégoriquement nié que quiconque travaillant à l'usine ait voté pour Le Pen et son Front national, mais le membre du PC à qui nous avons parlé a été assez franc pour admettre qu'il connaissait des anciens électeurs ayant voté pour le PC qui donnaient maintenant leurs voix à l'extrême droite. Le nationalisme et même, parfois, la xénophobie des staliniens français a eu un effet très pernicieux en rendant des sections des travailleurs vulnérables à la démagogie populiste et chauvine de Le Pen.

Les groupes de la gauche petite-bourgeoise ont accueilli la crise du Parti communiste avec consternation ou encore la considèrent comme une opportunité facile de gagner des staliniens dégoûtés. En réalité, le PC français a été un des piliers du capitalisme français et européen pendant plusieurs dizaines d'années. La fin de sa domination, bien qu'elle soit accompagnée par une diminution de la compréhension au sein de la classe ouvrière, est un phénomène que nous accueillons et qui met la table pour une clarification politique plus profonde et pour la renaissance du courant socialiste et internationaliste de la classe ouvrière française.

Dans ce qui suit, nous publions les discussions que nous avons eues à La Courneuve.

Mamadou, originaire de Gambie

Je crois que les gens vont voter pour la gauche mais je ne suis pas sûr. La campagne ne se passe pas très bien, c'est mort.

À mon avis, le gouvernement Jospin a fait trop de cadeaux au patronat. Il a mal fait pour les 35 heures. Les patrons nous font venir travailler quand ils ont envie! Je suis contre ça. Certains ont ramassé beaucoup d'argent. Le gouvernement a donné beaucoup de subventions aux entreprises et en fin de compte elles n'ont embauché personne. Les retraités ne sont pas remplacés. Ils ont fait une bêtise. Quand on parle des 35 heures, c'est pour donner du travail aux autres. Je ne suis pas d'accord avec ce qui s'est passé.

Le parti communiste est fort ici, c'est la CGT. C'est le syndicat majoritaire. Les gens ne votent pas tous pour le PCF. Les gens sont dégoûtés. Le PC était au gouvernement et il n'a rien fait.

Les gens sont au travail partiel, ils ont dit qu'ils les paieraient, mais en fin de compte ils ne sont pas payés. En fait, les patrons se servent de cela comme excuse pour licencier. Moi je n'ai jamais vu un patron faire un cadeau à un salarié et le payer quand il reste à la maison.

Les gens ne votent pas pour Le Pen ici. Pas les gens qui travaillent ici. Si on vote Le Pen, c'est au niveau du quartier où il y a des problèmes. Le Pen ne va pas donner de travail. Lui même c'est un voleur, il se remplit les poches en récupérant l'héritage des gens.

Sur la campagne pro-Chirac au deuxième tour des présidentielles ? On a voté Chirac c'était pour sauver les meubles. Il faut voter. On ne peut pas boycotter l'élection. La CGT n'a pas appelé a voter pour Chirac, elle a dit: votez pour qui vous voulez. Chirac a eu 80% des votes parce que les gens ont peur de Le Pen. Mais ils ne vont pas voter pour Chirac cette fois.

André, employé au restaurant de l'entreprise

Jospin a fait des erreurs. Moi je crois en François Hollande (successeur de Jospin à la tête du PS). Il est mieux motivé. Je ne pense pas qu'il ferait la même chose que Jospin. Il est beaucoup plus ouvert.

Il y a pas mal de gens qui votent pour le PC ici, et le PS aussi. L' «extrême gauche»? Je ne connais pas.

En ce qui concerne les présidentielles, il valait mieux voter Chirac. C'était plus prudent que de voter Le Pen. En fait, c'est vrai il n'y avait pas de choix. Mais il fallait voter Chirac. Le vote dimanche sera important, et aussi ce qui va se passer après. Je pense que les gens iront voter.

Je pense que la «cohabitation» [entre Chirac et un gouvernement du PS] sera une bonne chose. En ce qui concerne la réduction du temps de travail, les choses se sont améliorées pour moi personnellement, parce que je travaille au restaurant.

Les gens d'ici ont peut-être voté Le Pen mais ils ne s'en vantent pas. Ici c'est la métallurgie.

Thierry, propriétaire d'une petite firme de consultants

Je dirige une petite entreprise, une firme de consultants de moins de 10 personnes. Je suis contre les 35 heures car elles ne situent pas dans une dynamique de travail. En général, c'est dur de trouver des gens qui veulent travailler. Ils sont intéressés à d'autres choses. La première chose qu'un employé veut savoir, c'est ses heures, combien de temps libre qu'il aura. Les petites entreprises ont trouvé difficile d'appliquer les 35 heures et s'en trouvent pénalisées. Jospin n'a pas vraiment aidé l'économie française.

