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La diplomatie française face à la campagne de Bush contre l'Irak

Par Alexandre Lefebvre
24 octobre 2002

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Confrontés par un gouvernement américain qui insiste sur une guerre rangée contre l'Irak, les dirigeants français tentent désespérément de contenir l'offensive américaine par des négociations au Conseil de sécurité à l'ONU, où la France jouit d'un veto. Ils insistent pour une démarche de l'ONU en deux temps : d'abord une résolution pour faire rentrer les inspecteurs onusiens en Irak, ensuite une résolution contre l'Irak si ces derniers jugent que l'Irak ne coopère pas avec eux.

Les porte-parole de la diplomatie française ne veulent pas faire de commentaires aux médias sur leurs intentions, citant le besoin de faire réussir les négociations actuelles à l'ONU. Ils insistent que les discussions avec leurs homologues américains sont «constructives».

Les quelques aperçus des négociations franco-américaines dans la presse donnent une toute autre idée de ces discussions. Le Monde, décrivant une conversation téléphonique entre le président français Jacques Chirac et George Bush, parlait d'un «dialogue de sourds» dans lequel les deux présidents se sont arc-boutés sur leurs positions, terminant leur conversation en décidant de laisser à leurs ministres des Affaires étrangères le soin de réconcilier leurs positions.

Le 3 octobre, Chirac a rencontré le chancelier allemand Gerhard Schröder, qui s'est fait réélire de justesse grâce à son opposition publique à toute intervention militaire en Irak. Washington a dénoncé Schröder et Bush refuse toujours de le féliciter pour sa victoire électorale.

Les deux ont tenu à préciser que leurs positions sur l'Irak étaient «semblables». Chirac a souligné que «sans aller jusqu'aux même conclusions dans les détails notre approche et notre analyse sont tout à fait semblables. L'Allemagne a clairement défini sa position pour ce qui concerne l'éventualité d'un engagement militaire - que je peux naturellement parfaitement comprendre.»

La presse a émis l'hypothèse que la France pourrait tenter d'effectuer un rapprochement entre l'Allemagne et les États-Unis, en affichant une position intermédiaire. Les commentaires des hommes politiques français, cependant, indiquent que des considérations stratégiques plus fondamentales sont aussi en jeu.

Le 8 octobre, Jean-Pierre Chevènement, ancien socialiste et chef du Pôle républicain, a indiqué que «les vrais objectifs de la politique américaine, c'est de se saisir la deuxième pompe à pétrole du Moyen-Orient». Il a ajouté que le plus grand problème selon lui n'était «pas tant l'Irak que l'unilatéralisme américain» qui veut «au fond, établir un nouvel ordre mondial».

Le chef du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, Jean-Marc Ayrault, a publiquement demandé au gouvernement d'apposer son veto à la résolution américaine devant le Conseil de sécurité.

Le ministre des Affaires étrangères, Dominique de Villepin, a répliqué qu'une telle décision priverait la France de «l'influence, de la capacité de peser sur le jeu international». Il laissait entendre ainsi que si le gouvernement français prenait ouvertement le parti de s'opposer aux positions américaines, il risquerait à la fois de subir le même ostracisme diplomatique dont Washington a frappé Berlin et de convaincre l'administration Bush d'abandonner décisivement l'ONU en la désignant une institution «dépassée», comme Bush a déjà menacé de faire.

Le discours de Villepin le 9 octobre au Sénat démontre que toutes les différentes sections de l'élite politique française sont préoccupées par les implications géopolitiques de l'offensive guerrière américaine. Villepin a identifié trois «responsabilités» de la France : l'éradication des «armes de destruction massive» irakiennes, le besoin de préserver la stabilité du Moyen-Orient et en Europe, et l'obligation de soutenir le «rôle primordial de l'ONU».

Villepin a identifié l'importance du Moyen-Orient dans des termes impérialistes : c'est selon lui une «zone stratégique essentielle» pour ses ressources de pétrole et sa situation géographique, carrefour des «grandes voies de communication».