Les gens disent entre autres que le problème du Front National avait été dû à des manipulations de la gauche. Cela a commencé sous [l'ancien président socialiste] Mitterrand, qui s'en est servi contre la droite. Le FN est devenu plus gros qu'ils ne l'avaient souhaité et est devenu un problème dont on ne peut plus se débarrasser.

Un travailleur né au Maroc

Je pense que les gens ont trop de libertés en France. Les jeunes font ce qu'ils veulent et créent un tas de problèmes dans les cités. C'est comme un arbre, il faut le faire pousser droit dès le plus jeune âge.

Il y a un certain intérêt pour les élections, certaines discussions. Je ne suis pas tant intéressé moi-même. En ce qui concerne Le Pen, il est comme les autres politiciens, il cherche avant tout son propre intérêt. Ici il y a trois ou quatre partis dans l'usine. Je suis en France depuis 32 ans seulement. Est-ce longtemps? Je n'ai pas ma carte d'électeur et je ne peux pas voter dimanche.

Roger Mansuy, membre du Parti communiste et secrétaire administratif du comité d'entreprise

Les gens pensent que les 35 heures ont été un désastre. Ça a été négatif. Cela n'a pas été négocié, l'entreprise n'est pas d'accord avec ça. Cela a simplement été appliqué. Il faut tenir compte de ce qui de passe dans l'entreprise.

Le Parti Communiste était au gouvernement, oui. Des ministres communistes au gouvernement, cela ne me dérangeait pas. Ils ont essayé de faire pression sur les socialistes, mais les socialistes n'ont pas tenu leurs promesses. Les gens ont fait payer cela aux communistes.

Le Parti communiste a perdu des voix parce qu'il n'a pas réussi à se mettre en valeur et n'a pas réussi à mettre en avant les valeurs du Parti communiste. Il s'est complètement englobé dans la coalition de gauche. Pour les gens maintenant, gauche, droite, c'est la même chose. Maintenant il y a des communistes qui reviennent au parti à cause du fait que nous avons eu moins de 5 % aux élections, ce qui est moins que nous ne méritions. Ils ne veulent pas voir le parti disparaître.

Les gens qui votaient communistes ont voté Le Pen. Je ne veux pas y croire, mais c'est ce qui s'est passé.

L' «extrême gauche» [Lutte ouvrière, Ligue communiste révolutionnaire] est dans la CFDT et FO [des confédérations syndicales]. En général, ils sont pas pour la direction, je ne dirais pas ça, mais ils sont toujours prêts a tout signer. Arlette Laguiller [dirigeante de Lutte ouvrière] dit: «Regardez la gauche, c'est tous des traîtres, des menteurs, votez pour moi, mais moi je ne ferai rien parce que je ne peux rien faire.»

La majorité ici est CGT [la confédération syndicale dirigée par les staliniens]. Un problème que nous avons en France, contrairement à l'Allemagne ou les États-Unis, c'est que les gens qui travaillent à l'usine ne sont automatiquement membres du syndicat. Ils ont le choix d'entrer ou non dans le syndicat. Très souvent les gens qui ne se battent pas profitent des choses que nous avons acquises en nous battant. Ils sont les premiers à aller regarder les affiches pour voir ce qu'ils ont gagné.

En ce qui concerne l'Union soviétique, je ne peux rien vous dire puisque je n'y ai jamais mis les pieds.

Ici il y a un peu plus de 500 personnes qui travaillent. Il y en avait plus de 3000 dans les années 1960.

Patrick, col blanc

Le gouvernement Jospin a fait trop de compromis. Je ne sais pas comment les élections législatives vont se terminer, il semble bien que c'est la droite qui va avoir une majorité.

De nature, je suis anarchiste, mais pas du genre à lancer des bombes. Moi je suis pour que les gens s'autogérent mais il faudra peut-être attendre plusieurs générations avant que cela ne se produise.

En ce qui concerne Bush et la politique de guerre menée par les États-Unis, je pense qu'au mieux le gouvernement américain a laissé faire les terroristes le 11 septembre, au pire il les a aidés. Cela paraît invraisemblable que ces avions aient pu viser les tours jumelles avec tant de précision. Il est fort probable qu'une des raisons pour lancer cette guerre est le fait qu'il faille vendre du matériel militaire. C'est en partie ce qui s'est passé avec l'Irak.

Pierre, ingénieur

Pour ce qui est du Font National je pense que c'est vrai qu'il y a de l'insécurité [crainte de la criminalité], mais de faire porter cela aux immigrés, cela ne va rien faire avancer.

Je ne comprends pas pourquoi il y a des régions où il n'y a pas de problèmes de chômage ou d'insécurité comme dans certaines parties des Alpes où les gens ont voté Le Pen.

Je vais voter pour l'UMP. Je me dis, tout aussi bien leur donner une chance pour cinq ans. Je ne crois pas dans la «cohabitation». Mais je trouvais qu'en gros Jospin avait fait de bonnes choses aussi. Ce n'est pas tellement clair pour moi.

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