Il a également observé que la «cohésion interne» des États européens serait menacée par «une gestion illégitime et mal acceptée par nos opinions» de la crise. Il n'a pas cité les résultats des sondages, qui démontreraient trop clairement le gouffre entre la position du gouvernement français qui tente d'amadouer Washington et l'opinion populaire. Selon un sondage Ifop, 65 pour cent des Français s'opposeraient à une guerre, même avec l'accord de l'ONU, et 70 pour cent trouvent que les États-Unis ont une position «trop dominatrice» dans la lutte contre le terrorisme. Une interrogation sur le soutien politique pour une attaque unilatérale lancée par Washington trouverait sans doute une opposition même plus écrasante.

Villepin pensait sans doute aussi à la possibilité d'une radicalisation de l'opinion publique dans les banlieues pauvres, où l'on trouve souvent une forte concentration d'immigrés arabes et que vise particulièrement la politique sécuritaire répressive du gouvernement Raffarin.

L'opposition à la politique guerrière de Washington qu'impliquaient ces commentaires devenait tout à fait explicite dans la section du discours sur l'ONU. Juste quelques jours après l'annonce par Washington d'une nouvelle orientation en politique extérieure basée sur les guerres «de prévention», Villepin annonçait que : «[La France] récuse toute action unilatérale et préventive, persuadée qu'un nouvel ordre international doit reposer sur le dialogue et la coopération. Si le monde, aujourd'hui, a besoin d'une Amérique forte, il a besoin aussi d'une Europe forte».

L'attitude de confrontation n'est pas limitée à Villepin. Le Figaro, un journal de droite proche du gouvernement, a publié le 10 octobre un article décrivant les tentatives de «brider la liberté d'action américaine en Irak» et de contrecarrer le «clan de va-t-en-guerre de l'administration de George W. Bush». Il a identifié les enjeux comme étant : «le sort de la population irakienne» abandonnée à un dictateur qui possède des «armes de destruction massive», «l'équilibre d'une région», le «contrôle des principales réserves mondiales d'or noir», et «l'ordre du monde».

Selon le Figaro, la France serait en passe de rallier la Russie et la Chine, les deux autres membres du Conseil de sécurité qui sont opposés aux politiques de guerre des États-Unis et de la Grande-Bretagne, à sa position sur les résolutions de l'ONU. À la fin de l'article, cependant, le journaliste admettait que la question de la guerre serait décidée, non pas par l'ONU, mais par le fiat de la Maison Blanche. Celle-ci est à présent armée d'une résolution du Congrès qui lui permet de déclarer la guerre à l'Irak quand bon lui semble, et consiste d'un groupe de conseillers qui défendent la guerre de prévention et demandent depuis longtemps d'entreprendre la guerre contre l'Irak.

La ligne politique française se base sur l'ombre d'un espoir que la Maison Blanche reculera devant l'opposition de l'ONU ­ un espoir que les dirigeants eux-mêmes ont de plus en plus de mal à prendre au sérieux. Entre-temps, les dirigeants européens qui opposent une guerre américaine en Irak, l'Allemagne et la France en tête, reçoivent encore une leçon sur leur faiblesse militaire vis-à-vis les États-Unis.

Le souhait de Villepin qu'il y ait une «Europe forte» prend la forme matérielle de l'augmentation de 11 pour cent du budget militaire français et l'insistance française aux négociations budgétaires européennes que l'on accepte des déficits pour augmenter les dépenses militaires. L'aboutissement logique de cette orientation est une confrontation militaire entre les grandes puissances capitalistes.

L'impérialisme français, qui a pleinement participé aux bombardements de l'Irak en 1991 et aux sanctions imposées à ce pays, ne peut mener une lutte politique sérieuse contre cette guerre. Pour cacher le caractère prédateur de la politique extérieure française, sous le socialiste Mitterrand en 1991 et aujourd'hui sous son successeur de la droite, Chirac, ils doivent répéter les mensonges de l'administration Bush selon lesquels l'Irak menacerait la communauté internationale.

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